Si l'on s'en tient au droit privé, la livraison constitutionnelle du deuxième semestre de l'année 2018 n'est pas loin de justifier la perfide assertion de Michel Houellebecq selon laquelle « il n'y a certainement aucun secteur de l'activité humaine qui dégage un ennui aussi total que le droit »(1). Ainsi le Conseil constitutionnel a-t-il dû, par exemple, consacrer une bonne page de sa décision n° 2018-771 DC, relative à la loi pour l'équilibre des relations commerciales dans le secteur agricole et alimentaire et une alimentation saine, durable et accessible à tous -- rien que ça ! --, à une question qui nous taraudait tous ou qui, du moins, devait empêcher nos sénateurs requérants de trouver le sommeil : celle de savoir si la prochaine interdiction des ustensiles jetables en matière plastique portait une atteinte disproportionnée à la liberté d'entreprendre protégée par l'article 4 de la Déclaration des droits de l'homme et du consommateur (pardon : du citoyen !) de 1789(2)... Contre tout respect des règles traditionnelles de la chronique jurisprudentielle, on laissera au lecteur le soin de deviner la réponse que les huit sages ont apportée à cette épineuse question.

Mieux vaut en effet souligner, pour qui en douterait, que le droit est loin d'être toujours aussi vain, ce que prouvent de manière remarquable deux autres décisions récentes, aux frontières du droit répressif et du droit civil. Ces deux décisions, que l'on se contentera de signaler, laissant aux pénalistes le soin de les exposer en détail, concernent la garde à vue des majeurs protégés ( décision n° 2018-730 QPC du 14 septembre 2018, M. Mehdi K. ) et celle des mineurs ( décision n° 2018-744 QPC du 16 novembre 2018, Mme Murielle B. ). Elles conduisent à deux censures fondées notamment sur le respect des droits de la défense. Dans la première décision (n° 730 QPC(3)), le Conseil constitutionnel a jugé qu'« en ne prévoyant pas, lorsque les éléments recueillis au cours de la garde à vue d'une personne font apparaître qu'elle fait l'objet d'une mesure de protection juridique, que l'officier de police judiciaire ou l'autorité judiciaire sous le contrôle de laquelle se déroule la garde à vue soit, en principe, tenu d'avertir son curateur ou son tuteur afin de lui permettre d'être assistée dans l'exercice de ses droits, les dispositions contestées méconnaissent les droits de la défense » (§ 9). Pour parvenir à cette conclusion heureuse du point de vue du droit civil, le Conseil a estimé, en particulier, que le seul fait que l'intéressé puisse, comme n'importe quelle autre personne gardée à vue, faire prévenir certains membres de son entourage (y compris son tuteur ou son curateur) et communiquer avec eux était insuffisant, car, « dans le cas où il n'a pas demandé à ce que son curateur ou son tuteur soit prévenu, le majeur protégé peut être dans l'incapacité d'exercer ses droits, faute de discernement suffisant ou de possibilité d'exprimer sa volonté en raison de l'altération de ses facultés mentales ou corporelles. Il est alors susceptible d'opérer des choix contraires à ses intérêts, au regard notamment de l'exercice de son droit de s'entretenir avec un avocat et d'être assisté par lui au cours de ses auditions et confrontations »(4) (§ 8). Voulant éviter que cette déclaration d'inconstitutionnalité de l'article 706-113, al. 1 er, du code de procédure pénale ne conduise à détruire les garanties d'ores et déjà prévues par la loi(5) -- de manière insuffisante -- en faveur des majeurs protégés gardés à vue, le Conseil a décidé de reporter les effets de sa décision au 1er octobre 2019 (§ 12). Avant cette date, il appartiendra donc au législateur de remodeler la matière, en s'attachant à trouver un juste équilibre entre l'autonomie du majeur protégé et la nécessité de sa protection(6).

Dans la seconde affaire (n° 744 QPC), jugée deux mois plus tard, le Conseil constitutionnel a pareillement censuré certaines dispositions des articles 8 et 9 de l'ordonnance du 2 février 1945 relative à l'enfance délinquante dans leur rédaction en vigueur en 1984, c'est-à-dire à l'époque où se sont déroulés les faits de la célébrissime affaire en cause (que l'anonymisation très défectueuse de sa décision Murielle B. dissimule fort mal...). Cette nouvelle censure concerne précisément les mineurs gardés à vue entre 1974 et 1993, longue période pendant laquelle l'ordonnance de 1945 se contentait de régler la question en renvoyant aux dispositions du code de procédure pénale applicables aux majeurs(7). Rappelant le défaut de garantie des droits de la défense déjà stigmatisé dans sa décision fondatrice du 30 juillet 2010(8), et constatant qu'à cette époque « aucune disposition législative ne prévoyait un âge en dessous duquel un mineur ne peut être placé en garde à vue » (§ 15), les sages en déduisent que « les dispositions contestées permettaient que tout mineur soit placé en garde à vue pour une durée de vingt-quatre heures renouvelable avec comme seul droit celui d'obtenir un examen médical en cas de prolongation de la mesure. Dès lors, d'une part, le législateur, qui n'a pas assuré une conciliation équilibrée entre la recherche des auteurs d'infractions et l'exercice des libertés constitutionnellement garanties, a alors méconnu les articles 9 et 16 de la Déclaration de 1789. D'autre part, il a alors contrevenu au principe fondamental reconnu par les lois de la République en matière de justice des mineurs(9) » (§ 16). Le commentaire du service juridique du Conseil précise que cette censure particulièrement ferme s'imposait avec la force de l'« évidence » et il s'attache à justifier son absence de report dans le temps, alors même que les dispositions déclarées inconstitutionnelles étaient abrogées depuis vingt-cinq ans(10). À ce titre, la décision n° 744 QPC rappelle un principe important du contentieux constitutionnel transitoire qui fait l'une des forces de la QPC : « En principe, la déclaration d'inconstitutionnalité doit bénéficier à l'auteur de la question prioritaire de constitutionnalité et la disposition déclarée contraire à la Constitution ne peut être appliquée dans les instances en cours à la date de la publication de la décision du Conseil constitutionnel » (§ 18). À la date où cette chronique est rédigée, la Cour de cassation vient de tirer les conséquences de cette QPC, en annulant la garde à vue de la requérante, qui s'était déroulée le 2 novembre 1984, alors qu'elle était âgée de quinze ans(11). Il semblerait qu'une seule autre procédure soit susceptible de tomber sous le coup de la censure prononcée par le Conseil(12), ce qui donne à sa décision un goût assez rare, sinon inédit, de « QPC d'espèce » -- dans une espèce, qui plus est, hors du commun. Quoi qu'il en soit, les civilistes ne peuvent que se réjouir de ces deux censures automnales qui tirent les conséquences procédurales d'un besoin de protection naturel des mineurs et des majeurs dont les facultés sont diminuées, protection que notre droit pénal a mis, et met encore, bien du temps à instaurer. À croire que le Conseil constitutionnel se sent pousser des ailes depuis l'éblouissante consécration qu'on lui doit du « principe de fraternité »(13), potentiellement si large qu'on pourrait sans doute lui rattacher l'idée d'une protection spécifique des personnes frappées d'une incapacité civile.

La suite de cette chronique nous contraint malheureusement à redescendre sur terre, où l'on ne sera pas à l'abri d'une confrontation à l'ennui houellebecquien. Les spécialistes du droit de la concurrence, et plus généralement du droit des contrats, devraient cependant être tenus en éveil par la décision n° 2018-749 QPC du 30 novembre 2018, Société Interdis et autres(14), relative aux sanctions des déséquilibres significatifs dans certaines relations contractuelles commerciales fulminées par le fameux article L. 442-6, I, 2 °, du code de commerce. Selon ce texte, largement remanié par la loi de modernisation de l'économie (dite « LME ») du 4 août 2008, « engage la responsabilité de son auteur et l'oblige à réparer le préjudice causé le fait, par tout producteur, commerçant, industriel ou personne immatriculée au répertoire des métiers : (...) De soumettre ou de tenter de soumettre un partenaire commercial à des obligations créant un déséquilibre significatif dans les droits et obligations des parties ». Outre l'engagement de la responsabilité de l'intéressé, le paragraphe III du même article prévoit la possibilité de le condamner à une amende civile prononcée par le juge à la demande de l'administration ou du ministère public. Or, dans sa décision n° 2010-85 QPC du 13 janvier 2011(15), le Conseil avait déjà déclaré ces dispositions conformes à la Constitution. Mais suivant le raisonnement tenu par la Cour de cassation dans son arrêt de renvoi(16), le Conseil estime aujourd'hui qu'un changement de circonstances résulte de la jurisprudence de la chambre commerciale de la Haute juridiction judiciaire(17) qui, dans un arrêt du 25 janvier 2017 (« affaire Le Galec »)(18) visé dans cette nouvelle décision, n'a pas exclu que « le déséquilibre significatif puisse résulter d'une inadéquation du prix au bien vendu », de sorte qu'en vertu de cette interprétation jurisprudentielle inconnue en 2011, le code de commerce autorise « un contrôle judiciaire du prix, dès lors que celui-ci ne résulte pas d'une libre négociation et caractérise un déséquilibre significatif dans les droits et obligations des parties » (§ 6 de la décision n° 749 QPC, citant la décision de la Cour de cassation du 25 janvier 2017). La question de savoir si l'article L. 442-6, I, 2 °, du code de commerce pouvait autoriser un contrôle du prix stipulé dans le contrat était auparavant très débattue par la doctrine privatiste. Le code de la consommation, dont la « loi LME » s'est manifestement inspirée pour sanctionner les déséquilibres contractuels significatifs en droit commercial, exclut de son côté, de manière expresse, que « l'appréciation du caractère abusif des clauses [puisse porter] sur la définition de l'objet principal du contrat [ou] sur l'adéquation du prix ou de la rémunération au bien vendu ou au service offert » (art. L. 212-1, al. 3, C. consom.(19)). L'ordonnance du 10 février 2016 qui sanctionne, au titre du droit commun des contrats, les déséquilibres significatifs au sein des clauses non négociables des contrats d'adhésion, va dans le même sens (art. 1171, al. 2, C. civ., réd. L. 20 avril 2018) : en droit de la consommation comme en droit commun, le contrôle des clauses abusives ne saurait conduire à une remise en cause générale de la règle fondamentale selon laquelle la lésion n'est pas sanctionnée, en principe, par le droit français des contrats (art. 1168 C. civ.). En dehors de quelques exceptions très étroites et bien connues, l'équilibre économique du contrat est donc l'affaire des parties ; elle n'est pas celle du juge. Le droit commercial devait-il raisonner a contrario ou par analogie ? Sans le vouloir, le Conseil constitutionnel avait lui-même apporté de l'eau au moulin de l'analogie en estimant, dans sa décision du 13 janvier 2011, que l'article L. 442-6 devait être interprété à l'aune des dispositions du droit de la consommation (cons. 4). Quitte à faire sourire les spécialistes du droit de la consommation, souvent empêtrés dans les méandres du « déséquilibre significatif », les sages avaient en effet estimé que cette notion, également employée par le code de commerce, était suffisamment claire et précise en raison de la jurisprudence qui en a affiné les contours pour l'application de l'ancien article L. 132-1 du code de la consommation (devenu art. L. 212-1 du même code), de sorte que le grief tiré d'une atteinte au principe de légalité des délits et des peines avait été écarté. Il était dès lors fort tentant, pour les nouveaux requérants, de saisir cette balle au bond pour contester l'interprétation donnée par la chambre commerciale(20), interprétation qui s'éloigne précisément de celle du droit de la consommation -- preuve rétrospective que l'analogie constitutionnelle entre le droit commercial et le droit de la consommation avait du plomb dans l'aile(21)... Malgré cela, le Conseil, visiblement imperturbable, décide aujourd'hui de ne pas se départir de sa solution de 2011. Confirmant que l'amende civile prévue par l'article L. 442-6 du code de commerce constitue bien une sanction ayant la nature d'une punition au sens de la Déclaration de 1789 (§ 8), il choisit même de motiver son rejet du grief par un simple et très frustrant renvoi à sa décision n° 85 QPC(22) : « Pour les mêmes motifs que ceux énoncés au considérant 4 de la décision du Conseil constitutionnel du 13 janvier 2011, les dispositions contestées ne méconnaissent pas le principe de légalité des délits. Le grief tiré de la méconnaissance de l'article 8 de la Déclaration de 1789 doit donc être écarté » (§ 9). Pour le Conseil, la décision rendue par la chambre commerciale le 25 janvier 2017 ne change donc rien à l'affaire -- là où l'on aurait pu estimer, au contraire, qu'elle soulignait, en les tranchant, les difficultés d'interprétation du texte(23)...

Par rapport à la décision de 2011, deux nouveaux griefs étaient en outre soulevés par les requérants qui dénonçaient une atteinte à la liberté d'entreprendre et à la liberté contractuelle. Sur ce point, le Conseil ne voit cependant aucun reproche à adresser au contrôle des prix dans le champ du droit de la concurrence (qui paraît être celui de l'article L. 442-6 du code de commerce). Implicitement, le Conseil admet certes que la liberté de fixer le prix participe de la liberté contractuelle -- ce dont il aurait été difficile de douter ! Mais de manière lapidaire, il estime aussi qu'« en adoptant les dispositions contestées, le législateur a entendu rétablir un équilibre des rapports entre partenaires commerciaux. Il a ainsi poursuivi un objectif d'intérêt général »(24) (§ 11). Se contentant de décrire les dispositions contestées, qui « permettent au juge de se fonder sur le prix pour caractériser l'existence d'un déséquilibre significatif dans les obligations des partenaires commerciaux » (§ 12), le Conseil conclut : « Dès lors, le législateur a opéré une conciliation entre, d'une part, la liberté d'entreprendre et la liberté contractuelle et, d'autre part, l'intérêt général tiré de la nécessité de maintenir un équilibre dans les relations commerciales. L'atteinte portée à ces deux libertés par les dispositions contestées n'est donc pas disproportionnée au regard de l'objectif poursuivi. Il s'ensuit que les griefs tirés de leur méconnaissance doivent être écartés » (§ 13). Quelles sont pourtant les garanties -- censées être prévues par la loi... -- qui permettent d'encadrer le pouvoir que la Cour de cassation a décidé d'octroyer aux juges(25) ? À moins qu'il ne faille voir dans cette motivation embryonnaire un simple désintérêt du juge constitutionnel pour ce genre de question, on doit déduire de sa position que la porte est grande ouverte pour un éventuel contrôle judiciaire des prix, ce qui pourrait émouvoir bien des spécialistes du droit de la concurrence -- et bien des civilistes, si la même motivation paresseuse et la même solution devaient être plus généralement retenues, puisque la sanction de la lésion n'aurait jamais rien d'inconstitutionnel... Ce sentiment est en outre renforcé par le maladroit commentaire du service juridique du Conseil qui, cherchant à nuancer la portée de la décision, en souligne en réalité les dangers en estimant que « l'arrêt de la Cour de cassation du 25 janvier 2017 n'a nullement pour effet de conférer au juge le pouvoir de fixer lui-même, en toute hypothèse, le « juste prix » des biens ou prestations en cause [ce qui serait inconstitutionnel ?] . Il lui appartient seulement de s'assurer de l'absence d'abus caractérisé de l'un des opérateurs, qui aurait profité de sa position pour imposer « son prix » sans réelle négociation ou contrepartie [ce qui serait toujours conforme à la Constitution ?] » (p. 13) : oui à la révision du prix, en somme, mais non à la fixation judiciaire(26)... Il faut ajouter qu'une dernière flèche, tirée du droit au maintien des conventions légalement conclues (art. 16 DDHC), pourrait encore être décochée, sans doute, contre ce genre d'ingérence législative dans les affaires privées. Mais elle aurait probablement bien peu de chances d'atteindre sa cible. Qui sait si le Conseil constitutionnel, dans un élan de solidarisme dont on ne l'aurait pas imaginé coupable, ne pourrait pas même décider, dans un futur flou, d'imposer au (méchant) fournisseur de faire passer les intérêts du (gentil) distributeur avant les siens (ou vice-versa), au nom du principe de fraternité, déduit de la devise de la Nation et appliqué au droit commercial ! Vive les droits fondamentaux des consommateurs et des producteurs ! À bas les aristocrates de la grande distribution ! Après tout, nous sommes en France, le pays des « gilets jaunes », en attendant le « référendum d'initiative citoyenne »... Ha ! ça ira, ça ira !...

Après être ainsi redescendu sur terre, l'auteur de cette chronique propose au lecteur de creuser le sol à mains nues, tant il faut faire preuve de courage pour affronter la complexe et fastidieuse décision n° 2018-728 QPC du 13 juillet 2018, Association hospitalière Nord Artois clinique . L'affaire n'est cependant pas sans intérêt, qui concerne encore une fois le droit des contrats, pris ici sous l'angle de la garantie des droits et du droit au maintien des conventions légalement conclues. La question que le Conseil devait trancher trouve sa source dans la réforme des retraites opérée par la loi du 9 novembre 2010 qui a créé une indemnité de résiliation ou de non-renouvellement à la charge des employeurs souscripteurs de contrats de prévoyance pour compenser le surcoût (augmentation des provisions techniques) que le report de deux ans de l'âge légal de départ à la retraite a fait peser sur les organismes assureurs. La loi n° 89-1009 du 31 décembre 1989 impose en effet à ces organismes de maintenir la couverture des salariés en cas de résiliation ou de non-renouvellement d'un contrat de prévoyance complémentaire collective, notamment en ce qui concerne les prestations acquises ou nées pendant la période d'application du contrat (art. 7(27)). Or, le report de l'âge de la retraite a eu pour effet, comme le relève le Conseil, de prolonger « la durée du service des prestations dues par les organismes assureurs (...) et, partant, [d'accroître] leurs obligations de provisionnement correspondantes » (§ 5). Pour compenser cette charge financière (de 4 milliards d'euros, paraît-il(28)...), la réforme de 2010 a modifié la loi du 31 décembre 1989 en instituant un dispositif transitoire qui, selon l'interprétation que font les sages des travaux préparatoires de la loi, a couru -- de manière partiellement rétroactive -- à compter du 1er janvier 2010, en vue de permettre aux assureurs d'étaler leurs provisionnements. Selon les dispositions contestées dans la présente QPC, telles que résumées par le Conseil, « en cas de résiliation ou de non-renouvellement du contrat pendant la période transitoire, le souscripteur est tenu de verser à l'organisme assureur une indemnité correspondant à la différence entre, d'une part, le montant des provisions permettant de couvrir intégralement les engagements de ce dernier et, d'autre part, le montant des provisions effectivement constituées à la date de cessation du contrat » (§ 7). L'employeur requérant, souscripteur d'un contrat de prévoyance complémentaire auprès de l'entreprise Humanis, contrat résilié par ses soins le 22 septembre 2010 (soit un mois et demi avant l'adoption de loi du 9 novembre 2010 portant réforme des retraites), contestait l'instauration de cette indemnité de résiliation sur le fondement de la garantie des droits et du droit au maintien des conventions légalement conclues. L'employeur se trouvait en effet confronté « à l'obligation de (...) verser une indemnité non prévue par le contrat qu'il n'était pas en mesure d'anticiper » (§ 2). Selon une logique qu'il a déjà eu l'occasion de suivre dans certains de ses précédents (en particulier dans sa décision n° 2016-736 DC du 4 août 2016(29)), le Conseil a entendu, au moins dans un premier temps, distinguer selon que les contrats concernés étaient en cours à la date d'entrée en vigueur des dispositions contestées par le requérant ou avaient d'ores et déjà pris fin : « L'indemnité due en cas de résiliation ou de non-renouvellement prévue par les dispositions contestées s'applique aux contrats en cours d'exécution à la date de leur entrée en vigueur, ainsi qu'aux contrats ayant pris fin entre le 1er janvier 2010 et cette date, tout en continuant à produire des effets après leur résiliation ou leur non-renouvellement » (§ 11). Bien que cela ne soit pas très net à la lecture de la décision, le Conseil examine l'application des dispositions contestées au regard du droit au maintien des conventions légalement conclues (art. 4 et 16 de la DDHC) en ce qui concerne les contrats en cours(30), tandis qu'il contrôle à l'aune de la garantie des droits (art. 16 DDHC) leur application auxcontrats ayant pris fin(31). Mais dans l'un et l'autre cas, et par une motivation unique, les sages estiment que « les dispositions contestées visent (...) à garantir l'effectivité et la pérennité de la couverture des salariés, tout en évitant une hausse brutale des cotisations versées par les autres souscripteurs. Le législateur a ainsi poursuivi un motif d'intérêt général » (§ 12) ; « dès lors, compte tenu de ce motif d'intérêt général, en prévoyant le versement d'une indemnité dont le montant est limité à celui des provisions restant à constituer par l'organisme assureur, le législateur n'a méconnu ni la garantie des droits ni le droit au maintien des conventions légalement conclues » (§ 13). Il résultait certes de cette affaire une véritable difficulté de droit transitoire, dans la mesure où la résiliation était intervenue, en l'espèce, près de deux mois avant l'adoption de la loi imposant le versement de l'indemnité. Sa rétroactivité n'en paraît pas moins justifiée car, comme le souligne encore le Conseil, tous les contrats de prévoyance en cause, qu'ils soient en cours ou qu'ils aient pris fin, « continu[ent] à produire des effets après leur résiliation ou leur non-renouvellement », puisque la couverture des salariés est maintenue pour la période d'application du contrat (maintien des droits). Le réalisme économique l'emporte ainsi sur l'application mécanique des règles d'application de la loi dans le temps, au nom de l'intérêt général. Reste la mauvaise surprise rétrospective que la réforme des retraites aura constitué, sur ce point, pour certains employeurs...

Comme souvent, le droit social est au cœur de plusieurs autres décisions rendues par le Conseil constitutionnel au cours du second semestre 2018. Trois décisions doivent ainsi être signalées. La première, rendue en matière de contrôle a priori, concerne la loi du 5 septembre 2018pour la liberté de choisir son avenir professionnel ( décision n° 2018-769 DC du 4 septembre 2018). Le Conseil y valide notamment les réformes du compte personnel de formation (§ 7 et s.), du régime juridique du contrat d'apprentissage (§ 26 et s.) et du financement de l'assurance chômage (§ 37 et s.). Il rejette également les griefs dirigés contre la probable remise en cause de la convention d'assurance chômage signée par les partenaires sociaux le 14 avril 2017 qui a (ou devrait bientôt avoir eu...) vocation à s'appliquer jusqu'au 30 septembre 2020. Sur ce point, les principes constitutionnels applicables en matière contractuelle étaient une nouvelle fois mis à l'honneur, puisque les Parlementaires requérants dénonçaient une violation de la liberté contractuelle et du droit au maintien des conventions légalement conclues (§ 44). Ce dernier argument a jadis pu prospérer en matière de conventions collectives de travail(32), la présente décision reprenant la formule de 2008 selon laquelle « le législateur ne saurait porter aux contrats légalement conclus une atteinte qui ne soit justifiée par un motif d'intérêt général suffisant sans méconnaître les exigences résultant des articles 4 et 16 de la Déclaration de 1789, ainsi que, s'agissant de la participation des travailleurs à la détermination collective de leurs conditions de travail, du huitième alinéa du Préambule de la Constitution de 1946 » (§ 50)(33). Mais ce principe de force obligatoire du contrat, assaisonné par les sages à la sauce travailliste, ne fait plus mouche dix ans plus tard. Le Conseil avance trois arguments pour rejeter le grief. Le premier tient à la spécificité des accords relatifs à l'assurance chômage dont « la validité et l'opposabilité [des] mesures d'application sont subordonnées à l'agrément des accords par l'État » (§ 51). Le second argument tient aux divers objectifs d'intérêt général (formulés en termes particulièrement généraux) poursuivis par le législateur qui, « en adoptant les dispositions contestées, (...) a entendu, sans attendre le terme de l'actuelle convention d'assurance chômage, fixé au 30 septembre 2020, permettre l'édiction de nouvelles règles régissant l'assurance chômage, en vue de favoriser le retour à l'emploi, de lutter contre la précarité et de revoir l'articulation entre assurance et solidarité, le cas échéant par la création d'une allocation chômage de longue durée attribuée sous condition de ressources. Il a ainsi, en particulier, entendu tirer les conséquences des dispositions introduites par la loi déférée relatives, d'une part, à la réforme du financement du régime d'assurance chômage et, d'autre part, à l'ouverture de l'indemnisation au bénéfice de nouvelles catégories de demandeurs d'emploi, comme certains salariés ayant démissionné et, sous certaines conditions, les travailleurs indépendants en cessation d'activité » (§ 52). Après avoir ainsi recopié le programme politique du parti au pouvoir, le Conseil estime, troisième argument, que « les dispositions contestées prévoient qu'il appartient aux partenaires sociaux de définir, conventionnellement, de nouvelles règles relatives à l'assurance chômage sur la base d'un document de cadrage lui-même soumis préalablement à la concertation » (solution qui semble fort mal partie, si l'on en croit l'actualité sociale...) et que ces dispositions « n'ont ni pour objet ni pour effet, par elles-mêmes, de remettre directement en cause la convention d'assurance chômage en vigueur. Elles ouvrent au Premier ministre la faculté de priver celle-ci d'effet en mettant fin à l'agrément dont elle fait l'objet, en cas d'échec de la négociation à venir ou si l'accord conclu par les partenaires sociaux n'est pas compatible avec les objectifs définis dans le document de cadrage du Gouvernement » (§ 53). À quoi bon, pourtant, déléguer un pouvoir aux partenaires sociaux (art. L. 5422-20 du code du travail) si le Gouvernement entend s'assoir sur les fruits (au mûrissement si délicat) que sont ceux du dialogue social ? Quoi qu'il en soit, la finesse de la manœuvre politique mise en place par la loi déférée a facilement convaincu les sages de brider les principes constitutionnels invoqués. Sale temps par conséquent, lors de cette fin d'année 2018, pour les principes applicables au droit des contrats : que les accords de volonté soient commerciaux (cf. supra) ou syndicaux, leur remise en cause par la loi ou le juge ne semble que très exceptionnellement émouvoir le Conseil constitutionnel, son cœur ne vacillant, de préférence, que lorsque la portée des dispositions contestées est faible. En ce domaine, les mailles du curieux filet constitutionnel semblent décidemment plus adaptées au menu fretin qu'aux gros poissons. Dans le domaine des sources du droit, on signalera également que la décision n° 769 DC censure -- pour la deuxième fois de l'Histoire(34) -- une habilitation donnée par le Parlement au Gouvernement de prendre par ordonnances certaines mesures relevant du domaine de la loi(35), en raison d'un manque de précision relatif aux finalités de ces mesures (§ 88).

La deuxième décision intéressant le droit social ( décision n° 2018-720/721/722/723/724/725/726 QPC du 13 juillet 2018, Syndicat CFE-CGC France Télécom Orange et autres ) ne sera que très rapidement évoquée dans la mesure où la censure prononcée ne constitue que l'exacte reprise d'un précédent datant du 21 mars 2018 et signalé dans notre précédente chronique(36). Les dispositions en cause concernaient la dispense accordée à l'employeur d'organiser des élections partielles en cas d'annulation de l'élection de délégués du personnel ou de membres du comité d'entreprise lorsque cette annulation tient au non-respect des règles relatives à l'égalité entre les hommes et les femmes imposée par la loi. Faisant référence, comme quatre mois plus tôt, au « fonctionnement normal de ces institutions » (§ 12), le Conseil constitutionnel fait une nouvelle fois prévaloir le principe de participation des travailleurs (al. 8 du Préambule de 1946) sur la volonté de promouvoir l'égalité des sexes, principe inscrit à l'article 1 er de la Constitution qui pouvait notamment justifier ce mécanisme dissuasif pour les syndicats. Alors que la censure prononcée en mars 2018 concernait le nouveau comité social et économique issu des « ordonnances Macron », celle du mois de juillet est relative aux délégués du personnel et au comité d'entreprise, instances représentatives du personnel en sursis, puisqu'elles disparaîtront le 1er janvier 2020. Pour la période transitoire dans laquelle nous nous trouvons, les mêmes causes ont donc logiquement produit les mêmes effets constitutionnels.

Enfin, dans la dernière affaire ayant trait au droit social, le Conseil constitutionnel a rejeté les griefs soulevés contre l'article L. 1235-11 du code du travail relatif aux conséquences de la nullité d'un licenciement économique(37) pour non-respect des règles relatives au plan de sauvegarde de l'emploi (PSE), traduction législative de la vieille « jurisprudence La Samaritaine » qui fit nos délices d'étudiant ( décision n° 2018-729 QPC du 7 septembre 2018, Société Tel and Com ). Avant d'examiner les nombreux griefs de fond qui étaient dirigés (plutôt maladroitement) contre ces dispositions(38), le Conseil constitutionnel devait résoudre une difficulté de recevabilité, dans la mesure où le texte en cause avait déjà été déclaré conforme à la Constitution dans sa décision n° 2007-561 DC du 17 janvier 2008(39). Le constat d'un changement de circonstances de droit ou de fait n'était cependant pas nécessaire ici, puisque l'article L. 1235-11, issu de l'ordonnance du 12 mars 2007 procédant à la recodification du droit du travail, a été modifié, postérieurement à la décision de 2008, par la loi du 14 juin 2013 relative à la sécurisation de l'emploi : « Les dispositions contestées étant ainsi différentes de celles ayant fait l'objet de la déclaration de conformité, la question prioritaire de constitutionnalité est recevable » (§ 6). Sur le fond, un grief était en premier lieu soulevé contre le premier alinéa de l'article L. 1235-11 du code du travail, lequel dispose que « lorsque le juge constate que le licenciement est intervenu alors que la procédure de licenciement est nulle, conformément aux dispositions des deux premiers alinéas de l'article L. 1235-10, il peut ordonner la poursuite du contrat de travail ou prononcer la nullité du licenciement et ordonner la réintégration du salarié à la demande de ce dernier, sauf si cette réintégration est devenue impossible, notamment du fait de la fermeture de l'établissement ou du site ou de l'absence d'emploi disponible ». L'employeur requérant, qui avait vu l'homologation de son PSE annulée par le juge administratif, contestait précisément le renvoi opéré par cette disposition vers l'article L. 1235-10 du même code qui prévoit non seulement, dans son 2e alinéa, l'hypothèse de la nullité de la procédure de licenciement (lorsque le juge a annulé la décision prise par l'autorité administrative de valider ou d'homologuer le PSE en raison de l'absence ou de l'insuffisance de celui-ci), mais aussi, dans son premier alinéa, l'hypothèse de la nullité du licenciement lui-même (en l'absence de toute décision de l'autorité administrative ou lorsque le licenciement intervient malgré le refus de validation ou d'homologation du PSE par l'administration). Le requérant estimait qu'en ne visant que la nullité de la procédure, et non les hypothèses de nullité du licenciement lui-même, l'article L. 1235-11 était à l'origine d'une incertitude contraire à l'objectif de valeur constitutionnelle d'accessibilité et d'intelligibilité de la loi et à l'origine d'une méconnaissance par le législateur de l'étendue de sa compétence (§ 3). En application de sa jurisprudence constante, le Conseil distingue ces deux arguments, qui sont cousins plus qu'ils ne sont frères, surtout en matière de QPC. S'agissant d'abord de l'incompétence négative, sanctionnée sur le fondement de l'article 34 de la Constitution, il rappelle que « la méconnaissance par le législateur de sa propre compétence ne peut être invoquée à l'appui d'une question prioritaire de constitutionnalité que dans le cas où cette méconnaissance affecte par elle-même un droit ou une liberté que la Constitution garantit » (§ 7). Le requérant en était si bien informé qu'il prenait soin d'avancer que l'incertitude légale stigmatisée était de nature à affecter la liberté d'entreprendre et le droit de propriété(40). Or, certains se souviennent sans doute avec émotion que, dans une célèbre décision rendue en 2002, les sages de l'époque n'avaient pas craint d'annuler la définition restrictive du licenciement économique posée par la loi qui leur était déférée, au nom d'une « atteinte manifestement excessive » à la liberté d'entreprendre(41). Il est même, parait-il, des économistes non-atterrés qui relisent tous les soirs cette vieille décision pour agrémenter leurs nuits de doux rêves libéraux. Les plus radicaux d'entre eux peuvent même se replonger dans la réconfortante lecture de la « décision Florange » du Conseil constitutionnel qui, faite d'un bois semblable, avait pour partie censuré, en 2014, l'obligation faite à certaines entreprises de rechercher un repreneur quand elles envisageaient la fermeture d'un établissement entraînant un projet de licenciement collectif(42). Mais en l'espèce, le Conseil décide que la liberté d'entreprendre ne saurait prospérer, car « il résulte des travaux préparatoires de la loi du 14 juin 2013, [qu']en adoptant les dispositions contestées du premier alinéa de l'article L. 1235-11, le législateur a entendu attacher les mêmes conséquences au défaut de respect des dispositions relatives au plan de sauvegarde de l'emploi prévues à l'article L. 1235-10, tant en cas de nullité du licenciement au sens du premier alinéa de cet article qu'en cas de nullité de la procédure de licenciement au sens de son deuxième alinéa. Les mesures prescrites à l'article L. 1235-11 s'appliquent ainsi dans ces deux hypothèses » (§12) Il en déduit que « le législateur a suffisamment défini la portée des dispositions contestées du premier alinéa de l'article L. 1235-11. Le grief tiré de la méconnaissance de l'article 34 de la Constitution dans des conditions affectant la liberté d'entreprendre et le droit de propriété doit donc être écarté » (§ 13) -- écarté non sur le fond, en quelque sorte, mais seulement pour la forme. Une fois encore, le Conseil constitutionnel est donc contraint de parer à la médiocre qualité de la loi en faisant appel à ses travaux préparatoires, le service juridique plaidant de son côté la simple « maladresse de rédaction », dans le sillage de la doctrine travailliste(43). Pauvres employeurs : déjà accablés par le volume des textes législatifs et réglementaires, ils doivent en outre savoir que le Conseil leur impose la maussade lecture des débats et des travaux des commissions parlementaires pour parvenir à la compréhension et à la bonne interprétation des lois imparfaites. S'agissant ensuite du grief tiré de l'atteinte à l'objectif de valeur constitutionnelle d'accessibilité et d'intelligibilité de la loi, les sages maintiennent évidemment la position inaugurée dès 2010(44) : sa méconnaissance « ne peut, en elle-même, être invoquée à l'appui d'une question prioritaire de constitutionnalité sur le fondement de l'article 61-1 de la Constitution. Par suite, le grief tiré de la méconnaissance de cet objectif n'est pas recevable » (§ 14). Comme le rappelle le commentaire du service juridique, l'argument n'a prospéré qu'une seule fois depuis l'instauration de la QPC (et encore de manière platonique), dans la décision n° 2012-285 QPC du 30 novembre 2012, au sujet « de l'absence de version officielle en langue française d'une disposition législative, qui était également contraire au premier alinéa de l'article 2 de la Constitution aux termes duquel « La langue de la République est le français » »(45). C'est dire que la voie est étroite et que la médiocrité rédactionnelle de nos lois a de beaux jours constitutionnels devant elle(46), dès lors, tout du moins, que le législateur s'est exprimé en français, ce qui paraît être (pour quelques temps encore ?) la moindre des exigences qui puisse être posée. En second lieu, l'employeur requérant soulevait deux griefs contre le deuxième alinéa de l'article L. 1235-11 du code du travail prévoyant que « lorsque le salarié ne demande pas la poursuite de son contrat de travail ou lorsque la réintégration est impossible, le juge octroie au salarié une indemnité à la charge de l'employeur qui ne peut être inférieure aux salaires des douze derniers mois ». Aucun de ces deux griefs n'avait de véritables chances de prospérer. Le premier était fondé sur les principes de nécessité, de proportionnalité et d'individualisation des peines (art. 8 DDHC) qui, de notoriété constitutionnelle commune, suppose que la sanction contestée revête, au moins à titre principal, un caractère punitif, répressif. Si tel est le cas pour l'amende civile de l'article L. 442-6, III, du code de commerce que nous avons croisé plus haut, une solution contraire s'imposait au sujet de l'indemnité de licenciement économique de l'article L. 1235-1 du code du travail qui, éventuellement « versée au salarié, se substitue, soit à la poursuite de son contrat de travail, soit à sa réintégration et constitue ainsi une réparation par équivalent lorsqu'une réparation en nature n'est pas possible ou qu'elle n'est pas demandée par le salarié » (§ 17) ; ces premiers griefs étaient donc « inopérants ». Faisant le lien entre les deux alinéas de l'article L. 1235-1, le requérant invoquait enfin le sempiternel principe d'égalité devant la loi « dans la mesure où la même sanction s'applique quel que soit le motif d'illicéité du licenciement économique, que celui-ci réside dans l'absence de toute élaboration d'un plan de sauvegarde de l'emploi ou dans l'annulation par le juge d'un plan pourtant préalablement validé ou homologué par l'administration » (§ 3). Le Conseil se contente, sur ce point, de décliner son principe d'égalité(47), agrémenté d'une précision finale qui n'y figure que lorsque l'occasion s'y prête, mais qui n'a rien d'inédit : « Si, en règle générale, ce principe impose de traiter de la même façon des personnes qui se trouvent dans la même situation, il n'en résulte pas pour autant qu'il oblige à traiter différemment des personnes se trouvant dans des situations différentes » (§ 18). La même formulation avait par exemple été employée au sujet de la loi relative au mariage homosexuel en 2013(48). Elle conduit ici à une solution tout à fait prévisible : « Les dispositions contestées du second alinéa de l'article L. 1235-11 du code du travail prévoient les mêmes conséquences indemnitaires dans les deux cas de nullité définis à l'article L. 1235-10. Le législateur n'ayant ainsi institué aucune différence de traitement, le grief tiré de la méconnaissance du principe d'égalité devant la loi doit être écarté » (§ 19).

Un bref retour sur le droit commercial s'impose à présent pour mentionner deux décisions à l'importance juridique très inégale. La première porte sur le contrôle a priori de la loi du 30 juillet 2018relative à la protection du secret des affaires (décision n° 2018-768 DC du 26 juillet 2018)(49). Puisqu'elle consiste, pour l'essentiel, à transposer en droit interne la directive européenne du 8 juin 2016 consacrée au même thème, cette loi avait peu de chances de susciter une passionnante décision du Conseil constitutionnel, dès lors que l'on connaît sa position sur le sujet, position que la décision n° 768 DC rappelle bien entendu, notamment dans son long § 3 qui synthétise des solutions bien huilées : « Il appartient au Conseil constitutionnel, saisi dans les conditions prévues par l'article 61 de la Constitution d'une loi ayant pour objet de transposer en droit interne une directive de l'Union européenne, de veiller au respect de cette exigence. Il en va de même pour une loi ayant pour objet d'adapter le droit interne à un règlement de l'Union européenne. Toutefois, le contrôle qu'il exerce à cet effet est soumis à une double limite. En premier lieu, la transposition d'une directive ou l'adaptation du droit interne à un règlement ne sauraient aller à l'encontre d'une règle ou d'un principe inhérent à l'identité constitutionnelle de la France, sauf à ce que le constituant y ait consenti. En l'absence de mise en cause d'une telle règle ou d'un tel principe, le Conseil constitutionnel n'est pas compétent pour contrôler la conformité à la Constitution de dispositions législatives qui se bornent à tirer les conséquences nécessaires de dispositions inconditionnelles et précises d'une directive ou des dispositions d'un règlement de l'Union européenne. En second lieu, devant statuer avant la promulgation de la loi dans le délai prévu par l'article 61 de la Constitution, le Conseil constitutionnel ne peut saisir la Cour de justice de l'Union européenne sur le fondement de l'article 267 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne. En conséquence, il ne saurait déclarer non conforme à l'article 88-1 de la Constitution qu'une disposition législative manifestement incompatible avec la directive qu'elle a pour objet de transposer ou avec le règlement auquel elle adapte le droit interne. En tout état de cause, il appartient aux juridictions administratives et judiciaires d'exercer le contrôle de compatibilité de la loi au regard des engagements européens de la France et, le cas échéant, de saisir la Cour de justice de l'Union européenne à titre préjudiciel ». Ainsi, qu'il s'agisse de la définition du secret des affaires (art. L. 151-1 C. com., § 5 et s.), des exceptions portées à sa protection (art. L. 151-8 et L. 151-9 C. com., § 17 et s. et § 29 et s.) ou des mesures instituées en faveur de cette protection (§ 36 et s.), les griefs soulevés par les députés et sénateurs requérants sont tous rejetés. Pour ce faire, le Conseil constate que les dispositions législatives contestées se bornent, pour la plupart d'entre elles, à tirer les conséquences nécessaires des dispositions inconditionnelles et précises de la directive du 8 juin 2016. Au passage, les sages affirment pour la première fois que ni la liberté d'expression et de communication (art. 11 DDHC) ni la liberté d'entreprendre (art. 4 DDHC) ni le principe d'égalité devant la loi (art. 6 DDHC) ne participent de l'identité constitutionnelle de la France. À cet égard, la décision fait plusieurs fois référence à la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne qui protège, à ses yeux de manière équivalente, ces deux libertés et ce principe (déc. n° 768 DC, § 10, § 12 et § 38). Sans grand intérêt pour le droit des affaires, cette décision apporte toutefois deux enseignements importants du point de vue des sources du droit. Le premier -- qui constitue un revirement de jurisprudence(50), mais qui risque d'être assez théorique(51) -- est que les lois de transposition peuvent être contrôlées par le Conseil au titre du chaste objectif de valeur constitutionnelle d'accessibilité et d'intelligibilité de la loi (§ 20 et s.) -- objectif qui ne participe cependant pas de l'identité constitutionnelle de la France, prend soin de noter le service juridique du Conseil dans son commentaire(52) ! Ce dernier ajoute que « le respect de cet objectif peut donc imposer que le législateur complète ou modifie, comme il le fait régulièrement dans le cadre d'une transposition, les dispositions d'une directive, dès lors qu'il n'en modifie pas le sens et la portée » (p. 5). Au regard du charabia technocratique dans lequel s'exprime l'Union européenne, cette tâche pourrait s'avérer immense... Le second enseignement, qui constitue également une nouveauté, devrait avoir une plus grande portée pratique. Le Conseil décide en effet de distinguer entre directive d'harmonisation minimale et directive d'harmonisation maximale (uniformisation du droit). Dans le premier cas, il juge qu'un contrôle « normal » des lois qui lui sont déférées doit être opéré, dans la mesure où le législateur français dispose, en vertu de la directive transposée, d'une « marge d'appréciation » -- quand bien même il n'a pas fait usage de celle-ci. En l'espèce, certaines dispositions de la loi ont ainsi été examinées sur le fond à l'aune de la liberté d'entreprendre (§ 12 et s.)(53).

De manière plus anecdotique, la liberté d'entreprendre, jointe comme cela est fréquent à la liberté contractuelle, était également invoquée dans une affaire qui concernait le délit de vente de titres d'accès à une manifestation sportive, culturelle, commerciale ou artistique sans l'autorisation du détenteur de leurs droits, prévu par l'article 313-6-2 du code pénal ( décision n° 2018-754 QPC du 14 décembre 2018, Société Viagogo et autre ). Le nombre très important des interventions acceptées par le Conseil (Fédération française de football, Fédération française de rugby, association Paris 2024, société des auteurs, compositeurs et éditeurs de musique, etc.) témoigne vraisemblablement de l'importance des enjeux économiques de la question. Selon le premier alinéa du texte contesté, « le fait de vendre, d'offrir à la vente ou d'exposer en vue de la vente ou de la cession ou de fournir les moyens en vue de la vente ou de la cession des titres d'accès à une manifestation sportive, culturelle ou commerciale ou à un spectacle vivant, de manière habituelle et sans l'autorisation du producteur, de l'organisateur ou du propriétaire des droits d'exploitation de cette manifestation ou de ce spectacle, est puni de 15 000 € d'amende. Cette peine est portée à 30 000 € d'amende en cas de récidive » (art. 313-6-2 C. pén.). Pour le Conseil constitutionnel, la volonté de « prévenir les troubles à l'ordre public » (§ 5 : interdictions administratives d'accès, placement des spectateurs...) et de « lutter contre l'organisation d'une augmentation artificielle des prix des titres d'accès à ces manifestations et spectacles » (§ 6) justifie l'atteinte portée aux libertés invoquées. Est également rejeté, pour les mêmes motifs, le grief tiré d'une méconnaissance des principes de nécessité et de légalité des délits et des peines (§ 3 à 9). On notera que les sages en appellent une fois de plus aux « em>travaux parlementaires » pour éclairer l'expression « de manière habituelle » employée par les dispositions contestées (§ 8)(54) : l'intéressé est à l'abri d'une condamnation dès lors qu'il n'agit que « em>de manière occasionnelle », même s'il procède « à plusieurs reprises » à ce type de reventes. Le Conseil n'a pas cru bon de poser une réserve d'interprétation à ce sujet -- réserve qui n'aurait certes pas été du plus bel effet au regard de la nécessaire clarté du droit pénal...

Deux décisions relatives au droit de la nationalité doivent enfin être évoquées rapidement. Dans la première ( décision n° 2018-737 QPC du 5 octobre 2018, M. Jaime Rodrigo F. ), le Conseil a censuré certaines dispositions de la loi du 10 août 1927 qui, selon le grief du requérant, « réserv[ait] au père français la transmission de la nationalité française à son enfant légitime né à l'étranger et, corrélativement, (...) priv[ait] l'enfant légitime né à l'étranger d'une mère française du bénéfice d'une telle transmission » (§ 3). Au nom du principe d'égalité devant la loi et du troisième alinéa du Préambule de la Constitution de 1946 selon lequel « la loi garantit à la femme, dans tous les domaines, des droits égaux à ceux de l'homme », ces dispositions sont jugées contraires à la Constitution. Sans doute y a-t-il quelque anachronisme à apprécier en 2018 les motifs qui étaient ceux du législateur voilà quatre-vingt-onze ans (l'objet de la loi de 1927 étant, en vérité, d'élargir la transmission de la nationalité française par la voie de la filiation maternelle...), mais telle est la possible rançon d'une contestation des lois anciennes par le biais de la QPC -- y compris, comme en l'espèce, des lois abrogées avant 1958 -- dès lors que ces lois sont applicables au litige soumis au juge du filtre. Si la censure ne faisait guère de doute (notamment parce qu'une précédente décision, rendue en 2014, raisonnait exactement de la même façon sur une question connexe(55)), la solution n'en est pas moins intéressante du point de vue de la modulation par le Conseil des effets dans le temps de cette déclaration d'inconstitutionnalité (art. 62 de la Constitution). Les dispositions en cause ayant en effet été abrogées par l'ordonnance du 19 octobre 1945, y compris au bénéfice des enfants encore mineurs à la date de son entrée en vigueur (22 octobre 1945), les sages s'inspirent de leur précédent de 2014 et décident que seules les « personnes nées à l'étranger d'une mère française entre le 16 août 1906 [1927 moins 21] et le 21 octobre 1924 [1945 moins 21] à qui la nationalité française n'a pas été transmise du fait de ces dispositions » pourront se prévaloir de leur censure (§ 13). Il ajoute que « leurs descendants peuvent également se prévaloir des décisions reconnaissant que, compte tenu de cette inconstitutionnalité, ces personnes ont la nationalité française. Cette déclaration d'inconstitutionnalité peut être invoquée dans toutes les instances introduites à la date de publication de la présente décision et non jugées définitivement à cette date ». La seconde décision intéressant le droit de la nationalité ( décision n° 2018-770 DC du 6 septembre 2018, Loi pour une immigration maîtrisée, un droit d'asile effectif et une intégration réussie ) ne fait pas preuve de la même mansuétude, puisqu'elle écarte les griefs dirigés contre la loi qui a durci les conditions d'acquisition de la nationalité française pour les enfants nés à Mayotte de parents étrangers (nouveaux art. 2493 et s. C. civ.). Pour le Conseil, qui s'exprime en termes assez vagues(56), la situation particulière de ce département peut justifier une telle discrimination. Au moins par la grâce de notre fraternel Conseil constitutionnel ces petits Mahorais pourront-ils bénéficier, un jour peut-être, de l'assistance d'un avocat lorsqu'ils seront mis en garde à vue.

(1) Sérotonine , Flammarion, 2019, p. 147. Il faut dire, pour la défense du droit et de l'auteur, que celui-ci évoque les AOC et AOP du secteur agricole, si bien que l'on doit lui donner raison !

(2) Cons. const., déc. n° 2018-771 DC du 25 octobre 2018, § 11 à 20.

(3)JCP G 2018, 1149, note J. Guarrigue (« Le majeur protégé gardé à vue et ses droits de la défense : constat de carence ! ») ; Dr. famille 2018, comm. 269, obs. Ph. Bonfils.

(4) Le lien est ainsi fait avec la décision n° 2010-14/22 QPC du 30 juillet 2010, M. Daniel W et autres, relative à la garde à vue.

(5) À la suite d'une condamnation de la France par la Cour européenne des droits de l'homme (CEDH, 30 janvier 2001, Vaudelle c/ France, n° 35683/97). Les dispositions censurées trouvaient ainsi leur origine dans la loi du 5 mars 2007 portant réforme de la protection juridique des majeurs, qui constituait un progrès lors de son adoption.

(6) Voir J. Garrigue, note préc.

(7) Des dispositions spécifiques à la garde à vue des mineurs ont été introduites dans l'ordonnance de 1945 (art. 4) par la loi du 4 janvier 1993 portant réforme de la procédure pénale.

(8) Cons. const., déc. n° 2010-14/22 QPC, préc.

(9) PFRLR dégagé dans la décision du Conseil n° 2002-461 DC du 29 août 2002, Loi d'orientation et de programmation pour la justice, cons. 26.

(10) Commentaire de la décision n° 744 QPC, site Internet du Conseil, p. 22 et s.

(11) Cass. crim., 19 février 2019, n° 18-83.360. Voir Le Monde, 19 février 2019, « Affaire Grégory : la Cour de cassation estime à son tour que la garde à vue de Murielle Bolle en 1984 était inconstitutionnelle ».

(12) Selon les affirmations peu assurées du Gouvernement ; v. commentaire préc. du service juridique du Conseil, p. 23.

(13) Cons. const., déc. n° 2018-717/718 QPC du 6 juillet 2018, M. Cédric H. et autre, au sujet du délit d'aide à l'entrée, à la circulation ou au séjour irréguliers d'un étranger (censure d'une incrimination prévue par l'article L. 622-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile).

(14) Voir M. Behar-Touchais, « Le Conseil constitutionnel instaure le contrôle des prix à la française ! », JCP éd. G 2018, 1346.

(15) Établissements Darty et Fils .

(16) Cass. com., 27 septembre 2018, n° 18-40.028.

(17) Sur cet aspect procédural de la présente affaire, voir M. Disant, note sous Cass. com., 27 septembre 2018, préc., JCP éd. G 2018, 1178 (« Le changement jurisprudentiel de circonstances. La jurisprudence, source de QPC ? »). Voir aussi, en particulier au sujet des précédents, commentaire du service juridique, site Internet du Conseil, p. 7 et s.

(18) N° 15-23.547. L'arrêt concernait des ristournes de fin d'année imposées à ses fournisseurs par un distributeur. Il avait été très remarqué et abondamment commenté, en particulier par la doctrine commercialiste. Voir notamment M. Behar-Touchais, « La prise de pouvoir du juge sur les négociations commerciales », JCP éd. G 2017, 255 ; D. 2017, p. 481, note F. Buy, et p. 1076, obs. S. Tréard ; Contrats, concurrence consommation avril 2017, comm. 77, note N. Mathey.

(19) Le texte pose une étrange exception à ce principe, imposée par le droit européen : le contrôle de l'abus est possible lorsque les clauses relatives à l'objet principal du contrat ou au prix ne sont pas « rédigées de façon claire et compréhensible ».

(20) Ainsi, selon les requérants, la décision n° 85 QPC « aurait formulé « une sorte de réserve d'interprétation informelle » excluant le critère du prix pour apprécier l'existence d'un déséquilibre significatif » (commentaire préc. du service juridique du Conseil, p. 8).

(21) Ainsi, dans sa « décision Le Gallec », la Cour de cassation, visiblement soucieuse de ne pas tirer à boulets rouges sur le Conseil constitutionnel, avait très diplomatiquement relevé que « la similitude des notions de déséquilibre significatif prévues aux articles L. 132-1, devenu L. 212-1, du code de la consommation et L. 442-6, I, 2 ° du code de commerce, relevée par le Conseil constitutionnel dans sa décision n° 2010-85 QPC du 13 janvier 2011, n'exclut pas qu'il puisse exister entre elles des différences de régime tenant aux objectifs poursuivis par le législateur dans chacun de ces domaines, en particulier quant à la catégorie des personnes qu'il a entendu protéger et à la nature des contrats concernés ».

(22) Renvoi au surplus incohérent, comme le relève Madame Behar-Touchais : « Où est ce « changement des circonstances justifiant le réexamen des dispositions contestées » , s'il ne justifie même pas un complément de motivation ? (...) On ne peut donc que relever l'incohérence qu'il y a d'un côté à dire que l'arrêt de 2017 est un « changement de circonstances (... » et de motiver le rejet de la même façon » (article préc., p. 2312). On ajoutera que le commentaire du service juridique du Conseil n'ajoute aucun complément d'information (p. 10).

(23) Sans parler des difficultés à venir, tant la portée de la « jurisprudence Le Gallec » du 25 janvier 2017 est difficile à saisir, au préjudice de la prévisibilité du droit...

(24) Rappr. Cons. const., déc. n° 2011-126 QPC du 13 mai 2011, Société Système U Centrale Nationale et autre, cons. 5, au sujet de l'action du ministre de l'économie contre des pratiques restrictives de concurrence, action également prévue par l'article L. 442-6 du code de commerce.

(25) Rappr. M. Behar-Touchais, article préc., p. 2316 : « C'est le risque d'arbitraire qui aurait dû conduire le Conseil à considérer que la mesure était disproportionnée ».

(26) Certains pourront dès lors se plaire à rêver d'une QPC dirigée contre le nouvel article 1195 du code civil par lequel l'ordonnance du 10 février 2016 a consacré la théorie de l'imprévision en droit français !

(27) Cela concerne la protection complémentaire en cas de maladie, de maternité, d'invalidité, de décès, d'incapacité de travail et de chômage. La loi de 1989 protège ainsi les salariés contre les conséquences d'une rupture du contrat de prévoyance conclu entre l'organisme assureur et l'employeur souscripteur, soit en cas de non-renouvellement du contrat, soit en cas de résiliation de celui-ci, sans distinguer selon que l'une ou l'autre des deux parties au contrat est à l'initiative de la rupture.

(28) Voir commentaire du service juridique, déc. n° 728 QPC, site Internet du Conseil, p. 4.

(29) Loi relative au travail, à la modernisation du dialogue social et à la sécurisation des parcours professionnels , § 12 à 18, au sujet de la mise à disposition de locaux au profit d'organisations syndicales par les collectivités territoriales. Voir cette chronique in Les Nouveaux Cahiers du Conseil constitutionnel, 2017, n° 54, p. 135 et s.

(30) Rappr., sur ce point, la récente décision n° 2017-685 QPC du 12 janvier 2018, Fédération bancaire française, au sujet du droit de résiliation annuel des contrats assurance-emprunteur. V. cette chronique in Titre VII. Les cahiers du Conseil constitutionnel, n° 1, septembre 2018.

(31) Voir commentaire préc. du service juridique, p. 15.

(32) Voir Cons. const., déc. n° 2008-568 DC du 7 août 2008, Loi portant rénovation de la démocratie sociale et réforme du temps de travail , cons. 17 et s., censurant sur le fondement du droit au maintien des conventions légalement conclues (art. 4 et 16 DDHC) certaines dispositions de la loi déférée.

(33) Le commentaire du service juridique du Conseil souligne qu'« en faisant ainsi référence au huitième alinéa du Préambule de 1946, le Conseil constitutionnel a jugé que la négociation des règles relatives à l'assurance chômage entrait dans le champ d'application du principe de participation des travailleurs à la détermination de leurs conditions de travail » (site Internet du Conseil, p. 10).

(34) Voir déjà Cons. const., déc. n° 2016-745 DC du 26 janvier 2017, Loi relative à l'égalité et à la citoyenneté, § 9 à 14.

(35) Étaient visées les mesures nécessaires pour redéfinir les missions, l'organisation et le financement des institutions, organismes et services concourant à l'insertion professionnelle et au maintien dans l'emploi des personnes handicapées ainsi que toutes mesures en accompagnant les conséquences.

(36) Cons. const., déc. n° 2018-761 DC du 21 mars 2018, Loi ratifiant diverses ordonnances prises sur le fondement de la loi n° 2017-1340 du 15 septembre 2017 d'habilitation à prendre par ordonnances les mesures pour le renforcement du dialogue social , § 57 à 62. Voir cette chronique in Titre VII. Les cahiers du Conseil constitutionnel, n° 1, septembre 2018.

(37) « Dans les entreprises d'au moins cinquante salariés, lorsque le projet de licenciement concerne au moins dix salariés dans une même période de trente jours » (art. L. 1235-10 C. trav.).

(38) On peut à cet égard signaler que le renvoi de cette QPC au Conseil constitutionnel résulte, de manière mécanique, du dépassement du délai de trois mois fixé par l'ordonnance du 7 novembre 1958 (art. 23-7) pour que la Cour de cassation exerce son rôle de filtre. Comme le relève le service juridique du Conseil, la figure n'est pas inédite et « si cette voie de transmission spécifique dispensait la Cour de cassation de vérifier les habituelles conditions de renvoi de la QPC, le rôle du Conseil constitutionnel n'était, lui, en rien modifié » (site Internet du Conseil, p. 6).

(39) Loi ratifiant l'ordonnance n° 2007-329 du 12 mars 2007 relative au code du travail (partie législative) , cons. 9.

(40) Puisque « cette incertitude empêcherait l'employeur d'anticiper la sanction à laquelle il s'expose » (§ 3).

(41) Cons. const., déc. n° 2001-455 DC du 12 janvier 2002, Loi de modernisation sociale, cons. 50.

(42) Cons. const., déc. n° 2014-692 DC du 27 mars 2014, Loi visant à reconquérir l'économie réelle, cons. 21 (obligation d'accepter une offre de reprise sérieuse en l'absence de motif légitime de refus).

(43) Commentaire, site Internet du Conseil, p. 3.

(44) Cons. const., déc. n° 2010-4/17 QPC du 22 juillet 2010, M. Alain C. et autre, cons. 9.

(45) Commentaire préc. du service juridique, p. 9.

(46) Sachant, au surplus, que le Conseil constitutionnel ne fait pas montre d'une sévérité beaucoup plus grande dans le cadre de son contrôle a priori.

(47) Sur le fondement duquel a déjà été validée, rappelons-le, la dérogation que l'article L. 1235-14 du code du travail apporte aux dispositions ici contestées, dans l'hypothèse où les salariés ont moins de deux ans d'ancienneté au sein de l'entreprise (voir Cons. const., déc. n° 2012-232 QPC du 13 avril 2012, M. Raymond S.).

(48) Cons. const., déc. n° 2013-669 DC du 17 mai 2013, Loi ouvrant le mariage aux couples de personnes de même sexe , cons. 15 in fine.

(49) Voir S. Schiller, « La protection du secret des affaires fait son entrée dans le Code de commerce », JCP éd. G 2018, 888.

(50) Voir précédemment Cons. const., déc. n° 2014-690 DC du 13 mars 2014, Loi relative à la consommation, cons. 29 et 32.

(51) Il est d'ailleurs platonique en l'espèce, au sujet d'une exception apportée à la protection du secret des affaires (§ 23).

(52) Commentaire de la décision n° 768 DC, site Internet du Conseil, p. 4-5.

(53) La question était de savoir si le législateur français aurait dû étendre la protection du secret des affaires, dont la directive de 2016, en application de son article 1er, ne définit, en principe, qu'un seuil minimal, qu'un socle minimal. Le grief tiré de la liberté d'entreprendre est cependant écarté par les sages (§ 15).

(54) Il n'est peut-être pas inutile de préciser que le Conseil constitutionnel avait censuré, en 2011, une incrimination proche de celle de l'article 313-6-2 du code pénal, mais qui ne posait pas cette condition d'habitude (déc. n° 2011-625 DC du 10 mars 2011, Loi d'orientation et de programmation pour la performance de la sécurité intérieure , cons. 43). La justification de cette censure était toutefois assez obscure.

(55) Cons. const., déc. n° 2013-360 QPC du 9 janvier 2014, Mme Jalila K., au sujet de la perte de la nationalité française par acquisition d'une nationalité étrangère.

(56) « La population de Mayotte comporte, par rapport à l'ensemble de la population résidant en France, une forte proportion de personnes de nationalité étrangère, dont beaucoup en situation irrégulière, ainsi qu'un nombre élevé et croissant d'enfants nés de parents étrangers. Cette collectivité est ainsi soumise à des flux migratoires très importants » (§ 43).

Citer cet article

Thomas PIAZZON. « Chronique de droit privé », Titre VII [en ligne], n° 2, De l’intégration des ordres juridiques : droit constitutionnel et droit de l’Union européenne, avril 2019. URL complète : https://www.conseil-constitutionnel.fr/publications/titre-vii/chronique-de-droit-prive-0