Titre VII

N° 2 - avril 2019

La mobilisation de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne par les juridictions constitutionnelles

Résumé

Au regard de la mosaïque constitutionnelle du continent européen, la Charte des droits fondamentaux ne peut arborer de statut homogène au sein des ordres juridiques nationaux. Dans ce contexte, les Cours constitutionnelles ne lui octroient pas la même place dans le cadre de leur office. Toutefois, sa mobilisation, quand elle existe, répond à trois types de fonctions. La fonction interprétative laquelle utilise la Charte comme un référent majeur à l’heure d’interpréter les droits fondamentaux nationaux ; la fonction dialogique qui la hisse au cœur du dialogue avec la Cour de justice de l’Union européenne et la fonction stratégique laquelle démontre que son invocabilité est au cœur d’enjeux très important de frontières où les compétences des différentes juridictions internes sont en jeu.

Vertige de la comparaison. Présenter la mobilisation de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne (ci-après la « Charte ») par les juridictions constitutionnelles en Europe est un exercice de haute voltige comparatiste(1). En plus de devoir saisir les spécificités de chaque édifice constitutionnel(2), de mesurer leur degré d' « européanisation »(3) et d'y évaluer la place du droit international des droits de l'homme(4) comme le rang du droit de l'Union(5), il convient également de prendre la mesure des singularités de chaque système de justice constitutionnelle. Or ces derniers sont marqués par une exceptionnelle diversité organique. Aux côtés des pays où un puissant système concentré de justice constitutionnelle se déploie avec des voies de recours qui font la part belle à la protection des droits fondamentaux (Allemagne, Autriche, Espagne, Slovénie) ; d'autres Etats sont encore marqués par de fortes spécificités, qui les situent en dehors d'un courant dominant où la protection des droits fondamentaux est devenue la matrice du constitutionnalisme moderne. Ainsi de la France, dont le rapport à la modernité constitutionnelle s'est faite très progressivement (1971, 1974, 2008), et reste encore fortement marquée par d'importantes spécificités(6). Ainsi des Pays-Bas qui interdisent tout simplement le contrôle de constitutionnalité, tout en promouvant le contrôle de conventionnalité(7). De même, aux côtés des Etats qui ont décidé de confier le contrôle de constitutionnalité des lois au Parlement -- comme en Grèce(8) ou encore en Finlande dans le cadre du contrôle ex ante des lois(9) -- il existe des pays où un singulier système mixte a été imaginé (Chypre), tandis que dans d'autres (la grande majorité), ce sont les Cours constitutionnelles qui s'en chargent (Allemagne, Autriche, Belgique, Espagne, Italie, Luxembourg, Malte, Roumanie, Slovénie). Certaines d'entre elles manient également le contrôle de conventionnalité, alors que d'autres systèmes ont joué la carte de la séparation des fonctions, les juges ordinaires étant, en principe, les seuls maîtres de ce contrôle (Autriche, Espagne, France, Luxembourg, Hongrie, Roumanie).

C'est l'ensemble de ces paramètres qu'il convient d'avoir à l'esprit afin de réaliser l'extraordinaire hétérogénéité des contextes constitutionnels dans lesquels la Charte est susceptible d'être mobilisée, soit à des fins interprétatives dans le cadre du contrôle de constitutionnalité (I) ; soit à des fins dialogiques, dans le cadre du maniement du renvoi préjudiciel de l'article 267 TFUE (II) ; soit à des fins stratégiques, où le « pré-carré » de l'office des Cours constitutionnelles mais également la portée des droits consacrés par la Charte, sont « discutés » (III).

I. La mobilisation à des fins interprétatives

Le contrôle de constitutionnalité mobilise, d'ordinaire, un seul texte : la Constitution et rien que la Constitution -- laquelle peut prendre l'allure formelle de plusieurs textes en constituant alors, ce que l'on a coutume d'appeler en France, le « bloc de constitutionnalité »(10). Or, il s'avère que dans plusieurs pays européens -- la Belgique, l'Espagne et la République tchèque -- la Charte des droits fondamentaux est apparue majestueuse, aux côtés du texte constitutionnel, dans le cadre du contrôle de constitutionnalité. Dans ce cas de figure, sa mobilisation participe à interpréter les droits fondamentaux protégés par la Constitution(11). Cette logique interprétative a été poussée à son maximum en Autriche qui est assurément, aujourd'hui, le pays où la Charte joue un rôle majeur dans le cadre du contrôle de constitutionnalité dans la mesure où elle a été purement et simplement constitutionalisée.

C'est un arrêt révolutionnaire -- en date du 14 mars 2012 -- rendu par le Verfassungsgerichtshof en matière de droit d'asile qui a bouleversé les équilibres antérieurs (12). Le juge constitutionnel autrichien décida en effet de mettre sur un pied d'égalité les droits contenus dans la Charte avec ceux consacrés par la Constitution et donc, ce faisant par la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et libertés fondamentales(13), laquelle depuis 1964, fait partie intégrante du bloc constitutionnel. Partant, les droits de la Charte doivent être utilisés comme élément du contrôle de constitutionnalité, tout en ayant égard à leur champ d'application sur la base de l'article 51§1. Afin de prendre la mesure d'une telle assertion, à de nombreux égards exceptionnelle, il convient de présenter succinctement quelques données élémentaires relatives au système constitutionnel autrichien. L'article 144 a) de la Constitution autrichienne prévoit la possibilité de contester devant la Cour constitutionnelle toute décision de la Cour du droit d'asile en arguant, notamment, de la violation d'un « droit fondamental protégé constitutionnellement ». Or, dans le cadre des deux affaires jointes, les demandeurs d'asile se plaignaient qu'ils n'avaient pas bénéficié, devant la Cour du droit d'asile d'une audience contradictoire permettant des plaidoiries ; ce faisant, ils invoquaient une violation du droit à un recours effectif et du droit d'accès à un tribunal impartial garanti par l'article 47 de la Charte. Or, selon une jurisprudence constante, la violation du droit de l'Union ne donnait pas droit à un recours constitutionnel, la Cour refusant d'examiner si des normes générales ou des décisions administratives étaient conformes au droit de l'Union. En d'autres termes, ce dernier n'avait jamais été intégré comme un référent du contrôle de constitutionnalité(14). C'est donc ici que se situe la « petite révolution » induite par cet arrêt : la Cour estime en effet, en se basant sur le principe de l'équivalence des protections , qu'il appartient aux Etats membres de garantir une protection juridique à partir des droits tirés du droit de l'Union, dont les modalités d'exercice ne doivent pas être moins favorables que celles concernant des recours similaires de nature interne. Cette assertion établie, la Cour établissait un lien entre la Charte et la Convention européenne. Et de rappeler que les droits tirés de la Charte coïncidaient largement avec les droits protégés par le texte conventionnel européen. Partant, la Cour décidait de les traiter comme s'ils étaient des « droits fondamentaux protégés constitutionnellement », pointant du doigt l'importance de l'interprétation conforme(15). Ainsi, la Charte est utilisée non seulement dans le cadre du contrôle de constitutionnalité des lois nationales (de mise en œuvre du droit de l'Union), mais également dans le cadre du contrôle des actes administratifs individuels basés sur une telle loi. Une telle opération pourra notamment s'effectuer le cas échéant après un renvoi préjudiciel, uniquement toutefois si les 'droits' comparables à ceux de la Convention sont concernés -- les 'principes' (à l'instar des articles 22 ou 37 de la Charte), n'étant pas concernés.

Un tel arrêt démontre à l'envi la prise au sérieux de la Charte par le gardien autrichien de la Constitution, au point de bouleverser les fondamentaux de sa jurisprudence dans la mesure où le contrôle de conventionnalité revenait normalement aux juges ordinaires. Dans le même temps, on prend la mesure de l'influence et de la diffusion corrélatives des « faiblesses » de la Charte : les 'principes' qui y sont consacrés sont très clairement mis à l'écart. Le pas franchi est, somme toute, important même si, in casu, la Cour constitutionnelle ne trouva rien à redire à l'absence de contradictoire devant la Cour du droit d'asile (ce qui est un « classique » en matière de revirement de jurisprudence). En tout état de cause, il ne s'est pas agi que d'un pur exercice de style. La jurisprudence subséquente de la Cour constitutionnelle démontra qu'elle intégra systématiquement la Charte dans son contrôle à partir du moment où les faits de l'espèce « mettaient en œuvre » le droit de l'Union (article 51§1)(16) et ce, quelle que soit la procédure de contrôle de constitutionnalité en cause (contrôle concret ou abstrait)(17).

Le système français de contrôle de constitutionnalité est aux antipodes du cas autrichien. L'interprétation de l'article 88§1 est restrictive en ce qu'elle fonde uniquement l'obligation constitutionnelle de transposition des directives(18) ainsi que « le respect d'un règlement de l'Union européenne »(19). Elle ne sert guère de fondement à l'intégration directe du droit de l'Union, et plus particulièrement de la Charte des droits fondamentaux, dans l'ordre juridique français(20) ; du coup, c'est la disposition classique de l'article 55 qui, en France, continue de régler les rapports de systèmes entre le droit international et le droit interne. Quand bien même on relève une évolution intéressante avec la décision secret des affaires(21), elle concerne plus les critères d'identification des éléments relevant de l' « identité constitutionnelle » -- dans le cadre de la transposition d'une directive d'harmonisation partielle -- que l'élargissement de la portée de l'article 88§1. Il apparaît en effet que la Charte participe à identifier les droits protégés de façon équivalente dans les deux ordres juridiques. Cette équivalence constatée, le Conseil en déduit l'impossibilité d'ériger un droit commun aux deux catalogues, en une « règle ou [d']un principe inhérent à l'identité constitutionnelle »(22). Ainsi, la concordance substantielle est un curseur « repoussoir » en ce qu'il ne fait pas jouer la réserve de l'« identité constitutionnelle ». L'équivalence des catalogues des droits n'étant plus à démontrer(23), la concordance substantielle est le meilleur fondement de la concorde systémique.

II. La mobilisation à des fins dialogiques

Le mécanisme dialogique de l'article 267 TFUE permet l'édification d'un droit de l'Union qui prend en compte de multiples points de vue grâce aux questions en interprétation ou en appréciation de validité posées par les juges nationaux. Cette édification complexe, « multiniveaux », prend toutefois un sens singulier quand ce sont les gardiens des Constitutions qui entrent en communication avec la Cour de justice. En effet, quand ils décident de « franchir le Rubicon », les garants ultimes des ordres constitutionnels ne pensent pas le mécanisme dialogique en termes verticaux et hiérarchiques, mais l'appréhendent comme un outil communicationnel propice à favoriser des échanges sur une thématique commune : celle des droits fondamentaux. In fine, ce mécanisme participe à l'édification d'un standard constitutionnel le plus harmonieux possible en matière de droits fondamentaux.

La première question posée à la Cour de justice en 1997 par la feue 'Cour d'arbitrage' belge(24) -- ayant endossé, depuis, le nom de Cour constitutionnelle -- a mis fin à un tabou, pis une prévention à l'endroit de la participation des juridictions constitutionnelles au « dialogue intégré ». Aujourd'hui, ce sont en effet douze Cours constitutionnelles (ou Cours suprêmes dotées de fonctions constitutionnelles) qui ont activé le mécanisme dialogique(25). La Cour constitutionnelle belge restera longtemps à l'avant-garde du dialogue. Avec trente-deux saisines de la Cour de justice(26), on voit mal comment les autres gardiens de la Constitution pourraient arriver à un tel degré d'empathie dialogique(27).

Cet ancrage des Cours constitutionnelles dans le « dialogue intégré »(28), est dû à plusieurs facteurs, l'un d'ordre général, l'autre d'ordre technique.

S'agissant du premier facteur, il tient à l'air du temps, à l'époque, dont on sait qu'elle est marquée par le phénomène de la globalisation qui transforme toujours un peu plus la souveraineté des États. Dans ce contexte, il devient impératif, pour chaque acteur du système judiciaire européen, de prendre la parole, de se faire entendre afin de rappeler son existence à l'autre et, par la même occasion, de se réapproprier une part d'autorité. S'adapter à la nouvelle configuration des rapports juridictionnels est impératif sous peine de péricliter. Le cas espagnol est paradigmatique de cet état de fait. Pendant longtemps, le Tribunal constitutionnel espagnol justifiait son refus en considérant que le litige dans lequel était en cause une question d'interprétation ou de validité du droit de l'Union n'était pas un litige d'ordre constitutionnel (29). Partant, seuls les juges ordinaires pouvaient et, dans certains cas, devaient activer le renvoi. D'ailleurs, s'ils ne respectaient pas l'obligation de renvoi posée par l'article 267§3 TFUE, une violation de la « protection juridictionnelle effective » pouvait être constatée sur la base de l'article 24 de la constitution espagnole dans le cadre d'un recours d'amparo(30). Or, le 9 juin 2011, le Tribunal constitutionnel espagnol mettait un terme à cette jurisprudence : il n'hésitait pas, sur un thème particulièrement sensible -- la mise en œuvre du mandat d'arrêt européen(31)-- à poser trois questions préjudicielles à la Cour en matière d'interprétation et de validité du droit de l'Union. Une des questions concernait le très délicat article 53 de la Charte relatif à l'agencement des protections (constitutionnelles et européenne). Il va sans dire que, par cette saisine de la Cour de justice, le Tribunal espagnol rentrait dans le concert contentieux à l'échelle européenne : se faire voir et entendre. En ce sens, il ne fut pas question « d'allégeance », mais bien du lancement d'une coopération qui a laissé voir une part de puissance.

La célèbre réponse de la Cour de justice dans l'arrêt Melloni fut assurément radicale. Elle se comprend si le prisme d'analyse choisi est celui de la logique du droit de l'Union (qui est d'affirmer et d'imposer un ius commune) et de l'autorité de la Cour de justice (qui ne doit cesser d'affirmer son auctoritas dans le cadre du système judiciaire européen multi-niveaux). Si on analyse toutefois la question à travers le prisme étatique (dont on rappellera ici qu'il fait partie intégrante du cadre intégratif européen), il est particulièrement difficile d'accepter, au nom de la primauté, de l'unité et de l'effectivité du droit de l'Union, une diminution du standard national de protection. Et même si on sait qu'une telle solution ne joue que dans le cadre des matières qui ont été harmonisées de façon exhaustive, le fait est là, l'approche est radicale et contredit la logique classique de l'article 53 telle qu'elle existe dans moult traités de protection internationale des droits de l'homme(32). En tout état de cause, le Tribunal constitutionnel espagnol a déjà commencé à trouver la parade et entend résister à sa manière (avec les armes de son système constitutionnel), tandis que le Tribunal Suprême fait de même, plus spécifiquement sur les questions de droit pénal(33). La mobilisation dialogique de la Charte a eu ici un effet pervers au regard de la réponse radicale de la Cour de justice laquelle, au nom du « triptyque primauté, unité, effectivité », a fait fi, très rapidement, du niveau élevé de protection nationale.

Le second facteur est plus spécifique : il est relié à des considérations d'ordre technique liées à la spécificité de la justice constitutionnelle au sein de chaque Etat membre. Les changements constitutionnels propres à chaque pays expliquent par exemple, qu'en Italie(34) ou encore en Belgique(35), la configuration des nouvelles compétences des Cours constitutionnelles ait permis une mobilisation de l'article 267 TFUE. Le cas du « plat pays » est assurément paroxystique puisqu'une « frénésie préjudicielle » (36) y est de mise. Sur les trente-deux questions préjudicielles posées à la Cour de justice, la Charte y fut à l'honneur à six reprises(37) et permit notamment l'invalidation de la disposition d'une des directives « anti-discrimination » (directive n° 2004/113) dans le célèbre arrêt ASBL(38), où le principe d'égalité entre les hommes et les femmes emporta d'importantes conséquences dans le domaine des assurances.

De même, en Autriche, la décision révolutionnaire du 14 mars 2012 -- induisant un nouveau rapport à la Charte des droits fondamentaux -- incita sans nul doute la Cour constitutionnelle à « questionner » la validité de la directive sur la conservation des données. La question préjudicielle en appréciation de validité qu'elle activait le 12 novembre 2012(39) -- participa à faire « tomber » la directive 2006/24 : l'arrêt Digital Rights(40) -- rendu sous les conclusions conformes de l'avocat général Pedro Cruz Villalón, rentrait dans l'histoire.

Dans ce panorama comparatif, la France est résolument à part au regard de sa configuration constitutionnelle. Si l'unique décision de renvoi préjudiciel dans l'affaire Jérémy F(41) est étonnante (quand on sait que le juge du Palais Montpensier laisse normalement aux juges administratif et judiciaire le soin de faire respecter le droit de l'Union), elle ne semble pas, pour l'instant, devoir bouleverser la systématique du contentieux constitutionnel. Elle reste circonscrite à la question de la mise en œuvre du mandat d'arrêt européen pour lequel l'article 88-2 renvoie expressément au droit de l'Union. En outre, « dans sa décision Ahmed S. du 23 janvier 2015, le Conseil constitutionnel a confirmé sa position de principe et écarté une demande de renvoi préjudiciel à la Cour de justice afin de savoir si la déchéance de nationalité instaurée par la loi française était compatible avec le droit de l'Union, et plus particulièrement avec la Charte »(42).

III. La mobilisation à des fins stratégiques

La question du champ d'application de la Charte (article 51§1) fut à l'origine d'un dialogue riche et complexe non seulement avec la Cour de justice, mais également, au sein des Etats membres, entre juridictions nationales. Et pour cause, c'est ni plus ni moins la sauvegarde du « pré-carré » des compétences de chaque acteur judiciaire au sein du système judiciaire européen qui est en jeu : de la Cour de justice, aux Cours constitutionnelles en passant par les juridictions ordinaires et plus particulièrement suprêmes, la démarcation des frontières est au cœur de batailles contentieuses(43). En optant pour une acception large de la notion de « mise en œuvre » du droit de l'Union, dans son arrêt Åkerberg Fransson, la Cour de justice mettait en péril in fine, le pré-carré des compétences des Cours constitutionnelles statuant sur les droits fondamentaux. Cela n'est pas sans conséquences avec les relations que ces mêmes juridictions constitutionnelles entretiennent avec les juridictions suprêmes de leurs pays(44). Dit autrement, l'apparition de la Charte dans les paysages judiciaires nationaux a pu occasionner, dans certains ordonnancements, des tensions entre d'un côté les Cours constitutionnelles et de l'autre les juridictions suprêmes(45) : les premières étant enclines à interpréter de façon stricte le champ d'application de la Charte (article 51 § 1), craignant de voir leur influence diminuer au détriment de la Cour de justice ; les secondes n'hésitant pas à l'inverse à appréhender de façon plus compréhensive le champ d'application de la Charte, permettant ainsi que soient « rognées » les compétences de leurs rivales (à savoir les gardiennes des Constitutions).

Les cas autrichien et allemand mettent parfaitement en lumière ces problématiques qui affectent in fine les équilibres juridictionnels internes. Alors qu'en Autriche, l'apparition de la Charte des droits fondamentaux a relancé un débat d'importance sur les droits fondamentaux afin de savoir quel était l'instance juridictionnelle le mieux à même de les mettre en œuvre(46), le constat n'est guère différent outre-Rhin. S'il y a bien un pays où la question du champ d'application de la Charte a suscité un dialogue particulièrement soutenu avec la Cour de justice, mais également une déferlante doctrinale d'une richesse inouïe, c'est bien l'Allemagne (47). On sait que la Cour de Karlsruhe a immédiatement réagi à l'arrêt Åkerberg Fransson dans sa décision du 24 avril 2013 Antiterrordateigesetz (en faisant connaître son désaccord sur l'interprétation de l'article 51 § 1), et en étant immédiatement suivie politiquement par les autorités du Royaume-Uni(48). La Cour de justice recadra son interprétation en 2014 dans l'affaire Julian Hernández sur la base d'un renvoi d'une juridiction espagnole(49).

Il est remarquable de noter que de telles frictions n'ont absolument pas étreint les relations entre les juridictions suédoises et la Cour de justice. L'approche pro integrationae de la juridiction suédoise (Högsta Domstolen) qui avait activé le renvoi dans l'affaire Åkerberg Fransson fut remarquable : elle prit acte de la réponse de la Cour de justice six mois plus tard (le 11 juin 2013), en hésitant point à bouleverser sa jurisprudence pour s'aligner sur la solution posée par la Cour de justice(50). Si la plupart des autres pays ont tous pris la mesure de l'importance de l'affaire Åkerberg Fransson, il est tout aussi symptomatique de constater que les juridictions nationales n'ont pas hésité à jouer avec le caractère « évolutif » de la question du champ d'application de la Charte ; elles n'hésitèrent pas à déployer leur propre interprétation de celui-ci, grâce aux marges de manœuvre qu'elles se sont octroyées sur la base d'une appréhension spécifique de la jurisprudence de la Cour de justice(51).


La place et le rôle de la Charte des droits fondamentaux dans le paysage constitutionnel européen sont marqués par une irréductible hétérogénéité. Sa force contraignante a engendré des repositionnements de tous les acteurs, sur la scène politique et juridique européenne, qui ont dû la prendre au sérieux, mais ce mouvement ne s'est pas matérialisé de la même manière au sein de chaque ordre juridique.

Si elle est politiquement fondamentale pour l'Union, qui entend par là même affirmer son respect éminent des droits fondamentaux dans le cadre de ses multiples activités, la Charte n'en est pas moins également cruciale pour la Cour de justice qui préside aux destinées de l'évolution du système judiciaire européen et, plus largement, du projet intégratif. Toute sa politique jurisprudentielle est en effet tournée vers son utilisation afin d'œuvrer au renforcement de ce qu'elle voit comme étant la « constitutionnalisation » de son ordre juridique.

À l'échelle des ordres juridiques des États -- qui participent au quotidien à faire vivre le droit de l'intégration -- les situations sont complexes. La Charte est un instrument « de plus » qu'il faut, avec les caractéristiques constitutionnelles propres à l'histoire de chaque État membre, saisir et prendre au sérieux, sans pour autant bouleverser les subtils équilibres internes entre les juridictions et sans sacrifier le niveau de la protection des droits des personnes, sur l'autel des principes de primauté, d'unité et d'effectivité. Ce sont tous les défis inhérents à la construction d'un système politique composée lequel doit manier l'Unité dans la Diversité. Si les Cours constitutionnelles jouent une partition singulière dans le cadre de cette dynamique, l'histoire contentieuse de chaque État explique qu'il n'est guère possible, ni souhaitable, que cette histoire soit homogène.

(1) Les éléments de droit comparé présentés dans le cadre de cette analyse sont, en grande partie, issus des informations des rapports nationaux élaborés dans le cadre de la publication suivante, La Charte des droits fondamentaux saisie par les juges en Europe / The EU Charter of Fundamental Rights as apprehended by national judges, L. Burgorgue-Larsen (dir.), Paris, Pedone, 2017, 715 p.

(2) Il n'y a pas un seul ordonnancement constitutionnel qui se ressemble en Europe. Les différences affectent tout à la fois la forme (le texte constitutionnel comme tel), comme la substance (la place des droits fondamentaux). S'il n'y a pas de constitution écrite au Royaume-Uni, la Constitution suédoise quant à elle est constituée de quatre lois fondamentales adoptées à des époques différentes. De son côté, la Constitution chypriote ne peut se comprendre si on ignore qu'elle a pris pour modèle la Convention de sauvegarde des Droits de l'homme et Libertés fondamentales (ci-après la « Convention européenne »). De même, en Allemagne, quatre dispositions constitutionnelles sont d'importance pour comprendre le degré et les conditions d'ouverture de l'ordre juridique allemand aux ordres juridiques européen et international ; tandis que la Constitution finlandaise dispose, depuis 1995, d'un catalogue de droits qui fait la part belle aux droits économiques, sociaux et culturels.

(3) Si certaines Constitutions se sont dotées de « clauses d'ouverture » au droit international, elles concernent, généralement, la possibilité de participer aux activités d'organisations supranationales et ne mentionnent pas les droits fondamentaux comme tels (Art. 11 de la Constitution italienne ; art. 49 bis de la Constitution luxembourgeoise ; art. 28 § 2 et 3 de la Constitution grecque ; art. 93 de la Constitution espagnole ; art. 9 de la Constitution polonaise ; art. 10 a) de la Constitution tchèque). Bien que ces clauses ne fassent référence qu'à des « organisations internationales » de façon générique, il appert que dans certains pays, les travaux préparatoires (Espagne, République tchèque) démontrent qu'elles ont été intégrées en prévision de l'adhésion à l'Union européenne. Il peut arriver toutefois que cette dernière fasse une apparition explicite au sein des Constitutions nationales. Plusieurs États membres ont en effet intégré, suite à des révisions constitutionnelles rendues nécessaires aux fins de ratification des traités de révision ou en prévision d'une adhésion programmée -- des dispositions ad hoc en rapport avec l'Union. Bien que ces clauses soient la marque indéniable du phénomène d' « européanisation des Constitutions nationales », l'adoption solennelle de la Charte, postérieurement aux temps forts de ce processus, explique en grande partie, qu'elle n'y apparaisse point. On relèvera le cas spécifique des « Autonomies » en Espagne. Si trois Statuts de Communautés autonomes font indirectement référence aux valeurs défendues par l'Union européenne (Castille et Léon, Catalogne et Valence), c'est le Statut d'autonomie des Baléares qui, révisé en 2007, contient une référence explicite à la Charte des droits fondamentaux (art. 12).

(4) La majeure partie des Constitutions des États membres de l'Union européenne n'accordent aucune place singulière au droit international des droits de l'homme, à de rares exceptions près comme en Espagne (art.10§2), en Roumanie (art. 20§1) ou encore au Portugal (art. 16§2). Pis, quand cette particularité existe -- à l'instar de l'article 10 a) de la Constitution de la République tchèque dans sa version de 1993, une modification constitutionnelle peut la supprimer. De même, quand des réflexions constituantes imaginent d'en faire cas, elles finissent par échouer comme le démontre le cas paradigmatique du Luxembourg. Au bout du compte, la règle qui prévaut est que le droit international est le plus souvent appréhendé de façon classique à travers la question de son rang et non pas à travers celle des valeurs qu'il consacre : ad. ex. art. 55 de la Constitution française ; art. 28 § 1 de la Constitution grecque ; art. 96 § 1 de la Constitution espagnole ; art. 11 § 2 de la Constitution roumaine ; art. 91 § 1 de la Constitution polonaise ; art. 5 § 4 de la Constitution bulgare ; art. 8 de la Constitution slovène.

(5) Ce point est en effet important à prendre en considération puisque la Charte est élevée au rang de droit primaire depuis l'entrée en vigueur, le 1er décembre 2009, du Traité sur l'Union européenne tel qu'adopté à Lisbonne. Or, l'analyse comparée révèle que la primauté conférée au droit de l'Union européenne par la Cour de justice est toujours l'objet de moult débats politiques, doctrinaux et in fine juridiques. Même s'il faut relever que dans certains pays, à l'instar de Chypre, de la Slovénie ou encore de la Roumanie, le constituant a voulu aborder à bras le corps cette thématique afin d'éviter que la primauté du droit de l'Union ne soit au centre de (trop) de divergences contentieuses, la primauté inconditionnelle est somme toute rarissime, et en tout état de cause au cœur de jurisprudences où les réserves de constitutionnalité sont fondatrices du rapport au droit de l'Union (comme les exemples allemand, espagnol ou encore italien le démontrent à l'envi).

(6) Ces spécificités se manifestent au niveau de la composition du Conseil -- où les nominations d'hommes politiques sont légion -- comme des modalités du contrôle de constitutionnalité, qui reste toujours abstrait, en dépit de l'introduction de la QPC. Partant, le contrôle n'est toujours pas concret ce qui induit un contrôle de proportionnalité minimaliste, au grand dam de certains membres de la doctrine, très critiques. Voir l'analyse décapante de P. WACHSMANN, « Misère du contrôle de constitutionnalité des lois en France : la décision relative à l'incrimination des clients des prostitués », JP Blog (le Blog de Jus politicum), 21 février 2019.

(7) Article 120 de la Constitution des Pays Bas qui dispose que « 'The constitutionality of Acts of Parliament and treaties shall not be reviewed by the courts' .« De son côté, l'article 94 implique un contrôle de conventionnalité, même si son libellé est formulé de façon négative : » Statutory regulations in force within the Kingdom shall not be applicable if such application is in conflict with provisions of treaties that are binding on all persons or of resolutions by international institutions'. "

(8) Art. 100 du Règlement intérieur du Parlement.

(9) Le contrôle est pour moitié entre les mains du Comité de droit constitutionnel du Parlement lequel n'intervient que dans le cadre d'un contrôle abstrait ex ante ; le contrôle ex post est, quant à lui, assuré par les juges ordinaires (puisqu'il n'y a pas de Cour constitutionnelle en Finlande).

(10) Pour une déconstruction stimulante de la notion de « bloc » à l'aune d'une critique acerbe de la « doctrine justificative » qui n'est autre que le véhicule de l'« idéologie du contentieux constitutionnel français », v. D. BARANGER, « Comprendre le bloc de constitutionnalité », La Jurisprudence du Conseil constitutionnel et les différentes branches du droit, Jus Politicum (n° 20-21), Juillet 2018, pp. 103-128.

(11) On se permet à cet égard de renvoyer aux analyses de P-V. ASTRESSES, « Espagne » ; de A. AGUILAR CALAHORRO, S. PINON, « Espagne » ; et de M. LICKOVA, « République tchèque », in La Charte des droits fondamentaux saisie par les juges, op.cit., p. 125 et s. ; p. 277 et s., p. 539 et s.

(12) Cour constitutionnelle autrichienne, 14 mars 2012, U 466/11, R. KLAUSHOFER, R. PALMSTORFER, « Austrian Constitutional Court Uses Charter of Fundamental Rights of the European Union as Standard of Review : Effects on Union Law », European Public Law, vol. 19, 2013, p. 1 ; J. A. HOFBAUER, C. BINDER, « Austria », La Charte des droits fondamentaux saisie par les juges en Europe..., op.cit ., p. 108 et s.

(13) Ci-après la « Convention européenne ».

(14) Partant, la Cour constitutionnelle renvoyait le contrôle de conventionnalité aux juridictions ordinaires.

(15) Qu'elle déduisit des articles 52§3 et 4 et 53 de la Charte.

(16) L'arrêt du 3 mars 2015 de la Cour constitutionnelle autrichienne [G 107/2013/11] en témoigne, voir L. BURGORGUE-LARSEN, « Chronique de jurisprudence européenne comparée (2015) », RDP, 2016, p. 1310.

(17 Le contrôle concret découle des articles 144 et 144 a) de la Constitution, tandis que le contrôle abstrait est prévu aux articles 139 et 140 de la Constitution.

(18) Décision n° 2004-496 DC du 10 juin 2004, Loi pour la confiance dans l'économie numérique.

(19) Décision n°2018-765 DC du 12 juin 2018, Loi relative à la protection des données personnelles.

(20) Or, une telle approche serait possible dans la mesure où l'article 88§1 mentionne le TUE et le TFUE dont on sait que le premier, à l'article 6§1, mentionne la Charte des droits fondamentaux, v. E. DUBOUT, P. SIMON, L. XENOU, « France », La Charte des droits fondamentaux saisie par les juges, op.cit., p. 328 et s.

(21) Décision n°2018-768 DC du 26 juillet 2018, Loi relative à la protection du secret des affaires. La loi déférée au Conseil avait pour objet de transposer la directive 2016/943/UE du 8 juin 2016 sur la protection du savoir-faire et des informations commerciales non divulguées. Il est à relever qu'il s'agit de la seule décision qui cite expressis verbis la Charte depuis son entrée en vigueur le 1er décembre 2009.

(22) Ainsi, en l'espèce, la liberté d'expression (art. 11 de la DHC et 11 de la Charte) ; la liberté d'entreprendre (art.4 DHC et 16 de la Charte) ainsi que le principe de l'égalité devant la loi (art. 6 DHC et 20 de la Charte), ne font pas partie de « l'identité constitutionnelle » de la France.

(23) N. MAESTRACCI, « L'ouverture implicite aux sources extérieures. Le cas de la France », Les défis de l'interprétation et de l'application des droits de l'homme. De l'ouverture au dialogue, L. Burgorgue-Larsen (dir.), Paris, Pedone, 2017, pp. 159-168.

(24) La saisine datait du 19 février 1997 et concernait l'interprétation de certaines dispositions de la Directive 93/16/CEE du Conseil du 5 avril 1993 concernant la libre circulation des médecins et la reconnaissance mutuelle des diplômes (C-93/97). La Cour de justice lui répondait le 16 juillet 1998, Fédération belge des Chambres syndicales de médecins ASBL , C-93/97, Rec. p. I‑4837).

(25) Je remercie P-V. ASTRESSES -- lequel termine la rédaction d'une thèse sur L'activation du renvoi préjudiciel par les Cours constitutionnelles en Europe -- qui a eu l'amabilité de me transmettre ces derniers éléments statistiques ainsi que ceux mentionnés à la note 27.

(26) On se reportera avec intérêt au site Internet de la Cour constitutionnelle belge qui recense les « Questions préjudicielles à la Cour de justice de l'UE » au moyen d'un onglet spécifique http://www.const-court.be/fr/common/home.html

(27) Au 20 février 2019, la Cour constitutionnelle autrichienne avait saisi à quatre reprises la CJUE ; le Tribunal constitutionnel allemand à deux reprises (et le Land de Hesse dès le 16 avril 1997, à une reprise également) ; le Tribunal constitutionnel espagnol, le Conseil constitutionnel français ainsi que les Cours lettonne, luxembourgeoise, polonaise et slovène, à une seule reprise. Ces saisines n'ont pas mobilisé systématiquement la Charte ; elle ne le fut qu'une seule fois en Autriche (décision 28 nov. 2012, G 47-12-11 e.a.) ; une fois en Espagne (arrêt du 9 juin 2011, n°86/11), une fois en Roumanie (arrêt du 29 novembre 2016) et une fois en Slovénie (arrêt du 6 novembre 2014, U-I-295/13-132). C'est logiquement la Cour constitutionnelle belge qui a le plus mobilisé la Charte dans six affaires (19 avr. 2012, n°54/2012 ; 18 oct. 2012, n°119/2012 ; 19 déc. 2013, n°172/2013 ; 13 nov. 2014, n°165/2014 ; 5 fév. 2015, n°15/2015 ; 19 juil. 2018, n°96/2018).

(28) Formule utilisée dans le cadre de l'article écrit en hommage à Bruno Genevois, « De l'internationalisation du dialogue des juges. Missive doctrinale à l'attention de Bruno Genevois », Le Dialogue des juges. Mélanges en l'honneur du Président Bruno Genevois , Paris, Dalloz, 2009, pp.95-130.

(29) Tribunal Constitutionnel espagnol, STC n°28/1991 du 14 février 1991, FJ n°7 ; STC n°372/1993 du 13 décembre 1993 ; STC n°265/1994 du 3 octobre 1994.

(30) R. ALONSO GARCIA, « Cuestión prejudicial europea y tutela judicial efectiva (a propósito de las SSTC 58/2004, 194/2006 y 78/2010 », WP IDEIR n°4 (2011). Voir également Tribunal constitutionnel espagnol (Pl.), 5 novembre 2015, nº 232/2015, Recours nº 1709-2013.

(31) La mise en œuvre du mandat d'arrêt européen se concentre ici sur une question précise, celle où la personne qui doit être « remise » n'a pas voulu comparaître à son procès (procès in abstentia). La jurisprudence constitutionnelle espagnole est particulièrement stricte : même si le prévenu n'a pas voulu de son propre chef comparaître et même s'il s'est fait dûment représenté, il y a violation du droit à un procès équitable.

(32) En effet, il s'agit de ce que l'on a coutume d'appeler, en droit international, une « clause de non régression » : voir art. 5§2 PIDCP ; art. 5§2 PDESC ; art. 23 CEDEF ; art. 29 b). Convention américaine des droits de l'homme ; art.41 Convention sur les droits de l'enfant ; art.31 du Protocole à la Charte africaine concernant les droits des femmes (Protocole dit de « Maputo »).

(33) A. AGUILAR CALAHORRO, S. PINON, « Espagne », La Charte des droits fondamentaux saisie, op.cit., p. 285 et s.

(34) En Italie, la réforme constitutionnelle de 2011 -- qui affubla l'article 117§1 de la Constitution d'un nouveau libellé -- permit à la Cour constitutionnelle, dans des cas de figure très précis, d'activer le renvoi préjudiciel : ce fut fait le 12 février 2008 (Cour constitutionnelle italienne, 12 février 2008, n°102/2008 et n°103/2008, v. le commentaire de L. S. ROSSI sur les décisions n°348 et 349/2007 du 22 octobre 2007 et n°102 et 103 du 12 février 2008, CMLR, vol. n°46-n°1, 2009, pp.319-331.

(35) T. VANDAMME, « Prochain arrêt : la Belgique ! Explaining Recent Preliminary Reference of the Belgian Constitutional Court », EuConst., 4, 2008, pp.127-148.

(36) P.-V. ASTRESSES, « Belgique »,La Charte des droits fondamentaux saisie par les juges, op.cit., p.160.

(37) Arrêt du 19 avr. 2012, n°54/2012 ; du 18 oct. 2012, n°119/2012 ; du 19 déc. 2013, n°172/2013 ; du 13 nov. 2014, n°165/2014 ; du 5 fév. 2015, n°15/2015.

(38) CJUE, 1er mars 2011,Association Belge des Consommateurs Test-Achats, C-236/09, Rec. 2011 p. I-00773.

(39) In casu, la Cour de Justice joignait deux renvois, celui de la High Court d'Irlande et celui de la Cour constitutionnelle autrichienne.

(40) CJUE, Gde Ch., 8 avril 2014, Digital Rights Ireland et Seitlinger et autres (affaires jointes C-293/12 et C-594/12)

(41) Conseil constitutionnel, n°2013-314 QPC du 4 avril 2013.

(42) E. DUBOUT, P. SIMON, L. XENOU, « France », La Charte des droits fondamentaux saisie par les juges, op.cit ., p. 351.

(43) Cela n'est pas le cas dans des pays qui n'ont pas de système concentré de justice constitutionnelle, à l'instar du Danemark, J. CHRISTOFFERSEN, M. R. MADSEN, « Denmark », La Charte des droits fondamentaux saisie par les juges..., op.cit ., pp. 261-276.

(44) J. HOFBAUER, C. BINDER, « Austria »,La Charte des droits fondamentaux saisie par les juges..., op.cit., p. 104 et s.

(45) D'une manière générale, le droit de l'Union est souvent utilisé par les juridictions « inférieures » pour avoir plus de pouvoir par rapport aux juridictions supérieures, « A peculiar phenomenon has been also taking place : Lower courts were using [the EU law] to stand up to supreme courts and question their EU-competency », A. KORZENOV cité par M. BELOV, M. FARTUNOVA, « Bulgaria »,La Charte des droits fondamentaux saisie par les juges..., op.cit., p. 200.

(46) « The Charter of Fundamental Rights has led to a revival of the discussion on fundamental rights in Austria, in particular with regard to which court has the authority to assess compliance with fundamental rights », J. HOFBAUER, C. BINDER, « Austria »,La Charte des droits fondamentaux saisie par les juges..., op.cit., p. 102.

(47) E. LAGRANGE, A-M. THEVENOT-WERNER, « Allemagne »,La Charte des droits fondamentaux saisie par les juges..., op.cit., p. 35 et s. Cet article témoigne de l'extrême richesse doctrinale qui démontre, une fois de plus, que la question des droits fondamentaux est purement et simplement l'Alpha et l'Omega de l'ordre juridique allemand tel qu'il s'est développé à partir de la Loi Fondamentale de Bonn.

(48) « The Committee drew attention to the fact that Germany's Federal Constitutional Court had suggested in two cases that Fransson did not deprive the Federal Constitutional Court (the FCC) of the right to rule that an act of the EU is unconstitutional in Germany », B. DICKSON, « United Kingdom », pp. 673-691.

(49) CJUE, 10 juillet 2014, Julián Hernández e.a., C-198/13, EU : C : 2014 : 2055.

(50) Valère Ndior explique parfaitement comment, quelques temps avant l'affaire Åkerberg Fransson, la juridiction suédoise avait développé une approche très restrictive qui ne cadrait absolument pas avec ce que la CJUE allait affirmer quelque temps plus tard (excepté la dissidence prémonitoire des juges K. Calissendorff et J. Herre), V. NDIOR, « Suède », La Charte des droits fondamentaux saisie par les juges, op.cit ., p. 658.

(51) S. LAULHE SHAELOU, K. KALAITZAKI, « Cyprus »,La Charte des droits fondamentaux saisie par les juges..., op.cit., p. 229 et s.

Citer cet article

Laurence BURGORGUE-LARSEN. « La mobilisation de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne par les juridictions constitutionnelles », Titre VII [en ligne], n° 2, De l’intégration des ordres juridiques : droit constitutionnel et droit de l’Union européenne, avril 2019. URL complète : https://www.conseil-constitutionnel.fr/publications/titre-vii/la-mobilisation-de-la-charte-des-droits-fondamentaux-de-l-union-europeenne-par-les-juridictions