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Décision n° 2009-594 DC du 3 décembre 2009 - Observations du gouvernement

Loi relative à l'organisation et à la régulation des transports ferroviaires et portant diverses dispositions relatives aux transports
Conformité

Le Conseil constitutionnel a été saisi, par plus de soixante députés et plus de soixante sénateurs, de deux recours dirigés contre la loi relative à l'organisation et à la régulation des transports ferroviaires et portant diverses dispositions relatives aux transports.

Les recours tendent plus particulièrement à obtenir la censure de l'article 5 de la loi, qui modifie le régime de propriété et d'exploitation du réseau de transports exploité par la régie autonome des transports parisiens (RATP).

Ces recours appellent, de la part du Gouvernement, les observations suivantes.

I/ SUR LE GRIEF TIRE DE LA MÉCONNAISSANCE DE L'ARTICLE 45 DE LA CONSTITUTION.

A/ Les auteurs de la saisine estiment que l'article 5 est dépourvu de tout lien avec l'objet initial du projet de loi déposé sur le bureau du Sénat, en méconnaissance des prescriptions énoncées à l'article 45 de la Constitution.

B/ Le Conseil constitutionnel ne pourra faire sienne cette analyse.

S'il est vrai que le projet de loi initialement déposé avait pour objet principal de définir de nouvelles règles relatives à la régulation des transports ferroviaires, il comportait aussi, d'emblée, des dispositions relatives aux transports dits « guidés » de voyageurs. Tel est le cas, notamment, de l'article 1er du projet de loi déposé, relatif aux conditions d'octroi de l'autorisation de mise en exploitation commerciale d'un véhicule de transport ferroviaire ou guidé. Il est d'ailleurs significatif à cet égard d'observer qu'à l'origine, à la fois le titre du projet de loi et le libellé de son titre Ier faisaient mention des transports guidés de voyageurs, avant que le Parlement ne décide d'adopter une rédaction simplifiée pour le titre de la loi.

Or, les réseaux de métro et de RER dont le régime de propriété et d'exploitation sont modifiés par l'article 5 de la loi déférée constituent des systèmes de transport guidé, au sens et pour l'application de la loi n°82-1153 du 30 décembre 1982 d'orientation des transports intérieurs.

L'article 5 présente donc, en l'espèce, un lien direct avec le texte déposé sur le bureau de l'Assemblée nationale. Il satisfait donc aux prescriptions de l'article 45 de la Constitution.

II/ SUR LE GRIEF TIRE DE LA MÉCONNAISSANCE DES ARTICLES 24 ET 39 DE LA CONSTITUTION.

A/ Il est fait grief, dans la saisine émanant des sénateurs, à l'article 5 de ne pas avoir été adopté selon une procédure conforme à la Constitution, motif pris de ce que cet article, introduit par voie d'amendement, sur l'initiative du Gouvernement, au cours de la lecture devant l'Assemblée nationale, méconnaîtrait l'obligation faite au Gouvernement de soumettre en premier lieu au Sénat les projets de loi ayant pour principal objet l'organisation des collectivités territoriales.

B/ Un tel grief est en tout état de cause inopérant, dès lors que les prescriptions de l'article 39 sont relatives aux conditions de dépôt des projets de loi et n'ont ni pour objet ni pour effet de régir les conditions de dépôt des amendements, quelle que soit l'origine de ces derniers.

III/ SUR LES GRIEFS TIRES DE LA MECONNAISSANCE DE LA LIBRE ADMINISTRATION DES COLLECTIVITES TERRITORIALES ET DE LA PROTECTION DE LA PROPRIETE DES PERSONNES PUBLIQUES.

A/ Les auteurs des saisines voient dans l'article 5 un mécanisme de dépossession du syndicat des transports d'Ile-de-France, au profit de la RATP, de la fraction de son domaine public constitué par l'infrastructure du réseau de transports ferroviaires et guidés, dont il est présenté comme l'unique propriétaire.

B/ Avant d'examiner le mérite des griefs présentés dans les saisines, le Gouvernement souhaite, à titre liminaire, procéder à une clarification du régime de propriété et de jouissance des infrastructures de transport en Ile-de-France.

1/ Le régime de propriété est marqué par une répartition entre la RATP et d'autres collectivités publiques.

Avant l'intervention de l'article 5 de la loi déférée, trois étapes essentielles ont affecté ce régime.

La loi n°48-506 du 21 mars 1948 relative à la réorganisation et à la coordination des transports de voyageurs dans la région parisienne a tout d'abord créé la RATP, sous forme d'établissement public industriel et commercial, en lui confiant la charge d'exploiter les réseaux de transports en commun de la ville de Paris et du département de la Seine, ainsi que des lignes de Seine-et- Oise et Seine-et-Marne, antérieurement concédées ou affermées à la Compagnie du chemin de fer métropolitain ou à la Société des transports en commun de la région parisienne. En vertu de l'article 8 de la loi, la RATP s'est trouvée subrogée dans les droits et obligations de ces anciens exploitants. Mais ces droits ne comportaient pas la pleine propriété des infrastructures existantes qui est donc demeurée, à l'époque, celle des collectivités territoriales concernées.

La deuxième étape importante est contemporaine de la réorganisation administrative de la région parisienne et s'est traduite par un transfert de la propriété de ces biens au syndicat des transports de la région parisienne (STP) créé par l'ordonnance n°59-151 du 7 janvier 1959. En vertu de l'article 19 de la loi n°64-707 du 10 juillet 1964, celui-ci a été constitué propriétaire de l'ensemble des immeubles et meubles constituant le réseau exploité par la RATP, c'est-à-dire à la fois des infrastructures et du matériel roulant.

Le décret n°69-672 du 14 juin 1969, pris en application de cet article, a ultérieurement précisé la liste de ces biens devenant la propriété du syndicat.

Au titre des biens immobiliers figuraient, d'une part, l'ensemble des lignes (tréfonds, sol et construction), y compris les voies de garage et de raccordement, les stations, leurs accès et ouvrages de correspondances, les sous-stations et ateliers souterrains et, d'une manière générale, tous les compléments, accessoires et dépendances desdites lignes et installations et, d'autre part, les immeubles nécessaires à l'exploitation du réseau : sous-stations, ateliers, immeubles administratifs, bâtiments sociaux, terrains, constructions, postes de commande, parcs de matériel de voie, dépôts ou remises d'autobus, garages, dépôts de matériel, terminus routiers, etc.

La liste mentionnait par ailleurs les biens mobiliers constitués par le matériel de transport, le matériel industriel et les autres biens mobiliers mis à la disposition de la RATP par la ville de Paris et l'ancien département de la Seine.

Il convient d'observer toutefois que le transfert de propriété n'a porté, conformément aux prescriptions de l'article 19 de la loi du 10 juillet 1964, que sur les biens existants à la date du 31 décembre 1967. Au 1er janvier 1968, le STP était donc propriétaire de l'infrastructure de réseau existante, sans indication sur le sort qui devrait être réservé à l'extension future de cette dernière.

La troisième étape a consisté en la décentralisation, à compter du 1er juillet 2005, et par application de la loi n°2004-809 du 13 août 2004, du syndicat des transports de la région parisienne, devenu, dans l'intervalle, en 2000, le syndicat des transports d'Ile-de- France (STIF). Afin de déterminer le patrimoine de ce nouvel établissement public uniquement composé, désormais, de collectivités territoriales, un nouveau décret a été nécessaire. Tel a été l'objet du décret n°2006-980 du 1er août 2006, qui a repris la liste, actualisée des acquisitions ou cessions réalisées depuis lors, du décret du 14 juin 1969, sans y faire figurer les extensions de lignes réalisées après le 1er janvier 1968. Le Conseil d'Etat a confirmé, au contentieux, que ces extensions appartenaient en pleine propriété à la RATP (voir en ce sens, CE, 6 juin 2008, STIF, n°300935).

La portée de l'article 5 de la loi déférée doit être appréciée à la lumière de cette chronologie. Cet article se borne en réalité à transférer à la RATP la pleine propriété de la fraction du réseau antérieur au 1er janvier 1968 tout en procédant, en sens inverse, au transfert de propriété, à terme, du matériel roulant.

2/ L'article 5 de la loi déférée s'inscrit par ailleurs dans le prolongement du régime de jouissance applicable dès l'origine aux biens du réseau.

Dès sa création, la RATP s'est vu reconnaître la pleine jouissance des biens constitués par le réseau pris dans son ensemble.

L'article 8 de la loi du 21 mars 1948 précise que la RATP aura, « à l'égard de ces biens, la situation juridique des exploitants auxquels elle succède ».

L'article 19 de la loi du 10 juillet 1964 et le décret du 14 juin 1969 confirmeront le contrôle économique de la RATP sur ces biens. L'article 2 du décret prévoit qu'une convention conclue entre le STP et la RATP et approuvée par décret en Conseil d'Etat fixe les conditions dans lesquelles la RATP gère le domaine transféré au syndicat. La convention du 27 novembre 1972 précise ainsi, dans son préambule, que la RATP possède, sur les biens immobiliers visés par l'article 1er du décret du 14 juin 1969, « un droit de jouissance qui lui permet notamment d'utiliser librement ces biens pour les besoins ou dans l'intérêt de l'exploitation de ses réseaux (...), de consentir des locations, d'accorder des autorisations précaires d'occupation du domaine public et de percevoir les fruits et produits desdits biens (...) ».

Cette situation a été confirmée par l'article 6-3 du cahier des charges de la RATP, approuvé par décret n°75-470 du 4 juin 1975, lequel prévoit que le domaine affecté aux exploitations confiées à la RATP est utilisé librement par elle pour les besoins de ces exploitations et des activités qui s'y attachent et qu'elle peut consentir des locations, accorder des autorisations d'occupation du domaine public et percevoir des fruits et produits, sous réserve qu'il ne soit pas fait obstacle à l'accomplissement du service public. La RATP se trouve ainsi investie du pouvoir de délivrer, dans les conditions alors prévues par le code du domaine de l'Etat, les titres d'occupation du domaine public de l'Etat et d'en percevoir les redevances correspondantes.

En conséquence, la RATP porte, dès cette époque, la valeur du réseau à l'actif de son bilan.

L'article 2 du décret du 1er août 2006, pris en application de l'ordonnance du 7 janvier 1959 modifiée par la loi du 13 août 2004, réitère ce droit de jouissance, en précisant que la RATP « utilise librement, pour les besoins du service public dont l'exécution lui est confiée », les immeubles du STIF qui lui sont affectés. Elle en perçoit l'ensemble des fruits et produits et assume pour ces immeubles l'ensemble des charges du propriétaire, notamment les charges fiscales. Le décret précise en outre qu'il incombe à la RATP de maintenir « en état normal d'entretien à ses frais » les immeubles du STIF qui lui sont affectés et d'exécuter « dans les mêmes conditions les travaux destinés à leur apporter toute amélioration utile au service public dont l'exécution lui est confiée » (art. 2, 3ème alinéa). C'est également la RATP qui se trouve redevable des charges nées des dommages subis par des tiers du fait de ces immeubles et notamment celles nées des accidents ou dommages survenant à l'occasion des travaux qu'elle conduit pour les entretenir ou les améliorer. En contrepartie, et pour tirer toutes les conséquences d'une telle imbrication des rôles entre le STIF et la RATP, le I de l'article 3 du décret du 1er août 2006 prévoit un accord préalable de la RATP avant toute aliénation par le STIF des biens concourant au service public.

La RATP exploite aujourd'hui 14 lignes de métro, 2 lignes de RER, 350 lignes de bus et 3 lignes de tramway. Si elle ne possède en pleine propriété que la partie la plus récente du réseau, il ne fait aucun doute en revanche qu'elle a toujours eu la jouissance et le contrôle économiques de l'ensemble. Cela se traduit par l'inscription de ces biens à l'actif de son bilan et, en contrepartie, au passif de celui-ci, de la dette dont ce réseau se trouve grevé, pour un montant de 4,5 Md€ à la fin de l'année 2008.

L'article 5 de la loi déférée revêt donc, dans les faits, une portée moindre que celle suggérée par les auteurs de la saisine.

C/ Les griefs soulevés dans les saisines n'en seront que plus aisément écartés.

1/ Sur le grief tiré de la méconnaissance de la libre administration des collectivités territoriales.

a/ Les auteurs de la saisine font valoir qu'en transférant une partie du patrimoine du STIF à la RATP sans prévoir de contrepartie financière, en retenant en revanche un partage obligatoire de la maîtrise d'ouvrage des projets pour la réalisation de certaines opérations et en n'assortissant pas de précisions suffisantes les modalités de rémunération du capital engagé par la RATP pour financer les infrastructures, l'article 5 porte atteinte à la libre administration des collectivités territoriales.

Le grief est ainsi fondé sur le présupposé que le principe de libre administration des collectivités territoriales serait applicable aux établissements publics de ces dernières.

b/ Ce postulat ne saurait toutefois être retenu.

La Constitution, et spécialement ses articles 34, 72 et 72- 2, ne réserve en effet qu'aux seules collectivités territoriales le principe de libre administration, sans que la jurisprudence n'ait jamais étendu le champ de ce principe aux établissements publics. S'agissant de l'organisation et des règles de gestion de ces derniers, ce sont les dispositions de l'article 34 de la Constitution qui trouvent à s'appliquer, quel que soit le type d'établissement considéré.

Le grief tiré de la méconnaissance du principe de libre administration pourra donc être écarté comme inopérant.

Il sera également observé, à titre surabondant, que l'aménagement décidé par l'article 5 de la loi déférée obéit à l'objectif d'intérêt général consistant à réunir dans la main d'un opérateur unique la propriété de l'ensemble des installations dont la loi lui confie par ailleurs la gestion. Cet aménagement est d'autant plus nécessaire en région parisienne, où le maillage très dense et les contraintes techniques de l'interopérabilité des réseaux ont justifié de longue date la mise en place d'un cadre institutionnel spécifique. Eu égard à l'objectif ainsi poursuivi, le législateur ne saurait, en tout état de cause, être regardé comme ayant méconnu la compétence qui lui est confiée par les articles 34 et 72 de la Constitution en prévoyant le transfert de propriété envisagé et les modalités concrètes que ce dernier impliquait (voir, pour un précédent de nature similaire, la décision n°2007-548 DC du 22 février 2007 relative à la loi du 27 février 2007 portant création d'un établissement public de gestion du quartier d'affaires de la Défense).

2/ Sur le grief tiré de la méconnaissance de la protection qui s'attache à la propriété des personnes publiques.

a/ Les auteurs des saisines font tout d'abord valoir que cette protection est mise en cause par la division obligatoire des opérations de maîtrise d'ouvrage entre le STIF et la RATP prévue par l'article 5.

Il est vrai que la maîtrise d'ouvrage publique, qui suppose en principe l'exercice de l'ensemble des tâches mentionnées par la loi n°85-704 du 12 juillet 1985, dite loi MOP, bénéficie en jurisprudence d'une protection particulière (voir en ce sens la décision n°2003-473 DC du 26 juin 2003).

Mais le partage envisagé par l'article 5 entre la partie « stratégique » de la maîtrise d'ouvrage confiée au STIF et sa partie technique et opérationnelle confiée à la RATP se trouve justifiée par un impératif d'intérêt général et ne porte aucune atteinte aux droits du syndicat.

i/ La division de la maîtrise d'ouvrage est tout d'abord justifiée par l'intérêt général.

Les aménagements, extensions et prolongements directs des ouvrages concernés par l'article 5 comprennent en effet la réalisation d'infrastructures, mais aussi l'acquisition de matériels roulants.

Or, si la propriété des premières a vocation à revenir à la RATP, propriétaire de la totalité des lignes existantes au 1er janvier 2010 en vertu des autres dispositions de la loi déférée, la propriété du matériel roulant est dévolue au STIF. La solidarité entre les éléments techniques militait donc pour une maîtrise d'ouvrage partagée.

La répartition des rôles instituée par l'article 5 ne fait en outre que prendre acte du partage constaté dans l'organisation actuelle.

Il convient de rappeler, à titre liminaire, que le syndicat n'avait pas, entre 1959 et 2005, la possibilité de mener lui-même la maîtrise d'ouvrage des projets d'infrastructure, qui revenait alors à la seule RATP.

Il est exact qu'en droit le STIF a disposé à compter de 2005 de la faculté de conduire seul tous les aspects de la maîtrise d'ouvrage en vertu des dispositions du 6ème alinéa du II de l'article 1er de l'ordonnance du 7 janvier 1959 modifiée. Mais, dans les faits, le STIF n'a jamais fait complet usage de cette compétence, qu'elle concerne de nouvelles opérations ou les prolongements d'ouvrages existants. Il s'est toujours borné, comme le lui permettent les dispositions combinées de l'article 2 de l'ordonnance du 7 janvier 1959 et du II de l'article 15 du décret n°2005-664 du 10 juin 2005 portant statut du [STIF] et modifiant certaines dispositions relatives à l'organisation des transports de voyageurs en Ile-de-France, à déterminer le contenu-type des dossiers des projets soumis à son approbation, à élaborer ou à faire élaborer les schémas de principe et à approuver l'avant-projet et la convention de financement. Pour le reste, il s'en est systématiquement remis à la RATP qu'il désignait pour assurer la maîtrise d'ouvrage des projets d'infrastructures nouvelles.

L'article 5 de la loi déférée transcrit en droit cette répartition des rôles, dans laquelle le STIF prend, en amont, les décisions relatives à l'opportunité et à la faisabilité de l'opération, tandis que la RATP se charge de sa réalisation.

ii/ Contrairement à ce que laissent entendre les auteurs des saisines, l'article 5 ne saurait par ailleurs être lu comme ayant pour objet, ou même simplement pour effet, d'imposer au STIF de financer, dans le cadre d'une enveloppe arrêtée par lui mais qui n'aurait qu'un caractère prévisionnel, des charges dont le montant précis dépendrait en réalité de la RATP, seule compétente pour choisir le processus de réalisation ou d'acquisition de l'infrastructure et des matériels.

Une convention entre le STIF et la RATP précisera en effet, en toute hypothèse, les conditions d'organisation de la maîtrise d'ouvrage dont le syndicat, après avoir décidé du principe et de l'objet de l'opération, assurera le suivi et le contrôle d'ensemble. Il résulte de l'article 5 de la loi déférée que chaque opération devra faire l'objet d'une telle convention qui fixera, notamment, les conditions d'intervention de chacune des parties aux différents stades de l'opération et les conditions et modalités de son financement. Dans la mesure où la passation de cette convention conditionnera l'engagement de l'opération, puisque les « conditions d'organisation de la maîtrise d'ouvrage » doivent impérativement déterminer les modalités de coordination entre les deux entités, le STIF conservera toute latitude pour s'assurer qu'aucune dépense indue ou non consentie ne sera mise à sa charge.

Il est vrai que la disposition contestée prévoit que le STIF détermine, notamment, l'enveloppe « prévisionnelle » des opérations dont il s'est préalablement assuré de l'opportunité et « en assure le financement ». Mais cette dernière expression, dont le libellé s'explique par la volonté du législateur de s'inspirer de la terminologie retenue à l'article 2 de la loi MOP pour décrire les différentes phases de la maîtrise d'ouvrage, doit être replacée dans le contexte d'ensemble de l'ordonnance du 7 janvier 1959, au sein de laquelle s'insère l'article 5.

Elle ne peut être lue comme imposant au STIF de financer chaque opération sur ses propres deniers, son seul objet étant de reconnaître la responsabilité qui est confiée au STIF de veiller à ce que le plan de financement de l'opération soit assuré, conformément à la mission de « définition des conditions générales de financement des services » qui lui est attribuée par le premier alinéa du II de l'article 1er de l'ordonnance du 7 janvier 1959, dont l'article 5 de la loi déférée laisse la substance inchangée.

La première branche du grief pourra donc être écartée.

b/ Les auteurs des saisines font, en second lieu, valoir que le transfert à titre gratuit du patrimoine du STIF à la RATP est contraire au principe de protection de la propriété publique dont bénéficierait le syndicat.

Ce grief ne peut toutefois être retenu. Le Gouvernement est en effet d'avis que le principe de protection de la propriété publique qui découle de l'article 17 de la déclaration de 1789 ne trouve pas à s'appliquer dans l'hypothèse où le transfert de propriété a lieu entre deux personnes publiques et, a fortiori, entre deux établissements publics.

De la même façon qu'il est loisible au pouvoir exécutif, en sa qualité de gardien du domaine, de procéder à des changements d'affectation sans indemnisation préalable en vertu de la théorie des mutations domaniales consacrée en jurisprudence administrative (voir en dernier lieu CE, 23 juin 2004, Commune de Proville, Lebon p. 259), il est également loisible au législateur, pour un motif d'intérêt général, de prévoir le transfert sans indemnisation de la pleine propriété du domaine entre deux établissements publics.

Sans doute une juste indemnité eût-elle été nécessaire en cas de privatisation du domaine, car la collectivité publique, prise dans son ensemble, s'en serait trouvée appauvrie. Mais pas dans le cas d'espèce, où le transfert a lieu à périmètre inchangé du domaine public.

Il convient d'observer, d'ailleurs, que les transferts prévus par l'article 5 sont réciproques. La valeur comptable des matériels roulants qui seront dévolus, à terme, au STIF s'élève à 1,83 milliards d'euros, pour une valeur estimée du réseau appartenant jusqu'alors à ce dernier de 1,85 milliards d'euros. L'article 5 aménage ainsi, sur le long terme, un mécanisme équilibré de transfert de propriété.

Les griefs principaux des saisines pourront donc être écartés.

IV/ SUR LE GRIEF TIRÉ DE L'INCOMPÉTENCE NÉGATIVE DU LÉGISLATEUR.

A/ Il est fait reproche au législateur de n'avoir pas épuisé sa compétence en renvoyant à une convention entre le STIF et la RATP le soin de fixer, dans le cadre de modalités d'application précisées par le pouvoir réglementaire, la rémunération appropriée par le STIF des capitaux engagés par la RATP pour exercer, à compter de l'entrée en vigueur de la loi, ses missions de gestionnaire des infrastructures.

B/ Cette analyse ne saurait être retenue. La rémunération versée par le STIF à la RATP au titre de ses missions de gestionnaire d'infrastructure et qui comprend en particulier la rémunération appropriée des capitaux engagés par la régie, constitue le prix dû en contrepartie de la prestation de service fournie au syndicat.

La situation spécifique du STIF et de la RATP justifie que la loi encadre la liberté contractuelle des parties afin de garantir, d'une part, que le gestionnaire d'infrastructure n'investisse pas à perte tout en lui assurant qu'il soit tenu compte des coûts liés à la mise en place des financements nécessaires à l'exercice des missions qui lui sont confiées (frais financiers et coût de mobilisation des capitaux engagés) et, d'autre part, de faire en sorte de prémunir l'autorité concédante contre toute demande de rémunération exorbitante de la part d'un gestionnaire d'infrastructure se trouvant dans une situation de monopole.

Le législateur intervient donc pour s'assurer que la rémunération du capital demeure à la fois raisonnable et orientée vers les coûts, ce qui explique la référence à une « rémunération appropriée » pour tenir compte du coût de la ressource mobilisée par le gestionnaire d'infrastructure.

La loi n'avait toutefois pas à en dire davantage. La liberté contractuelle impose en effet, pour le surplus, que les parties puissent déterminer d'un commun accord, dans le cadre de la convention pluriannuelle, le caractère approprié de la rémunération des capitaux engagés.

Il convient, par ailleurs, de signaler que la notion de rémunération du capital investi est classique et se retrouve dans d'autres textes législatifs, comme par exemple l'article L. 122-4 du code de la voirie routière (« En cas de délégation des missions de service public autoroutier, le péage couvre également la rémunération et l'amortissement des capitaux investis par le délégataire ») ou au I de l'article L. 224-2 du code de l'aviation civile (« Le montant des redevances tient compte de la rémunération des capitaux investis ») qui a fait l'objet d'un examen par le Conseil constitutionnel sans encourir aucun reproche d'inconstitutionnalité, à l'occasion de la décision n°2005-513 DC du 14 avril 2005 sur la loi relative aux aéroports.

En l'espèce, le décret prévu par l'article 5 fixera une référence objective pour la détermination du caractère « approprié » de la rémunération due à la RATP au titre des capitaux engagés par elle. Le Gouvernement envisage de retenir une formule inspirée de l'article R. 224-3-1 du code de l'aviation civile, qui mentionne le coût moyen pondéré du capital, notion qui reflète à la fois le coût de mobilisation de la ressource pour le gestionnaire d'infrastructure et le coût d'immobilisation du capital.

Le grief d'incompétence négative pourra donc être écarté, ensemble le grief tiré d'un défaut d'intelligibilité du régime défini par l'article 5 de la loi déférée.

V/ SUR LE GRIEF TIRÉ DE LA RUPTURE D'ÉGALITÉ ENTRE LES FUTURS EXPLOITANTS DU RÉSEAU.

A/ Les auteurs de la saisine font grief à l'article 5, en érigeant la RATP en gestionnaire de réseau, de ne pas permettre que soit respecté, à terme, l'égalité entre les futurs exploitants de ce réseau.

B/ Ce grief ne pourra toutefois être retenu.

Il faut signaler, d'une part, que l'article 5 de la loi déférée prévoit précisément que « l'accès [aux] lignes et réseaux est assuré dans des conditions transparentes et non discriminatoires ».

Et, d'autre part, que le STIF veillera, en tant qu'autorité organisatrice de transports, au respect par la RATP de la convention spécifique sur la gestion de l'infrastructure prévue par la loi déférée. Celle-ci prévoit en effet qu'afin « d'exercer les missions qui lui sont dévolues (...), la Régie est rémunérée par le Syndicat des transports d'Île-de-France dans le cadre d'une convention pluriannuelle qui, pour chacune de ces missions, établit de façon objective et transparente la structure et la répartition des coûts, prend en compte les obligations de renouvellement des infrastructures et assure une rémunération appropriée des capitaux engagés ».

Cette disposition garantira la transparence de l'imputation des charges liées à la gestion de l'infrastructure et obligera la RATP à assurer une séparation comptable entre son activité de gestionnaire d'infrastructures et ses autres activités, notamment celle de transporteur, ce qui permettra de garantir le respect du principe d'égalité d'accès entre les futurs exploitants.

Le grief pourra donc être écarté.

Pour ces raisons, le Gouvernement est d'avis que les griefs articulés dans les saisines ne sont pas de nature à justifier la censure de la loi déférée, et notamment pas celle de son article 5.

Aussi estime-t-il que le Conseil constitutionnel devra rejeter les recours dont il est saisi.