Décision n° 89-8 I du 7 novembre 1989
Le Conseil constitutionnel,
Saisi le 23 juin 1989 par le président de l'Assemblée nationale au nom du bureau de cette assemblée dans les conditions prévues au quatrième alinéa de l'article LO 151 du code électoral d'une demande tendant à apprécier si M Jean Gatel, député de Vaucluse, qui envisage de conserver ses fonctions de président de l'association Associc-Services, se trouve dans un cas d'incompatibilité ;
Vu les observations présentées par M Jean Gatel, enregistrées au secrétariat général du Conseil constitutionnel le 20 juillet 1989 ;
Vu les observations présentées par le ministre d'Etat, ministre de l'économie, des finances et du budget, et la réponse de M Jean Gatel à ces observations, enregistrées comme ci-dessus les 15 septembre 1989 et 13 octobre 1989 ;
Vu les autres pièces produites et jointes au dossier ;
Vu la Constitution, notamment ses articles 25 et 92 ;
Vu l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ;
Vu l'ordonnance n° 58-998 du 24 octobre 1958 portant loi organique relative aux conditions d'éligibilité et aux incompatibilités parlementaires, modifiée et complétée par l'ordonnance n° 59-224 du 4 février 1959, la loi organique n° 61-1447 du 29 décembre 1961 et la loi organique n° 72-64 du 24 janvier 1972 ;
Vu le code électoral, notamment ses articles LO 146 et LO 151 ;
Vu l'article 5 de la loi organique n° 85-689 du 10 juillet 1985 relative à l'élection des députés des territoires d'outre-mer, de la collectivité territoriale de Mayotte et de la collectivité territoriale de Saint-Pierre-et-Miquelon ;
Vu la loi organique n° 85-1405 du 30 décembre 1985 tendant à la limitation du cumul des mandats électoraux et des fonctions électives par les parlementaires ;
Vu l'article 12 de la loi n° 82-155 du 11 février 1982 de nationalisation ;
Vu les statuts de l'association Associc-Services déposés le 2 octobre 1984, ensemble les modifications qui leur ont été ultérieurement apportées ;
1. Considérant que la question posée au Conseil constitutionnel est de savoir si M Jean Gatel, en raison de ses fonctions de président du conseil d'administration de l'association Associc-Services, se trouve dans un des cas d'incompatibilités prévus par le code électoral ;
2. Considérant qu'aux termes de l'article LO 146 du code électoral « sont incompatibles avec le mandat parlementaire les fonctions de chef d'entreprise, de président de conseil d'administration, de président et de membre de directoire, de président de conseil de surveillance, d'administrateur délégué, de directeur général, directeur général adjoint ou gérant exercées dans : 3 ° Les sociétés ou entreprises dont l'activité consiste principalement dans l'exécution de travaux, la prestation de fournitures ou de services pour le compte ou sous le contrôle de l'Etat, d'une collectivité ou d'un établissement public ou d'une entreprise nationale ou d'un Etat étranger » ;
3. Considérant que les entreprises visées au 3 ° de l'article LO 146 du code électoral peuvent ne pas avoir de but lucratif comme le montrent a contrario les termes du 4 ° de ce même article qui, pour un autre cas d'incompatibilité, mentionnent expressément les seules « sociétés ou entreprises à but lucratif » ; qu'au demeurant, les considérations qui justifient l'incompatibilité énoncée au 3 ° de l'article LO 146 n'impliquent pas que les fonctions visées soient exercées nécessairement dans une entreprise à but lucratif ;
4. Considérant que les fonctions de direction au sein d'une entreprise ainsi définie entrent dans le champ de prévisions de l'article précité dès lors que ladite entreprise a une activité consistant principalement dans l'exécution de travaux ou la prestation de fournitures ou de services pour le compte ou sous le contrôle de l'Etat, d'une collectivité ou d'un établissement public, d'une entreprise nationale ou d'un Etat étranger ;
5. Considérant, d'une part, que l'association Associc-Services a pour membres fondateurs treize des banques membres du groupe Crédit industriel et commercial (CIC), la société d'investissement à capital variable Associc et l'association Compte Vie qui font partie de ce groupe bancaire ; que ces mêmes organismes sont, en vertu de l'article 6 des statuts déposés à la préfecture de police le 2 octobre 1984, « les premiers membres actifs » de l'association ; qu'il ressort des statuts que lesdits organismes sont, pour une durée de six ans, de droit administrateurs de l'association ; qu'à l'expiration de cette période, les membres du conseil d'administration sont nécessairement choisis parmi les membres actifs ; que le bureau de l'association, à l'exception du président, n'est composé que de représentants ès qualités du groupe CIC ; que l'essentiel des ressources de l'association provient de fonds versés par les banques du groupe CIC et la société d'investissement à capital variable Associc ;
6. Considérant, d'autre part, qu'aux termes de l'article 2 de ses statuts l'association « a pour objet par tous moyens, de faciliter l'existence légale, la vie administrative et les activités de ses membres, notamment en mettant à leur disposition à titre gratuit ou onéreux, sous toutes formes appropriées, une structure d'assistance leur permettant de satisfaire à leurs obligations légales en matière comptable ou fiscale, de gérer leur trésorerie et la couverture des risques auxquels ils sont exposés » ; qu'un tel objet caractérise une activité de prestation de services au profit de ses membres ; qu'il résulte des procès-verbaux des séances du conseil d'administration que l'association contribue à promouvoir le développement du réseau bancaire géré par le groupe CIC ;
7. Considérant qu'il résulte de l'ensemble de ces éléments que l'association Associc-Services a pour activité principale la prestation de services à ses membres et qu'elle agit sous le contrôle du Crédit industriel et commercial, lequel est une entreprise nationale par l'effet des dispositions de l'article 12 de la loi n° 82-155 du 11 février 1982 ;
8. Considérant, dès lors, que les fonctions exercées par M Jean Gatel, député, en qualité de président du conseil d'administration d'Associc-Services entrent dans le champ d'application de l'incompatibilité définie par l'article LO 146-3 ° précité ; que le fait qu'il exerce ses fonctions à titre bénévole ne saurait tenir en échec les dispositions dudit article car l'incompatibilité qu'il édicte n'est pas liée à la rémunération des fonctions qu'il vise ;
Décide :
Article premier :
Les fonctions exercées par M Jean Gatel en qualité de président du conseil d'administration de l'association Associc-Services sont déclarées incompatibles avec l'exercice par l'intéressé de son mandat de député.
Article 2 :
La présente décision sera notifiée au président de l'Assemblée nationale, à M Jean Gatel, député, et sera publiée au Journal officiel de la République française.Journal officiel du 11 novembre 1989, page 14101
Recueil, p. 97
ECLI : FR : CC : 1989 : 89.8.I
Les abstracts
- 10. PARLEMENT
- 10.1. MANDAT PARLEMENTAIRE
- 10.1.2. Incompatibilités
- 10.1.2.4. Cumul avec l'exercice d'activités privées
10.1.2.4.3. Sociétés travaillant pour le compte ou sous le contrôle d'une personne publique ou sociétés prévues à l'article L.O. 146, 3°
Les entreprises visées au 3° de l'article L. O.146 du code électoral peuvent ne pas avoir de but lucratif comme le montrent a contrario les termes du 4° de ce même article qui, pour un autre cas d'incompatibilité, visent expressément les seules " sociétés ou entreprises à but lucratif " ; au demeurant, les considérations qui justifient l'incompatibilité énoncée du 3° de l'article L. O. 146 n'impliquent pas que les fonctions visées soient exercées nécessairement dans une entreprise à but lucratif. L'Association " ASSOCIC-SERVICES " a pour activité principale la prestation de services à ses membres et agit sous le contrôle du " Crédit industriel et commercial ", lequel est une entreprise nationale par l'effet des dispositions de l'article 12 de la loi n° 82-155 du 11 février 1982. Dès lors les fonctions exercées par M. Jean Gatel, député, en qualité de président du conseil d'administration d'" ASSOCIC-SERVICES " entrent dans le champ d'application de l'incompatibilité définie par le 3° de l'article L. O. 146.
Le fait que M. Jean Gatel exerce ses fonctions à titre bénévole ne saurait tenir en échec les dispositions du 3° de l'article L. O. 146 du code électoral car l'incompatibilité qu'il édicte n'est pas liée à la rémunération des fonctions qu'il vise.