Communiqué

Décision n° 2007-547 DC du 15 février 2007 - Communiqué de presse

Loi organique portant dispositions statutaires et institutionnelles relatives à l'outre-mer
Non conformité partielle

Le 15 février 2007, par sa décision n° 2007-547 DC, le Conseil constitutionnel a statué sur la loi organique portant dispositions statutaires et institutionnelles relatives à l'outre-mer dont l'avait saisi le Premier ministre en application de l'article 46 de la Constitution.
Cette loi - qui crée ou modifie des centaines d'articles du code général des collectivités territoriales et du code électoral - a pour objets essentiels :
de fixer, pour les départements et régions d'outre-mer, le régime d'adaptation locale des lois et règlements (article 1er) ;
d'aménager les statuts des collectivités de Mayotte et de Saint-Pierre-et-Miquelon (articles 3 et 6) ;
de créer (articles 4 et 5) deux nouvelles collectivités d'outre-mer, Saint-Barthélemy et Saint-Martin, à la suite de la consultation des populations de ces deux îles à laquelle il a été procédé le 7 décembre 2003, en application des dispositions de l'article 72-4 de la Constitution.
Après avoir vérifié la régularité de la procédure législative suivie, le Conseil constitutionnel a prononcé les censures et émis les réserves d'interprétation suivantes.
1) S'agissant de l'habilitation donnée aux départements et régions d'outre-mer afin d'adapter localement les lois et règlements ou de fixer des règles dans un certain nombre de matières relevant de la loi, le Conseil a émis une réserve d'interprétation faisant obstacle à ce que la procédure d'habilitation prévue par l'article 73 de la Constitution puisse faire elle-même l'objet d'une ordonnance prise sur le fondement de l'article 38 de la Constitution : habilitation sur habilitation ne vaut.
2) Il a émis la même réserve d'interprétation s'agissant de l'habilitation analogue que la loi organique prévoit pour les collectivités d'outre-mer de Mayotte, Saint-Barthélemy, Saint-Martin et saint-Pierre-et-Miquelon.
3) S'agissant de l'éventualité de l'accession de Mayotte à l'indépendance, le Conseil a considéré que la loi organique ne pouvait elle-même la subordonner à une révision de la Constitution. Si le consentement de la population de Mayotte est, en vertu de l'article 53 de la Constitution, une condition nécessaire de l'accession de cette collectivité à l'indépendance, ce que la loi organique rappelle justement, celle-ci ne peut en revanche, sans empiéter sur les pouvoirs du constituant, faire de la révision de la Constitution une autre condition nécessaire à cette accession.
4) S'agissant des sièges de députés créés à Saint-Barthélemy et Saint-Martin, le Conseil a relevé que la loi organique donne un effet différé à cette création. Il en a conclu que le législateur a ainsi entendu attendre la correction des disparités démographiques affectant actuellement les circonscriptions législatives au plan national, y compris en Guadeloupe, avant que ne soient pourvus ces deux sièges.
5) S'agissant de la formulation (utilisée par les nouveaux articles L.O. 6111-3, L.O. 6211-2, L.O. 6311-2 et LO 6411-2 du code général des collectivités territoriales), selon laquelle les parlementaires élus à Mayotte, Saint-Barthélemy, Saint-Martin et Saint-Pierre-et-Miquelon « représentaient » ces collectivités d'outre-mer, le Conseil a rappelé sa réserve d'interprétation habituelle aux termes de laquelle chaque parlementaire représente la Nation tout entière et non la population de sa circonscription d'élection.
6) S'agissant du contrôle des transferts fonciers à Saint-Barthélemy et à Saint-Martin, le Conseil a considéré que, si l'article 74 de la Constitution confère aux collectivités d'outre-mer dotées de l'autonomie le pouvoir de prendre des mesures justifiées par les nécessités locales en faveur de leur population, un tel pouvoir, qui déroge au principe constitutionnel d'égalité devant la loi, ne peut être accordé qu'autant qu'il est en rapport avec les caractéristiques de la collectivité considérée et de nature à satisfaire les besoins réels de sa population. Il a donc émis une réserve d'interprétation sur la « durée suffisante » au terme de laquelle les nouveaux résidents ne sont plus soumis au contrôle des transactions foncières institué par les nouveaux articles L.O. 6214-7 et L.O. 6314-7 du code général des collectivités territoriales : cette durée doit ne pas excéder ce qui est strictement nécessaire à la satisfaction des besoins de la population locale et respecter, en tout état de cause, les engagements communautaires et internationaux de la France (étant observé que ni Saint-Barthélemy, ni Saint-Martin ne sont des « pays et territoires d'outre mer » au sens du traité sur l'Union européenne et qu'ils doivent donc intégralement respecter le droit communautaire).
7) S'agissant des dispositions des nouveaux articles L.O. 6214-4 et L.O. 6314-4 du code général des collectivités territoriales relatives à la convention fiscale entre l'Etat et les deux nouvelles collectivités d'outre-mer des Caraïbes, le Conseil a émis une réserve selon laquelle lesdites dispositions ne sauraient avoir ni pour objet ni pour effet de restreindre l'exercice des compétences conférées au législateur organique par l'article 74 de la Constitution, notamment dans les cas où cette convention ne pourrait aboutir ou ne permettrait pas de lutter efficacement contre l'évasion fiscale.
8) S'agissant de la législation sur les étrangers à Saint-Barthélemy et à Saint-Martin, relevant que les nouveaux articles L.O. 6213-1 et L.O. 6313-1 du code général des collectivités territoriales excluent l'application aux deux îles, sauf mention expresse contraire, des lois et règlements relatifs au séjour des étrangers et à l'asile, le Conseil a émis une réserve d'interprétation, fondée sur le principe de continuité des règles juridiques, selon laquelle seules les dispositions futures relatives au séjour des étrangers et à l'asile devront mentionner expressément les deux collectivités pour y être applicables.
9) Relevant que, sur les territoires de Mayotte, Saint-Barthélemy, Saint-Martin et Saint-Pierre-et-Miquelon, la loi organique restreignait à la sécurité aérienne et aux communications électroniques les domaines dans lesquels peuvent être instituées des taxes concourant au financement des missions incombant encore à l'Etat sur le territoire des quatre collectivités, le Conseil a jugé cette restriction contraire à l'égalité devant les charges publiques entre contribuables nationaux.
10) S'agissant des pouvoirs accordés à Saint-Barthélemy, Saint-Martin et Saint-Pierre-et-Miquelon en vue de réglementer le droit de transaction dans les matières de leur compétence, le Conseil a interprété les dispositions selon lesquelles : « lorsque la transaction porte sur des faits constitutifs d'infraction et a pour effet d'éteindre l'action publique, elle ne peut intervenir qu'après accord du procureur de la République » comme ne s'appliquant qu'aux situations dans lesquelles l'action publique n'a pas encore été mise en mouvement.
11) S'agissant de la compensation financière due par l'Etat aux deux nouvelles collectivités d'outre-mer de Saint-Barthélemy et de Saint-Martin au titre du transfert de compétences, le Conseil a jugé que le montant des produits fiscaux antérieurement perçus par l'Etat servant de référence au calcul de la compensation doit s'entendre comme comprenant non seulement l'impôt effectivement recouvré, mais encore celui qui aurait dû légalement l'être.
12) Enfin, l'article 16 de la loi organique, qui prévoit que, sauf mention contraire de ceux-ci, les lois et règlements nationaux entrent en vigueur en Nouvelle-Calédonie, en Polynésie française et aux îles Wallis et Futuna dix jours après leur publication au Journal officiel de la République française, ne saurait s'appliquer aux textes qui, en raison de leur objet, sont nécessairement destinés à régir l'ensemble du territoire de la République.
Les autres dispositions de la loi examinée (qui ont le caractère organique soit par leur contenu intrinsèque, soit parce qu'inséparables de dispositions de caractère organique) n'ont pas appelé de remarques expresses de constitutionnalité.