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Décision n° 2022-1021 QPC du 28 octobre 2022 - Décision de renvoi Cass.

Mme Marie P. [Requête en nullité d’un acte d’investigation déposée par un journaliste n’ayant ni la qualité de partie à la procédure ni celle de témoin assisté]
Conformité

Cour de cassation, criminelle, Chambre criminelle, 27 juillet 2022, 22-80.887, Inédit
Cour de cassation - Chambre criminelle

N° de pourvoi : 22-80.887
ECLI : FR : CCASS : 2022 : CR01125
Non publié au bulletin
Solution : Qpc incidente - renvoi au cc

Audience publique du mercredi 27 juillet 2022
Décision attaquée : Chambre de l'instruction de la cour d'appel de Paris, du 21 janvier 2022

Président
M. de Larosière de Champfeu (conseiller le plus ancien faisant fonction de président)
Avocat(s)
SCP Piwnica et Molinié
Texte intégral
RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :

N° A 22-80.887 F-D

N° 01125
27 JUILLET 2022

ECF

RENVOI

M. DE LAROSIÈRE DE CHAMPFEU conseiller le plus ancien faisant fonction de président,

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
________________________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE,
DU 27 JUILLET 2022

Mme [D] [K] a présenté, par mémoire spécial reçu le 16 mai 2022, une question prioritaire de constitutionnalité à l'occasion du pourvoi formé par elle contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Paris, 8e section, en date du 21 janvier 2021, qui, dans la procédure suivie contre M. [C] [I] des chefs, notamment, de détournement d'aéronef en bande organisée, évasion en bande organisée, a prononcé sur sa demande d'annulation d'actes de la procédure.

Sur le rapport de Mme Labrousse, conseiller, les observations de la SCP Piwnica et Molinié, avocat de Mme [D] [K], et les conclusions de Mme Chauvelot, avocat général référendaire, après débats en l'audience publique du 27 juillet 2022 où étaient présents M. de Larosière de Champfeu, conseiller le plus ancien faisant fonction de président en remplacement du président empêché, Mme Labrousse, conseiller rapporteur, Mme Sudre, conseiller de la chambre, et Mme Coste-Floret, greffier de chambre,

la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

1. La question prioritaire de constitutionnalité est ainsi rédigée :

« Les dispositions des articles 60-1, alinéa 3, 100-5, alinéa 4, 170, 171 et 173 du code de procédure pénale qui s'abstiennent de prévoir la possibilité pour un journaliste, qui n'est ni partie à la procédure ni témoin assisté, de saisir la chambre de l'instruction d'une requête en nullité d'actes de l'instruction portant atteinte à ses droits, sont-elles contraires au droit d'accès au juge, au droit à la liberté d'expression, au droit à la vie privée et au principe d'égalité consacrés par les articles 1, 2, 6, 11 et 16 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 ? »

2. Les dispositions législatives contestées sont applicables à la procédure et n'ont pas déjà été déclarées conformes à la Constitution dans les motifs et le dispositif d'une décision du Conseil constitutionnel.

3. La question posée présente un caractère sérieux, en ce que ni les dispositions contestées ni aucune autre disposition du code de procédure pénale ne permettent au journaliste, tiers à la procédure, de faire constater par une juridiction le caractère illégal des actes d'investigations réalisés en violation du secret des sources et d'ordonner la suppression des procès-verbaux les relatant.

4. Si les tiers, qui ne peuvent agir en annulation des actes irréguliers devant la juridiction pénale, disposent d'un recours en indemnisation devant la juridiction civile, en application de l'article L. 141-1 du code de l'organisation judiciaire, un tel recours ne permet cependant pas la suppression en procédure des actes litigieux.

5. Par ailleurs, le journaliste ne peut porter plainte et se constituer partie civile du chef de collecte de données personnelles de façon illégale que, si préalablement, la chambre de l'instruction a constaté, par une décision définitive, l'illégalité des investigations. Or, si la chambre de l'instruction n'a pas été saisie d'une telle nullité, le journaliste ne pourra jamais exercer une telle action.

6. Il s'ensuit que les dispositions contestées pourraient méconnaître le droit à un recours juridictionnel effectif.

7. En conséquence, il y a lieu de renvoyer la question au Conseil constitutionnel.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

RENVOIE au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-sept juillet deux mille vingt-deux.ECLI : FR : CCASS : 2022 : CR01125