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Compétence du Conseil constitutionnel "Actes préparatoires"

Compétence du Conseil constitutionnel pour statuer à titre juridictionnel sur les actes préparatoires au scrutin présidentiel


Les décisions Hauchemaille, Larrouturou etc. rendues par le Conseil constitutionnel et le Conseil d'Etat depuis juillet 2000 ont conduit à grandement simplifier la problématique du contentieux des actes préparatoires aux élections politiques :

  • Le fondement de la compétence juridictionnelle exceptionnelle du Conseil constitutionnel sur les actes préparatoires à une élection est le même pour les élections législatives, le référendum et l'élection présidentielle ;
  • Les trois conditions permettant le déclenchement de cette compétence exceptionnelle sont alternatives : risque que ne soit gravement compromise l'efficacité du contrôle des opérations électorales ; risque que ne soit vicié le déroulement général du vote ; atteinte au fonctionnement normal des pouvoirs publics ;
  • Cette compétence juridictionnelle exceptionnelle du Conseil constitutionnel sur les actes préparatoires exclut les actes de portée permanente (par exemple : décret du 8 mars 2001 régissant l'élection présidentielle). Elle exclut également les actes accessoires (délibérations du CSA) ou d'importance secondaire (circulaires), ainsi que ceux portant sur des opérations partielles (convocation à une élection législative ou sénatoriale partielle par exemple). Les uns et les autres restent de la compétence du Conseil d'Etat ;
  • Il ne devrait plus y avoir à l'avenir ni conflit positif ni conflit négatif de compétences entre les deux ailes du Palais-Royal. Ainsi, s'agissant des élections législatives ou sénatoriales générales, ou de l'élection présidentielle, la compétence juridictionnelle exceptionnelle du Conseil constitutionnel semble devoir se limiter désormais au décret de convocation.

Décisions relatives à l'élection présidentielle de 2002

  1. Le 14 mars 2001 a été rejeté le recours de M Stéphane Hauchemaille dirigé contre le décret n° 2001-213 du 8 mars 2001 portant application de la loi organique n° 62-1292 du 6 novembre 1962 modifiée relative à l'élection du Président de la République au suffrage universel.

Le Conseil constitutionnel a décliné sa compétence pour connaître des conclusions formées par le requérant.

Peut-être encouragé par le fait que, s'agissant des décrets de convocation et d'organisation du référendum du 24 septembre 2000 sur le quinquennat, le Conseil constitutionnel avait admis sa compétence pour statuer sur les demandes d'annulation formées par l'intéressé (tout en rejetant ses conclusions sur le fond), M. Hauchemaille donnait l'occasion au Conseil constitutionnel de confirmer et préciser sa jurisprudence sur sa compétence juridictionnelle s'agissant d'actes préparatoires à un scrutin.

Certes, la compétence exceptionnelle du Conseil constitutionnel pour statuer à titre juridictionnel sur des actes préalables à l'élection présidentielle s'exerce dans les mêmes cas et conditions que pour des actes préparatoires à un référendum.

En effet, le premier alinéa du III de l'article 3 de la loi organique n° 62-1292 du 6 novembre 1962 relative à l'élection présidentielle (récemment modifiée par la loi organique n° 2001-100 du 5 février 2001) dispose que « le Conseil constitutionnel veille à la régularité des opérations et examine les réclamations dans les mêmes conditions que celles fixées pour les opérations de référendum par les article 46, 48, 49, 50 de l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ».

Dans les mêmes cas et conditions, c'est à dire aussi dans les mêmes limites.

Or, le recours de l'intéressé se plaçait justement en dehors de ces limites, puisqu'il visait un décret de portée permanente et non un décret propre à un scrutin déterminé.

Le recours devait donc être rejeté comme l'avaient été les conclusions dont M. Hauchemaille avait saisi le Conseil constitutionnel à l'encontre du décret n° 2000-731 du 1er août 2000 qui comportait des dispositions pénales de portée permanente pour assurer le respect des règles relatives aux opérations référendaires (6 septembre 2000, Hauchemaille, cons. 5).

En conséquence, il n'appartient qu'au Conseil d'Etat statuant au contentieux d'apprécier, le cas échéant, les mérites des griefs articulés par l'intéressé.

  1. Le 13 décembre 2001, le Conseil constitutionnel a rejeté la requête par laquelle M Stéphane Hauchemaille lui demandait de réformer ou d'annuler en partie la recommandation n° 2001-4 adressée le 23 octobre 2001 aux services de radio et de télévision par le Conseil supérieur de l'audiovisuel (CSA) au sujet de la couverture de l'actualité relative à la campagne présidentielle.

La recommandation contestée a fait l'objet d'un avis du Conseil constitutionnel en application des dispositions combinées du III de l'article 3 de la loi n° 62-1292 du 6 novembre 1962 portant loi organique relative à l'élection du Président de la République au suffrage universel (« Le Conseil constitutionnel veille à la régularité des opérations et examine les réclamations dans les mêmes conditions que celles fixées pour les opérations de référendum par les articles 46, 48, 49, 50 de l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ») et de l'article 46 de la l'ordonnance organique du 7 novembre 1958 (« Le Conseil constitutionnel est consulté par le Gouvernement sur l'organisation des opérations de référendum. Il est avisé sans délai de toute mesure prise à ce sujet »).

Le Conseil n'a pu que se déclarer incompétent pour connaître d'une telle demande. Celle-ci était en effet dirigée contre une recommandation du CSA. Or il résulte de l'ensemble de la jurisprudence récente et concordante des deux ailes du Palais Royal relative aux pouvoirs juridictionnels exceptionnels du Conseil constitutionnel sur les actes préparatoires à une élection de son ressort que ces pouvoirs ne peuvent s'exercer à l'égard de textes de niveau infra-décrétal.

Aussi, s'agissant précisément d'une recommandation du CSA, le Conseil constitutionnel a-t-il décliné sa compétence (23 août 2000, Hauchemaille, cons. 1 à 3, Rec. p. 134 et Cahiers du Conseil constitutionnel n° 9, p. 20). Il a jugé que si, « en vertu de la mission générale de contrôle de la régularité des opérations référendaires qui lui est conférée par l'article 60 de la Constitution, il appartient au Conseil constitutionnel de statuer sur les requêtes mettant en cause la régularité d'opérations à venir dans les cas où l'irrecevabilité qui serait opposée à ces requêtes risquerait de compromettre gravement l'efficacité de son contrôle des opérations référendaires, vicierait le déroulement général du vote ou porterait atteinte au fonctionnement normal des pouvoirs publics ... », les conditions « qui permettent exceptionnellement au Conseil constitutionnel de statuer avant la proclamation des résultats du scrutin » n'étaient pas réunies « en ce qui concerne la recommandation n° 2000-3 du 24 juillet 2000 du Conseil supérieur de l'audiovisuel et la décision n° 2000-409 du 26 juillet 2000 de la même autorité ».

Il n'appartient donc qu'au Conseil d'Etat de connaître à titre juridictionnel des délibérations du CSA préalables à une élection.

  1. Le 5 avril 2002, le Conseil d'Etat s'est reconnu compétent pour statuer sur une requête de M Cazaux dirigée contre la circulaire du 5 février 2002 du ministre de l'intérieur relative à l'envoi des formulaires de présentation. Cette circulaire se bornant à commenter le droit applicable et à apporter des précisions pratiques, elle n'a pas de caractère réglementaire. Le recours était donc irrecevable.

  2. Le même jour, le Conseil d'Etat s'est déclaré incompétent pour connaître du recours dirigé par M Meyet contre le décret n° 2002-346 du 13 mars 2002 portant convocation des électeurs. Il n'appartient qu'au Conseil constitutionnel de connaître d'une telle demande.

  3. Le 15 avril 2002, le Conseil constitutionnel s'est déclaré incompétent pour connaître de divers actes contestés par MM et Hauchemaille, Meyet et Cazaux. Aucune des conditions auxquelles est subordonnée sa compétence juridictionnelle d'exception n'était en effet remplie :

  • Soit que l'acte attaqué avait une portée permanente (décret du 14 octobre 1976 sur le vote des Français établis hors de France et refus de l'abroger ; décret du 30 août 2001 créant un fichier des élus au ministère de l'intérieur),
  • Soit que l'acte attaqué revêtait un caractère accessoire (décret fixant la date d'envoi des formulaires de présentation, décret nommant les membres de la commission nationale de contrôle de l'élection, arrêté du président de cette commission nommant ses rapporteurs, « mémento du candidat » élaboré par le ministère de l'intérieur, circulaire du ministre de l'intérieur relative à l'envoi des formulaires).
  1. Le même jour, le Conseil constitutionnel s'est reconnu en revanche compétent pour statuer sur le décret du 13 mars 2002 portant convocation des électeurs.

Mais il a rejeté au fond le recours de M Meyet en écartant les deux moyens dont celui-ci l'avait saisi :

  • Le requérant ne pouvait utilement exciper de l'illégalité du décret du 14 octobre 1976 sur le vote des Français établis hors de France à l'élection présidentielle, car le décret de convocation, pris pour assurer le respect de l'article 7 de la Constitution (deuxième et troisième alinéas), ne constituait pas une mesure d'application du décret de 1976 ;
  • Si l'article 23 du décret du 14 octobre 1976 prévoit que « Sauf dispositions contraires arrêtées par le ministre des affaires étrangères, le scrutin est ouvert à huit heures et clos le même jour à dix-huit heures (heure locale légale) », l'article 22 du décret du 8 mars 2001, qui est également un décret en Conseil d'État délibéré en Conseil des ministres, dispose que : « Les heures d'ouverture et de clôture du scrutin sont fixées par le décret de convocation des électeurs ». En vertu de cette dernière disposition, l'article 3 du décret de convocation des électeurs a pu légalement préciser que le « Le scrutin sera ouvert à 8 heures et clos à 18 heures. Toutefois, pour faciliter aux électeurs l'exercice de leur droit de vote, les représentants de l'État (...) pourront prendre des arrêtés à l'effet d'avancer ou de retarder, dans certaines communes ou circonscriptions administratives, l'heure d'ouverture ou de fermeture du scrutin. Le ministre des affaires étrangères aura la faculté de faire de même pour certains centres de vote. En aucun cas le scrutin ne pourra être clos après 20 heures. Ces arrêtés seront publiés et affichés dans chaque commune, circonscription administrative ou centre de vote intéressé cinq jours au moins avant le jour du scrutin ».