Décision n° 2023-5979 AN du 19 mai 2023
LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL A ÉTÉ SAISI le 6 janvier 2023 par la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques (décision du 15 décembre 2022), dans les conditions prévues au troisième alinéa de l’article L. 52-15 du code électoral. Cette saisine est relative à la situation de Mme Michelle GRAJA, candidate aux élections qui se sont déroulées les 12 et 19 juin 2022, dans la 2e circonscription de La Réunion, en vue de la désignation d’un député à l’Assemblée nationale. Elle a été enregistrée au secrétariat général du Conseil constitutionnel sous le n° 2023-5979 AN.
Au vu des textes suivants :
- la Constitution, notamment son article 59 ;
- l’ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ;
- le code électoral ;
- le règlement applicable à la procédure suivie devant le Conseil constitutionnel pour le contentieux de l’élection des députés et des sénateurs ;
Au vu des pièces suivantes :
- les observations présentées par Mme GRAJA, enregistrées le 17 février 2023 ;
- les autres pièces produites et jointes au dossier ;
Et après avoir entendu le rapporteur ;
LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL S’EST FONDÉ SUR CE QUI SUIT :
1. Il résulte de l’article L. 52-12 du code électoral que chaque candidat aux élections législatives soumis au plafonnement prévu à l’article L. 52-11 est tenu d’établir un compte de campagne lorsqu’il a obtenu au moins 1 % des suffrages exprimés ou s’il a bénéficié de dons de personnes physiques conformément à l’article L. 52-8. Pour la période mentionnée à l’article L. 52-4 du code électoral, ce compte de campagne retrace, selon leur origine, l’ensemble des recettes perçues et, selon leur nature, l’ensemble des dépenses engagées ou effectuées en vue de l’élection. Il doit être en équilibre ou excédentaire et ne peut présenter un déficit. Ce compte de campagne doit être déposé à la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques au plus tard avant 18 heures le dixième vendredi suivant le premier tour de scrutin. Il ressort également de l’article L. 52-12 que ce compte doit être présenté par un membre de l’ordre des experts-comptables qui met le compte en état d’examen et s’assure de la présence des pièces justificatives requises. Cette présentation n’est pas obligatoire lorsque le candidat a obtenu moins de 5 % des suffrages exprimés et que les recettes et les dépenses de son compte de campagne n’excèdent pas un montant fixé par décret. Dans ce cas, le candidat doit transmettre à la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques les relevés du compte bancaire ouvert en application de l’article L. 52-5 ou de l’article L. 52-6.
2. Le compte de campagne de Mme GRAJA a été rejeté par la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques, au motif, d’une part, que si le trésorier national du Rassemblement national a refacturé le 22 juillet 2022 à son mandataire financier diverses prestations pour un montant de 2 955 euros, seule une somme de 1 494 euros a été inscrite au compte de campagne, soit une omission de dépenses représentant 26,8 % du total des dépenses déclarées, et, d’autre part, qu’il n’a pas été accompagné des relevés bancaires du compte ouvert par son mandataire financier. Ces circonstances sont établies. Par suite, c'est à bon droit que la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques a considéré que le compte de campagne de Mme GRAJA n'avait pas été présenté dans les conditions prévues par l'article L. 52-12 du code électoral.
3. L’article L.O. 136-1 du même code dispose que, en cas de volonté de fraude ou de manquement d’une particulière gravité aux règles de financement des campagnes électorales, le Conseil constitutionnel peut déclarer inéligible le candidat qui n’a pas déposé son compte de campagne dans les conditions et le délai prescrits à l’article L. 52-12.
4. Si Mme GRAJA fait valoir que l’envoi de la facture du 22 juillet 2022 résulte d’une erreur matérielle et que le Rassemblement national n’a pris en charge aucune de ses dépenses électorales, elle ne l’établit pas par la pièce qu’elle produit pour la première fois devant le Conseil constitutionnel. Elle se borne par ailleurs à fournir les relevés bancaires du compte ouvert par son mandataire financier des mois de juin à septembre 2022 qui ne permettent pas d’attester de la réalité de l’ensemble des opérations déclarées dans le compte de campagne.
5. Dès lors, compte tenu de la particulière gravité de ces manquements, il y a lieu de prononcer l’inéligibilité de Mme GRAJA à tout mandat pour une durée de trois ans à compter de la présente décision.
LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL DÉCIDE :
Article 1er. - Mme Michelle GRAJA est déclarée inéligible en application de l’article L.O. 136-1 du code électoral pour une durée de trois ans à compter de la présente décision.
Article 2. - Cette décision sera publiée au Journal officiel de la République française et notifiée dans les conditions prévues à l’article 18 du règlement applicable à la procédure suivie devant le Conseil constitutionnel pour le contentieux de l’élection des députés et des sénateurs.Jugé par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 17 mai 2023, où siégeaient : M. Laurent FABIUS, Président, Mme Jacqueline GOURAULT, M. Alain JUPPÉ, Mmes Corinne LUQUIENS, Véronique MALBEC, MM. Jacques MÉZARD, François PILLET, Michel PINAULT et François SÉNERS.
Rendu public le 19 mai 2023.
JORF n°0118 du 23 mai 2023, texte n° 71
ECLI : FR : CC : 2023 : 2023.5979.AN
Les abstracts
- 8. ÉLECTIONS
- 8.3. ÉLECTIONS LÉGISLATIVES
- 8.3.5. Financement
- 8.3.5.2. Établissement d'un compte de campagne
- 8.3.5.2.4. Conditions du dépôt
8.3.5.2.4.5. Absence de pièces justificatives : inéligibilité
Le compte de campagne de la candidate a été rejeté par la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques, au motif, d’une part, que si le trésorier national du Rassemblement national a refacturé le 22 juillet 2022 à son mandataire financier diverses prestations pour un montant de 2 955 euros, seule une somme de 1 494 euros a été inscrite au compte de campagne, soit une omission de dépenses représentant 26,8 % du total des dépenses déclarées, et, d’autre part, qu’il n’a pas été accompagné des relevés bancaires du compte ouvert par son mandataire financier. Ces circonstances sont établies. Par suite, c'est à bon droit que la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques a considéré que le compte de campagne de la candidate n'avait pas été présenté dans les conditions prévues par l'article L. 52-12 du code électoral. Si la candidate fait valoir que l’envoi de la facture du 22 juillet 2022 résulte d’une erreur matérielle et que le Rassemblement national n’a pris en charge aucune de ses dépenses électorales, elle ne l’établit pas par la pièce qu’elle produit pour la première fois devant le Conseil constitutionnel. Elle se borne par ailleurs à fournir les relevés bancaires du compte ouvert par son mandataire financier des mois de juin à septembre 2022 qui ne permettent pas d’attester de la réalité de l’ensemble des opérations déclarées dans le compte de campagne. Eu égard au cumul, trois ans d'inéligibilité.
- 8. ÉLECTIONS
- 8.3. ÉLECTIONS LÉGISLATIVES
- 8.3.5. Financement
- 8.3.5.3. Présentation du compte
8.3.5.3.2. Totalité des opérations financières
Le compte de campagne de la candidate a été rejeté par la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques, au motif, d’une part, que si le trésorier national du Rassemblement national a refacturé le 22 juillet 2022 à son mandataire financier diverses prestations pour un montant de 2 955 euros, seule une somme de 1 494 euros a été inscrite au compte de campagne, soit une omission de dépenses représentant 26,8 % du total des dépenses déclarées, et, d’autre part, qu’il n’a pas été accompagné des relevés bancaires du compte ouvert par son mandataire financier. Ces circonstances sont établies. Par suite, c'est à bon droit que la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques a considéré que le compte de campagne de la candidate n'avait pas été présenté dans les conditions prévues par l'article L. 52-12 du code électoral. Si la candidate fait valoir que l’envoi de la facture du 22 juillet 2022 résulte d’une erreur matérielle et que le Rassemblement national n’a pris en charge aucune de ses dépenses électorales, elle ne l’établit pas par la pièce qu’elle produit pour la première fois devant le Conseil constitutionnel. Elle se borne par ailleurs à fournir les relevés bancaires du compte ouvert par son mandataire financier des mois de juin à septembre 2022 qui ne permettent pas d’attester de la réalité de l’ensemble des opérations déclarées dans le compte de campagne. Eu égard au cumul, trois ans d'inéligibilité.