Décision

Décision n° 2018-5674 AN du 1er février 2019

A.N., Haute-Garonne, 8ème circ.
Inéligibilité

LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL A ÉTÉ SAISI le 22 octobre 2018 par la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques (décision du 18 octobre 2018), dans les conditions prévues au troisième alinéa de l'article L. 52-15 du code électoral. Cette saisine est relative à la situation de M. Philippe MAURIN, candidat aux élections qui se sont déroulées les 11 et 18 mars 2018, dans la 8ème circonscription du département de Haute-Garonne, en vue de la désignation d'un député à l'Assemblée nationale. Elle a été enregistrée au secrétariat général du Conseil constitutionnel sous le n° 2018-5674 AN.

Au vu des textes suivants :

  • la Constitution, notamment son article 59 ;
  • l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ;
  • le code électoral, notamment ses articles L.O. 136-1 et L. 52-12 ;
  • le règlement applicable à la procédure suivie devant le Conseil constitutionnel pour le contentieux de l'élection des députés et des sénateurs ;

Au vu des pièces suivantes :

  • les observations présentées par M. MAURIN, enregistrées le 12 novembre 2018 ;
  • les autres pièces produites et jointes au dossier ;

Et après avoir entendu le rapporteur ;

LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL S'EST FONDÉ SUR CE QUI SUIT :

1. Il résulte de l'article L. 52-12 du code électoral que chaque candidat aux élections législatives soumis au plafonnement prévu à l'article L. 52-11 du même code et qui a obtenu au moins 1 % des suffrages exprimés doit établir un compte de campagne retraçant, selon leur origine, l'ensemble des recettes perçues et, selon leur nature, l'ensemble des dépenses engagées ou effectuées en vue de l'élection. Ce compte doit être déposé à la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques au plus tard avant 18 heures le dixième vendredi suivant le premier tour de scrutin. La même obligation incombe au candidat qui a bénéficié de dons de personnes physiques conformément à l'article L. 52-8. Le compte de campagne doit être en équilibre ou excédentaire et ne peut présenter un déficit. Il ressort également de l'article L. 52-12 que, sauf lorsqu'aucune dépense ou recette ne figure au compte de campagne, celui-ci est présenté par un membre de l'ordre des experts-comptables et des comptables agréés qui met ce compte en état d'examen et s'assure de la présence des pièces justificatives requises. Lorsqu'aucune dépense ou recette ne figure au compte de campagne, le mandataire établit une attestation d'absence de dépense et de recette.

2. L'article L.O. 136-1 du même code dispose que le Conseil constitutionnel peut déclarer inéligible le candidat qui n'a pas déposé son compte de campagne dans les conditions et le délai prescrits à l'article L. 52-12. Le dépôt tardif ou irrégulier par un candidat de son compte de campagne constitue, en principe, un manquement de nature à justifier une déclaration d'inéligibilité.

3. En premier lieu, d'une part, M. MAURIN a obtenu au moins 1 % des suffrages exprimés à l'issue du scrutin dont le premier tour s'est tenu le 11 mars 2018. Le délai pour déposer son compte de campagne expirait donc le 18 mai 2018 à 18 heures. M. MAURIN a déposé son compte de campagne le 23 mai 2018, soit après l'expiration de ce délai. C'est donc à bon droit que la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques a rejeté le compte de campagne de M. MAURIN.

4. Toutefois, ce dernier fait valoir que son compte de campagne a été déposé le 18 mai 2018 à 15 heures au bureau de poste mais que, l'enveloppe utilisée ne mentionnant pas l'adresse de la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques, celle-ci lui a été retournée et il n'a, en définitive, adressé son compte que le 23 mai. Au soutien de cette affirmation, il figure au dossier l'enveloppe utilisée comportant le cachet de la poste mentionnant la date et l'heure indiquées. Dès lors, dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de prononcer l'inéligibilité de M. MAURIN en raison de ce manquement.

5. En deuxième lieu, si les dépenses afférentes à l'impression d'un tract, d'un montant de 357 euros, ont été omises à tort du compte de campagne du candidat, en méconnaissance des dispositions précitées de l'article L. 52-12 du code électoral, cette absence de mention, pour regrettable qu'elle soit, n'était pas de nature à entraîner le prononcé d'une inéligibilité, eu égard au faible montant de la somme en cause, pris isolément et par rapport au montant total des dépenses.

6. En dernier lieu, M. MAURIN n'a pas restitué à la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques deux carnets de reçus-dons. Une telle absence fait présumer de la perception de dons de personnes physiques visées à l'article L. 52-8. Toutefois, cette présomption peut être combattue par tout moyen. En l'espèce, si M. MAURIN a produit une attestation de son mandataire dans lequel ce dernier indique avoir détruit, par erreur, ces carnets, ces seuls éléments ne suffisent pas à renverser la présomption énoncée. Par suite, eu égard au caractère substantiel de l'obligation méconnue, dont le candidat ne pouvait ignorer la portée, il y a lieu de prononcer son inéligibilité à tout mandat pour une durée d'un an à compter de la présente décision.

LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL DÉCIDE :

Article 1er. - M. Philippe MAURIN est déclaré inéligible en application de l'article L.O. 136-1 du code électoral pour une durée d'un an à compter de la présente décision.

Article 2. - Cette décision sera publiée au Journal officiel de la République française et notifiée dans les conditions prévues à l'article 18 du règlement applicable à la procédure suivie devant le Conseil constitutionnel pour le contentieux de l'élection des députés et des sénateurs.

Jugé par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 31 janvier 2019, où siégeaient : M. Laurent FABIUS, Président, Mme Claire BAZY MALAURIE, MM. Jean-Jacques HYEST, Lionel JOSPIN, Mmes Dominique LOTTIN, Corinne LUQUIENS, Nicole MAESTRACCI et M. Michel PINAULT.

Rendu public le 1er février 2019.

JORF n°0030 du 5 février 2019, texte n° 61
ECLI : FR : CC : 2019 : 2018.5674.AN

Les abstracts

  • 8. ÉLECTIONS
  • 8.3. ÉLECTIONS LÉGISLATIVES
  • 8.3.5. Financement
  • 8.3.5.2. Établissement d'un compte de campagne
  • 8.3.5.2.2. Délai du dépôt
  • 8.3.5.2.2.2. Non-prononcé de l'inéligibilité

Candidat ayant obtenu au moins 1 % des suffrages exprimés à l'issue du premier tour de scrutin et ayant déposé son compte de campagne le 23 mai 2018 alors que le délai expirait le 18 mai 2018 à 18h. Toutefois, le candidat fait valoir que son compte de campagne a été déposé le 18 mai 2018 à 15 heures au bureau de poste mais que, l'enveloppe utilisée ne mentionnant pas l'adresse de la CNCCFP, mais la sienne, l'enveloppe lui a été retournée et il n'a, en définitive, adressé son compte que le 23 mai. Au soutien de cette affirmation, il joint au dossier l'enveloppe utilisée comportant le cachet de la poste mentionnant la date et l'heure indiquées. Dès lors, dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de prononcer l'inéligibilité du candidat en raison de ce manquement (le candidat est néanmoins déclaré inéligible pour une durée d'un an pour un autre motif).

(2018-5674 AN, 01 février 2019, cons. 3, 4, JORF n°0030 du 5 février 2019, texte n° 61 )
  • 8. ÉLECTIONS
  • 8.3. ÉLECTIONS LÉGISLATIVES
  • 8.3.5. Financement
  • 8.3.5.3. Présentation du compte
  • 8.3.5.3.2. Totalité des opérations financières

Si les dépenses afférentes à l'impression d'un tract, d'un montant de 357 euros, ont été omises à tort du compte de campagne du candidat, en méconnaissance des dispositions précitées de l'article L. 52-12 du code électoral, cette absence de mention, pour regrettable qu'elle soit, n'était pas de nature à entraîner le prononcé d'une inéligibilité, eu égard au faible montant de la somme en cause, pris isolément et par rapport au montant total des dépenses (le candidat est néanmoins déclaré inéligible pour une durée d'un an pour un autre motif).

(2018-5674 AN, 01 février 2019, cons. 5, JORF n°0030 du 5 février 2019, texte n° 61 )

Candidat qui, n'ayant pas restitué deux carnets de reçus-dons, était présumé avoir perçu des dons correspondant auxdits carnets. Pour combattre cette présomption, le candidat a produit une attestation de son mandataire dans laquelle ce dernier indiquait avoir détruit, par erreur, ces carnets. Toutefois, le Conseil constitutionnel a considéré que ces seuls éléments ne suffisaient pas à renverser la présomption énoncée. Par suite, eu égard au caractère substantiel de l'obligation méconnue, dont le candidat ne pouvait ignorer la portée, il y a lieu de prononcer son inéligibilité à tout mandat pour une durée d'un an. Cette irrégularité ne permettait pas de s'assurer que le compte comportait l'intégralité des recettes.

(2018-5674 AN, 01 février 2019, cons. 6, JORF n°0030 du 5 février 2019, texte n° 61 )
À voir aussi sur le site : Version PDF de la décision.
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