Décision

Décision n° 98-2552 AN du 28 juillet 1998

A.N., Var (1ère circ.)
Annulation

Le Conseil constitutionnel,

Vu la requête présentée par Mme Cendrine LE CHEVALLIER, demeurant à Toulon (Var), enregistrée au secrétariat général du Conseil constitutionnel le 13 mai 1998, tendant à l'annulation des opérations électorales auxquelles il a été procédé les 26 avril et 3 mai 1998 dans la 1ère circonscription du département du Var pour la désignation d'un député à l'Assemblée nationale et demandant à être entendue ;

Vu les observations présentées par le ministre de l'intérieur enregistrées comme ci-dessus les 5 et 19 juin 1998 ;

Vu le mémoire en défense présenté par Mme Odette CASANOVA, député, enregistré comme ci-dessus le 23 juin 1998 ;

Vu le mémoire en réplique présenté par Mme LE CHEVALLIER, enregistré comme ci-dessus le 30 juin 1998 ;

Vu les observations complémentaires présentées par Mme CASANOVA, enregistrées comme ci-dessus le 20 juillet 1998 ;

Vu les observations complémentaires présentées par Mme LE CHEVALLIER, enregistrées comme ci-dessus le 23 juillet 1998 ;

Vu la décision de la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques, enregistrée comme ci-dessus le 16 juillet 1998, approuvant le compte de campagne de Mme CASANOVA ;

Vu la Constitution, notamment son article 59 ;

Vu l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 modifiée portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ;

Vu le code électoral ;

Vu le règlement applicable à la procédure suivie devant le Conseil constitutionnel pour le contentieux de l'élection des députés et des sénateurs ;

Vu les autres pièces produites et jointes au dossier ;

Le rapporteur ayant été entendu ;

SUR LES CONCLUSIONS TENDANT A l'ANNULATION DE L'ELECTION :

Sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens relatifs à la campagne électorale et aux opérations de vote et de dépouillement :

1. Considérant qu'aux termes du second alinéa de l'article L. 49 du code électoral : « A partir de la veille du scrutin à zéro heure, il est interdit de diffuser ou de faire diffuser par tout moyen de communication audiovisuelle tout message ayant le caractère de propagande électorale » ;

2. Considérant que la chaîne de télévision « Canal Plus » a diffusé le jour du second tour de scrutin vers treize heures, dans son émission non cryptée « le Vrai journal », dont le taux d'écoute est significatif et qui alterne reportages de nature politique et séquences satiriques, la séquence suivante, exprimée en termes humoristiques : « A Toulon, Adriano a oublié que les électeurs du Front national, eux, ne feront pas la grasse matinée toute la journée. Alors ce serait bien qu'Adriano se lève, qu'il se lave les dents et qu'il se rende très vite dans l'isoloir le plus proche » ; que cet appel a revêtu le caractère d'un message de propagande électorale ; que cette diffusion, même si elle n'a pas donné lieu à une intervention du Conseil supérieur de l'audiovisuel, a méconnu les prescriptions de l'article L. 49 précité ; qu'alors même que la responsabilité de Mme CASANOVA dans cette émission n'est pas en cause, l'irrégularité ainsi commise a été de nature, eu égard à l'écart de trente-trois voix séparant les deux candidates, à exercer une influence suffisante pour altérer la sincérité du scrutin ; que par suite, et sans qu'il soit besoin de procéder à l'audition demandée, les opérations électorales qui se sont déroulées dans la 1ère circonscription du Var les 26 avril et 3 mai 1998 doivent être annulées ;

- SUR LES CONCLUSIONS TENDANT A L'INELIGIBILITE DE MME CASANOVA :

3. Considérant que les griefs relatifs au compte de campagne de Mme CASANOVA, lequel a été approuvé par la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques, n'ont été soulevés qu'après l'expiration du délai de dix jours fixé à l'article L.O. 180 du code électoral ; qu'ils sont par suite irrecevables ;

Décide :
Article premier :
Les opérations électorales qui se sont déroulées dans la première circonscription du département du Var les 26 avril et 3 mai 1998 sont annulées.
Article 2 :
Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.
Article 3 :
La présente décision sera notifiée à l'Assemblée nationale, à Madame Odette CASANOVA, à Madame Cendrine LE CHEVALLIER, et publiée au Journal officiel de la République française.

Délibéré par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 28 juillet 1998, où siégeaient : MM. Roland DUMAS, Président, Georges ABADIE, Michel AMELLER, Jean-Claude COLLIARD, Yves GUÉNA, Alain LANCELOT, Mme Noëlle LENOIR, M. Pierre MAZEAUD et Mme Simone VEIL.

Journal officiel du 30 juillet 1998, page 11631
Recueil, p. 274
ECLI : FR : CC : 1998 : 98.2552.AN

Les abstracts

  • 8. ÉLECTIONS
  • 8.1. PRINCIPES DU DROIT ÉLECTORAL
  • 8.1.5. Sincérité, loyauté et dignité du scrutin
  • 8.1.5.2. Applications du principe de sincérité du scrutin
  • 8.1.5.2.2. Principe de sincérité du scrutin appliqué aux élections législatives (exemples)

Aux termes du second alinéa de l'article L. 49 du code électoral : " À partir de la veille du scrutin à zéro heure, il est interdit de diffuser ou de faire diffuser par tout moyen de communication audiovisuelle tout message ayant le caractère de propagande électorale. " La chaîne de télévision " Canal Plus " a diffusé le jour du second tour de scrutin vers 13 heures, dans son émission non cryptée " Le Vrai journal ", dont le taux d'écoute est significatif et qui alterne reportages de nature politique et séquences satiriques, la séquence suivante, exprimée en termes humoristiques : " À Toulon, Adriano a oublié que les électeurs du Front national, eux, ne feront pas la grasse matinée toute la journée. Alors ce serait bien qu'Adriano se lève, qu'il se lave les dents et qu'il se rende très vite dans l'isoloir le plus proche. " Cet appel a revêtu le caractère d'un message de propagande électorale. Cette diffusion, même si elle n'a pas donné lieu à une intervention du Conseil supérieur de l'audiovisuel, a méconnu les prescriptions de l'article L. 49 du code électoral. Alors même que la responsabilité de Mme C. dans cette émission n'est pas en cause, l'irrégularité ainsi commise a été de nature, eu égard à l'écart de 33 voix séparant les deux candidates, à exercer une influence suffisante pour altérer la sincérité du scrutin. Annulation de l'élection.

(98-2552 AN, 28 juillet 1998, cons. 1, 2, Journal officiel du 30 juillet 1998, page 11631)
  • 8. ÉLECTIONS
  • 8.3. ÉLECTIONS LÉGISLATIVES
  • 8.3.3. Campagne électorale - Moyens de propagande
  • 8.3.3.13. Radio-télévision

Aux termes du second alinéa de l'article L. 49 du code électoral : " À partir de la veille du scrutin à zéro heure, il est interdit de diffuser ou de faire diffuser par tout moyen de communication audiovisuelle tout message ayant le caractère de propagande électorale. " La chaîne de télévision " Canal Plus " a diffusé le jour du second tour de scrutin vers 13 heures, dans son émission non cryptée " Le Vrai journal ", dont le taux d'écoute est significatif et qui alterne reportages de nature politique et séquences satiriques, la séquence suivante, exprimée en termes humoristiques : " À Toulon, Adriano a oublié que les électeurs du Front national, eux, ne feront pas la grasse matinée toute la journée. Alors ce serait bien qu'Adriano se lève, qu'il se lave les dents et qu'il se rende très vite dans l'isoloir le plus proche. " Cet appel a revêtu le caractère d'un message de propagande électorale. Cette diffusion, même si elle n'a pas donné lieu à une intervention du Conseil supérieur de l'audiovisuel, a méconnu les prescriptions de l'article L. 49 du code électoral. Alors même que la responsabilité de Mme C. dans cette émission n'est pas en cause, l'irrégularité ainsi commise a été de nature, eu égard à l'écart de 33 voix séparant les deux candidates, à exercer une influence suffisante pour altérer la sincérité du scrutin. Annulation de l'élection.

(98-2552 AN, 28 juillet 1998, cons. 1, 2, Journal officiel du 30 juillet 1998, page 11631)
  • 8. ÉLECTIONS
  • 8.3. ÉLECTIONS LÉGISLATIVES
  • 8.3.9. Contentieux - Griefs
  • 8.3.9.3. Griefs nouveaux
  • 8.3.9.3.1. Existence

Les griefs relatifs au compte de campagne de Mme C., lequel a été approuvé par la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques, n'ont été soulevés qu'après l'expiration du délai de dix jours fixé à l'article L.O. 180 du code électoral. Ils sont par suite irrecevables. Rejet des conclusions tendant à l'inéligibilité de Mme C.

(98-2552 AN, 28 juillet 1998, cons. 3, Journal officiel du 30 juillet 1998, page 11631)
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