Décision n° 93-1794 AN du 16 décembre 1993
Le Conseil constitutionnel,
Vu, enregistrée sous le numéro 93-1794 au secrétariat général du Conseil constitutionnel, le 29 octobre 1993, la décision en date du 15 octobre 1993 de la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques décidant de saisir le Conseil constitutionnel, juge de l'élection, du cas de Mme Thérèse Aillaud, candidate lors de l'élection législative qui a eu lieu les 21 et 28 mars 1993 et élue député dans la 16e circonscription des Bouches-du-Rhône ;
Vu les observations présentées par Mme Aillaud, enregistrées comme ci-dessus les 29 novembre, 6 et 13 décembre 1993 ;
Vu les observations présentées par la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques, enregistrées comme ci-dessus le 10 décembre 1993 ;
Vu la Constitution, notamment son article 59 ;
Vu l'ordonnance no 58-1067 du 7 novembre 1958 modifiée portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ;
Vu le code électoral ;
Vu le règlement applicable à la procédure suivie devant le Conseil constitutionnel pour le contentieux de l'élection des députés et des sénateurs ;
Vu les autres pièces produites et jointes au dossier ;
Le rapporteur ayant été entendu ;
1. Considérant qu'aux termes du premier alinéa de l'article L. 52-12 du code électoral « chaque candidat ou candidat tête de liste soumis au plafonnement prévu à l'article L. 52-11 est tenu d'établir un compte de campagne retraçant, selon leur origine, l'ensemble des recettes perçues et, selon leur nature, l'ensemble des dépenses engagées ou effectuées en vue de l'élection, par lui-même ou pour son compte, au cours de la période mentionnée à l'article L. 52-4 » qu'il est spécifié que : « Sont réputées faites pour son compte les dépenses exposées directement au profit du candidat et avec l'accord, même tacite, de celui-ci, par les personnes physiques ou morales, les groupements et partis qui lui apportent leur soutien » que le premier alinéa de l'article L. 52-12 exige enfin que « le candidat estime et inclut, en recettes et en dépenses, les avantages directs ou indirects, les prestations de services et dons en nature dont il a bénéficié »
2. Considérant qu'aux termes du premier alinéa de l'article L. 52-15 du code précité « La Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques approuve et, après procédure contradictoire, rejette ou réforme les comptes de campagne » que le deuxième alinéa de l'article L.O. 128 du code électoral dispose dans une première phrase que : « Est... inéligible pendant un an à compter de l'élection celui qui n'a pas déposé son compte de campagne dans les conditions et le délai prescrits par l'article L. 52-12 et celui dont le compte de campagne a été rejeté à bon droit » et énonce dans une seconde phrase que « Peut également être déclaré inéligible, pour la même durée, celui qui a dépassé le plafond des dépenses électorales tel qu'il résulte de l'article L. 52-11 » qu'enfin, il est spécifié à l'article L.O. 136-1 du code électoral : « La commission instituée par l'article L. 52-14 saisit le Conseil constitutionnel du cas de tout candidat susceptible de se voir opposer les dispositions du deuxième alinéa de l'article L.O. 128. Le Conseil constitutionnel constate, le cas échéant, l'inéligibilité... »
3. Considérant que le compte de campagne de Mme Aillaud a été déposé conformément aux prescriptions du deuxième alinéa de l'article L. 52-12 du code électoral, dans le délai de deux mois suivant le tour de scrutin où l'élection a été acquise ; que les dépenses figurant à ce compte s'élevaient à 482 041 F ; que la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques a réformé le compte de Mme Aillaud en l'établissant à 532 041 F au motif que les charges sociales afférentes à des salaires versés à divers collaborateurs occasionnels et déclarés dans le compte de campagne, n'auraient pas été pris en compte et a saisi le Conseil constitutionnel dès lors que le montant ainsi établi était supérieur au plafond des dépenses autorisé fixé à 500 000 F ;
4. Considérant qu'il ne résulte pas de l'instruction qu'en l'espèce les sommes d'un montant peu élevé versées aux personnes qui, à titre occasionnel, et dans le cadre de la campagne électorale de Mme Aillaud, ont distribué des tracts, collé des affiches et assuré la sécurité de deux réunions électorales, étaient la contrepartie d'un travail salarié dès lors que n'a pas été établie l'existence d'un lien de subordination entre la candidate et les intéressés ; que par suite il n'y a pas lieu de réintégrer dans le compte de campagne des charges sociales au titre de ces dépenses ;
5. Considérant en revanche que la rémunération de 20 000 F versée à M. Selvi qui a organisé la campagne de la candidate sur l'ensemble de la circonscription et celle de 4 000 F perçue par Mme Herrera qui a assuré une permanence téléphonique quotidienne doivent, eu égard au lien de subordination qui apparaît en l'espèce entre Mme Aillaud et ces personnes, donner lieu au paiement de charges sociales ; qu'il y a lieu dès lors de réintégrer dans le compte de campagne de l'intéressée les sommes dues à ce titre dont le montant ne saurait excéder une somme de l'ordre de la moitié des salaires versés ;
6. Considérant que par suite, le montant total des dépenses de Mme Aillaud reste inférieur au plafond légal ; qu'il n'y a pas lieu, dès lors, de déclarer Mme Aillaud inéligible,
Décide :
Article premier :
Il n'y a pas lieu pour le Conseil constitutionnel de prononcer l'inéligibilité de Mme Thérèse Aillaud.
Article 2 :
La présente décision sera notifiée à Mme Aillaud, au président de la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques et publiée au Journal officiel de la République française.Délibéré par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 16 décembre 1993, où siégeaient : MM. Robert BADINTER, président, Robert FABRE, Maurice FAURE, Marcel RUDLOFF, Georges ABADIE, Jean CABANNES, Jacques LATSCHA, Jacques ROBERT et Mme Noëlle LENOIR.
Le président,
Robert BADINTERJournal officiel du 19 décembre 1993 page 17736
Recueil, p. 555
ECLI : FR : CC : 1993 : 93.1794.AN
Les abstracts
- 8. ÉLECTIONS
- 8.3. ÉLECTIONS LÉGISLATIVES
- 8.3.5. Financement
- 8.3.5.5. Dépenses produites au compte de campagne
- 8.3.5.5.2. Dépenses devant figurer dans le compte
8.3.5.5.2.10. Divers
La rémunération versée à la personne qui a organisé la campagne de la candidate sur l'ensemble de la circonscription et celle qui a été perçue par la personne qui a assuré une permanence téléphonique quotidienne doivent, eu égard au lien de subordination qui apparaît en l'espèce entre l'élue et ces personnes, donner lieu au paiement de charges sociales. Il y a lieu de réintégrer dans le compte de campagne de l'intéressée les sommes dues à ce titre dont le montant ne saurait excéder une somme de l'ordre de la moitié des salaires versés. Le montant total des dépenses de l'élue reste inférieur au plafond légal. Absence d'inéligibilité.
- 8. ÉLECTIONS
- 8.3. ÉLECTIONS LÉGISLATIVES
- 8.3.5. Financement
- 8.3.5.5. Dépenses produites au compte de campagne
8.3.5.5.3. Dépenses n'ayant pas à figurer dans le compte
Les sommes d'un montant peu élevé versées aux personnes qui, à titre occasionnel, et dans le cadre de la campagne électorale de l'élue ont distribué des tracts, collé des affiches et assuré la sécurité de deux réunions électorales, n'étaient pas la contrepartie d'un travail salarié, dès lors que n'a pas été établie l'existence d'un lien de subordination entre la candidate et les intéressés. Il n'y a pas lieu de réintégrer dans le compte de campagne des charges sociales au titre de ces dépenses.