Décision

Décision n° 2022-1004 QPC du 22 juillet 2022

Union des associations diocésaines de France et autres [Régime des associations exerçant des activités cultuelles]
Conformité - réserve

LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL A ÉTÉ SAISI le 18 mai 2022 par le Conseil d'État (décision nos 461800 et 461803 du même jour), dans les conditions prévues à l'article 61-1 de la Constitution, d'une question prioritaire de constitutionnalité. Cette question a été posée pour l'union des associations diocésaines de France et autres par la SARL Matuchansky, Poupot, Valdelièvre, avocat au Conseil d'État et à la Cour de cassation. Elle a été enregistrée au secrétariat général du Conseil constitutionnel sous le n° 2022-1004 QPC. Elle est relative à la conformité aux droits et libertés que la Constitution garantit des articles 19-1 et 19-2 de la loi du 9 décembre 1905 concernant la séparation des Églises et de l'État, dans leur rédaction issue de la loi n° 2021-1109 du 24 août 2021 confortant le respect des principes de la République ainsi que des articles 4, 4-1 et 4-2 de la loi du 2 janvier 1907 concernant l'exercice public des cultes, dans leur rédaction résultant de la même loi du 24 août 2021.

Au vu des textes suivants :

  • la Constitution ;
  • l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ;
  • la loi du 1er juillet 1901 relative au contrat d'association ;
  • la loi du 9 décembre 1905 concernant la séparation des Églises et de l'État ;
  • la loi du 2 janvier 1907 concernant l'exercice public des cultes ;
  • la loi n° 2021-1109 du 24 août 2021 confortant le respect des principes de la République ;
  • le règlement du 4 février 2010 sur la procédure suivie devant le Conseil constitutionnel pour les questions prioritaires de constitutionnalité ;

Au vu des pièces suivantes :

  • les observations présentées pour les requérants par la SARL Matuchansky, Poupot, Valdelièvre, enregistrées le 1er juin 2022 ;
  • les observations présentées par la Première ministre, enregistrées le même jour ;
  • les secondes observations présentées pour les requérants par la SARL Matuchansky, Poupot, Valdelièvre, enregistrées le 16 juin 2022 ;
  • les autres pièces produites et jointes au dossier ;

Après avoir entendu Me Guillaume Valdelièvre, avocat au Conseil d'État et à la Cour de cassation, pour les requérants, et M. Antoine Pavageau, désigné par la Première ministre, à l'audience publique du 5 juillet 2022 ;

Et après avoir entendu le rapporteur ;

LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL S'EST FONDÉ SUR CE QUI SUIT :

1. L'article 19-1 de la loi du 9 décembre 1905 mentionnée ci-dessus, dans sa rédaction issue de la loi du 24 août 2021 mentionnée ci-dessus, prévoit :
« Pour bénéficier des avantages propres à la catégorie des associations cultuelles prévus par les dispositions législatives et réglementaires, toute association constituée conformément aux articles 18 et 19 de la présente loi doit déclarer sa qualité cultuelle au représentant de l'État dans le département, sans préjudice de la déclaration prévue à l'article 5 de la loi du 1er juillet 1901 relative au contrat d'association.
« Le représentant de l'État dans le département peut, dans les deux mois suivant la déclaration, s'opposer à ce que l'association bénéficie des avantages mentionnés au premier alinéa du présent article s'il constate que l'association ne remplit pas ou ne remplit plus les conditions prévues aux articles 18 et 19 de la présente loi ou pour un motif d'ordre public. Lorsqu'il envisage de faire usage de son droit d'opposition, il en informe l'association et l'invite à présenter ses observations dans un délai d'un mois.
« En l'absence d'opposition, l'association qui a déclaré sa qualité cultuelle bénéficie des avantages propres à la catégorie des associations cultuelles pendant une durée de cinq années, renouvelable par déclaration au représentant de l'État dans le département dans les conditions mentionnées aux deux premiers alinéas du présent article.
« Le représentant de l'État dans le département peut, pour les mêmes motifs que ceux mentionnés au deuxième alinéa, retirer le bénéfice des avantages propres à la catégorie des associations cultuelles, après mise en œuvre d'une procédure contradictoire.
« Les modalités d'application du présent article, notamment les documents permettant à l'association de justifier de sa qualité cultuelle, les conditions dans lesquelles est renouvelée la déclaration et les conditions dans lesquelles s'exerce le droit d'opposition de l'administration, sont précisées par décret en Conseil d'État ».
 

2. L'article 19-2 de la loi du 9 décembre 1905, dans la même rédaction, prévoit :
« I. - Le financement des associations cultuelles est assuré librement dans les conditions prévues au présent article et à l'article 19-3.
« II. - Les associations cultuelles peuvent recevoir les cotisations prévues à l'article 6 de la loi du 1er juillet 1901 relative au contrat d'association et le produit des quêtes et collectes pour les frais du culte. Elles peuvent percevoir des rétributions pour les cérémonies et services religieux, même par fondation, pour la location des bancs et sièges et pour la fourniture des objets destinés au service du culte, au service des funérailles dans les édifices religieux ainsi qu'à la décoration de ces édifices.
« Elles peuvent recevoir, dans les conditions prévues au II de l'article 910 et à l'article 910-1 du code civil, les libéralités entre vifs ou par testament destinées à l'accomplissement de leur objet ou grevées de charges pieuses ou cultuelles.
« Elles peuvent posséder et administrer tous immeubles acquis à titre gratuit, sans préjudice des 2 ° et 3 ° de l'article 6 de la loi du 1er juillet 1901 précitée.
« Les ressources annuelles qu'elles tirent des immeubles qu'elles possèdent et qui ne sont ni strictement nécessaires à l'accomplissement de leur objet, ni grevés de charges pieuses ou cultuelles, à l'exclusion des ressources provenant de l'aliénation de ces immeubles, ne peuvent représenter une part supérieure à 50 % de leurs ressources annuelles totales.
« Elles peuvent verser, sans donner lieu à perception de droits, le surplus de leurs recettes à d'autres associations constituées pour le même objet.
« III. - Elles ne peuvent, sous quelque forme que ce soit, recevoir des subventions de l'État ni des collectivités territoriales ou de leurs groupements. Ne sont pas considérées comme subventions les sommes allouées pour réparations ainsi que pour travaux d'accessibilité aux édifices affectés au culte public, qu'ils soient ou non classés monuments historiques ».
 

3. L'article 4 de la loi du 2 janvier 1907 mentionnée ci-dessus, dans sa rédaction résultant de la loi du 24 août 2021, prévoit :
« Indépendamment des associations soumises au titre IV de la loi du 9 décembre 1905 concernant la séparation des Églises et de l'État, l'exercice public d'un culte peut être assuré par voie de réunions tenues sur initiatives individuelles en application de la loi du 30 juin 1881 sur la liberté de réunion et dans le respect des articles 25, 34, 35, 35-1, 36 et 36-1 de la loi du 9 décembre 1905 précitée.
« L'exercice public d'un culte peut également être assuré au moyen d'associations régies par la loi du 1er juillet 1901 relative au contrat d'association.
« Ces associations sont soumises aux articles 1er, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8, 9, 9 bis et 17 de la loi du 1er juillet 1901 précitée ainsi qu'au troisième alinéa de l'article 19 et aux articles 19-3, 25, 34, 35, 35-1, 36, 36-1 et 36-2 de la loi du 9 décembre 1905 précitée ».
 

4. L'article 4-1 de la loi du 2 janvier 1907, dans sa rédaction issue de la loi du 24 août 2021, prévoit :
« Les associations mentionnées au deuxième alinéa de l'article 4 de la présente loi sont également soumises aux deux premières phrases du premier alinéa et aux deuxième à cinquième alinéas de l'article 21 de la loi du 9 décembre 1905 concernant la séparation des Églises et de l'État. Elles établissent leurs comptes annuels de sorte que leurs activités en relation avec l'exercice public d'un culte constituent une unité fonctionnelle présentée séparément. Elles sont tenues de consacrer un compte ouvert dans un établissement mentionné à l'article L. 521-1 du code monétaire et financier à l'exercice de l'ensemble des transactions financières liées à leur activité d'exercice public du culte.
« Lorsqu'elles perçoivent des ressources collectées par un appel public à la générosité destiné à soutenir l'exercice du culte, elles sont soumises à l'article 4 de la loi n° 91-772 du 7 août 1991 relative au congé de représentation en faveur des associations et des mutuelles et au contrôle des comptes des organismes faisant appel à la générosité publique, dans des conditions définies par un décret en Conseil d'État, qui fixe notamment le seuil à compter duquel le même article 4 s'applique.
« Elles assurent la certification de leurs comptes, sans préjudice de l'application de l'article 4-1 de la loi n° 87-571 du 23 juillet 1987 sur le développement du mécénat et du dernier alinéa du II de l'article 19-3 de la loi du 9 décembre 1905 précitée :
« 1 ° Lorsqu'elles délivrent des documents tels que certificats, reçus, états, factures ou attestations permettant à un contribuable d'obtenir une réduction d'impôt en application des articles 200 et 238 bis du code général des impôts ;
« 2 ° Lorsque le montant des subventions publiques reçues annuellement dépasse un seuil défini par décret en Conseil d'État ;
« 3 ° Lorsque leur budget annuel dépasse un seuil défini par décret en Conseil d'État.
« Les deux derniers alinéas de l'article 23 de la loi du 9 décembre 1905 précitée sont applicables en cas de non-respect du présent article ».
 

5. L'article 4-2 de la loi du 2 janvier 1907, dans la même rédaction, prévoit :
« Le représentant de l'État dans le département, lorsqu'il constate qu'une association mentionnée au deuxième alinéa de l'article 4 ne prévoit pas dans son objet l'accomplissement d'activités en relation avec l'exercice public d'un culte, met en demeure l'association, dans un délai qu'il fixe et qui ne peut être inférieur à un mois, de mettre son objet en conformité avec ses activités.
« À l'expiration du délai prévu au premier alinéa, le représentant de l'État dans le département peut, si l'association n'a pas satisfait à la mise en demeure, prononcer une astreinte d'un montant maximal de 100 € par jour de retard.
« Un décret en Conseil d'État précise les conditions d'application du présent article ».
 

6. Les requérants soutiennent d'abord que, en obligeant les associations à déclarer leur caractère cultuel pour bénéficier des avantages propres à la catégorie des associations cultuelles, l'article 19-1 de la loi du 9 décembre 1905 instituerait un régime d'autorisation préalable conduisant l'État à reconnaître certains cultes. Ils font également valoir que, les obligations imposées à ces associations ayant été alourdies, ces dispositions permettraient au représentant de l'État de refuser ou de retirer cette qualité cultuelle dans de nombreux cas. Il en résulterait une méconnaissance du principe de laïcité, de la liberté d'association et de la liberté de religion et de culte.  Ils estiment par ailleurs que le législateur aurait méconnu l'étendue de sa compétence en ne définissant pas suffisamment les « avantages propres » auxquels la reconnaissance du caractère cultuel de l'association ouvre ainsi droit.

7. Les requérants critiquent ensuite le plafonnement du montant des ressources annuelles que les associations cultuelles peuvent tirer de leurs immeubles, prévu par l'article 19-2 de la loi du 9 décembre 1905, au motif que d'autres associations n'y seraient pas soumises. Il en résulterait une méconnaissance du principe d'égalité devant la loi, ainsi que des libertés d'association, de religion et de culte.

8. Les requérants dénoncent enfin le caractère excessif des contraintes imposées par les articles 4 et 4-1 de la loi du 2 janvier 1907 aux associations assurant l'exercice public d'un culte, en méconnaissance de la liberté d'association, de la liberté de religion et de culte, ainsi que de la liberté de réunion. Par ailleurs, faute pour le législateur d'avoir défini à l'article 4-2 de la même loi les « activités en lien avec l'exercice d'un culte » prises en compte par l'administration lorsqu'elle met en demeure une association de mettre ses statuts en conformité avec ses activités, ces dispositions seraient entachées d'incompétence négative dans des conditions de nature à affecter ces exigences constitutionnelles.

9. Par conséquent, la question prioritaire de constitutionnalité porte sur l'article 19-1 et sur le quatrième alinéa du paragraphe II de l'article 19-2 de la loi du 9 décembre 1905, sur les mots « ainsi qu'au troisième alinéa de l'article 19 et aux articles 19-3, 25, 34, 35, 35-1, 36, 36-1 et 36-2 de la loi du 9 décembre 1905 précitée » figurant au troisième alinéa de l'article 4 de la loi du 2 janvier 1907 et sur les articles 4-1 et 4-2 de la même loi.

- Sur l'article 19-1 de la loi du 9 décembre 1905 :

10. En premier lieu, aux termes de l'article 10 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 : « Nul ne doit être inquiété pour ses opinions, même religieuses, pourvu que leur manifestation ne trouble pas l'ordre public établi par la loi ». Aux termes des trois premières phrases du premier alinéa de l'article 1er de la Constitution : « La France est une République indivisible, laïque, démocratique et sociale. Elle assure l'égalité devant la loi de tous les citoyens sans distinction d'origine, de race ou de religion. Elle respecte toutes les croyances ». Le principe de laïcité figure au nombre des droits et libertés que la Constitution garantit. Il en résulte notamment que la République ne reconnaît aucun culte et qu'elle garantit le libre exercice des cultes.

11. Les associations qui ont la qualité d'association cultuelle bénéficient d'avantages dans les conditions définies par la loi et le règlement. Les dispositions contestées de l'article 19-1 prévoient que, pour bénéficier de ces avantages, ces associations doivent déclarer leur qualité cultuelle au représentant de l'État dans le département. Elles bénéficient de ces avantages pendant une durée de cinq années renouvelable dans les mêmes conditions. Le représentant de l'État dans le département peut toutefois, sous certaines conditions, s'opposer à ce qu'elles bénéficient de ces avantages ou leur retirer ce bénéfice.

12. D'une part, les dispositions contestées ont pour seul objet d'instituer une obligation déclarative en vue de permettre au représentant de l'État de s'assurer que les associations sont éligibles aux avantages propres aux associations cultuelles. Elles n'ont ni pour objet ni pour effet d'emporter la reconnaissance d'un culte par la République ou de faire obstacle au libre exercice du culte, dans le cadre d'une association régie par la loi du 1er juillet 1901 ou par voie de réunions tenues sur initiatives individuelles.

13. D'autre part, le représentant de l'État ne peut s'opposer à ce qu'une association bénéficie des avantages propres aux associations cultuelles ou procéder au retrait de ces avantages qu'après une procédure contradictoire et uniquement pour un motif d'ordre public ou dans le cas où il constate que l'association n'a pas pour objet exclusif l'exercice d'un culte ou que sa constitution, sa composition et son organisation ne remplissent pas les conditions limitativement énumérées aux articles 18 et 19 de la loi du 9 décembre 1905.

14. Dès lors, les dispositions contestées, qui ne privent pas de garanties légales le libre exercice des cultes, ne méconnaissent pas le principe de laïcité. Le grief tiré de la méconnaissance de ce principe doit donc être écarté.

15. En second lieu, le principe de la liberté d'association figure au nombre des principes fondamentaux reconnus par les lois de la République solennellement réaffirmés par le Préambule de la Constitution. Les atteintes portées à cette liberté doivent être nécessaires, adaptées et proportionnées à l'objectif poursuivi.

16. La déclaration imposée aux associations par les dispositions contestées pour bénéficier de certains avantages n'a pas pour objet d'encadrer les conditions dans lesquelles elles se constituent et exercent leur activité.

17. En revanche, le retrait par le représentant de l'État du bénéfice de ces avantages est susceptible d'affecter les conditions dans lesquelles une association exerce son activité.  Dès lors, ce retrait ne saurait, sans porter une atteinte disproportionnée à la liberté d'association, conduire à la restitution d'avantages dont l'association a bénéficié avant la perte de sa qualité cultuelle.

18. Il résulte de ce qui précède que, sous la réserve figurant au paragraphe précédent, le grief tiré de la méconnaissance de la liberté d'association doit être écarté.

19. Il résulte de tout ce qui précède que l'article 19-1 de la loi du 9 décembre 1905, qui n'est pas non plus entaché d'incompétence négative et ne méconnaît aucun autre droit ou liberté que la Constitution garantit doit, sous la même réserve, être déclaré conforme à la Constitution.

- Sur le quatrième alinéa du paragraphe II de l'article 19-2 de la loi du 9 décembre 1905 :

20. Selon l'article 6 de la Déclaration de 1789, la loi « doit être la même pour tous, soit qu'elle protège, soit qu'elle punisse ». Le principe d'égalité ne s'oppose ni à ce que le législateur règle de façon différente des situations différentes, ni à ce qu'il déroge à l'égalité pour des raisons d'intérêt général, pourvu que, dans l'un et l'autre cas, la différence de traitement qui en résulte soit en rapport direct avec l'objet de la loi qui l'établit.

21. Les dispositions contestées du quatrième alinéa du paragraphe II de l'article 19-2 de la loi du 9 décembre 1905 limitent à 50 % des ressources annuelles totales des associations cultuelles la part des ressources annuelles qu'elles peuvent tirer des immeubles de rapport dont elles sont propriétaires. Ce faisant, elles établissent une différence de traitement entre ces associations et celles exerçant des activités d'intérêt général ou reconnues d'utilité publique qui peuvent tirer des revenus de certains de leurs immeubles sans être soumises à un tel plafonnement.

22. Les associations constituées sur le fondement de la loi du 9 décembre 1905 sont, eu égard à leur objet exclusif qui est d'assurer l'exercice du culte, dans une situation différente des associations qui poursuivent un but d'intérêt général ou sont reconnues d'utilité publique.

23. Dès lors, la différence de traitement résultant des dispositions contestées, fondée sur une différence de situation, est en rapport avec l'objet de la loi, qui est de permettre aux associations cultuelles de retirer des ressources de leur patrimoine immobilier tout en s'assurant que leur financement demeure en rapport avec les ressources recueillies auprès de leurs fidèles.

24. Le grief tiré de la méconnaissance du principe d'égalité devant la loi doit donc être écarté.

25. Par conséquent, le quatrième alinéa du paragraphe II de l'article 19-2 de la loi du 9 décembre 1905, qui ne méconnaît pas non plus la liberté d'association, le principe de laïcité, ni aucun autre droit ou liberté que la Constitution garantit, doit être déclaré conforme à la Constitution.

- Sur les dispositions contestées des articles 4, 4-1 et 4-2 de la loi du 2 janvier 1907 :

26. L'exercice public d'un culte peut être assuré au moyen d'associations régies par la loi du 1er juillet 1901.

27. Dans ce cas, les dispositions contestées des articles 4 et 4-1 de la loi du 2 janvier 1907 imposent à ces associations diverses obligations administratives et financières. Les dispositions contestées de son article 4-2 permettent par ailleurs au représentant de l'État de mettre en demeure une association ayant des activités en relation avec l'exercice public d'un culte, sans que son objet ne le prévoie, de rendre ce dernier conforme à ces activités.

28. Ces dispositions sont ainsi de nature à porter atteinte à la liberté d'association et au libre exercice des cultes.

29. Toutefois, en premier lieu, en adoptant ces dispositions, le législateur a entendu renforcer la transparence de l'activité et du financement des associations assurant l'exercice public d'un culte. Ce faisant, il a poursuivi l'objectif de valeur constitutionnelle de sauvegarde de l'ordre public.

30. En deuxième lieu, en application des dispositions contestées des articles 4 et 4-1 de la loi du 2 janvier 1907, les associations sont soumises à des obligations consistant, en particulier, à établir une liste des lieux dans lesquels elles organisent habituellement le culte, à présenter les documents comptables et le budget prévisionnel de l'exercice en cours sur demande du représentant de l'État, à établir une comptabilité faisant apparaître séparément les opérations relatives à leurs activités cultuelles, et à certifier leurs comptes lorsqu'elles ont bénéficié de financements étrangers pour des montants dépassant un seuil fixé par décret, qu'elles ont émis des reçus fiscaux, qu'elles ont perçu un montant minimal de subventions publiques ou que leur budget annuel dépasse un seuil minimal également fixé par le pouvoir réglementaire.

31. Si de telles obligations sont nécessaires et adaptées à l'objectif poursuivi par le législateur, il appartiendra toutefois au pouvoir réglementaire de veiller, en fixant les modalités spécifiques de mise en œuvre de ces obligations, à respecter les principes constitutionnels de la liberté d'association et du libre exercice des cultes.

32. En dernier lieu, en prévoyant à l'article 4-2 de la loi du 2 janvier 1907 que le représentant de l'État peut mettre en demeure une association de rendre son objet social conforme à ses activités lorsqu'elle exerce des « activités en lien avec l'exercice d'un culte », le législateur n'a pas méconnu l'étendue de sa compétence dans des conditions affectant les exigences constitutionnelles précitées. Au demeurant, il résulte en particulier d'une jurisprudence constante du Conseil d'État que ces activités sont celles notamment relatives à l'acquisition, la location, la construction, l'aménagement et l'entretien des édifices servant au culte ainsi qu'à l'entretien et la formation des ministres et autres personnes concourant à l'exercice du culte.

33. Dès lors, le législateur n'a pas porté à la liberté d'association et au libre exercice des cultes une atteinte qui ne serait pas nécessaire, adaptée et proportionnée.

34. Sous la réserve énoncée au paragraphe 31, le grief tiré de la méconnaissance de la liberté d'association et du libre exercice des cultes doit donc être écarté.

35. Il résulte de tout ce qui précède que les dispositions contestées, qui ne méconnaissent pas non plus le droit d'expression collective des idées et des opinions, ni aucun autre droit ou liberté que la Constitution garantit, doivent, sous la même réserve, être déclarées conformes à la Constitution.

LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL DÉCIDE :
 
Article 1er. - Sous les réserves énoncées ci-dessous, sont conformes à la Constitution les dispositions suivantes :

  • sous la réserve énoncée au paragraphe 17, l'article 19-1 de la loi du 9 décembre 1905 concernant la séparation des Églises et de l'État, dans sa rédaction issue de la loi n° 2021-1109 du 24 août 2021 confortant le respect des principes de la République ;
  • sous la réserve énoncée au paragraphe 31, les mots « ainsi qu'au troisième alinéa de l'article 19 et aux articles 19-3, 25, 34, 35, 35-1, 36, 36-1 et 36-2 de la loi du 9 décembre 1905 précitée » figurant au troisième alinéa de l'article 4 de la loi du 2 janvier 1907 dans sa rédaction résultant de la même loi du 24 août 2021, ainsi que l'article 4-1 de la même loi, dans la même rédaction.
     
    Article 2. - Sont conformes à la Constitution :
  • le quatrième alinéa du paragraphe II de l'article 19-2 de la loi du 9 décembre 1905 concernant la séparation des Églises et de l'État, dans sa rédaction issue de la loi n° 2021-1109 du 24 août 2021 confortant le respect des principes de la République ;
  • l'article 4-2 de la loi du 2 janvier 1907 concernant l'exercice public des cultes, dans sa rédaction issue de la même loi du 24 août 2021.
     
    Article 3. - Cette décision sera publiée au Journal officiel de la République française et notifiée dans les conditions prévues à l'article 23-11 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 susvisée.
     

Jugé par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 21 juillet 2022, où siégeaient : M. Laurent FABIUS, Président, Mme Jacqueline GOURAULT, M. Alain JUPPÉ, Mmes Corinne LUQUIENS, Véronique MALBEC, MM. Jacques MÉZARD, François PILLET, Michel PINAULT et François SÉNERS.
 
Rendu public le 22 juillet 2022.
 

JORF n°0169 du 23 juillet 2022, texte n° 129
ECLI : FR : CC : 2022 : 2022.1004.QPC

Les abstracts

  • 3. NORMES LÉGISLATIVES ET RÉGLEMENTAIRES
  • 3.3. ÉTENDUE ET LIMITES DE LA COMPÉTENCE LÉGISLATIVE
  • 3.3.4. Incompétence négative
  • 3.3.4.2. Absence d'incompétence négative
  • 3.3.4.2.1. Le législateur a épuisé sa compétence

L'exercice public d'un culte peut être assuré au moyen d'associations régies par la loi du 1er juillet 1901. Dans ce cas, les dispositions contestées de son article 4-2 permettent au représentant de l'État de mettre en demeure une association ayant des activités en relation avec l'exercice public d'un culte, sans que son objet ne le prévoie, de rendre ce dernier conforme à ces activités. Ces dispositions sont ainsi de nature à porter atteinte à la liberté d'association et au libre exercice des cultes.
En prévoyant à l'article 4-2 de la loi du 2 janvier 1907 que le représentant de l'État peut mettre en demeure une association de rendre son objet social conforme à ses activités lorsqu'elle exerce des « activités en lien avec l'exercice d'un culte », le législateur n'a pas méconnu l'étendue de sa compétence dans des conditions affectant les exigences constitutionnelles précitées. Au demeurant, il résulte en particulier d'une jurisprudence constante du Conseil d'État que ces activités sont celles notamment relatives à l'acquisition, la location, la construction, l'aménagement et l'entretien des édifices servant au culte ainsi qu'à l'entretien et la formation des ministres et autres personnes concourant à l'exercice du culte.

(2022-1004 QPC, 22 juillet 2022, cons. 26, 27, 28, 32, 33, 34, JORF n°0169 du 23 juillet 2022, texte n° 129)
  • 4. DROITS ET LIBERTÉS
  • 4.15. LIBERTÉ D'ASSOCIATION
  • 4.15.3. Ressources et régime fiscal

Les associations qui ont la qualité d'association cultuelle bénéficient d'avantages dans les conditions définies par la loi et le règlement. Les dispositions contestées de l'article 19-1 de la loi du 9 décembre 1905 prévoient que, pour bénéficier de ces avantages, ces associations doivent déclarer leur qualité cultuelle au représentant de l'État dans le département. Elles bénéficient de ces avantages pendant une durée de cinq années renouvelable dans les mêmes conditions. Le représentant de l'État dans le département peut toutefois, sous certaines conditions, s'opposer à ce qu'elles bénéficient de ces avantages ou leur retirer ce bénéfice.
La déclaration imposée aux associations par les dispositions contestées pour bénéficier de certains avantages n'a pas pour objet d'encadrer les conditions dans lesquelles elles se constituent et exercent leur activité. En revanche, le retrait par le représentant de l'État du bénéfice de ces avantages est susceptible d'affecter les conditions dans lesquelles une association exerce son activité.  Dès lors, ce retrait ne saurait, sans porter une atteinte disproportionnée à la liberté d'association, conduire à la restitution d'avantages dont l'association a bénéficié avant la perte de sa qualité cultuelle. Il résulte de ce qui précède que, sous cette réserve, le grief tiré de la méconnaissance de la liberté d'association doit être écarté.

(2022-1004 QPC, 22 juillet 2022, cons. 16, 17, 18, JORF n°0169 du 23 juillet 2022, texte n° 129)
  • 4. DROITS ET LIBERTÉS
  • 4.24. PRINCIPE DE LAÏCITÉ
  • 4.24.1. Portée du principe

Aux termes de l'article 10 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 : « Nul ne doit être inquiété pour ses opinions, même religieuses, pourvu que leur manifestation ne trouble pas l'ordre public établi par la loi ». Aux termes des trois premières phrases du premier alinéa de l'article 1er de la Constitution : « La France est une République indivisible, laïque, démocratique et sociale. Elle assure l'égalité devant la loi de tous les citoyens sans distinction d'origine, de race ou de religion. Elle respecte toutes les croyances ». Le principe de laïcité figure au nombre des droits et libertés que la Constitution garantit. Il en résulte notamment que la République ne reconnaît aucun culte et qu'elle garantit le libre exercice des cultes. Dans cette décision, le Conseil s'assure que, en fixant les conditions pour bénéficier du statut d'association cultuelle, le législateur n'a pas privé de garanties légales le libre exercice du culte (paragr. 14) et opère un contrôle de la nécessité, de l'adaptation et de la proportionnalité des atteintes portées à cette liberté (paragr. 33).

(2022-1004 QPC, 22 juillet 2022, cons. 10, JORF n°0169 du 23 juillet 2022, texte n° 129)
  • 4. DROITS ET LIBERTÉS
  • 4.24. PRINCIPE DE LAÏCITÉ
  • 4.24.2. Applications

Les associations qui ont la qualité d'association cultuelle bénéficient d'avantages dans les conditions définies par la loi et le règlement. Les dispositions contestées de l'article 19-1 de la loi du 9 décembre 1905 prévoient que, pour bénéficier de ces avantages, ces associations doivent déclarer leur qualité cultuelle au représentant de l'État dans le département. Elles bénéficient de ces avantages pendant une durée de cinq années renouvelable dans les mêmes conditions. Le représentant de l'État dans le département peut toutefois, sous certaines conditions, s'opposer à ce qu'elles bénéficient de ces avantages ou leur retirer ce bénéfice.
D'une part, les dispositions contestées ont pour seul objet d'instituer une obligation déclarative en vue de permettre au représentant de l'État de s'assurer que les associations sont éligibles aux avantages propres aux associations cultuelles. Elles n'ont ni pour objet ni pour effet d'emporter la reconnaissance d'un culte par la République ou de faire obstacle au libre exercice du culte, dans le cadre d'une association régie par la loi du 1er juillet 1901 ou par voie de réunions tenues sur initiatives individuelles.
D'autre part, le représentant de l'État ne peut s'opposer à ce qu'une association bénéficie des avantages propres aux associations cultuelles ou procéder au retrait de ces avantages qu'après une procédure contradictoire et uniquement pour un motif d'ordre public ou dans le cas où il constate que l'association n'a pas pour objet exclusif l'exercice d'un culte ou que sa constitution, sa composition et son organisation ne remplissent pas les conditions limitativement énumérées aux articles 18 et 19 de la loi du 9 décembre 1905.
Dès lors, les dispositions contestées, qui ne privent pas de garanties légales le libre exercice des cultes, ne méconnaissent pas le principe de laïcité. Le grief tiré de la méconnaissance de ce principe doit donc être écarté.

(2022-1004 QPC, 22 juillet 2022, cons. 11, 12, 13, 14, JORF n°0169 du 23 juillet 2022, texte n° 129)

L'exercice public d'un culte peut être assuré au moyen d'associations régies par la loi du 1er juillet 1901. Dans ce cas, les dispositions contestées des articles 4 et 4-1 de la loi du 2 janvier 1907 imposent à ces associations diverses obligations administratives et financières. Les dispositions contestées de son article 4-2 permettent par ailleurs au représentant de l'État de mettre en demeure une association ayant des activités en relation avec l'exercice public d'un culte, sans que son objet ne le prévoie, de rendre ce dernier conforme à ces activités. Ces dispositions sont ainsi de nature à porter atteinte à la liberté d'association et au libre exercice des cultes.
Toutefois, en premier lieu, en adoptant ces dispositions, le législateur a entendu renforcer la transparence de l'activité et du financement des associations assurant l'exercice public d'un culte. Ce faisant, il a poursuivi l'objectif de valeur constitutionnelle de sauvegarde de l'ordre public.
En deuxième lieu, en application des dispositions contestées des articles 4 et 4-1 de la loi du 2 janvier 1907, les associations sont soumises à des obligations consistant, en particulier, à établir une liste des lieux dans lesquels elles organisent habituellement le culte, à présenter les documents comptables et le budget prévisionnel de l'exercice en cours sur demande du représentant de l'État, à établir une comptabilité faisant apparaître séparément les opérations relatives à leurs activités cultuelles, et à certifier leurs comptes lorsqu'elles ont bénéficié de financements étrangers pour des montants dépassant un seuil fixé par décret, qu'elles ont émis des reçus fiscaux, qu'elles ont perçu un montant minimal de subventions publiques ou que leur budget annuel dépasse un seuil minimal également fixé par le pouvoir réglementaire.
Si de telles obligations sont nécessaires et adaptées à l'objectif poursuivi par le législateur, il appartiendra toutefois au pouvoir réglementaire de veiller, en fixant les modalités spécifiques de mise en œuvre de ces obligations, à respecter les principes constitutionnels de la liberté d'association et du libre exercice des cultes.
En dernier lieu, en prévoyant à l'article 4-2 de la loi du 2 janvier 1907 que le représentant de l'État peut mettre en demeure une association de rendre son objet social conforme à ses activités lorsqu'elle exerce des « activités en lien avec l'exercice d'un culte », le législateur n'a pas méconnu l'étendue de sa compétence dans des conditions affectant les exigences constitutionnelles précitées. Au demeurant, il résulte en particulier d'une jurisprudence constante du Conseil d'État que ces activités sont celles notamment relatives à l'acquisition, la location, la construction, l'aménagement et l'entretien des édifices servant au culte ainsi qu'à l'entretien et la formation des ministres et autres personnes concourant à l'exercice du culte.
Dès lors, le législateur n'a pas porté à la liberté d'association et au libre exercice des cultes une atteinte qui ne serait pas nécessaire, adaptée et proportionnée. Sous la réserve énoncée ci-dessus, le grief tiré de la méconnaissance de la liberté d'association et du libre exercice des cultes doit donc être écarté.

(2022-1004 QPC, 22 juillet 2022, cons. 26, 27, 28, 29, 30, 31, 32, 33, 34, JORF n°0169 du 23 juillet 2022, texte n° 129)
  • 5. ÉGALITÉ
  • 5.1. ÉGALITÉ DEVANT LA LOI
  • 5.1.4. Respect du principe d'égalité : différence de traitement justifiée par une différence de situation
  • 5.1.4.1. Associations

Les dispositions contestées du quatrième alinéa du paragraphe II de l'article 19-2 de la loi du 9 décembre 1905 limitent à 50 % des ressources annuelles totales des associations cultuelles la part des ressources annuelles qu'elles peuvent tirer des immeubles de rapport dont elles sont propriétaires. Ce faisant, elles établissent une différence de traitement entre ces associations et celles exerçant des activités d'intérêt général ou reconnues d'utilité publique qui peuvent tirer des revenus de certains de leurs immeubles sans être soumises à un tel plafonnement.
Les associations constituées sur le fondement de la loi du 9 décembre 1905 sont, eu égard à leur objet exclusif qui est d'assurer l'exercice du culte, dans une situation différente des associations qui poursuivent un but d'intérêt général ou sont reconnues d'utilité publique.
Dès lors, la différence de traitement résultant des dispositions contestées, fondée sur une différence de situation, est en rapport avec l'objet de la loi, qui est de permettre aux associations cultuelles de retirer des ressources de leur patrimoine immobilier tout en s'assurant que leur financement demeure en rapport avec les ressources recueillies auprès de leurs fidèles.
Le grief tiré de la méconnaissance du principe d'égalité devant la loi doit donc être écarté.

(2022-1004 QPC, 22 juillet 2022, cons. 21, 22, 23, 24, JORF n°0169 du 23 juillet 2022, texte n° 129)
  • 11. CONSEIL CONSTITUTIONNEL ET CONTENTIEUX DES NORMES
  • 11.6. QUESTION PRIORITAIRE DE CONSTITUTIONNALITÉ
  • 11.6.3. Procédure applicable devant le Conseil constitutionnel
  • 11.6.3.5. Détermination de la disposition soumise au Conseil constitutionnel
  • 11.6.3.5.1. Délimitation plus étroite de la disposition législative soumise au Conseil constitutionnel

Le Conseil constitutionnel juge que la question prioritaire de constitutionnalité porte sur un champ plus restreint que la disposition renvoyée.

(2022-1004 QPC, 22 juillet 2022, cons. 9, JORF n°0169 du 23 juillet 2022, texte n° 129)
  • 16. RÉSERVES D'INTERPRÉTATION
  • 16.24. DIVERS

Les associations qui ont la qualité d'association cultuelle bénéficient d'avantages dans les conditions définies par la loi et le règlement. Les dispositions contestées de l'article 19-1 de la loi du 9 décembre 1905 prévoient que, pour bénéficier de ces avantages, ces associations doivent déclarer leur qualité cultuelle au représentant de l'État dans le département. Elles bénéficient de ces avantages pendant une durée de cinq années renouvelable dans les mêmes conditions. Le représentant de l'État dans le département peut toutefois, sous certaines conditions, s'opposer à ce qu'elles bénéficient de ces avantages ou leur retirer ce bénéfice.
La déclaration imposée aux associations par les dispositions contestées pour bénéficier de certains avantages n'a pas pour objet d'encadrer les conditions dans lesquelles elles se constituent et exercent leur activité. En revanche, le retrait par le représentant de l'État du bénéfice de ces avantages est susceptible d'affecter les conditions dans lesquelles une association exerce son activité.  Dès lors, ce retrait ne saurait, sans porter une atteinte disproportionnée à la liberté d'association, conduire à la restitution d'avantages dont l'association a bénéficié avant la perte de sa qualité cultuelle. Il résulte de ce qui précède que, sous cette réserve, le grief tiré de la méconnaissance de la liberté d'association doit être écarté.

(2022-1004 QPC, 22 juillet 2022, cons. 15, 16, 17, 18, JORF n°0169 du 23 juillet 2022, texte n° 129)

L'exercice public d'un culte peut être assuré au moyen d'associations régies par la loi du 1er juillet 1901. Dans ce cas, les dispositions contestées des articles 4 et 4-1 de la loi du 2 janvier 1907 imposent à ces associations diverses obligations administratives et financières. Les dispositions contestées de son article 4-2 permettent par ailleurs au représentant de l'État de mettre en demeure une association ayant des activités en relation avec l'exercice public d'un culte, sans que son objet ne le prévoie, de rendre ce dernier conforme à ces activités. Ces dispositions sont ainsi de nature à porter atteinte à la liberté d'association et au libre exercice des cultes.
Toutefois, en premier lieu, en adoptant ces dispositions, le législateur a entendu renforcer la transparence de l'activité et du financement des associations assurant l'exercice public d'un culte. Ce faisant, il a poursuivi l'objectif de valeur constitutionnelle de sauvegarde de l'ordre public.
En deuxième lieu, en application des dispositions contestées des articles 4 et 4-1 de la loi du 2 janvier 1907, les associations sont soumises à des obligations consistant, en particulier, à établir une liste des lieux dans lesquels elles organisent habituellement le culte, à présenter les documents comptables et le budget prévisionnel de l'exercice en cours sur demande du représentant de l'État, à établir une comptabilité faisant apparaître séparément les opérations relatives à leurs activités cultuelles, et à certifier leurs comptes lorsqu'elles ont bénéficié de financements étrangers pour des montants dépassant un seuil fixé par décret, qu'elles ont émis des reçus fiscaux, qu'elles ont perçu un montant minimal de subventions publiques ou que leur budget annuel dépasse un seuil minimal également fixé par le pouvoir réglementaire.
Si de telles obligations sont nécessaires et adaptées à l'objectif poursuivi par le législateur, il appartiendra toutefois au pouvoir réglementaire de veiller, en fixant les modalités spécifiques de mise en œuvre de ces obligations, à respecter les principes constitutionnels de la liberté d'association et du libre exercice des cultes.
En dernier lieu, en prévoyant à l'article 4-2 de la loi du 2 janvier 1907 que le représentant de l'État peut mettre en demeure une association de rendre son objet social conforme à ses activités lorsqu'elle exerce des « activités en lien avec l'exercice d'un culte », le législateur n'a pas méconnu l'étendue de sa compétence dans des conditions affectant les exigences constitutionnelles précitées. Au demeurant, il résulte en particulier d'une jurisprudence constante du Conseil d'État que ces activités sont celles notamment relatives à l'acquisition, la location, la construction, l'aménagement et l'entretien des édifices servant au culte ainsi qu'à l'entretien et la formation des ministres et autres personnes concourant à l'exercice du culte.
Dès lors, le législateur n'a pas porté à la liberté d'association et au libre exercice des cultes une atteinte qui ne serait pas nécessaire, adaptée et proportionnée. Sous la réserve énoncée ci-dessus, le grief tiré de la méconnaissance de la liberté d'association et du libre exercice des cultes doit donc être écarté.

(2022-1004 QPC, 22 juillet 2022, cons. 26, 27, 28, 29, 30, 31, JORF n°0169 du 23 juillet 2022, texte n° 129)
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