Laurent Fabius, président du Conseil constitutionnel

Face aux crises et aux grandes mutations, resserrer les liens autour de l’État de droit

Entretien

Laurent Fabius

©Eric Feferberg / AFP Photo

Le Conseil a enregistré cette année sa 1000e QPC, un cap qui confirme le succès de cette procédure.

Quels ont été les traits marquants de l’activité du Conseil constitutionnel en 2022 ?

«Laurent Fabius. 2022 a été une année très active pour le Conseil constitutionnel. Le contrôle de la régularité de l’élection présidentielle nous a en effet mobilisés, mes collègues et moi-même, durant plusieurs mois, cependant que, bien sûr, tout au long de cette période nous avons continué à exercer la plénitude de nos autres compétences.

Fait marquant : le Conseil a enregistré cette année sa 1000e QPC, un cap qui confirme le succès de cette procédure, un peu plus de 10 ans seulement après son entrée en vigueur.

En mars 2022, le Collège qui m’entoure a été renouvelé d’un tiers. Claire Bazy Malaurie, Dominique Lottin et Nicole Maestracci, toutes les trois ayant accompli un travail remarquable, ont été remplacées par Jacqueline Gourault, Véronique Malbec et François Séners. Je veux ici honorer en particulier la mémoire de Nicole Maestracci, décédée quelques semaines seulement après son départ du Conseil, dont la compétence et l’expérience ont été mises toute sa vie au service de la justice comme institution et comme valeur.

Concernant l’élection présidentielle, tirez-vous des leçons particulières de son déroulement ?

L.F. Elles sont évoquées un peu plus loin dans le rapport d’activité. Notamment celle-ci : pour qu’une démocratie comme la nôtre fonctionne, il faut qu’il y ait un très solide garant de l’élection présidentielle. Cette fonction est assurée par le Conseil constitutionnel. Pendant toute l’année précédente, nous avons travaillé à la préparation des opérations de contrôle de l’élection à venir. Début 2022, notre activité s’est concentrée sur le contrôle de la validité des parrainages. Après chaque tour de scrutin, nous avons tranché dans un délai bref, trois jours, l’ensemble des contestations formées contre l’élection, avant que je ne déclare officiellement les résultats. À chacune de ces étapes, notre objectif est le même : garantir le déroulement de l’élection présidentielle dans de bonnes conditions, et tel a été le cas. Le Conseil s’est tenu à distance de la polémique concernant la publicité des parrainages, qui s’est d’ailleurs éteinte à l’issue de la période prévue pour leur recueil. Dans notre bilan de l’élection, nous avons rappelé que toute éventuelle réforme relative à cet aspect gagnerait à intervenir le plus en amont possible de l’élection suivante. Et nous avons souhaité appeler l’attention sur quelques améliorations du dispositif existant, qui concernent en particulier les conditions de vote des Français à l’étranger.

Quid du déroulement des législatives ?

L.F. Le Conseil a été saisi de 99 recours relatifs aux résultats des élections législatives. Nous nous sommes mis en situation de les traiter le plus diligemment possible. Nous avons en priorité examiné à très bref délai – moins d’un mois – la recevabilité des recours enregistrés, ce qui nous a permis d’écarter ceux – 27 – manifestement infondés ou irrecevables. Les autres sont jugés dans les meilleurs délais possibles, après une procédure contradictoire dans laquelle nous pouvons prendre en considération les décisions de la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques.

Lors de la cérémonie d’investiture du Président de la République, vous avez parlé d’un « malaise démocratique » français. Qu’entendez-vous par là ?

L.F. Oui, j’ai volontairement utilisé cette expression forte. Taux d’abstention record lors des élections, mises en cause multiples des dirigeants politiques et de leurs décisions, climat d’insatisfaction et souvent même de violence envers nos institutions et leurs représentants : le constat est là et il est préoccupant. Les causes en sont nombreuses, les unes liées à des données générales comme l’internationalisation des problèmes face à des approches majoritairement nationales, ou les menaces graves de nature environnementale, sanitaire et carrément guerrière, l’importance des inégalités, l’individualisation croissante des comportements qui n’est pas équilibrée par la montée des réseaux sociaux, etc. D’autres causes sont particulièrement présentes en France, comme le sentiment que les élus nationaux ne sont pas en mesure de résoudre les problèmes majeurs de la population ou comme l’habitude ancienne d’un parlementarisme corseté.

La démocratie doit être continue, multiforme, délibérative, bref vivante.

Les solutions à apporter à ce « malaise démocratique », qui n’est pas nouveau, relèvent du débat politique lui-même, mais deux certitudes m’habitent. D’une part, on ne doit pas le laisser sans réponse : la démocratie ne peut consister à choisir tous les 5 ans une personnalité pour présider la République, et, quels que soient ses mérites, à s’en remettre exclusivement à elle dans l’intervalle. La démocratie doit être continue, multiforme, délibérative, bref vivante. D’autre part, on doit avoir à l’esprit que la Constitution de la Ve République établira en 2023 le record absolu de durée – 65 ans – de toute notre histoire. Pendant cette longue période, elle a démontré sa souplesse et son adaptabilité – 24 révisions – à travers des conjonctures diverses. C’est un atout qui ne doit pas être négligé. Au total, même s’il existe une diversité d’analyses sur les causes du malaise démocratique et sur les solutions, sa réalité et la nécessité d’y répondre m’apparaissent incontestables.

Beaucoup évoquent une nécessaire révision des institutions. Certains évoquent un recours plus fréquent au référendum. Qu’en pensez-vous ?

L.F. Les plus hautes autorités de l’État ont exprimé leur volonté de réfléchir et d’agir à cet égard. Au moins deux approches sont envisagées. Pour les uns, il faudrait obtenir d’abord un accord sur l’ensemble des dispositions nécessaires avant d’engager le processus juridique de réforme. Pour d’autres, il est douteux que cet accord d’ensemble puisse être obtenu, il conviendrait donc de se concentrer sur quelques aspects, peut-être moins ambitieux mais utiles. Il ne m’appartient évidemment pas de trancher. Je veux cependant souligner que, quelle que soit l’approche retenue, une disposition concernant le Conseil constitutionnel gagnerait à être révisée, celle qui prévoit la présence de droit des anciens Présidents de la République, désormais dépourvue de justification et qui apparaît carrément contraire à l’image d’indépendance qui doit être celle des membres du Conseil. J’en profite pour rappeler que, en dehors des hypothèses de référendum prévues par l’article 11 de notre Constitution (notamment le référendum d’initiative partagée), et dès lors qu’il s’agirait de réviser celle-ci, c’est son article 89 qui devra être appliqué, lequel prévoit un accord indispensable de l’Assemblée nationale et du Sénat sur le même texte avant qu’intervienne soit une réunion et un vote du Congrès, soit un recours au référendum. Plus généralement, le référendum fait partie intégrante de la panoplie juridique prévue par notre Constitution. Comme le montre l’histoire de la Ve République, il n’est pas d’une pratique facile mais il revêt d’autant plus d’importance. Lors des récentes échéances électorales, divers projets ont été évoqués à ce propos. L’un des plus souhaités par nos concitoyens porte sur la fin de vie, sujet majeur de société, que plusieurs pays d’Europe ont déjà abordé. Bien entendu, le choix du sujet, la formulation précise proposée pour affirmer cette liberté nouvelle et la procédure retenue si cette question est effectivement abordée relèveront d’arbitrages essentiels.


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Après la séquence élection présidentielle/élections législatives, il n’y a pas de majorité absolue à l’Assemblée nationale. Croyez-vous qu’il existe un risque de blocage et quelles sont les conséquences de cette situation sur l’action du Conseil constitutionnel ?

L.F. La configuration parlementaire actuelle est particulière puisque, à la différence de la plupart des périodes précédentes, aucune force ou coalition déclarée de forces ne détient seule la majorité absolue à l’Assemblée nationale. Cela n’entraîne pas automatiquement un blocage dans l’adoption des textes et – de premiers exemples l’ont montré – la possibilité existe d’obtenir des majorités ponctuelles sur telle ou telle disposition. En outre, notre Constitution offre divers outils afin d’éviter ou de surmonter les blocages éventuels. Mais il est exact que cette situation rend plus complexes les avancées et qu’elle encourage l’exécutif comme le Parlement – Assemblée nationale et Sénat – à rechercher des compromis. L’action du Conseil constitutionnel n’en est pas fondamentalement modifiée.

La période fin 2021 – automne 2022 a été marquée également par une activité contentieuse intense. Quelles décisions vous apparaissent les plus notables ?

L.F. Oui, l’activité contentieuse du Conseil a connu un rythme soutenu, en plus de l’ensemble des opérations de contrôle de l’élection présidentielle. J’en donnerai quelques exemples.

En contrôle a priori, malgré l’interruption des travaux parlementaires au printemps 2022, le nombre des saisines s’est maintenu. En particulier, l’année écoulée a confirmé le constat que, depuis le début de la pandémie, la quasi-totalité des lois adoptées au titre de la lutte contre la covid-19 nous ont été déférées (pas moins de huit fois en deux ans). Au cours de cette année, nous avons jugé conforme à la Constitution l’exigence du « passe sanitaire » à l’entrée de certains lieux pour une période déterminée. Nous avons, en revanche, précisé que, si ces mesures intervenaient en période électorale, la présentation du « passe sanitaire » ne pouvait être exigée pour l’accès aux bureaux de vote ou à des réunions et activités politiques. Et nous avons censuré l’accès au statut vaccinal des élèves par les directeurs d’établissement, organisé sans recueil du consentement préalable des élèves. Quand il s’est agi de mobiliser le « passe vaccinal », le Conseil a été attentif à la limitation de cette mesure dans le temps et à ce qu’elle ne soit pas imposée aux participants à des réunions politiques, afin de préserver l’un des aspects majeurs de l’exercice de la démocratie.

En matière de sécurité intérieure, nous avons notamment censuré l’emploi de drones par les polices municipales, considérant que le texte contesté portait atteinte au droit au respect de la vie privée en permettant la captation et la transmission d’images concernant un grand nombre de personnes, dans de nombreux lieux et, le cas échéant, sans qu’elles soient informées. Toujours dans le domaine de la sécurité, notre décision du 13 août 2022 a validé la loi, adaptant le droit de l’Union européenne, qui impose aux plates-formes de retirer dans l’heure les publications « à caractère terroriste » ; nous avons considéré que le texte comportait des garanties suffisantes eu égard à la liberté d’expression et de communication.

Nous avons également jugé par une décision du 12 août 2022, à propos de la suppression de la redevance audiovisuelle et de son remplacement par une fraction du produit de la TVA, qu’il incombait au législateur de fixer le montant des recettes afin que les sociétés et l’établissement de l’audiovisuel public soient à même d’exercer les missions de service public qui leur sont confiées, le Conseil constitutionnel étant juge du respect de ces exigences.

S’agissant des QPC, la vitalité du contentieux ne s’est pas démentie. Nous avons été amenés à connaître des matières très diverses. Droit du travail : nous avons censuré l’exclusion de la qualité d’électeurs aux élections professionnelles pour les salariés titulaires d’une délégation de pouvoir ou d’un pouvoir de représentation. Droit pénal : nous avons fixé les bornes constitutionnelles de la réquisition des données de connexion à différentes phases de la procédure pénale, enquête préliminaire, enquête de flagrance, information judiciaire. Fiscalité locale : nous avons déclaré inconstitutionnelles diverses dispositions relatives aux modalités de compensation de la suppression de la taxe d’habitation sur les résidences principales pour certaines communes.

À plusieurs reprises, la QPC a été l’occasion pour le Conseil de statuer sur des questions de société. Je pense notamment au domaine de la bioéthique, avec la question de l’exclusion des hommes transgenres du recours à l’assistance médicale à la procréation. Je songe également à la liberté de culte, objet de notre décision du 22 juillet 2022 qui a validé les obligations renforcées pour les associations religieuses, sous la réserve qu’une association à qui l’État retirerait le statut d’association cultuelle ne puisse avoir à restituer les avantages dont elle aurait bénéficié auparavant grâce à ce statut, au risque, sinon, de porter atteinte à la liberté d’association.

Les QPC abordent souvent des enjeux du quotidien. Cela a été le cas par exemple avec notre censure partielle de l’interdiction faite aux automobilistes de partager des informations routières en temps réel, y compris concernant les radars le long des routes. Dans un contexte européen où certains États tentent de faire primer leur identité nationale sur l’État de droit européen, notre décision Air France du 15 octobre 2021 est également significative. Chaque État peut avoir une identité constitutionnelle propre, mais à condition de respecter les valeurs communes de l’Union. C’est pourquoi, nous jugeons que le Conseil constitutionnel n’est compétent pour contrôler la conformité à la Constitution de textes qui se bornent à « tirer les conséquences nécessaires de dispositions inconditionnelles et précises d’une directive de l’Union européenne » que lorsque ces textes mettent en cause un principe inhérent à l’identité constitutionnelle de la France et si ce principe ne trouve pas de « protection équivalente » dans le droit de l’Union européenne. Dans cette décision Air France, nous avons pour la première fois donné un contenu précis à un tel principe, sans paralyser l’application du droit de l’Union européenne. Le Conseil constitutionnel veille ainsi à assurer une saine articulation entre la suprématie de la Constitution dans l’ordre judiciaire interne et la primauté du droit de l’Union européenne. Cela contribue à une protection augmentée de l’État de droit, qui traduit, non pas une concurrence, mais une complémentarité entre les offices constitutionnel et européen, comme cela ressort des termes mêmes du Traité sur l’Union européenne.

Le contentieux de l’environnement se développe en France comme à l’étranger. Le Conseil constitutionnel y prend sa part. Quelles sont les orientations les plus marquantes dans ce domaine ?

L.F. L’environnement est une des préoccupations principales des citoyens et des entreprises, qui se tournent donc logiquement de plus en plus vers les tribunaux pour divers contentieux environnementaux. Ce constat revient systématiquement lors de mes échanges avec mes homologues des cours suprêmes étrangères.

En France, le Conseil constitutionnel est régulièrement amené à tirer les conséquences de la Charte de l’environnement adossée à la Constitution depuis 2005. Cette année, par exemple, nous avons été saisis d’anciennes dispositions du code minier prévoyant la prolongation de droits de concessions minières sans prise en compte des effets sur l’environnement. Nous avons considéré (décision QPC du 18 février 2022) que ces dispositions étaient contraires aux articles 1er et 3 de la Charte de l’environnement. Le contentieux climatique a été également spectaculairement engagé devant le juge administratif : l’affaire « Grande-Synthe » devant le Conseil d’État, l’« Affaire du Siècle » devant le tribunal administratif de Paris. Pour notre part, par notre décision du 12 août 2022, nous avons jugé en des termes significatifs et inédits qu’il résulte du préambule de la Charte de l’environnement que « la préservation de l’environnement doit être recherchée au même titre que les autres intérêts de la Nation et que les choix destinés à répondre aux besoins du présent ne doivent pas compromettre la capacité des générations futures à satisfaire leurs propres besoins ». Je suis convaincu que cette notion de générations futures sera à l’origine de nombreuses et intéressantes réflexions juridiques.

Fait inhabituel, vous avez vous-même porté un jugement critique sur les décisions prises par la Cour suprême des États-Unis dans les domaines du droit à l’avortement et du climat. Pourquoi ?

L.F. Une appréciation critique venant d’un président de cour constitutionnelle envers les décisions d’une autre cour suprême n’est en effet pas fréquente. Vous m’accorderez que la série d’arrêts récents rendus par la Cour suprême des États-Unis crée toutefois une situation spéciale. À la fois à cause du prestige de cette Cour, lié lui-même au poids particulier de l’Amérique, et aussi parce que, au moins dans le domaine de la lutte contre le dérèglement climatique, la décision des juges américains risque d’avoir concrètement un impact mondial négatif.

Les deux arrêts récents les plus commentés de cette Cour suprême portent sur l’IVG et sur le climat. Dans les deux cas, ils inversent la jurisprudence passée, dénient au pouvoir central la faculté d’intervenir en réservant ce droit aux États et font une lecture dite « originaliste » de la Constitution américaine en se référant à la situation existant au moment de son adoption il y a 200 ans ou plus. Prévaut ainsi la solution réclamée depuis longtemps par la frange conservatrice du Parti républicain. Ces décisions montrent notamment le double risque lié à une sélection idéologique des juges constitutionnels combinée à un système de désignations à vie.

Dans le cadre de La Nuit du Droit, le Conseil constitutionnel organise le 4 octobre 2022 une réunion centrée sur l’agression russe en Ukraine autour du thème « La guerre et le droit ». Qu’en attendez-vous ?

L.F. L’organisation, dans toute la France, de La Nuit du Droit le 4 octobre – jour anniversaire de la promulgation de notre Constitution –, est désormais devenue une sorte de tradition. Je m’en réjouis car, lorsque j’ai lancé cette initiative au début de ma présidence, j’ignorais si elle réussirait. Cela montre combien est ressenti le besoin de connaître et d’expliquer l’importance du droit dans notre société.

Pour 2022, le Conseil constitutionnel consacre « son » 4 octobre au thème, tragiquement actuel, de « La guerre et le droit », dans le contexte de l’agression russe contre l’Ukraine. Sous la houlette du journaliste Thomas Sotto, ont été invités à s’exprimer Robert Badinter, Karim Khan, procureur près la Cour pénale internationale dont on peut lire l’intéressant entretien dans ces pages, ainsi qu’Andriy Kostin, procureur général d’Ukraine, et le Colonel Heulard, commandant la mission française de recueil des preuves. L’artiste Khatia Buniatishvili a accepté d’accompagner cette soirée au piano. J’entends à cette occasion non seulement condamner clairement l’invasion russe, mais rappeler les voies et moyens pour sanctionner juridiquement les décideurs et les exécutants.

Vous avez, dès votre nomination à la présidence du Conseil constitutionnel, dégagé deux priorités d’action, la juridictionnalisation et l’ouverture à la fois nationale et internationale. Quelles initiatives vont en ce sens ?

L.F. S’agissant de la « juridictionnalisation » du Conseil constitutionnel, le Collège qui m’entoure et moi-même avons pris plusieurs décisions qui marquent des avancées concrètes. Je cite, en vrac, la simplification et la clarification de l’écriture de nos décisions ; la disparition des mystérieuses « portes étroites », heureusement remplacées par des « contributions extérieures » désormais publiées en même temps que la décision à laquelle elles se rattachent ; l’instauration d’un dialogue à l’audience entre le Collège et les parties afin que le Conseil soit parfaitement éclairé ; l’adoption d’un règlement de procédure aussi bien pour les saisines a priori que pour les QPC. Un progrès supplémentaire, je l’ai évoqué précédemment, serait la suppression de la présence de droit des anciens Présidents de la République. Sur la question, souvent abordée, du mode de nomination des membres du Conseil, mon expérience est désormais assez fournie. Aucune formule ne peut être parfaite, l’essentiel repose sur la pertinence concrète des nominations, lesquelles doivent satisfaire à mon sens trois critères principaux : bien sûr la compétence des personnalités choisies, leur expérience aussi, et enfin, ce que j’appelle leur double indépendance : à l’égard de tous les pouvoirs et à l’égard, si je puis dire, d’elles-mêmes, méritant ainsi le titre de « Sages ».

Un progrès supplémentaire serait la suppression de la présence de droit des anciens Présidents de la République.

Concernant l’autre priorité que je nous ai fixée, l’ouverture du Conseil, elle progresse aussi bien en direction des Français qu’au plan international. De nombreux échanges avec nos homologues du monde entier y contribuent, qu’il s’agisse de nos réunions régulières avec nos collègues allemands, espagnols, italiens, portugais et plus largement européens ; qu’il s’agisse aussi des cours francophones, réunies au sein de l’ACCF (Association des cours constitutionnelles francophones), dont nous assurons le secrétariat général et dont nous accueillerons avec plaisir le congrès en France en 2024.

S’agissant de l’ouverture du Conseil à nos concitoyens, spécialistes ou non, je citerai pêle-mêle l’amélioration considérable et continue de notre site internet, le nouveau « portail QPC », la publication régulière de la nouvelle revue Titre VII, La Nuit du Droit, le concours Découvrons notre Constitution organisé avec l’Éducation nationale, la boutique du Conseil, la publication d’un « beau-livre » sur le Conseil, la diffusion de vidéos pédagogiques sur internet et – novation fructueuse – les audiences délocalisées. Nous allons poursuivre en 2023 ces audiences et même les amplifier, en les accompagnant d’interventions pédagogiques des membres du Conseil dans les écoles, collèges et lycées. Je compte aussi prendre des initiatives pour rapprocher notre institution et les parlementaires, dans le respect de l’indépendance du Conseil. Ces nombreuses initiatives procèdent d’une même volonté, partagée par mes collègues : rendre la justice constitutionnelle plus accessible et montrer qu’elle est un élément important de notre démocratie.

Au 1er janvier 2023, un nouveau portail internet consacré aux QPC est mis en place sur le site du Conseil. Vous en attendez beaucoup. Qu’apporte-t-il concrètement ?

L.F. La création d’un portail QPC sur le site du Conseil est non seulement une avancée technique, mais bien plus que cela. Au 1er janvier 2023 sur le site internet du Conseil, un portail est en effet mis en place recensant toutes les questions prioritaires de constitutionnalité soulevées devant toutes les juridictions.

Lors du 10e anniversaire de la mise en application de la QPC (2020), nous avions en effet noté à la fois le succès de cette procédure récente, mais aussi un certain manque : autant on disposait de beaucoup d’informations sur les QPC qui passaient l’épreuve du filtre de la Cour de cassation ou du Conseil d’État pour parvenir jusqu’au prétoire du Conseil constitutionnel, autant on était moins informé et parfois même totalement ignorant à propos des nombreuses QPC soulevées en amont mais qui n’avaient pas prospéré. Cela posait non seulement un problème d’information, mais tout simplement de justice, d’accès à la justice, d’égalité devant la justice.

J’ai alors décidé de lancer cette initiative, la création d’un portail internet QPC sur le site du Conseil. Les difficultés étaient nombreuses mais, sous l’impulsion du Secrétaire général du Conseil et avec l’aide de nombreux partenaires que je veux remercier (Cour de cassation, Conseil d’État, ministère de la Justice, magistrats, avocats, professeurs…), nous sommes parvenus à un résultat que je crois excellent. Concrètement, cela signifie que, juriste ou non-juriste, à partir du 1er janvier 2023, chacun a la possibilité d’accéder à toutes les données utiles sur toutes les QPC soulevées.

Ce portail sera enrichi en permanence. Une équipe dédiée lui est consacrée. Cette initiative devrait contribuer à approfondir et à élargir encore davantage le succès de la QPC, afin d’en faire plus que jamais ce que j’aime appeler la « question citoyenne », au bénéfice du droit et de la démocratie.

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OCTOBRE 2022
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COORDINATION ÉDITORIALE :
Sylvie Vormus, Florence Badin
CONCEPTION ET RÉALISATION :
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