Conseil Constitutionnel

DÉCISION N° 2020-846-847-848 QPC / 26 juin 2020 / M. Oussman G. et autres [Violations réitérées du confinement] Conformité

Violations réitérées du confinement

Statuant sur une QPC reçue le 14 mai 2020 de la Cour de cassation, le Conseil constitutionnel a jugé conformes à la Constitution les dispositions réprimant la violation réitérée du confinement, auxquelles le pouvoir réglementaire ne peut aménager d’exceptions que strictement proportionnées aux risques sanitaires encourus et appropriées aux circonstances de temps et de lieu.

Le Conseil constitutionnel était saisi d’une question prioritaire de constitutionnalité relative à la conformité aux droits et libertés que la Constitution garantit « des dispositions de l’alinéa 4 de l’article L. 3136-1 du code de la santé publique qui incriminent la violation d’interdictions ou obligations édictées en application du 2° de l’article L. 3131-15 du même code ».

Le troisième alinéa de cet article L. 3136-1 punit de peines contraventionnelles la violation des interdictions ou obligations édictées en application des articles L. 3131-1 et L. 3131-15 à L. 3131-17 du code de la santé publique. Parmi ces interdictions figure, au 2° de l’article L. 3131-15, l’interdiction de sortir de son domicile sous réserve des déplacements strictement indispensables aux besoins familiaux ou de santé, qui peut être décidée par le Premier ministre dans le cadre de l’état d’urgence sanitaire.

Les dispositions contestées répriment la violation de cette interdiction de sortir alors que, dans les trente jours précédents, trois autres violations ont déjà été verbalisées. Cette violation est alors punie de six mois d’emprisonnement et de 3 750 euros d’amende.

Il était notamment reproché à ces dispositions par les requérants et les intervenants de méconnaître le principe de légalité des délits et des peines

Il était notamment reproché à ces dispositions par les requérants et les intervenants de méconnaître le principe de légalité des délits et des peines. Ils faisaient valoir que le législateur aurait abandonné au pouvoir réglementaire la définition des éléments constitutifs du délit qu’elles répriment dès lors qu’il a laissé à ce dernier la définition des cas dans lesquels une personne peut sortir de son domicile et les conditions dans lesquelles le respect de cette interdiction est contrôlé. Ils soutenaient également que la notion de verbalisation serait équivoque et que les termes de « besoins familiaux ou de santé » seraient imprécis. Deux requérants faisaient valoir en outre que l’imprécision des dispositions permettrait qu’une même sortie non autorisée puisse faire l’objet de plusieurs verbalisations.

Le Conseil constitutionnel a rappelé que, selon l’article 8 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789 : « La loi ne doit établir que des peines strictement et évidemment nécessaires, et nul ne peut être puni qu’en vertu d’une loi établie et promulguée antérieurement au délit, et légalement appliquée ». Selon l’article 34 de la Constitution : « La loi fixe les règles concernant … la détermination des crimes et délits ainsi que les peines qui leur sont applicables ». Le législateur tient de l’article 34 de la Constitution, ainsi que du principe de légalité des délits et des peines qui résulte de l’article 8 de la Déclaration de 1789, l’obligation de fixer lui-même le champ d’application de la loi pénale et de définir les crimes et délits en termes suffisamment clairs et précis pour exclure l’arbitraire.

Au regard des exigences constitutionnelles qui viennent d’être mentionnées, le Conseil constitutionnel a relevé qu’est réprimée par le délit soumis à son examen la violation de l’interdiction de sortir lorsqu’elle est commise alors que, dans les trente jours précédents, trois autres violations de cette même interdiction ont déjà été verbalisées. Le Conseil a jugé que ni la notion de verbalisation, qui désigne le fait de dresser un procès-verbal d’infraction, ni la référence aux « déplacements strictement indispensables aux besoins familiaux et de santé » ne présentent de caractère imprécis ou équivoque. Par ailleurs, en retenant comme élément constitutif du délit le fait que la personne ait été précédemment verbalisée « à plus de trois reprises », le législateur n’a pas adopté des dispositions imprécises. En particulier, ces dispositions ne permettent pas qu’une même sortie, qui constitue une seule violation de l’interdiction de sortir, puisse être verbalisée à plusieurs reprises.

le Conseil a jugé que le législateur a suffisamment déterminé le champ de l’obligation et les conditions dans lesquelles sa méconnaissance constitue un délit

Le Conseil constitutionnel a jugé en outre que d’une part, en adoptant les dispositions contestées, le législateur a réprimé la méconnaissance de l’interdiction de sortir, qui peut être mise en œuvre lorsqu’est déclaré l’état d’urgence sanitaire, et qu’il a défini les éléments essentiels de cette interdiction. En effet, le législateur y a apporté deux exceptions pour les déplacements strictement indispensables aux besoins familiaux et de santé. Il a jugé que, s’il ressort des travaux préparatoires que le législateur n’a pas exclu que le pouvoir réglementaire prévoie d’autres exceptions, celles-ci ne peuvent, conformément au dernier alinéa de l’article L. 3131-15, que viser à garantir que cette interdiction soit strictement proportionnée aux risques sanitaires encourus et appropriée aux circonstances de temps et de lieu. D’autre part, le législateur a prévu que le délit n’est constitué que lorsque la violation de l’interdiction de sortir est commise alors que, dans les trente jours précédents, trois autres violations ont déjà été verbalisées. Ainsi, le Conseil a jugé que le législateur a suffisamment déterminé le champ de l’obligation et les conditions dans lesquelles sa méconnaissance constitue un délit.

Par ces motifs, le Conseil constitutionnel a écarté le grief tiré de la méconnaissance du principe de légalité des délits et des peines. Écartant également les autres griefs formulés contre ces dispositions, il les a jugées conformes à la Constitution.


remonter

OCTOBRE 2020
Conseil constitutionnel
2, rue de Montpensier 75001 Paris

DIRECTEUR DE PUBLICATION :
Laurent Fabius
COORDINATION ÉDITORIALE :
Sylvie Vormus, Florence Badin
CONCEPTION ET RÉALISATION :
Agence Cito

Les opinions exprimées dans les points de vue et les contributions extérieures n’engagent que leurs auteurs.
Retrouvez toute l’actualité du Conseil constitutionnel sur Twitter et Facebook.