
DÉCISION N° 2019-791 DC / 7 novembre 2019 / Loi relative à l’énergie et au climat Conformité – réserve
Loi relative à l’énergie et au climat
Le Conseil constitutionnel a été saisi de certaines dispositions de l’article 62 de la loi relative à l’énergie et au climat réformant pour partie le mécanisme dit de l’accès régulé à l’électricité nucléaire historique (Arenh).
Les dispositions contestées permettent de porter à cent cinquante térawattheures, au lieu de cent térawattheures actuellement, le volume maximal d’électricité nucléaire historique qu’Électricité de France (EDF) peut être tenue d’offrir annuellement à la vente aux autres fournisseurs d’électricité à un prix déterminé par arrêté. Il leur était notamment reproché de contraindre EDF à céder aux autres fournisseurs d’électricité jusqu’à cent cinquante térawattheures par an d’électricité nucléaire historique à un prix déterminé par arrêté, en méconnaissance de la liberté d’entreprendre.
Pour en juger, le Conseil constitutionnel a fait application de sa jurisprudence sur la liberté d’entreprendre, qui découle de l’article 4 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789. Selon cette jurisprudence, il est loisible au législateur d’apporter à la liberté d’entreprendre, qui découle de l’article 4 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789, des limitations liées à des exigences constitutionnelles ou justifiées par l’intérêt général, à la condition qu’il n’en résulte pas d’atteinte disproportionnée au regard de l’objectif poursuivi.
Le Conseil constitutionnel a jugé que, si elle porte atteinte à la liberté d’entreprendre d’EDF, la mesure contestée est justifiée par l’intérêt général
Le Conseil constitutionnel a jugé que, si elle porte atteinte à la liberté d’entreprendre d’EDF, la mesure contestée est justifiée par l’intérêt général. En effet, EDF dispose d’un monopole de production de l’électricité nucléaire en France. L’obligation qui lui est imposée d’offrir à la vente aux autres fournisseurs d’électricité un volume d’électricité nucléaire historique à un prix déterminé a pour objet, dans le cadre de l’ouverture à la concurrence du marché de la fourniture d’électricité, de faire bénéficier l’ensemble des fournisseurs et leurs clients de la compétitivité du parc nucléaire français. En portant à cent cinquante térawattheures le volume maximal d’électricité, le législateur a entendu éviter la situation où les fournisseurs, faute d’accéder au volume d’énergie nucléaire nécessaire pour fournir leurs clients, seraient contraints d’acquérir sur le marché une électricité plus chère entraînant ainsi un renchérissement des prix pour le consommateur final. Ainsi, le législateur, qui a entendu assurer un fonctionnement concurrentiel du marché de l’électricité et garantir une stabilité des prix sur ce marché, a poursuivi un objectif d’intérêt général.
Le Conseil constitutionnel a ensuite relevé les différentes garanties aménagées par le législateur afin de limiter l’ampleur de l’atteinte apportée à la liberté d’entreprendre d’EDF. S’agissant des règles de détermination du prix de l’électricité nucléaire historique devant ainsi être cédée par EDF aux autres fournisseurs d’électricité, le Conseil constitutionnel a relevé que, dans l’attente de l’adoption du décret établissant les méthodes de détermination de ce prix, le mécanisme transitoire défini par la loi déférée prévoit que, pour réviser ce prix, peuvent être notamment prises en compte par les ministres chargés de l’énergie et de l’économie l’évolution de l’indice des prix à la consommation et celle du volume global maximal d’électricité nucléaire historique pouvant être cédé. Le Conseil a toutefois jugé que ces dispositions qui ne prévoient aucune autre modalité de détermination du prix ne sauraient, sans porter une atteinte disproportionnée à la liberté d’entreprendre, autoriser les ministres chargés de l’énergie et de l’économie à arrêter un prix sans suffisamment tenir compte des conditions économiques de production d’électricité par les centrales nucléaires.
Sous cette réserve d’interprétation, le Conseil constitutionnel a jugé conformes à la Constitution les dispositions contestées.