Conseil Constitutionnel

DÉCISION N° 2019-763 QPC / 8 février 2019 / Section française de l’Observatoire international des prisons [Rapprochement familial des détenus prévenus attendant leur comparution devant la juridiction de jugement] Non-conformité totale – effet différé – réserve transitoire

Rapprochement familial des détenus prévenus

Les dispositions contestées
ne prévoyaient pas de
recours juridictionnel
effectif contre la décision
administrative de refus de
rapprochement familial.

Les dispositions contestées ne prévoyaient pas de recours juridictionnel effectif contre la décision administrative de refus de rapprochement familial.
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Le Conseil constitutionnel a été saisi par le Conseil d’État d’une QPC portant sur l’article 34 de la loi du 24 novembre 2009 pénitentiaire.

Ces dispositions reconnaissaient aux prévenus dont l’instruction est achevée et qui attendent leur comparution devant la juridiction de jugement la possibilité de bénéficier d’un rapprochement familial jusqu’à cette comparution. Il résulte de la jurisprudence constante du Conseil d’État que la décision administrative relative au rapprochement familial est nécessairement subordonnée à l’accord du magistrat judiciaire saisi du dossier de la procédure. Il en résulte également que, si le juge administratif exerce un contrôle de la légalité de cette décision, il se refuse en revanche à contrôler la régularité et le bien-fondé de l’avis défavorable du magistrat judiciaire qui en constitue, le cas échéant, le fondement.

Selon l’association requérante, les dispositions contestées méconnaissaient, notamment, le droit à un recours juridictionnel effectif. Elle leur reprochait, d’une part, de ne prévoir aucune voie de recours permettant au détenu prévenu de contester l’avis conforme par lequel l’autorité judiciaire peut s’opposer au bénéfice du rapprochement familial. Elle leur reprochait, d’autre part, de ne pas préciser les motifs susceptibles de justifier cette opposition.

Les dispositions contestées méconnaissaient donc les exigences découlant de l’article 16 de la Déclaration de 1789

Le Conseil constitutionnel a rappelé qu’il résulte de l’article 16 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789 qu’il ne doit pas être porté d’atteinte substantielle au droit des personnes intéressées d’exercer un recours effectif devant une juridiction.

En l’espèce, il a jugé que, dès lors que ni les dispositions législatives ni le recours ouvert devant le juge administratif ne permettant de contester l’avis défavorable du magistrat judiciaire, il n’existait pas de recours juridictionnel effectif contre la décision administrative de refus de rapprochement familial lorsque celle-ci fait suite à un tel avis. Les dispositions contestées méconnaissaient donc les exigences découlant de l’article 16 de la Déclaration de 1789.

Constatant que l’abrogation immédiate des dispositions contestées aurait eu pour effet de priver les prévenus dont l’instruction est achevée et qui attendent leur comparution devant la juridiction de jugement de la possibilité d’obtenir un rapprochement familial et qu’elle aurait entraîné ainsi des conséquences manifestement excessives, le Conseil constitutionnel a reporté au 1er septembre 2019 la date de l’abrogation qu’il a prononcée, afin de permettre au législateur de remédier à l’inconstitutionnalité constatée. En outre, afin de faire cesser cette inconstitutionnalité à compter de la publication de sa décision, il a précisé par la voie d’une réserve transitoire qu’il y avait lieu de juger que les avis défavorables pris sur le fondement des dispositions litigieuses par les magistrats judiciaires après la date de cette publication peuvent être contestés devant le président de la chambre de l’instruction dans les conditions prévues par la deuxième phrase du quatrième alinéa de l’article 145-4 du code de procédure pénale.


OCTOBRE 2019
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