DÉCISION N° 2019-761 QPC / 1er février 2019 / Association Médecins du Monde et autres [Pénalisation des clients de personnes se livrant à la prostitution] Conformité
Le Conseil constitutionnel a été saisi par la Cour de cassation d’une QPC relative à la loi du 13 avril 2016 visant à renforcer la lutte contre le système prostitutionnel et à accompagner les personnes prostituées.
Était plus précisément contesté le premier alinéa de l’article 611-1 du code pénal instituant une contravention réprimant le fait de solliciter, d’accepter ou d’obtenir des relations de nature sexuelle d’une personne qui se livre à la prostitution, y compris de façon occasionnelle, en échange d’une rémunération, d’une promesse de rémunération, de la fourniture d’un avantage en nature ou de la promesse d’un tel avantage.
Le Conseil constitutionnel a rappelé qu’il appartient au législateur d’assurer la conciliation entre, d’une part, l’objectif de valeur constitutionnelle de sauvegarde de l’ordre public et de prévention des infractions et, d’autre part, l’exercice des libertés constitutionnellement garanties, au nombre desquelles figure la liberté personnelle protégée par les articles 2 et 4 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789.
Dans ce cadre constitutionnel ainsi rappelé, le Conseil a constaté qu’il ressortait des travaux préparatoires des dispositions contestées qu’en faisant le choix de pénaliser les acheteurs de services sexuels, le législateur a entendu, en privant le proxénétisme de sources de profits, lutter contre cette activité et contre la traite des êtres humains aux fins d’exploitation sexuelle, activités criminelles fondées sur la contrainte et l’asservissement de l’être humain. Il a ainsi entendu assurer la sauvegarde de la dignité de la personne humaine contre ces formes d’asservissement et poursuivi l’objectif de valeur constitutionnelle de sauvegarde de l’ordre public et de prévention des infractions.
Le législateur a entendu, en privant le proxénétisme de sources de profits, lutter contre cette activité et contre la traite des êtres humains aux fins d’exploitation sexuelle
Le Conseil constitutionnel a relevé en outre que la Constitution ne lui confère pas un pouvoir général d’appréciation et de décision de même nature que celui du Parlement mais lui donne seulement compétence pour se prononcer sur la conformité à la Constitution des lois déférées à son examen. Si le législateur a réprimé tout recours à la prostitution, y compris lorsque les actes sexuels se présentent comme accomplis librement entre adultes consentants dans un espace privé, il a considéré que, dans leur très grande majorité, les personnes qui se livrent à la prostitution sont victimes du proxénétisme et de la traite et que ces infractions sont rendues possibles par l’existence d’une demande de relations sexuelles tarifées. En prohibant cette demande par l’incrimination contestée, le législateur a retenu un moyen qui n’est pas manifestement inapproprié à l’objectif de politique publique poursuivi.
Par ces motifs, il a jugé que le législateur a assuré une conciliation qui n’était pas manifestement déséquilibrée entre, d’une part, l’objectif de valeur constitutionnelle de sauvegarde de l’ordre public et de prévention des infractions et la sauvegarde de la dignité de la personne humaine et, d’autre part, la liberté personnelle.
Le législateur a retenu un moyen qui n’est pas manifestement inapproprié à l’objectif de politique publique poursuivi
Au regard du droit à la protection de la santé, résultant du onzième alinéa du Préambule de la Constitution de 1946, le Conseil constitutionnel a jugé qu’il ne lui appartenait pas de substituer son appréciation à celle du législateur sur les conséquences sanitaires pour les personnes prostituées des dispositions contestées, dès lors que cette appréciation n’est pas, en l’état des connaissances, manifestement inadéquate.
OCTOBRE 2019
Conseil constitutionnel
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