Titre VII

N° 8 - avril 2022

Utilité et limites des objectifs de valeur constitutionnelle sur le plan contentieux

Résumé

L'utilité contentieuse des objectifs de valeur constitutionnelle (OVC) est avérée : ils permettent non seulement au juge constitutionnel d'admettre certaines atteintes à des principes constitutionnels, mais aussi, plus rarement, de sanctionner le législateur en cas de méconnaissance d'un tel objectif. La principale limite des OVC, inhérente à cette catégorie particulière de normes, demeure l'impossibilité pour les justiciables de s'en prévaloir devant le juge. Toutefois, la spécificité de l'usage contentieux de l'objectif d'accessibilité et d'intelligibilité de la loi pourrait justifier de l'élever au rang de principe constitutionnel à part entière.

Apparus en jurisprudence en 1982, les objectifs de valeur constitutionnelle (OVC) occupent une place à part au sein des normes utilisées par le Conseil constitutionnel(1).

Si la définition, la détermination et les fonctions des OVC ont déjà fait l'objet d'importants travaux(2), il convient, plus de dix ans après l'entrée en vigueur de la question prioritaire de constitutionnalité (QPC), de s'interroger sur leur utilité et sur leurs limites dans le contentieux constitutionnel, aussi bien dans ce nouveau contrôle a posteriori de la loi que dans son traditionnel contrôle a priori (décisions DC).

Dans les développements qui suivent, on parlera de « principe constitutionnel » pour désigner, par opposition aux OVC, une norme constitutionnelle à part entière, et d'« exigence constitutionnelle » pour englober l'ensemble.

L'utilité contentieuse des OVC n'est pas contestable : ils permettent classiquement d'autoriser certaines atteintes à des principes constitutionnels (A) et, plus rarement, de sanctionner le législateur (B). Leur principale limite reste de ne pouvoir être invoqués par les justiciables (C). Enfin, la spécificité de l'usage contentieux de l'objectif d'accessibilité et d'intelligibilité de la loi pourrait justifier de l'élever au rang de principe constitutionnel (D).

A) L'utilité première : une fonction classique de limitation des autres exigences constitutionnelles

L'utilité première d'un OVC est de permettre de justifier - et donc d'autoriser - certaines limites apportées par la loi à des normes constitutionnelles. L'OVC a ainsi une fonction permissive à l'égard du législateur.

Par exemple, la liberté de communication peut être restreinte afin d'éviter la constitution de monopoles ou d'oligopoles qui nuiraient à l'objectif de pluralisme de la presse(3). De même, l'objectif de sauvegarde de l'ordre public peut fonder des limitations apportées à la liberté d'aller et venir ou à l'inviolabilité du domicile(4). L'objectif de logement décent justifie que le législateur interdise de couper l'eau à un usager qui n'a pas payé sa facture, malgré l'atteinte ainsi portée à la liberté contractuelle et à la liberté d'entreprendre(5). L'objectif de lutte contre la fraude en matière de protection sociale permet de tolérer certaines limitations du droit au respect de la vie privée(6). Les objectifs de protection de l'environnement et de la santé ont conduit à admettre, en dépit de la liberté d'entreprendre, l'interdiction du recours à certains produits phytopharmaceutiques(7). L'objectif de protection de la santé est également au cœur du contrôle des mesures de restriction visant à lutter contre la Covid-19(8).

L'OVC est ainsi, fondamentalement, une norme de conciliation : sa vocation première est d'être mis en balance avec d'autres exigences constitutionnelles.

Il représente alors, sur le plan contentieux, un moyen de défense de la constitutionnalité de la loi, opposé -- par le Gouvernement (en DC et en QPC) ou par les parties en défense à une QPC -- à l'argumentation des requérants concluant à la violation de la Constitution. En QPC, cette fonction de conciliation s'étend naturellement à l'office du juge du filtre, qu'il s'agisse des juridictions judiciaires(9) ou administratives(10). On la retrouve également dans la détermination, par le Conseil constitutionnel, des effets dans le temps de ses déclarations d'inconstitutionnalité(11).

L'utilité contentieuse des OVC s'est longtemps limitée à cette classique fonction de permission donnée au législateur. Toutefois, la jurisprudence a progressivement reconnu une dimension nouvelle aux OVC, désormais susceptibles de contraindre le législateur.

B) Une utilité seconde : le développement d'une fonction d'interdiction

En premier lieu, le Conseil constitutionnel s'est parfois explicitement assuré que la loi examinée ne méconnaissait pas un OVC.

Dans une décision du 28 juillet 1989, il a ainsi considéré que des dispositions prévoyant l'octroi de plein droit de la carte de résident à certains étrangers « ne sont pas contraires à l'objectif de sauvegarde de l'ordre public »(12). De même, il a jugé que des dispositions de la loi de finances pour 2019 modifiant un régime d'exonération de droits de mutation à titre gratuit ne méconnaissaient pas l'OVC de lutte contre la fraude et l'évasion fiscales(13).

Illustration encore plus nette de ce travail de contrôle, le Conseil n'a, parfois, pu conclure au respect d'un OVC qu'au prix de la formulation d'une réserve d'interprétation(14). Il en est ainsi dans une décision du 4 août 2016, à propos de l'indemnité due par une collectivité territoriale à un syndicat du fait de l'interruption de la mise à disposition de locaux qu'il occupait. Le Conseil y juge que cette indemnité ne saurait, sans méconnaître « le bon usage des deniers publics », excéder le préjudice subi à raison des conditions dans lesquelles il est mis fin à l'usage des locaux(15). Cette réserve est toutefois fondée, non seulement sur cet OVC, mais aussi sur le principe d'égalité devant les charges publiques.

En second lieu, le Conseil constitutionnel a parfois censuré des dispositions législatives qui méconnaissaient des OVC.

Les cas les plus nombreux concernent, depuis 2003, l'OVC d'accessibilité et d'intelligibilité de la loi. Cet objectif présente cependant des spécificités qui justifieront d'y revenir plus loin (voir infra, D).

D'autres cas, plus récents, témoignent d'une extension de cette jurisprudence à d'autres OVC.

Ainsi, le 10 novembre 2016, le Conseil a déclaré inconstitutionnelles des dispositions protégeant les sources des journalistes au motif qu'elles contrevenaient - notamment - aux OVC de recherche des auteurs d'infractions et de prévention des atteintes à l'ordre public(16). Ce motif de censure s'ajoutait néanmoins à la violation de principes constitutionnels (le droit au respect de la vie privée, le secret des correspondances et la sauvegarde des intérêts fondamentaux de la Nation) : la référence aux OVC, quoique notable, n'était donc pas décisive.

Plus significative est, quelques semaines plus tard, la décision sur la loi dite « Sapin II », dans laquelle le Conseil prononce une censure en raison de la violation de deux OVC. Cette loi entendait donner une compétence exclusive au procureur de la République financier et aux juridictions parisiennes pour la poursuite, l'instruction et le jugement de certaines infractions, telles que la corruption ou la fraude fiscale. Le juge constitutionnel sanctionne l'absence de dispositions transitoires préservant la continuité des instances en cours : « compte tenu de la gravité des faits réprimés par les infractions en cause, qui tendent en particulier à lutter contre la fraude fiscale, en ne prévoyant pas de dispositions transitoires de nature à prévenir les irrégularités procédurales susceptibles de résulter de ce transfert de compétence, le législateur a méconnu à la fois l'objectif de valeur constitutionnelle de bonne administration de la justice et celui de lutte contre la fraude fiscale »(17). La censure est donc acquise sur le seul fondement de ces deux OVC.

Dans un tel cas de figure, l'OVC a une fonction d'interdiction, et non plus de conciliation, ce qui le rapproche d'une norme constitutionnelle comme une autre. Son utilité dans le contentieux DC n'est alors pas différente de celle d'un principe constitutionnel : les autorités politiques saisissant le Conseil chercheront à obtenir la censure du texte déféré au motif qu'il contrevient à un OVC, lequel n'est donc plus un moyen de défense de la constitutionnalité de la loi, mais l'outil de sa contestation.

Il convient toutefois d'insister sur le fait que, hors le cas particulier de l'accessibilité et de l'intelligibilité de la loi, cette fonction d'interdiction des OVC ne joue en pratique que très rarement. Pour s'en tenir à un exemple parmi tant d'autres, lorsque le Conseil constitutionnel a été saisi d'une loi autorisant certains pesticides afin de protéger les betteraves, il l'a principalement contrôlée au regard non pas de l'OVC de protection de l'environnement (pourtant invoqué par les requérants), mais du droit à un environnement sain et équilibré garanti par l'article 1er de la Charte de l'environnement(18).

Il n'en demeure pas moins que le développement, aujourd'hui cantonné au contentieux a priori, de cette fonction d'interdiction met à l'épreuve la notion même d'OVC et, en particulier, pose avec acuité la question de l'invocabilité en QPC de ces objectifs.

C) Une limite inhérente à la notion : des objectifs inopposables au législateur par le justiciable

Sur le plan contentieux, la principale limite des OVC est de ne pas pouvoir, en principe, être invoqués par les justiciables. Leurs effets sont seulement « horizontaux », c'est-à-dire limités aux droits et devoirs qu'ils représentent pour les pouvoirs publics, et non pas « verticaux », ce qui exclut que les justiciables puissent s'en prévaloir contre l'État.

Jusqu'à la révision constitutionnelle du 23 juillet 2008, cette limite n'avait guère de conséquences que devant le juge ordinaire, dans d'autres contentieux que celui de la constitutionnalité de la loi.

L'entrée en vigueur de la QPC a rendu cette limite plus prégnante. À la question de l'invocabilité des OVC dans ce nouveau contentieux, une réponse radicale aurait d'ailleurs consisté à exclure toute possibilité de se prévaloir d'un tel objectif pour contester une disposition législative. Autrement dit, un OVC, par essence, ne pourrait jamais être qualifié de droit ou liberté constitutionnellement garanti au sens de l'article 61-1 de la Constitution.

Saisi de cette question dès 2010, le Conseil constitutionnel s'est cependant gardé de prendre une position tranchée valable pour tous les OVC, privilégiant au contraire une réponse « d'attente », au cas par cas.

Ainsi, comme l'explique Marc Guillaume : « À l'occasion de la décision no 2010-3 QPC (Union des familles en Europe) du 28 mai 2010, le Conseil constitutionnel n'a pas voulu trancher de façon générale la question de l'invocabilité des OVC dans le cadre de la question prioritaire de constitutionnalité. Il a, en l'espèce, considéré que le grief tiré de la méconnaissance de l'OVC du pluralisme des courants de pensées et d'opinions était, en tout état de cause, inopérant dès lors que ce grief n'était pas invoqué dans une matière où cet objectif revêt une valeur constitutionnelle, à savoir la vie politique et les médias »(19).

Puis, le 22 juillet 2010, le Conseil constitutionnel a jugé que la méconnaissance de l'OVC d'accessibilité et d'intelligibilité de la loi « ne peut, en elle-même, être invoquée à l'appui » d'une QPC(20). Le commentaire accompagnant la décision n'explique pas la portée des mots « en elle-même », mais indique que cette jurisprudence signifie que « cet objectif n'apparaît pas comme un « droit » ou une « liberté » au sens de l'article 61-1, la jurisprudence du Conseil le rattachant à la compétence du législateur (décision n° 2009-592 DC) ».

La même formule excluant l'invocabilité, « en elle-même », en QPC a ensuite été énoncée à propos des objectifs de bonne administration de la justice le 10 décembre 2010(21), de sauvegarde de l'ordre public le 17 octobre 2014(22), de bon usage des derniers publics le 5 décembre 2014(23) et de lutte contre la fraude et l'évasion fiscales le 27 septembre 2018(24).

Usant d'une formule différente, probablement parce que l'objectif en cause a été explicitement énoncé par le constituant lui-même, le Conseil a jugé que la disposition de l'article 1er de la Constitution instituant un objectif d'égal accès des femmes et des hommes aux mandats électoraux et fonctions électives ainsi qu'aux responsabilités professionnelles et sociales « n'institue pas un droit ou une liberté que la Constitution garantit » et que « sa méconnaissance ne peut donc être invoquée à l'appui d'une question prioritaire de constitutionnalité »(25).

Par conséquent, en l'état actuel de la jurisprudence, aucun OVC n'a, à ce jour, été jugé invocable en QPC(26) ou, pour le dire autrement, qualifié de droit ou de liberté que la Constitution garantit.

Ce constat n'est pas démenti par le cas particulier de certaines normes « à double visage », qui sont qualifiées tantôt d'OVC lorsqu'elles sont utilisées à des fins de conciliation avec d'autres exigences constitutionnelles, tantôt de véritables principes constitutionnels dont les justiciables peuvent invoquer la violation. Il en va ainsi de la protection de la santé, qui est à la fois un OVC et un droit subjectif(27). Il en va de même du pluralisme des courants d'idées et d'opinions qui, quoique parfois qualifié d'OVC(28), est un droit à part entière - dont la source figure, depuis 2008, à l'article 4 de la Constitution. Ainsi, dans la décision n° 2019-811 QPC, lorsque le pluralisme sert de fondement au contrôle d'un seuil de représentativité applicable aux élections européennes, il n'est jamais qualifié d'objectif, mais de « principe »(29), ce qui confirme la jurisprudence, établie dès la première QPC posée lors d'un contentieux électoral, selon laquelle ce principe est au nombre des droits et libertés que la Constitution garantit(30).

Si l'absence d'invocabilité des OVC par le justiciable est parfois critiquée(31), cette limite paraît inhérente à la notion même d'OVC. D'une part, comme on l'a vu (supra, B), ces normes ne fondent que rarement des décisions d'inconstitutionnalité, même dans le traditionnel contentieux DC. D'autre part, depuis leur origine(32), les OVC sont conçus comme tournés vers le législateur davantage que vers le justiciable : il s'agit d'« impératifs liés à la vie en société qui doivent guider l'action normative. Les OVC ne sont pas des droits subjectifs comme les principes de valeur constitutionnelle. Ils ne sont pas d'application directe. Ils ne s'adressent pas aux individus, mais au législateur pour lequel ils constituent des obligations de moyens et non de résultat »(33).

Il est bien sûr possible de regretter ce caractère restrictif, en particulier depuis que la QPC a ouvert le prétoire constitutionnel aux justiciables et que, dans le contentieux DC, le Conseil s'est autorisé à prononcer des censures fondées sur des OVC. Certains ne manqueront pas, par exemple, de critiquer l'impossibilité de poser une QPC contestant une loi au motif qu'elle méconnaîtrait l'objectif de logement décent ou de lutte contre la fraude fiscale.

Toutefois, si une évolution - qui n'a rien d'inéluctable(34) - devait être envisagée en la matière, il nous semblerait plus pertinent d'envisager de transformer tel ou tel OVC en principe constitutionnel, condition préalable à sa qualification de droit ou de liberté invocable en QPC, plutôt que de dénaturer la catégorie tout entière en qualifiant directement certains OVC de droit ou de liberté au sens de l'article 61-1. En effet, un OVC qui serait invocable par les justiciables et susceptible de fonder des censures ne se distinguerait plus guère des normes constitutionnelles classiques : c'est la notion même d'OVC qui deviendrait introuvable.

D) Le cas particulier de l'OVC d'accessibilité et d'intelligibilité de la loi : un objectif en trompe-l'œil

Apparu en 1999(35), l'objectif d'accessibilité et d'intelligibilité de la loi a d'abord pour particularité d'être l'OVC qui a fondé le plus grand nombre de censures prononcées par le Conseil constitutionnel - quoique jusqu'à présent limitées au contentieux DC.

Le premier cas remonte à une décision du 24 juillet 2003, même si la violation de cet objectif n'était qu'un motif d'inconstitutionnalité parmi d'autres(36). Une deuxième censure, fondée cette fois sur ce seul OVC, figure dans la décision n° 2008-567 DC du 24 juillet 2008, qui sanctionne la contradiction entre deux alinéas d'un article(37). Depuis, et à la différence des autres OVC (voir supra, B), d'assez nombreuses censures peuvent être signalées(38), parmi lesquelles celles prononcées dans les décisions DC nos 2012‑662, 2013-675, 2014‑708, 2016-741, 2016-745, 2021-822 et 2021-823(39). S'y ajoutent les cas où l'OVC d'accessibilité et d'intelligibilité de la loi a fondé une réserve d'interprétation(40).

Dans le contentieux QPC, la seule hypothèse dans laquelle le Conseil constitutionnel a admis la recevabilité d'un grief tiré de cet OVC est celle, reconnue par la décision n° 2012‑285 QPC du 30 novembre 2012, où l'atteinte à cet objectif « résulte de l'absence de version officielle en langue française » de la disposition en cause, alors que l'article 2 de la Constitution affirme que « La langue de la République est le français »(41). Ce grief était néanmoins surabondant, la disposition litigieuse ayant été censurée pour méconnaissance de la liberté d'entreprendre.

En dehors de ce cas particulier, la jurisprudence déjà mentionnée (décision n° 2010-4/17 QPC précitée), excluant l'invocabilité de cet OVC à l'appui d'une QPC, demeure d'actualité(42), même si le Conseil constitutionnel se contente parfois soit d'indiquer que la disposition contrôlée « n'est en tout état de cause pas inintelligible »(43) soit au contraire d'écarter le grief de manière purement implicite(44).

Une seconde particularité de l'objectif d'accessibilité et d'intelligibilité de la loi est que, à rebours de la fonction initiale des OVC (voir supra, A), il n'est jamais utilisé pour procéder à une conciliation avec d'autres exigences constitutionnelles, avec lesquelles il serait mis en balance(45). On imagine d'ailleurs mal comment une disposition pourrait être déclarée conforme à la Constitution au motif que la limitation qu'elle apporte à un droit ou à une liberté serait justifiée par la volonté du législateur de rendre cette disposition accessible ou intelligible(46).

À l'inverse des autres OVC, l'objectif d'accessibilité et d'intelligibilité de la loi n'a donc aucun caractère permissif à l'égard du législateur. C'est d'ailleurs ce qui explique qu'il remplisse, davantage que les autres OVC, une fonction d'interdiction traditionnellement peu caractéristique de cette catégorie de normes.

Par conséquent, l'exigence d'accessibilité et d'intelligibilité de la loi s'avère un objectif en trompe-l'œil : elle n'a que l'apparence d'un OVC, sans les propriétés habituellement attachées à cette notion.

Sans doute cette qualification d'« objectif » retenue en 1999, qui a abouti à l'éviction du « principe » de clarté de la loi en 2006(47), ne trouve-t-elle d'autre explication que dans la volonté, pour le juge constitutionnel, de souligner que l'accessibilité et l'intelligibilité de la loi ne représentent qu'un idéal, une obligation de moyens plutôt que de résultat. Mais une telle volonté n'est pas un obstacle à la qualification de principe constitutionnel, dès lors qu'un principe peut tolérer des aménagements et des limitations.

Afin de tirer les conséquences des spécificités contentieuses de l'exigence constitutionnelle en cause, le Conseil constitutionnel gagnerait donc à faire désormais référence au « principe d'accessibilité et d'intelligibilité de la loi », et non plus à un simple OVC(48).

Une telle évolution l'amènerait ensuite à devoir trancher deux questions.

La première porte sur la pérennité de la jurisprudence selon laquelle, lorsque les auteurs d'une requête DC soulèvent, à l'encontre d'une disposition, un unique grief tiré de l'absence d'accessibilité ou d'intelligibilité de la loi, le Conseil s'autorise, quand ce grief est infondé, à l'écarter sans déclarer la disposition conforme à la Constitution - c'est-à-dire sans la confronter, fût-ce implicitement, à l'ensemble des autres normes constitutionnelles(49). Cette jurisprudence rapproche le traitement de ce grief de celui des griefs de procédure : le Conseil peut juger qu'une disposition a été adoptée selon une procédure conforme à la Constitution (constitutionnalité externe) sans pour autant se pencher sur son contenu (constitutionnalité interne). Un raisonnement proche a conduit à admettre la recevabilité du grief fondé sur l'accessibilité ou l'intelligibilité de la loi même lorsqu'il est dirigé contre des dispositions législatives tirant les conséquences nécessaires de dispositions inconditionnelles et précises d'une directive ou des dispositions d'un règlement de l'Union européenne(50).

La reconnaissance d'un principe d'accessibilité et d'intelligibilité de la loi pourrait faire douter de la pertinence du maintien de cette jurisprudence. Il nous semble cependant que rien ne s'oppose à ce maintien. Le seul changement de qualification de la norme (passée d'objectif à principe), sans modification de sa substance, ne peut pas lui faire perdre sa dimension « procédurale », qui la rend assimilable aux griefs de constitutionnalité externe. De plus, en tout état de cause, la jurisprudence par laquelle le Conseil se contente de rejeter certains griefs sans examiner la conformité de la disposition à l'ensemble des exigences constitutionnelles n'est pas limitée aux questions de procédure : en témoigne notamment l'examen du grief tiré du défaut de sincérité budgétaire, y compris lorsqu'il est dirigé non contre la loi dans son ensemble, mais contre une de ses dispositions(51).

La seconde question à trancher est celle de l'éventuel classement du principe d'accessibilité et d'intelligibilité de la loi parmi les droits ou libertés que la Constitution garantit, au sens de son article 61-1. Autrement dit, la mutation de l'actuel OVC en principe constitutionnel doit-elle s'accompagner de la possibilité, pour le justiciable, d'invoquer ce principe à l'appui d'une QPC ?

Dans le sens du maintien de l'absence d'invocabilité (en dehors du cas très spécifique reconnu dans la décision n° 2012‑285 QPC précitée), il pourrait être considéré que la norme en cause s'adresse moins au justiciable qu'au législateur - à qui il incombe, selon le Conseil, « d'adopter des dispositions suffisamment précises et des formules non équivoques ».

Toutefois, l'énoncé de la formulation de principe régissant aujourd'hui l'OVC(52) montre, d'une part, que ses principaux fondements textuels sont des sources de droits et libertés invocables en QPC (les articles 4, 6 et 16 de la Déclaration de 1789) et, d'autre part, que si l'objectif est assigné au législateur, c'est afin de « prémunir les sujets de droit » contre une interprétation contraire à la Constitution ou contre le risque d'arbitraire. Il serait aisé d'en conclure à l'existence d'un droit subjectif à l'accessibilité et à l'intelligibilité de la loi et, dès lors, à la possibilité pour tout justiciable d'obtenir la censure d'une disposition applicable à son litige qui ne satisferait pas à cette exigence de caractère compréhensible de la norme(53).

Une solution intermédiaire serait cependant de n'admettre l'invocabilité en QPC du principe d'accessibilité et d'intelligibilité de la loi qu'à la condition qu'il soit adossé à un droit ou à une liberté constitutionnellement garanti, c'est-à-dire dans le cas où la méconnaissance alléguée de ce principe « affecte par elle-même » un droit ou une liberté au sens de l'article 61-1, à l'instar de la jurisprudence en vigueur en matière de séparation de pouvoirs(54) et d'incompétence négative du législateur(55). Une telle solution serait d'autant plus justifiée que le contrôle du respect de l'accessibilité et de l'intelligibilité de la loi est souvent proche, par son contenu, de la vérification de l'absence d'incompétence négative, ces deux griefs étant d'ailleurs parfois soulevés et examinés concomitamment(56). Cette solution permettrait, enfin, de reconnaître au justiciable une prérogative nouvelle sans négliger la dimension procédurale du principe d'accessibilité et d'intelligibilité de la loi.

(1) Cons. const., déc. n° 82-141 DC du 27 juillet 1982, Loi sur la communication audiovisuelle, cons. 5.

(2) Au premier rang desquels ceux de Pierre de Montalivet, auquel le présent article emprunte certaines analyses. Voir Les objectifs de valeur constitutionnelle, Dalloz, 2005 et « Les objectifs de valeur constitutionnelle », Les cahiers du Conseil constitutionnel, n° 20, juin 2006.

(3) Cons. const., déc. n° 84-181 DC du 11 octobre 1984, Loi visant à limiter la concentration et à assurer la transparence financière et le pluralisme des entreprises de presse, cons. 38.

(4) Cons. const., déc. n° 94-352 DC du 18 janvier 1995, Loi d'orientation et de programmation relative à la sécurité, cons. 3.

(5) Cons. const., déc. n° 2015-470 QPC du 29 mai 2015, Société SAUR SAS (Interdiction d'interrompre la distribution d'eau dans les résidences principales).

(6) Cons. const., déc. n° 2019-789 QPC du 14 juin 2019, Mme Hanen S. (Droit de communication des organismes de sécurité sociale), paragr. 7 et 14.

(7) Cons. const., déc. n° 2019-823 QPC du 31 janvier 2020, Union des industries de la protection des plantes (Interdiction de la production, du stockage et de la circulation de certains produits phytopharmaceutiques), paragr. 12.

(8) Par exemple : Cons. const., déc. n° 2022-835 DC du 21 janvier 2022, Loi renforçant les outils de gestion de la crise sanitaire et modifiant le code de la santé publique, paragr. 7 et 8.

(9) Récemment : Cass. crim., 16 décembre 2020, n° 20-83.309 (OVC de protection de la santé publique).

(10) Récemment : CE, 19 juillet 2021, n° 450977 (OVC de lutte contre la fraude fiscale).

(11) Par exemple : Cons. const., déc. n° 2021-911/919 QPC du 4 juin 2021, M. Wattara B. et autres (Utilisation de la visioconférence sans accord des parties devant les juridictions pénales dans un contexte d'urgence sanitaire II), paragr. 13 (prise en compte des OVC de sauvegarde de l'ordre public et de recherche des auteurs d'infractions pour conclure à la préservation des mesures prises sur le fondement des dispositions inconstitutionnelles).

(12) Cons. const., déc. n° 89-261 DC du 28 juillet 1989, Loi relative aux conditions de séjour et d'entrée des étrangers en France, cons. 13.

(13) Cons. const., déc. n° 2018-777 DC du 28 décembre 2018, Loi de finances pour 2019, paragr. 26 à 28.

(14) Pour des exemples relatifs à l'OVC d'accessibilité et d'intelligibilité de la loi, voir infra, D.

(15) Cons. const., déc. n° 2016-736 DC du 4 août 2016, Loi relative au travail, à la modernisation du dialogue social et à la sécurisation des parcours professionnels, paragr. 17.

(16) Cons. const., déc. n° 2016-738 DC du 10 novembre 2016, Loi visant à renforcer la liberté, l'indépendance et le pluralisme des médias, paragr. 9 à 23.

(17) Cons. const., déc. n° 2016-741 DC du 8 décembre 2016, Loi relative à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique, paragr. 20.

(18) Cons. const., déc. n° 2020-809 DC du 10 décembre 2020, Loi relative aux conditions de mise sur le marché de certains produits phytopharmaceutiques en cas de danger sanitaire pour les betteraves sucrières, paragr. 18 à 24.

(19) M. Guillaume, « Question prioritaire de constitutionnalité », Répertoire de contentieux administratif, Dalloz, avril 2019 (actualisation : avril 2020), § 96. Cons. const., déc. n° 2010-3 QPC du 28 mai 2010, Union des familles en Europe (Associations familiales).

(20) Cons. const., déc. n° 2010-4/17 QPC du 22 juillet 2010, M. Alain C. et autre (Indemnité temporaire de retraite outre-mer), cons. 9.

(21) Cons. const., déc. n° 2010-77 QPC du 10 décembre 2010, Mme Barta Z. (Comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité), cons. 3.

(22) Cons. const., déc. n° 2014-422 QPC du 17 octobre 2014, Chambre syndicale des cochers chauffeurs CGT-taxis (Voitures de tourisme avec chauffeurs), cons. 12.

(23) Cons. const., déc. n° 2014-434 QPC du 5 décembre 2014, Société de laboratoires de biologie médicale Bio Dômes Unilabs SELAS (Tarif des examens de biologie médicale), cons. 7.

(24) Cons. const., déc. n° 2018-735 QPC du 27 septembre 2018, M. Xavier B. et autres (Cotisation due au titre de la protection universelle maladie), paragr. 27.

(25) Cons. const., déc. n° 2015-465 QPC du 24 avril 2015, Conférence des présidents d'université (Composition de la formation restreinte du conseil académique), cons. 13 et 14.

(26) Hors le cas, encore une fois, de l'OVC d'accessibilité et d'intelligibilité de la loi, dans une configuration très spécifique : voir infra, D.

(27) Voir par exemple Cons. const., déc. n° 2018-768 QPC du 21 mars 2019, M. Adama S. (Examens radiologiques osseux aux fins de détermination de l'âge), paragr. 14 à 16 et n° 2019-823 QPC précitée, paragr. 5, ainsi que le commentaire de cette dernière.

(28) Voir par exemple Cons. const., déc. n° 2010-3 QPC précitée.

(29) Cons. const., déc. n° 2019-811 QPC du 25 octobre 2019, Mme Fairouz H. et autres (Seuil de représentativité applicable aux élections européennes), paragr. 7, 8, 12 et 13.

(30) Cons. const., déc. n° 2011-4538 SEN du 12 janvier 2012, Sénat, Loiret, cons. 5.

(31) Par exemple, récemment : S. Hennette-Vauchez et L. Marguet, « La QPC et les »droits et libertés que la Constitution garantit" : consécration et façonnage d'une nouvelle catégorie du droit constitutionnel », La Revue des droits de l'homme, n° 20, 2021, § 29 à 52 ; M. Frappier, « Principe, règle, exigence, disposition ou prescription constitutionnels dans la jurisprudence du Conseil constitutionnel : analyse d'un désordre », RDP, 2021, n° 5, p. 1264-1266.

(32) Cf. F. Luchaire, « Brèves remarques sur une création du Conseil constitutionnel : l'objectif de valeur constitutionnelle », RFDC, 2005, n° 64, p. 675.

(33) M. Guillaume, op. cit., § 95.

(34) À la critique qui précède, en effet, il serait possible de rétorquer, d'une part, que les objectifs de logement décent et de lutte contre la fraude fiscale ne sont que des objectifs de politiques publiques et non des droits subjectifs et, d'autre part, que les intérêts des individus dans ces domaines sont déjà protégés par de véritables droits et libertés, notamment, dans le premier cas, par le principe de dignité de la personne humaine, le droit de mener une vie familiale normale et le droit à la protection de la santé et, dans le second cas, par le principe d'égalité devant les charges publiques.

(35) Cons. const., déc. n° 99‑421 DC du 16 décembre 1999, Loi portant habilitation du Gouvernement à procéder, par ordonnances, à l'adoption de la partie législative de certains codes, cons. 13.

(36) Cons. const., déc. n° 2003-475 DC du 24 juillet 2003, Loi portant réforme de l'élection des sénateurs, cons. 26.

(37) Cons. const., déc. n° 2008-567 DC du 24 juillet 2008, Loi relative aux contrats de partenariat, cons. 40.

(38) Pour un cas de censure où un problème d'intelligibilité s'ajoute à un défaut de normativité de la disposition, voir Cons. const., déc. n° 2018-766 DC du 21 juin 2018, Loi relative à l'élection des représentants au Parlement européen, paragr. 8.

(39) Cons. const., déc. n° 2012-662 DC du 29 décembre 2012, Loi de finances pour 2013, cons. 84, n° 2013-675 DC du 9 octobre 2013, Loi organique relative à la transparence de la vie publique, cons. 67, n° 2014-708 DC du 29 décembre 2014, Loi de finances rectificative pour 2014, cons. 42, n° 2016-741 DC du 8 décembre 2016, Loi relative à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique, paragr. 146, n° 2016-745 DC du 26 janvier 2017, Loi relative à l'égalité et à la citoyenneté, paragr. 120 et 121, n° 2021-822 DC du 30 juillet 2021, Loi relative à la prévention d'actes de terrorisme et au renseignement, paragr. 24 à 30 et n° 2021-823 DC du 13 août 2021, Loi confortant le respect des principes de la République, paragr. 52 à 55.

(40) Cons. const., déc. n° 2016-739 DC du 17 novembre 2016, Loi de modernisation de la justice du XXIe siècle, paragr. 98 et 99 et n° 2021-823 DC précitée, paragr. 76 et 77 (réserve également fondée, dans ce dernier cas, sur l'article 34 de la Constitution).

(41) Cons. const., déc. n° 2012-285 QPC du 30 novembre 2012, M. Christian S. (Obligation d'affiliation à une corporation d'artisans en Alsace-Moselle), cons. 12.

(42) Pour un rappel explicite, voir Cons. const., déc. n° 2018-729 QPC du 7 septembre 2018, Société Tel and Com (Sanction de la nullité d'un licenciement économique), paragr. 7. Il en va de même devant le juge du filtre : cf. par exemple CE, 16 mars 2021, n° 448010, point 7 ; Cass. crim., 26 juin 2019, n° 19-90.018, paragr. 4.

(43) Cons. const., déc. n° 2016-537 QPC du 22 avril 2016, Société Sofadig Exploitation (Redevable de la taxe générale sur les activités polluantes pour certains échanges avec les départements d'outre-mer), cons. 14.

(44) Par exemple : Cons. const., déc. n° 2020-881 QPC du 5 février 2021, Association Réseau sortir du nucléaire et autres (Définition du préjudice écologique réparable).

(45) Ainsi que l'avait relevé F. Luchaire : « À l'évidence cet objectif ne permet en aucune manière de limiter l'application d'un principe constitutionnel » (op. cit., p. 680).

(46) Tout au plus peut-on signaler la réponse faite, à titre surabondant, à un grief tiré de l'article 38 de la Constitution critiquant le recours à des ordonnances pour adopter certains codes, finalité qui « répond au demeurant à l'objectif de valeur constitutionnelle d'accessibilité et d'intelligibilité de la loi » (Cons. const., déc. n° 99-421 DC précitée, cons. 13).

(47) Cons. const., déc. n° 2006-540 DC du 27 juillet 2006, Loi relative au droit d'auteur et aux droits voisins dans la société de l'information, sol. impl. Le commentaire signale « la consécration de l'objectif d'intelligibilité comme la norme de référence en matière de contrôle de la qualité de la législation (il n'est plus question, dans la décision, du principe de clarté) ».

(48) On rejoint ainsi la piste d'évolution envisagée dès 2007 par D. Chamussy (« Le Conseil constitutionnel, le droit d'amendement et la qualité de la législation. Évolutions récentes de la jurisprudence », RDP, 2007, p. 1092-1093).

(49) Cons. const., déc. n° 2019-795 DC du 20 décembre 2019, Loi de financement de la sécurité sociale pour 2020, paragr. 26 à 30 : le Conseil écarte le grief tiré de la méconnaissance de l'OVC d'accessibilité et d'intelligibilité de la loi dirigé contre l'article 15, relatif à la taxation de certaines boissons alcoolisées, mais sans déclarer cet article conforme à la Constitution (ni dans les motifs ni dans le dispositif de la décision).

(50) Cons. const., déc. n° 2018-768 DC du 26 juillet 2018, Loi relative à la protection du secret des affaires, paragr. 4.

(51) Voir par exemple Cons. const., déc. n° 2014-707 DC du 29 décembre 2014, Loi de finances pour 2015, cons. 8 à 12, dans laquelle le Conseil écarte un grief d'insincérité à l'égard des articles 40, 49 et 52 de la loi sans pour autant les déclarer conformes à la Constitution.

(52) Par exemple : Cons. const., déc. n° 2021-823 DC précitée, paragr. 52.

(53) D'autant que le Conseil d'État, qui a reconnu un OVC « de clarté et d'intelligibilité de la norme » opposable aux actes infra-législatifs, admet que ce moyen puisse être invoqué par un justiciable, notamment à l'appui d'un recours pour excès de pouvoir : CE, 29 octobre 2013, n° 360085, cons. 3.

(54) Cons. const., déc. n° 2016-555 QPC du 22 juillet 2016, M. Karim B. (Subordination de la mise en mouvement de l'action publique en matière d'infractions fiscales à une plainte de l'administration), paragr. 9.

(55) Cons. const., déc. n° 2012-254 QPC du 18 juin 2012, Fédération de l'énergie et des mines - Force ouvrière FNEM FO (Régimes spéciaux de sécurité sociale), cons. 3.

(56) Voir, par exemple, Cons. const., déc. n° 2009-584 DC du 16 juillet 2009, Loi portant réforme de l'hôpital et relative aux patients, à la santé et aux territoires, cons. 31, n° 2011-639 DC du 28 juillet 2011, Loi tendant à améliorer le fonctionnement des maisons départementales des personnes handicapées et portant diverses dispositions relatives à la politique du handicap, cons. 10, n° 2011-644 DC du 28 décembre 2011, Loi de finances pour 2012, cons. 17 et n° 2013‑685 DC du 29 décembre 2013, Loi de finances pour 2014, cons. 82 à 91.

Citer cet article

Gérald SUTTER. « Utilité et limites des objectifs de valeur constitutionnelle sur le plan contentieux », Titre VII [en ligne], n° 8, Les catégories de normes constitutionnelles, avril 2022. URL complète : https://www.conseil-constitutionnel.fr/publications/titre-vii/utilite-et-limites-des-objectifs-de-valeur-constitutionnelle-sur-le-plan-contentieux