Résumé

Cette partie n° 1 regroupe les résultats de quatre projets de recherche centrés sur les justiciables de la QPC. Qui sont-ils et comment se sont-ils emparés de cet instrument juridique ? Telle pourrait être la problématique de cette partie. L’ambition commune des projets présentés est de dresser un portrait de ces justiciables avec un focus particulier sur la catégorie des représentants d’intérêt et une étude de droit comparé sur les personnes en situation de vulnérabilité.

Il est extrêmement important, et positif, que plusieurs projets aient saisi l'opportunité tendue par l'appel à projets de travailler sur « les porteurs de la QPC ». Il ne fait pas de doute que les autres axes du programme de recherche sont aussi très importants et intéressants ; mais il y a dans ce thème consacré aux « porteurs » une spécificité qu'il paraît important de souligner. Il procède en effet d'un décentrement du regard puisque, pour étudier et analyser l'objet « QPC », il s'agit ici de ne pas borner le regard au Conseil constitutionnel lui-même -comment il juge, ce qu'il juge. Bien plutôt, il s'agit de s'intéresser, en amont, à l'identité, aux causes, aux arguments et aux stratégies des requérant-es et de leurs représentant-es. Il y a de nombreuses raisons pour lesquelles cet aspect des choses est tout à fait essentiel à l'objectif de compréhension et d'évaluation de dix années de QPC.

Cet angle de la recherche rappelle, en premier lieu, la situation de dépendance dans laquelle se trouve toute juridiction vis-à-vis des affaires qui sont portées devant elles. Si l'analyse du travail des juridictions passe classiquement et majoritairement par celle des décisions qu'elle rend, il n'en reste pas moins que la jurisprudence doit aussi toujours être saisie par référence à la quantité et la qualité des acteurs qui actionnent le processus juridictionnel.

Plus avant, l'inclusion de l'analyse des porteurs de la QPC dans ce grand bilan de la première décennie permet de souligner les transformations déjà opérées des raisons d'être de la QPC. Ainsi par exemple, la relativement forte présence des personnes morales (et parmi elles, des porteurs d'intérêts économiques) parmi les requérants (et intervenants) en QPC mérite d'être soulignée afin que puisse, le cas échéant, être interrogé son impact éventuel sur la substance même de la catégorie des « droits et libertés que la Constitution garantit » que façonne la jurisprudence constitutionnelle. Peut-être même doit-elle mener à reconsidérer certaines des descriptions initiales de la QPC qui la rabattaient volontiers exclusivement ou principalement sur les droits fondamentaux des personnes physiques.

Enfin, porter le regard sur les porteurs de la QPC permet encore de souligner certaines transformations de la profession d'avocat qui opèrent à la faveur de cette nouvelle voie de recours, dont des segments croissants et spécifiques se sont intéressés au droit constitutionnel, parfois même d'une manière qui invite à réinterroger les liens entre contentieux et stratégies d'influence.

C'est donc sur une part spécifique de la QPC que l'on va porter ici le regard -cette part de la QPC qui échappe pour l'essentiel au Conseil constitutionnel lui-même. Il ne saurait en effet être tenu pour comptable du profil et des stratégies argumentatives de celles et ceux qui le saisissent. Il importe en revanche qu'il les connaisse le mieux possible, tant ils façonnent le cadre et le contexte dans lesquels il intervient comme juge de la QPC.

Citer cet article

« Propos introductif - Les porteurs de la QPC », Titre VII [en ligne], Hors-série, QPC 2020 : les dix ans de la question citoyenne, octobre 2020. URL complète : https://www.conseil-constitutionnel.fr/publications/titre-vii/propos-introductif-les-porteurs-de-la-qpc