Résumé

S'il fallait choisir un seul mot pour caractériser la décentralisation outre-mer, ce serait celui de diversité, à l'image de la diversité géographique, historique et culturelle des treize entités ultramarines citées par l'article 72-3 de la Constitution. Cette diversité est due à ce que l'acte I de la décentralisation n'a pas été appliqué de façon simultanée et uniforme dans tout l'outre-mer et à ce que son acte II a remplacé la distinction entre départements et territoires d'outre-mer par un droit à la différenciation.

Titre VII

N° 9 - octobre 2022

La décentralisation et l'outre-mer

Terres de contrastes, les outre-mer le sont aussi en matière de décentralisation. Parmi les treize territoires ultramarins énumérés à l'article 72-3 de la Constitution, on y trouve les plus décentralisés, les moins décentralisés et, entre les deux, ceux ne présentant, en fait, aucune différence majeure avec les collectivités territoriales métropolitaines. Ce constat est d'autant plus insolite que les outre-mer sont, par définition, éloignés de la cité-mère de plusieurs milliers de kilomètres et que, du temps de la marine à voile, ils jouissaient tous d'une large autonomie.

Certes, cette autonomie n'était pas une décentralisation au sens de la loi du 2 mars 1982 dont on célèbre cette année le quarantième anniversaire. Elle n'était pas non plus une simple déconcentration administrative, qualifiée alors de décentralisation par le décret du 25 mars 1852 en tête duquel l'empereur Napoléon III considérait « qu'on peut gouverner de loin, mais qu'on administre bien que de près » et « qu'en conséquence, autant il importe de centraliser l'action gouvernementale de l'État, autant il est nécessaire de décentraliser l'action purement administrative ». Elle outrepassait l'action administrative pour englober l'action gouvernementale, à l'image de la fameuse formule de Paul Doumer à son arrivée à Saïgon en qualité de gouverneur général d'Indochine : « Gouverner partout, n'administrer nulle part »(1), formule qui inspirera peut-être le Conseil constitutionnel à propos du territoire de la Nouvelle-Calédonie lorsqu'il évoquera « le congrès, dont le rôle comme organe délibérant d'un territoire d'outre-mer ne se limite pas à la simple administration de ce territoire »(2).

Qu'il fût gouverneur général ou gouverneur, ce haut fonctionnaire se voyait attribuer, au XIXe siècle, par plusieurs ordonnances royales(3) des pouvoirs de grande ampleur. Ainsi et en prenant l'exemple de la Guyane, le gouverneur « exerce l'autorité militaire seul et sans partage », « exerce l'autorité civile », « est chargé de la défense intérieure et extérieure de la colonie », « déclare ou lève l'état de siège », « a la direction supérieure de l'administration de la marine, de la guerre et des finances », « communique, en ce qui concerne la Guyane française, avec les gouvernements du continent et des îles de l'Amérique », « promulgue les lois, ordonnances, arrêtés et règlements » et, en outre, « lorsque le gouverneur juge utile d'introduire dans la législation coloniale des modifications ou des dispositions nouvelles, il prépare, en conseil, les projets d'ordonnances royales, et les transmet au ministre de la Marine, qui lui fait connaître nos ordres ».

Depuis lors, les gouverneurs, devenus préfets, hauts-commissaires ou administrateurs supérieurs(4), ont perdu la quasi-totalité de ces prérogatives. Les conseils généraux ou privés, qui les entouraient et dont les membres étaient nommés, ont, pour l'essentiel, été remplacés par des conseils élus. La libre administration des collectivités territoriales a été améliorée par l'acte I de la décentralisation qui a débuté par la loi du 2 mars 1982 et son acte II qui trouve sa source dans la révision constitutionnelle du 28 mars 2003. L'objet de cette étude est de faire le point, quarante ans après l'acte I et vingt ans après l'acte II, sur la façon dont cette décentralisation s'est opérée outre-mer en distinguant chaque catégorie de collectivités : les communes, les collectivités régies par l'article 73 de la Constitution(5), celles régies par son article 74, puis la Nouvelle-Calédonie qui occupe une place à part. Même si la Constitution les mentionne dans son titre XII relatif aux collectivités territoriales, nous n'aborderons ni les Terres australes et antarctiques françaises ni l'île de Clipperton, qui ne bénéficient d'aucune mesure de décentralisation.

A. Une décentralisation laborieuse pour les communes d'outre-mer

Contrairement aux communes de métropole qui sont issues des paroisses de l'Ancien Régime, les communes d'outre-mer sont, pour la plupart, relativement récentes. Elles ont été instituées au fil du temps, principalement à partir de 1837 dans les Antilles, 1872 à Saint-Pierre-et-Miquelon, 1969 en Nouvelle-Calédonie et à l'intérieur de la Guyane, 1972 en Polynésie française et 1977 à Mayotte(6). À ce jour, trois territoires n'en possèdent aucune : ceux de Saint-Barthélemy et de Saint-Martin, qui, nés en 2007 de la transformation de communes en collectivités d'outre-mer dotées de l'autonomie, exercent également les compétences qui étaient dévolues à ces communes et celui des îles Wallis et Futuna qui est subdivisé en trois circonscriptions administratives, dont les périmètres épousent ceux des trois royaumes. S'il est possible d'assimiler en partie ces circonscriptions à des communes en matière de compétences, une assimilation totale est inconcevable au regard du principe de libre administration. En effet, c'est l'administrateur supérieur ou ses délégués qui en sont les chefs et disposent du pouvoir réglementaire même si, dans certains cas, ils agissent après avis de conseils de circonscription, présidés par chacun des trois rois et dont les autres membres sont élus dans les conditions prévues par la coutume(7).

1. La décentralisation a été tardive pour les communes situées dans les territoires d'outre-mer et à Mayotte

Le titre Ier de la loi du 2 mars 1982, relatif aux droits et libertés de la commune et en particulier à la suppression des tutelles administrative et financière, n'a pas été rendu applicable en 1982 dans ces territoires ni à Mayotte, alors régis par le principe de spécialité législative. Pour que ce titre leur soit applicable, il faudra attendre huit ans pour la Nouvelle-Calédonie(8), vingt-cinq ans pour Mayotte(9) et jusqu'à trente ans pour la Polynésie française(10) ! Toutes les communes de la République ne peuvent donc fêter en même temps le quarantième anniversaire de cette loi !

La situation des communes de Polynésie française mérite d'être signalée en ce qu'elle a donné lieu à deux décisions du Conseil constitutionnel protégeant leur libre administration.

D'une part, par sa décision n° 2004-490 DC du 12 février 2004, le Conseil constitutionnel a émis quatre réserves d'interprétation, une pour protéger les compétences des communes face à la compétence de plein droit de la Polynésie française (cons. 24), une deuxième pour éviter qu'une tutelle s'instaure entre la Polynésie française et les communes en matière d'assainissement (cons. 61), une troisième afin que la répartition du fonds intercommunal de péréquation ne méconnaisse pas l'objectif d'égalité mentionné au dernier alinéa de l'article 72‑2 de la Constitution et une quatrième pour neutraliser le caractère conforme de l'avis de l'assemblée de la Polynésie française sur la détermination du domaine initial des communes de Polynésie française.

D'autre part, par sa décision n° 2010-107 QPC du 17 mars 2011, il a déclaré contraires à la Constitution des dispositions transitoires d'une ordonnance autorisant le haut-commissaire de la République en Polynésie française à déclarer, à toute époque, nuls de droit les arrêtés des maires.

L'autonomie fiscale de la Polynésie française et de la Nouvelle-Calédonie a pour conséquence qu'une partie des impôts, droits et taxes qu'elles perçoivent est versée aux communes par le biais des fonds intercommunaux de péréquation(11). Ces communes peuvent ainsi être regardées comme bénéficiant d'une autonomie financière, à défaut d'autonomie fiscale, qui, elle, n'a pas valeur constitutionnelle(12). Il en est de même des deux communes de Saint-Pierre-et-Miquelon qui bénéficient de nombreuses taxes de nature fiscale, douanière et environnementale(13).

2. La décentralisation n'a pas favorisé l'autonomie financière des communes situées dans les départements et régions d'outre-mer

Si l'acte I de la décentralisation a rendu les budgets des communes exécutoires de plein droit, facilité le recours à l'emprunt, créé une dotation globale d'équipement, institué une compensation des transferts de compétences et permis aux communes de fixer librement la plupart des tarifs des services publics, les années qui ont suivi ont vu la création de charges non compensées et une dégradation de la fiscalité locale. Aussi, l'acte II de la décentralisation a voulu garantir l'autonomie financière des collectivités territoriales en définissant les « ressources propres des collectivités territoriales » et en déterminant « pour chaque catégorie de collectivités territoriales, la part minimale que les recettes fiscales et les autres ressources propres doivent représenter dans l'ensemble de leurs ressources »(14).

Cette garantie n'a pas donné les résultats escomptés pour les communes d'outre-mer situées dans les départements et régions d'outre-mer. Il est vrai que la loi organique prise en application de l'article 72-2 de la Constitution relative à l'autonomie financière des collectivités territoriales, faisant une lecture stricte de la Constitution, a englobé dans une même catégorie les communes de métropole et celles d'outre-mer alors que ces dernières sont dans une situation particulière en matière financière. Le Conseil constitutionnel a validé cette loi organique, mais avec réserves : une réserve de style en précisant qu'il s'agissait de ressources propres « au sens de l'article 72-2 de la Constitution » et une réserve d'interprétation directive à l'attention du Gouvernement pour que celui-ci indique, dans son rapport au Parlement prévu par l'article L.O. 1114-4 du Code général des collectivités territoriales (CGCT), quelle était cette part minimale « pour chaque collectivité territoriale » afin de pouvoir évaluer « sa capacité de libre administration »(15). Mais cette réserve n'a jamais été suivie d'effet si l'on se reporte aux rapports transmis par le Gouvernement sur ce fondement(16).

La plupart des communes d'outre-mer situées dans les départements et régions d'outre-mer connaissent des difficultés budgétaires importantes. S'il est vrai que leurs recettes diffèrent, dans leur structure, de celles des communes de métropole et que la part de la fiscalité directe y est faible en raison de bases fiscales imprécises ou sous-évaluées, de facultés contributives limitées ou de difficultés de recouvrement, elles bénéficient pourtant de ressources importantes grâce à l'octroi de mer et à de nombreuses dotations de l'État (dotations d'aménagement des communes d'outre-mer, dotations de péréquation...)(17). Toutefois, leurs dépenses sont supérieures à celles des communes de métropole en raison, comme l'indique un récent rapport de parlementaires en mission pour le Gouvernement, de « facteurs géographiques (risques naturels, distances, climat), démographiques (en particulier à Mayotte et en Guyane), sociaux (pauvreté, chômage) ou juridiques (sur-rémunération) »(18). Face à cette situation, l'État a décidé d'apporter un soutien aux communes les plus endettées en passant avec elles des contrats de redressement outre-mer (Corom) destinés à leur permettre, en contrepartie d'engagements particuliers, de redresser leur situation financière. Depuis la mise en place du dispositif, sept communes ont signé un tel contrat : Saint-Benoît à La Réunion, Cayenne et Iracoubo en Guyane, Fort-de-France et Saint-Pierre en Martinique et Basse-Terre et Pointe-à-Pitre en Guadeloupe(19). Il est difficile de dire, dans ces conditions, que la décentralisation a atteint les objectifs que s'était assignés le constituant.

B. Une décentralisation en quête d'autonomie pour les collectivités relevant de l'article 73 de la Constitution

L'article 73 de la Constitution de 1946, qui disposait que « le régime législatif des départements d'outre-mer est le même que celui des départements métropolitains, sauf exceptions déterminées par la loi »(20), a été repris, sous le même article, par la Constitution de 1958 avec cette rédaction : « Le régime législatif et l'organisation administrative des départements d'outre-mer peuvent faire l'objet de mesures d'adaptation nécessitées par leur situation particulière »(21).

1. L'assimilation institutionnelle l'emporte sur l'adaptation jusqu'en 2003

L'assimilation juridique était inscrite dans la loi n° 46-451 du 19 mars 1946 qui a érigé les colonies de la Guadeloupe, de la Martinique, de la Réunion et de la Guyane française en départements français, comme en témoigne Aimé Césaire, député rapporteur de cette loi : « La Martinique, la Guadeloupe, la Réunion et la Guyane française, tout en comprenant la nécessité qu'il peut y avoir d'adapter certaines mesures générales à des conditions géographiques ou économiques spéciales, expriment le vœu d'un rattachement plus étroit à la France et souhaitent voir admettre le principe que l'assimilation doit être la règle et la dérogation l'exception »(22).

Le Conseil constitutionnel n'avait cité qu'une seule fois l'article 73 de la Constitution avant 1982. C'était dans sa grande décision n° 65-34 L du 2 juillet 1965 et ce, afin de mieux opposer départements et territoires d'outre-mer, le régime législatif des premiers pouvant seulement faire l'objet de mesures d'adaptation nécessitées par leur situation particulière, tandis que l'organisation des seconds pouvait déroger au régime législatif résultant de l'article 34 de la Constitution. C'est cette distinction qu'il va reprendre dans sa décision n°  82-147 DC du 2 décembre 1982 pour censurer l'institution d'une collectivité régionale et départementale avec une assemblée unique en jugeant que « le statut des départements d'outre-mer doit être le même que celui des départements métropolitains sous la seule réserve des mesures d'adaptation que peut rendre nécessaires la situation particulière de ces départements d'outre-mer » et que « ces adaptations ne sauraient avoir pour effet de conférer aux départements d'outre-mer une « organisation particulière », prévue par l'article 74 de la Constitution pour les seuls territoires d'outre-mer ». Le législateur était donc allé au-delà de l'adaptation en conférant à cette nouvelle assemblée, qui n'assurait pas la représentation des composantes territoriales du département, une nature différente de celle des conseils généraux. La loi a été déclarée contraire à la Constitution dans son intégralité, ce qui est très rare dans le cadre du contrôle a priori.

La lecture du compte rendu de la séance du 2 décembre 1982 est riche d'enseignements. Au-delà du rapport très détaillé de Louis Joxe, qui aura convaincu tous les membres à l'exception du doyen Vedel, le plaidoyer de Gaston Monnerville en faveur de la censure est émouvant. Pour lui, qui avait été l'auteur d'un des trois projets de loi ayant abouti à l'adoption de la loi de départementalisation du 19 mars 1946, la question de l'assimilation des quatre vieux territoires que sont la Guadeloupe, la Guyane, la Martinique et la Réunion se posait depuis la Révolution française. Il qualifie la nouvelle assemblée de « monstrueuse ambiguïté » et expose que le terme d'adaptation contenu à l'article 73 de la Constitution n'est synonyme ni d'innovation ni de transformation.

Le Parlement devra donc reprendre son ouvrage en distinguant, pour ces quatre territoires, l'assemblée régionale et l'assemblée départementale et le Conseil constitutionnel validera la loi, à quelques exceptions près, en n'acceptant que les « mesures d'adaptation susceptibles de se traduire par un aménagement limité des compétences des régions et des départements d'outre-mer par rapport aux autres régions et départements »(23).

2. Le droit à la différence remplace l'assimilation en 2003

La révision constitutionnelle du 28 mars 2003 relative à l'organisation décentralisée de la République a voulu remodeler l'outre-mer français en le faisant passer du singulier au pluriel, dans la droite ligne du discours du président Jacques Chirac prononcé le 11 mars 2000 à Madiana en Martinique : « Ma conviction est que les statuts uniformes ont vécu et que chaque collectivité d'outre-mer doit pouvoir désormais, si elle le souhaite, évoluer vers un statut différencié, en quelque sorte, un statut sur mesure. » Un droit à la différence a ainsi été institué. Il demeure toutefois limité et encadré. Il porte sur deux points.

En premier lieu, sans remettre en cause le principe d'identité caractérisant le régime législatif des collectivités régies par l'article 73 de la Constitution, la révision constitutionnelle du 28 mars 2003 relative à l'organisation décentralisée de la République a élargi le champ et les modalités de l'adaptation. Aux « mesures d'adaptation nécessitées par leur situation particulière » succèdent les « adaptations tenant aux caractéristiques et contraintes particulières de ces collectivités ». L'adéquation remplace donc la nécessité. Quant aux modalités de l'adaptation, elles ouvrent aux collectivités territoriales, au-delà du mode traditionnel réservé au Parlement et au Gouvernement(24), deux possibilités d'intervention, malheureusement sous-utilisées : les collectivités peuvent, à leur demande, être habilitées par la loi ou le règlement à adapter les normes nationales dans les matières où s'exercent leurs compétences ; elles peuvent également être habilitées, par la loi ou le règlement, à fixer elles-mêmes les règles applicables sur leur territoire dans un nombre limité de matières pouvant relever du domaine de la loi ou du règlement(25).

En second lieu, la révision ouvre de nombreuses possibilités d'évolution institutionnelle : passage au régime prévu par l'article 74 de la Constitution, ce qui a été refusé par les électeurs de Martinique et de Guyane le 10 janvier 2010 ; passage au régime prévu par l'article 73 de la Constitution, ce qui a été accepté par les électeurs de Mayotte le 29 mars 2009 ; création d'une collectivité unique se substituant à un département et une région d'outre-mer, ce qui a été accepté par les électeurs de Martinique(26) et de Guyane le 24 janvier 2010 ; institution d'une assemblée délibérante pour un département et une région d'outre-mer, ce qui n'a été choisi à ce jour par aucune collectivité ; ou le statu quo, comme en Guadeloupe, dès lors que les électeurs ont refusé une collectivité unique le 7 décembre 2003, et à La Réunion.

L'appel de Fort-de-France, lancé le 16 mai 2022 aux plus hautes autorités de l'État par les présidents des sept régions ultrapériphériques de l'Union européenne (RUP), revendique un changement profond de la politique outre-mer de l'État « afin de ne plus subir des politiques inadaptées à nos réalités, alors que l'enjeu pour nos territoires est d'instaurer une nouvelle politique économique pour lutter contre le mal-développement dont nos peuples vivent les conséquences au quotidien ». Une des réponses à cet appel ne serait-elle pas plus d'autonomie ? Cette autonomie, exigeant une responsabilisation accrue des acteurs locaux, voire une compétence fiscale et douanière, ne serait-elle pas plus garantie, pour les collectivités qui le souhaitent, par un statut relevant de l'article 74 de la Constitution, sans qu'il soit d'ailleurs besoin de modifier cet article ? En ce cas, ne faudrait-il pas que les collectivités relevant de l'article 74 soient de façon systématique au nombre des pays et territoires d'outre-mer associés à l'Union européenne (PTOM) plutôt qu'à celui des RUP faisant partie intégrante de cette Union(27) ? Certes, la perte des fonds structurels et d'investissement européens est à prendre en compte, mais plus d'autonomie dans le cadre de la France ne nécessite-t-elle pas plus d'autonomie vis-à-vis de l'Union européenne(28) ? Voilà les questions qui pourraient se poser aux collectivités souhaitant plus d'autonomie.

C. Une décentralisation riche d'autonomie pour les collectivités relevant de l'article 74 de la Constitution

Les territoires d'outre-mer n'ont pas attendu 1982 pour connaître une large décentralisation. Même si sa principale cible était l'outre-mer africain, la loi du 23 juin 1956, dite loi-cadre Defferre(29), a aussi profité à la Nouvelle-Calédonie, à la Polynésie française et aux Comores, dont la capitale se trouvait alors à Mayotte(30). Les intitulés des décrets pris sur son fondement et datés du 22 juillet 1957 sont à eux seuls révélateurs, en ce qu'ils portaient « institution d'un conseil de gouvernement et extension des attributions de l'assemblée territoriale ». Ce conseil de gouvernement, présidé par le gouverneur et dont la vice-présidence était assumée par un élu local, était un véritable exécutif doté d'attributions collégiales. Ses membres, qualifiés de ministres, bénéficiaient de compétences propres. Quant aux assemblées territoriales, elles pouvaient intervenir dans une quarantaine de matières dont certaines relevaient, en métropole, du Parlement.

Cette forme d'autonomie, qui ne concernait pas tout l'outre-mer, sera rapidement remise en cause au début de la cinquième République. Mais ce qui, jusqu'à présent, n'a jamais été remis en cause, c'est la faculté pour cette catégorie de collectivités d'intervenir dans le domaine que la Constitution réserve à la loi et donc au Parlement, ce qu'a admis le Conseil constitutionnel en 1965(31) malgré le silence de la Constitution. Ainsi, toutes ces collectivités disposent de la compétence fiscale de droit commun, de nature quasi régalienne, ce qui a rendu nécessaire l'adoption de conventions fiscales de droit interne(32). Il en résulte que ce qui différencie les collectivités régies par l'article 74 de la Constitution de celles régies par l'article 73, ce ne sont pas leurs règles d'organisation et de fonctionnement, mais l'ampleur de leurs compétences. Pour prendre un exemple, Mayotte, qui est régie par l'article 73 depuis 2011, a perdu ses compétences fiscale et douanière(33).

Actuellement, cinq collectivités relèvent de l'article 74 de la Constitution : trois en Atlantique : Saint-Barthélemy, Saint-Martin et Saint-Pierre-et-Miquelon, que l'on dénomme parfois « les trois saints de l'Atlantique », et deux dans le Pacifique : la Polynésie française et les îles Wallis et Futuna.

1. Une décentralisation homogène en Atlantique

Les trois collectivités territoriales de l'Atlantique régies par l'article 74 de la Constitution ont chacune leur propre histoire et leurs particularismes en lien avec cette histoire, mais les similitudes qui les caractérisent sur le plan institutionnel sont plus nombreuses que leurs disparités. La raison principale en est que leurs statuts ont été élaborés il y a une quinzaine d'années par une seule loi organique(34) adoptée suite à la révision constitutionnelle de 2003 et, pour les deux anciennes communes de Guadeloupe, après consentement de leurs électeurs recueilli le 7 décembre 2003.

Les trois collectivités ont une organisation similaire : un conseil territorial de 19 à 23 membres élus au scrutin proportionnel avec prime majoritaire du tiers des sièges accordée à la liste arrivée en tête(35) et un conseil exécutif de 7 à 8 membres, dont le président. Il est à noter que chaque conseiller exécutif est responsable politiquement devant le conseil exécutif de la gestion des affaires et du fonctionnement des services relevant du secteur administratif dont il est chargé. Quant au président, sa responsabilité peut être mise en cause par le conseil territorial au moyen du vote d'une motion de défiance, laquelle doit mentionner le nom du candidat appelé à le remplacer(36). Si la motion est votée, les autres membres du conseil exécutif sont renouvelés.

Les matières qui relèvent de ces collectivités sont plus limitées que celles confiées aux collectivités du Pacifique, mais plus nombreuses que celles des collectivités régies par l'article 73. Outre la plupart de celles des départements et des régions et même, pour Saint-Barthélemy et Saint-Martin, celles des communes, les matières portent principalement sur les impôts, droits et taxes, l'urbanisme, la construction, le logement, la circulation routière, les transports, les ports maritimes, la voirie, l'environnement et l'énergie. En outre, en raison de leurs statuts de PTOM, Saint-Barthélemy et Saint-Pierre-et-Miquelon ont des compétences en matière douanière(37).

Enfin, il est à noter que seules Saint-Barthélemy et Saint-Martin sont dotées de l'autonomie, telle que mentionnée au septième alinéa de l'article 74 de la Constitution, mais cet attribut n'a guère de conséquences en matière de décentralisation si ce n'est la participation à l'exercice de certaines compétences de l'État, en matière pénale par exemple, et le contrôle juridictionnel spécifique que le Conseil d'État exerce sur les actes du conseil territorial intervenant dans le domaine de la loi.

2. Une décentralisation hétérogène dans le Pacifique

Les collectivités territoriales du Pacifique régies par l'article 74 de la Constitution ont toutes deux connu le régime du protectorat, de 1842 à 1880 pour la Polynésie française et de 1888 à 1961 pour les îles Wallis et Futuna, mais elles n'ont pas évolué de manière identique, ce qui fait qu'aujourd'hui, leurs disparités l'emportent sur leurs similitudes.

La Nouvelle-Calédonie mise à part, la Polynésie française est la collectivité territoriale française la plus autonome. C'est la loi du 6 septembre 1984, complétée en 1990 et 1996, qui va non seulement lui étendre les principes de décentralisation de 1982, mais aussi la doter de « l'autonomie interne dans le cadre de la République »(38). En particulier, le « conseil de gouvernement » de 1957 est remplacé par un « gouvernement » qui exerce collégialement ses attributions tout en étant responsable devant l'assemblée territoriale. Cette dernière bénéficie d'une double compétence de principe, à savoir que toutes les matières qui ne sont pas expressément confiées à l'État relèvent de sa compétence dès lors qu'elles n'ont pas été attribuées au conseil des ministres. En outre, afin de mettre en œuvre le contrôle de légalité, un tribunal administratif de droit commun va être institué en remplacement du conseil du contentieux administratif qui avait des compétences limitées. Il faudra attendre la loi du 12 juillet 1990 pour qu'une chambre territoriale des comptes soit créée(39) afin d'assurer un contrôle a posteriori des comptes du territoire ainsi que de sa gestion. La loi du 12 avril 1992 et la loi organique du 27 février 2004 vont encore accroître cette autonomie en transférant de nouvelles matières à la Polynésie française, en lui permettant de participer à l'exercice de certaines compétences de l'État, en donnant à son assemblée la faculté de voter des « lois du pays », de valeur réglementaire et soumises à un contrôle spécifique du Conseil d'État, et d'adopter des mesures préférentielles en faveur de la population en matière d'emploi ou de protection du patrimoine foncier.

Quant aux îles Wallis et Futuna, elles peuvent apparaître comme la collectivité territoriale française la moins décentralisée. La raison en est que leur statut a peu évolué depuis 1961 et que celui-ci ne reprend qu'une partie du statut Deferre de 1957 alors applicable en Nouvelle-Calédonie. Ainsi, si l'assemblée territoriale a des compétences élargies et même supérieures à celles des collectivités de l'Atlantique, l'exécutif du territoire est toujours assuré par le représentant de l'État qui dispose, en outre, d'un droit de veto sur les délibérations de l'assemblée. Il n'existe donc pas de contrôle de légalité a posteriori et le territoire continue financièrement de relever de la compétence directe de la Cour des comptes. Mais cette apparence est trompeuse. Pour qui connaît ces îles, le sentiment d'autonomie qui les caractérise est patent. Il repose sur l'article 3 de la loi du 29 juillet 1961, qui est un compromis entre les trois pouvoirs qui structurent l'organisation de l'archipel, à savoir les trois monarchies avec leurs chefferies garantes de la tradition, la religion catholique qui est en osmose avec la coutume et la République : « La République garantit aux populations du territoire des îles Wallis et Futuna le libre exercice de leur religion, ainsi que le respect de leurs croyances et de leurs coutumes en tant qu'elles ne sont pas contraires aux principes généraux du droit et aux dispositions de la présente loi ». C'est pour cette raison que l'administrateur supérieur est assisté par un conseil territorial composé des trois chefs traditionnels de l'île, vice-présidents de droit ainsi que de trois membres nommés par l'administrateur supérieur après accord de l'assemblée territoriale. Certes, il serait nécessaire de faire évoluer les institutions pour les rendre plus conformes à la révision de 2003 et de favoriser l'évolution économique et sociale du pays, mais cela ne peut se faire qu'avec l'accord des Wallisiens et des Futuniens.

D. Une décentralisation hors du commun en Nouvelle-Calédonie

De 1944 à 1988, la décentralisation en Nouvelle-Calédonie a été marquée par des va-et-vient continuels : 1944 a vu le rétablissement d'un conseil général ; 1946, la réorganisation de ce conseil général ; 1957, le suffrage universel effectif, l'institution d'un conseil de gouvernement composé de ministres élus dont l'un était vice-président et l'extension de ses attributions (statut Defferre) ; 1963, la suppression des ministres et la fin des prérogatives du conseil de gouvernement (loi Jacquinot) ; 1969, la réduction des attributions du territoire (lois Billotte) ; 1976, le rétablissement de l'élection du vice-président du conseil de gouvernement, des attributions individuelles des conseillers et de certaines compétences collégiales du conseil de gouvernement (statut Stirn) ; 1979, l'élection du conseil du gouvernement au scrutin majoritaire et non plus à la proportionnelle et le renforcement des pouvoirs de tutelle sur les organes territoriaux de la Nouvelle-Calédonie(40) ; 1984, la reconnaissance de l'autonomie interne et l'institution d'un gouvernement composé de ministres et responsable devant l'assemblée territoriale (statut Lemoine)(41) ; 1985, la création de quatre régions aux pouvoirs très larges et le retour du haut-commissaire comme exécutif du territoire (statut Pisani)(42) ; 1986, le rééquilibrage des institutions au profit du territoire et le redécoupage des régions (statut Pons I)(43) ; janvier 1988, l'accroissement de l'autonomie de la Nouvelle-Calédonie, et la transmission de l'exécutif du territoire du haut-commissaire à un conseil exécutif de dix membres dont font partie les présidents du congrès et des quatre régions du territoire, ainsi que cinq autres membres élus par le congrès (statut Pons II)(44) ; juillet 1988, l'administration directe par l'État, à titre transitoire, et, par suite, la dévolution des attributions dévolues au conseil exécutif et à son président au haut-commissaire assisté d'un comité consultatif représentant les principales familles politiques de Nouvelle-Calédonie.

La poignée de main entre Jacques Lafleur et Jean-Marie Tjibaou et la signature de l'accord de Matignon, le 26 juin 1988, sous l'impulsion du Premier ministre Michel Rocard, vont mettre fin à une période de quasi-guerre civile de quatre années et permettre, au bout de dix ans, non pas la tenue d'un nouveau scrutin d'autodétermination, mais l'instauration d'une nouvelle période d'une vingtaine d'années dans le cadre de l'accord de Nouméa signé le 5 mai 1988. Ce sont ces deux périodes que nous allons analyser brièvement à l'aune du thème de la décentralisation.

1. La décentralisation issue de l'accord de Matignon

La période 1989-1999 est marquée par la provincialisation de la Nouvelle-Calédonie, que l'accord de Matignon va jusqu'à qualifier de fédéralisme interne et qui est ainsi résumé par l'annexe n° 2 de cet accord : « L'administration et le développement du territoire fédéral de la Nouvelle-Calédonie sont organisés dans le cadre des trois provinces : îles Loyauté, Sud, Nord. Chacune de ces provinces s'administre librement par une assemblée élue au scrutin proportionnel pour six ans et un exécutif propre [...] Chaque province est compétente pour toutes les matières qui ne relèvent ni de l'État, ni du territoire, ni des communes », sachant que « le territoire conserve les compétences de coordination et celles qui ne peuvent pas être transférées aux provinces ». C'est la loi référendaire du 9 novembre 1988 qui a mis en œuvre ces principes en traitant d'abord des provinces puis du territoire. La réunion des membres des trois assemblées provinciales, élues au suffrage universel, formait le congrès du territoire et l'exécutif du territoire était confié au représentant de l'État, jouant un rôle d'arbitre entre les différentes forces politiques. De l'avis général, cette période fut une réussite.

2. La décentralisation issue de l'accord de Nouméa

La période allant de 1999 à ce jour a été marquée par la reterritorialisation de la Nouvelle-Calédonie, celle-ci bénéficiant de la primauté au détriment des provinces. C'est en tout cas l'impression que l'on retire de la lecture de la loi organique du 19 mars 1999 qui traite de la Nouvelle-Calédonie avant les provinces et qui ne mentionne même pas, à son article 2, les assemblées de province parmi les institutions de la Nouvelle-Calédonie, en méconnaissance du point 2 de l'accord de Nouméa, ce qui va conduire le Conseil constitutionnel, dans sa décision n° 99-410 DC du 15 mars 1999, à combler cette lacune (cons. 8). Ce sont ensuite les transferts de compétence de l'État qui profitent principalement à la Nouvelle-Calédonie (droit civil, état civil, droit commercial, sécurité civile, enseignement des premier et second degrés...) avec un congrès formé d'une partie des membres des assemblées de province, élus cette fois-ci au suffrage universel restreint(45). C'est la possibilité pour le congrès d'adopter des lois du pays ayant pleinement valeur législative et ce, même dans des matières de la compétence des provinces (régime du droit domanial, Code minier, régime des terres coutumières, fonction publique...). C'est la possibilité pour la Nouvelle-Calédonie de créer des impositions non seulement à son propre profit et à celui des provinces et communes, mais aussi au profit des groupements intercommunaux. C'est la création d'un véritable exécutif pour la Nouvelle-Calédonie, élu par le congrès à la proportionnelle. Toutefois, cette reterritorialisation n'a pas donné les effets escomptés puisque, de l'avis général, le consensus n'a pas fonctionné : 17 gouvernements en vingt ans, dont certains ont mis plusieurs mois pour entrer en fonctions.

Après les trois consultations ayant toutes conclu au refus de l'accession à la pleine souveraineté de la Nouvelle-Calédonie et malgré une contestation de la troisième sur un plan plus politique que juridique(46), la situation qui se présente est clairement fixée, dans son principe, par le point 5 des orientations de l'Accord de Nouméa qui ont valeur constitutionnelle : si la réponse est encore négative à l'issue des trois consultations, « les partenaires politiques se réuniront pour examiner la situation ainsi créée. - Tant que les consultations n'auront pas abouti à la nouvelle organisation politique proposée, l'organisation politique mise en place par l'accord de 1998 restera en vigueur, à son dernier stade d'évolution, sans possibilité de retour en arrière, cette « irréversibilité » étant constitutionnellement garantie ».

Il revient donc aux partenaires politiques, sans remettre en cause le droit à l'indépendance, de discuter de l'avenir institutionnel de la Nouvelle-Calédonie en envisageant, le cas échéant, une sorte de fédéralisme à la calédonienne à l'intérieur de la France et peut-être même à l'intérieur de la Nouvelle-Calédonie.

(1): A. Lorin, « « Gouverner partout, n'administrer nulle part » : Paul Doumer, « Colbert de l'Indochine » (1897-1902) » in S. El Mechat (dir.), Les administrations coloniales, XIXe-XXe siècles : Esquisse d'une histoire comparée, Presses universitaires de Rennes, 2009.

(2): Cons. const., déc. n° 85-196 DC du 8 août 1985, Loi sur l'évolution de la Nouvelle-Calédonie, cons. 16

(3): Ordonnances royales du 21 août 1825 concernant le gouvernement de l'île de Bourbon, du 9 février 1827 concernant le gouvernement de la Martinique et celui de la Guadeloupe ou du 2 août 1828 concernant le gouvernement de la Guyane. À noter, s'agissant de cette dernière ordonnance, que le Conseil constitutionnel a eu à connaître de son article 36 en ce qu'il pose le principe de la rémunération des ministres du Culte en Guyane par la collectivité publique (déc. n° 2017-633 QPC du 2 juin 2017).

(4): Le titre d'administrateur supérieur est encore utilisé pour les îles Wallis et Futuna et les Terres australes et antarctiques françaises.

(5): Collectivités qui, par habitude, sont souvent qualifiées de DROM (départements et régions d'outre-mer) par opposition aux COM (collectivités d'outre-mer) de l'article 74.

(6): Quelques communes avaient été antérieurement créées : Nouméa en Nouvelle-Calédonie, Papeete, Uturoa, Faa'a et Pira'e en Polynésie française, communes du littoral en Guyane... À La Réunion, la plupart des communes ont été créées au cours du XIXe siècle.

(7): Arrêté n° 19 du 20 mai 1964 portant organisation des circonscriptions administratives ; CE, 30 décembre 2015, n° 372262.

(8): Loi n° 90-1247 du 29 décembre 1990 portant suppression de la tutelle administrative et financière sur les communes de Nouvelle-Calédonie et dispositions diverses relatives à ce territoire.

(9): L'article 6 de l'ordonnance n° 2002-1450 du 12 décembre 2002 ne rend applicable le contrôle a posteriori des actes communaux qu'à compter du renouvellement des conseils municipaux de 2007.

(10): L'article 7 de l'ordonnance n° 2007-1434 du 5 octobre 2007 ne rend applicable le contrôle a posteriori des actes des communes de Polynésie française qu'à compter du 1er janvier 2012, sauf si demande d'anticipation.

(11):  Les communes de Mayotte ont bénéficié, jusqu'à fin 2013, d'un tel fonds.

(12): Cons. const., déc. n° 2009-599 DC du 29 décembre 2009, Loi de finances pour 2010, cons. 64

(13): Rapport d'observations définitives de la chambre territoriale des comptes de Saint-Pierre-et-Miquelon, exercices 2014 et suivants, p. 25.

(14):  Article 72-2 de la Constitution, loi organique n° 2004-758 du 29 juillet 2004 et Cons. const., déc. n° 2004-500 DC du même jour, Loi organique relative à l'autonomie financière des collectivités territoriales

(15): Cons. const., déc. n° 2004-500 DC du 29 juillet 2004, Loi organique relative à l'autonomie financière des collectivités territoriales, cons. 10 et 20

(16):  Ces rapports sont publiés pour les années 2005 à 2015 sur le site [https://www.collectivites-locales.gouv.fr/finances-locales/autonomie-financiere-des-collectivites-locales] ; depuis 2015, ces rapports sont intégrés dans le « jaune » budgétaire consacré aux transferts financiers aux collectivités territoriales (ex. pour 2022 : [https://www.budget.gouv.fr/files/files/plf/plf2022/jaunes_2022/Jaune2022_collectivites-W.pdf]).

(17): Mais les communes d'outre-mer ne perçoivent pas la dotation de solidarité urbaine et de cohésion sociale, comme l'a constaté le Conseil constitutionnel dans sa décision n° 2021-943 QPC du 21 octobre 2021 qui a déclaré contraire au principe d'égalité l'impossibilité pour ces communes de majorer les indemnités de fonction de leurs élus.

(18): J.-R. Cazeneuve et G. Patient, Soutenir les communes des départements et régions d'Outre-mer. Pour un accompagnement en responsabilité, rapport remis au Premier ministre sur les finances locales des départements et régions d'outre-mer, décembre 2019

(19): Cour des comptes, Les financements de l'État en outre-mer, communication à la Commission des finances du Sénat, mars 2022

(20): C'est la loi n° 46-451 du 19 mars 1946 qui a érigé les colonies de la Guadeloupe, de la Martinique, de la Réunion et de la Guyane française en départements.

(21): J. Daniel et C. David (dir.), 75 ans de départementalisation outre-mer, L'harmattan, 2021.

(22): Ass. nat. constituante, Aimé Césaire, rapport n° 520, annexé au procès-verbal du 25 février 1946.

(23): Cons. const., déc. n° 84-174 DC du 25 juillet 1984, Loi relative aux compétences des régions de Guadeloupe, de Guyane, de Martinique et de la Réunion, cons. 5

(24): La loi n° 2022-217 du 21 février 2022 relative à la différenciation, la décentralisation, la déconcentration et portant diverses mesures de simplification de l'action publique locale comporte plusieurs mesures d'adaptation.

(25): Cette dernière possibilité n'est pas ouverte aux assemblées régionale et départementale de La Réunion, ce qui constitue, même si cette exclusion a été délibérée, une anomalie constitutionnelle.

(26): La Martinique est ainsi revenue sur son refus de changement du 7 décembre 2003.

(27): Ce n'est pas le cas actuellement de Saint-Martin qui demeure une RUP alors même qu'elle jouxte la partie hollandaise de l'île, Sint-Maarten, qui est un PTOM.

(28): Certes, l'article 349 TFUE prévoit des adaptations pour les RUP, ce qui a été confirmé par la Cour de justice de l'Union européenne (CJUE, Gde Ch., 15 décembre 2015, Parlement européen et Commission européenne contre Conseil de l'Union européenne, aff. C-132/14 à 136/14), mais, dans la réalité, l'ultrapériphéricité est peu prise en compte.

(29): Il était alors ministre de la France d'outre-mer.

(30): Saint-Pierre-et-Miquelon bénéficiera de cette décentralisation, mais de façon moindre puisqu'il ne s'agira pour elle que d'une extension des compétences de son conseil général.

(31): Cons. const., déc. n° 65-34 L du 2 juillet 1965, Nature juridique des articles 1er, 5 et 6 de l'ordonnance n° 58-1383 du 31 décembre 1958 portant modification de certaines dispositions du régime de retraite des marins du commerce

(32): Cons. const., déc. n° 83-160 DC du 19 juillet 1983, Loi portant approbation d'une convention fiscale avec le territoire d'outre-mer de la Nouvelle-Calédonie et dépendances. Depuis 1992, ces conventions doivent être approuvées par une loi organique (déc. n° 2009-598 DC du 21 janvier 2010, Loi organique modifiant le livre III de la sixième partie du Code général des collectivités territoriales relatif à Saint-Martin, cons. 5, et n° 2011-627 DC du 12 avril 2011, Loi organique tendant à l'approbation d'accords entre l'État et les collectivités territoriales de Saint-Martin, de Saint-Barthélemy et de Polynésie français).

(33): Le Code général des impôts et le Code des douanes sont applicables à Mayotte depuis le 1er janvier 2014 (art. 11 de la loi 2010-1487 du 7 décembre 2010).

(34): Loi organique n° 2007-223 du 21 février 2007 portant dispositions statutaires et institutionnelles relatives à l'outre-mer.

(35): ... à la condition que la liste ait obtenu un nombre de suffrages au moins égal au quart des électeurs inscrits.

(36): Art. L.O. 6222-4, L.O. 6322-4 et L.O. 6432-2 du CGCT. À noter que la procédure de motion de défiance constructive a été reprise du statut de la Corse (art. L. 4422-31) et a été étendue à la Martinique (art. L. 7225-2) même si, dans les deux cas, elle est susceptible de s'appliquer à l'ensemble du conseil exécutif.

(37): Le principe d'identité législative ne s'applique pas aux compétences transférées.

(38): Article 1er de la loi n° 84-820 du 6 septembre 1984 portant statut du territoire de la Polynésie française.

(39): La chambre territoriale siégera toutefois à Nouméa jusqu'en 2000.

(40): Cons. const., déc. n° 79-104 DC du 23 mai 1979, Loi modifiant les modes d'élection de l'Assemblée territoriale et du Conseil de gouvernement du territoire de la Nouvelle-Calédonie et dépendances et définissant les règles générales de l'aide technique et financière contractuelle de l'État

(41): Cons. const., déc. n° 84-178 DC du 30 août 1984, Loi portant statut du territoire de la Nouvelle-Calédonie et dépendances, et notamment ses articles 12, 131 et 137 ; les élections prévues par ce statut seront boycottées et à l'origine des événements qui ont marqué la Nouvelle-Calédonie de 1984 à 1988.

(42): Cons. const., déc. n° 85-196 DC du 8 août 1985, Loi sur l'évolution de la Nouvelle-Calédonie et n° 85-197 DC du 23 août 1985, Loi sur l'évolution de la Nouvelle-Calédonie ; la première décision juge qu'il ressort de l'article 72 de la Constitution que « pour s'administrer librement, le territoire doit, dans les conditions qu'il appartient à la loi de définir, disposer d'une assemblée délibérante élue dotée d'attributions effectives » (cons. 10) et que le rôle du congrès « comme organe délibérant d'un territoire d'outre-mer ne se limite pas à la simple administration de ce territoire » (cons. 16) ; quant à la seconde, elle juge que la loi votée « n'exprime la volonté générale que dans le respect de la Constitution » (cons. 27).

(43): Cons. const., déc. n° 87-226 DC du 2 juin 1987, Loi organisant la consultation des populations intéressées de la Nouvelle-Calédonie et dépendances prévue par l'alinéa premier de l'article 1er de la loi n° 86-844 du 17 juillet 1986 relative à la Nouvelle-Calédonie

(44): Cons. const., déc. n° 87-241 DC du 19 janvier 1988, Loi portant statut du territoire de la Nouvelle-Calédonie

(45): En 2007 et comme le réclamaient les partis indépendantistes, le constituant a désavoué le Conseil constitutionnel qui avait considéré, en 1999, que la condition de dix ans de résidence conduisait à un corps électoral glissant.

(46): Par décision du 3 juin 2022, le Conseil d'État a rejeté les protestations dirigées contre les résultats de la consultation sur l'accession à la pleine souveraineté de la Nouvelle-Calédonie.

Citer cet article

Régis FRAISSE. « La décentralisation et l'outre-mer », Titre VII [en ligne], n° 9, La décentralisation, octobre 2022. URL complète : https://www.conseil-constitutionnel.fr/publications/titre-vii/la-decentralisation-et-l-outre-mer