Titre VII
N° 12 - avril 2024
L'enseignement du droit au XXIe siècle. Nouvelles pratiques, mêmes interrogations ?
L'attractivité persistante des professions juridiques et judiciaires attire vers les études de droit des cohortes d'étudiants toujours aussi nombreuses. Depuis le début du XXIe siècle, celles-ci ne se dirigent toutefois plus systématiquement vers les facultés de droit, qui subissent la concurrence de plus en plus forte d'autres établissements d'enseignement supérieur, autorisés à délivrer des diplômes Métiers du droit. Ici ou ailleurs, aujourd'hui comme hier, les formes de l'enseignement du droit sont pourtant l'objet d'interrogations récurrentes, sur lesquelles cette contribution apporte un regard à la fois rétrospectif et prospectif.
« Puisque vous voulez bien m'y convier, je ne puis résister, s'agissant
d'une question à laquelle j'ai constamment réfléchi au cours de ma carrière
professionnelle, au désir de vous exposer quelques idées qui, bien entendu,
n'engagent que moi et que je suis loin de vous donner comme représentant
l'opinion générale de mes collègues des Facultés de droit »(1)
Certaines sollicitations étonnent. Ainsi celle d'une participation au dossier sur l'enseignement du droit au XXIe siècle, lancée à une historienne du droit enseignant dans un IEP. La querelle de 2007 sur l'École de droit de Sciences Po est certes oubliée(2), et nous sommes un certain nombre à avoir franchi le Rubicon – pour moi après plus de 20 ans dans les facultés de droit, avec lesquelles le lien n'est pas coupé puisque la situation de ma discipline « rare » oblige à combler les trous dans les maquettes faute de recrutements en histoire du droit(3). Cette sollicitation se fondant peut-être sur la perspective d'une double distance sur le sujet, historique et institutionnelle, s'y ajoute la difficulté prospective à poser ce que sera(it) l'enseignement du droit au XXIe siècle, quand le quart de siècle n'est même pas atteint. Sans prétention à la globalité, mon propos se fondera donc sur ma connaissance de l'histoire des facultés de droit doublée d'une réflexion sur les conditions de production/diffusion du savoir juridique. Il n'est pas le fruit d'une enquête sur l'enseignement tel qu'il se pratique dans et hors des facultés de droit(4), mais, à partir d'une analyse croisée de ce qui a pu s'en dire historiquement et depuis le début du XXIe siècle, il tentera de mesurer ce qui change ... ou pas(5).
L'enseignement du droit est une source massive de discussions. Si la querelle de 2007 a alimenté la machine, cette réalité s'observe dès que l'enseignement du droit s'académise à la fin du XIXe siècle ; en attestent les nombreuses contributions de juristes sur les pratiques et lieux d'enseignement du droit, dans la Revue Internationale de l'Enseignement (désormais RIE, 1881-1940). On peut d'ailleurs se demander quelle autre discipline réfléchit autant à ses pratiques. Pour comparer ce qui est comparable(6), il ne semble pas qu'on publie autant sur les enseignements de médecine, nonobstant le bouleversement de 2019(7). En admettant que les médecins sont moins portés à l'écrit que les juristes, ils semblent aussi moins soucieux de réfléchir à (justifier) leurs pratiques pédagogiques.
Les professions juridiques étant très attractives, la question de l'enseignement du droit intéresse hors du cadre facultaire ; à en juger par la production éditoriale, c'est même un genre en soi que le questionnement sur l'enseignement du droit, sous la forme d'une interrogation disciplinaire (curriculum des études) méthodologique ou institutionnelle(8). L. Israël et R. Vanneuville y voient un thème récurrent du débat public depuis au moins la deuxième moitié du XXe siècle(9) ; c'est en réalité plus ancien, comme le confirme cette remarque de J. Charmont en 1893 : « nbsp ;c'est une erreur de croire que les questions de méthode et de programme [d'enseignement du droit] ne sont que des questions pédagogiques ; beaucoup plus souvent qu'on ne le croit ce sont de vraies questions sociales »(10).
Pour éclairer la situation actuelle, on établira un jeu de miroirs avec des réflexions énoncées à l'aube du XXe siècle, à l'aune de trois questions (faussement) simples sur l'enseignement du droit. La persistance des mêmes critiques dans un contexte institutionnel et technique renouvelé, ne pourrait-elle justifier de tester quelques-uns des changements suggérés de plus ou moins longue date(11) ?
I - L'enseignement du droit : par qui et pour qui ?
L'enseignement supérieur subit de profondes mutations depuis le début des années 2000. Les chiffres sont accessibles(12) et commentés – en particulier la baisse de titularité des personnels, compensée par une présence massive de vacataires, parmi lesquels un grand nombre de praticiens du droit(13). Le grand changement du XXe siècle est évidemment celui de la présence des femmes, de part et d'autre de la chaire. Depuis plus d'une dizaine d'années, les riches travaux qui s'y attellent concernent plus l'intérêt doctrinal pour les questions de genre et l'accès des femmes aux carrières juridiques(14) que l'impact, plus difficile à sonder, de leur présence sur les pratiques d'enseignement du droit.
La précarité est forte et les postes d'enseignants contractuels, dont les modalités de recrutement s'éloignent du modèle national du concours, sont devenus, en droit comme ailleurs, un passage obligé vers une hypothétique titularisation. Contractuels ou statutaires, les enseignants-chercheurs sont accablés de missions administratives ; plus faciles à quantifier par les instances d'évaluation (une carrière rentre-t-elle toutefois dans un fichier Excel ?), elles les éloignent de leur cœur de métier : l'enseignement et la recherche. L'historien des facultés se rappelle certes que l'universitas studiorum était gérée par ses membres ... mais rien ne nous a préparés au tournant du new public management(15) ! À défaut d'être formé pour les tâches administratives, l'est-on pour l'enseignement ? Pour l'enseignant en droit, le TD est le lieu de son apprentissage, où il reproduit souvent ce qui lui fut enseigné quand il était étudiant ! C'est donc le lieu où devrait se jouer une réforme des pratiques enseignantes(16). Depuis 2018, les maîtres de conférences stagiaires bénéficient d'une « formation visant à l'approfondissement des compétences pédagogiques nécessaires à l'exercice du métier »(17), moyennant une décharge (paradoxale) d'un sixième de leur service et des commentaires critiques sur le CM, qui reste pourtant le cadre principal des cours dans des facultés de droit massifiées.
Si l'on écrit sur l'enseignement du droit en termes de contenu et (plus rarement) de pratiques, on réfléchit peu au public que nous accueillons et formons(18). À l'entrée, une réalité longtemps inchangée tient au fait que nous enseignons à des étudiants qui, dans leur immense majorité, n'ont jamais fait de droit. Paradoxalement, les seuls qui en ont fait un peu sont issus des filières vis-à-vis desquelles le rapport Truchet assume une politique dissuasive(19). Dans le cadre du Plan Réussite en Licence, la faculté de droit Jean Moulin Lyon 3 lançait à la rentrée 2013 le Contrat réussite à destination des étudiants des filières techniques et professionnelles, en même temps que sa filière sélective le Collège de droit. Après 10 ans et plusieurs changements de moutures, le Contrat réussite a été remplacé par l'École de la réussite, quand le Collège de droit attire toujours de nombreux étudiants. Disons-le, les facultés de droit ont vocation à former des cadres, contrairement aux formations post-bac plus courtes à l'enseignement technique, mais qui sont sélectives. Or l'absence de sélection doublée du discours critique sur l'Université, décourage des étudiants qui seraient parfaitement capables de recevoir un enseignement de droit à bac +3 et bac +5. Pour susciter la curiosité et compenser l'ignorance des lycéens des filières générales, le rapport Truchet suggérait une introduction au droit dès le secondaire ; c'est le cas depuis 2011 avec l'option Droit et grands enjeux contemporains, ouverte à tous les élèves de Terminale en 2021. Sans anticiper la première année de droit, elle permet de réfléchir à l'existence et l'utilité des normes juridiques et des institutions judiciaires. Aucune donnée chiffrée ne permet encore de mesurer son impact sur les inscriptions en droit.
À la sortie, 2/3 des diplômés en droit ne seront pas juristes, même si la finalité des facultés reste de former des professionnels du droit. Sans rejouer la dispute de 2007, on sait que tous les juristes ne passent plus par les facultés de droit ; sans rejouer l'encore plus vieille querelle de l'École et du Palais, on sait surtout que ce n'est qu'après le passage en faculté que s'opère la préparation à l'exercice des professions, dans les écoles spécialisées (ENM, CRFPA, CRFPN). En se fondant sur une distinction d'O. Reboul, on dira que les facultés enseignent la grammaire du droit avant que les écoles n'en permettent l'apprentissage(20). Mais si les diplômes des facultés ne sont pas professionnalisants en soi, est-ce à dire que la saillie drolatique de Sacha Guitry sur ces « établissements où l'on apprend à des étudiants ce qu'il est indispensable de savoir pour devenir des professeurs »(21), vaut spécialement pour les facultés de droit ? On le croit apparemment au CRFPA, où un coup a récemment été porté à la valorisation du doctorat en droit(22) ! À l'heure où l'IA impacte assez les métiers de la justice pour faire craindre une justice automatisée(23), la question se pose certes de savoir si l'on aura besoin à l'avenir des mêmes juristes (voire de juristes tout court) ; elle amène, par extension, à réfléchir à la manière d'inculquer à nos étudiants une méthode, un contenu et une culture juridique qui en feront des professionnels capables de réfléchir, anticiper, réagir aux mutations du droit qu'ils pratiqueront(24).
II - L'enseignement du droit : où ?
Si les facultés de droit ont toujours été réticentes à suivre les réformes imposées à l'Université, elles n'échappent pas à sa remise en cause dans la formation et la production du savoir, par des réformes qui assument une préférence pour l'inégalité. Car si les réformes des XIXe et XXe siècles tendaient à l'uniformisation (politique de recrutement et d'uniformisation des statuts), celles du XXIe siècle(25) revendiquent la différenciation, avec des politiques d'excellence qui doivent démarquer certaines universités (les autres n'auraient-elles en vue que la médiocrité ?). Il n'est pas le lieu de commenter ici ce qui l'est déjà très bien(26), mais on peut relever que dans les recompositions en cours, la recherche occulte la pédagogie, sous-évaluée dans la valorisation des carrières, quand elle n'est pas une punition pour les enseignants-chercheurs non-publiants.
Après la thèse de J. Gatti-Montain qui documentait le dessaisissement des facultés de droit sur la formation des élites, l'enquête dirigée par L. Israël et R. Vanneuville(27) a montré que si la tradition française est celle d'un enseignement du droit dans des établissements spécialisés, il est aussi dispensé à HEC, Centrale Paris, l'ENA, l'ENM et Sciences Po Paris. La réalité n'est pas nouvelle, des cours de droit ayant toujours été dispensés dans d'autres lieux, parfois en confrontation directe avec la faculté. Signe de l'intérêt non démenti pour le droit, la formation des juristes est aujourd'hui un marché, dont l'homophonie des labels de MASTERE avec les diplômes de Master est le dernier avatar(28). Dans les grandes écoles, lieux de sélection, certaines filières délivrent des diplômes Métiers du droit ouvrant aux professions du droit. Qu'opposent les facultés à cette concurrence ? Des filières sélectives d'excellence, avec des parcours différenciés pour les étudiants jugés les plus capables, des parcours renforcés de licence, une double formation disciplinaire voire une double diplomation. Du fait de petits effectifs, elles sont parfois le lieu d'innovations pédagogiques. Mais si ces initiatives sont évidemment fécondes, on plussoie à la remarque selon laquelle on néglige « les potentialités de la salle de TD, où il serait possible de pratiquer, contrairement à l'actuelle tendance élitiste, un enseignement à la fois libre et sélectif, s'adressant à tous les étudiants inscrits à la Faculté, sans passer par un concours »(29).
III - L'enseignement du droit : comment ?
L'interrogation sur les formes de l'enseignement n'est pas récente(30). À la lecture croisée de la RIE(31) et des réflexions publiées dans les années 2000, on a l'impression que, nonobstant le changement d'échelle(32), les problèmes changent peu : enjeux disciplinaires autour du renouvellement des maquettes, lutte contre l'échec, évolution des modalités de contrôle des connaissances et des compétences. D'un siècle à l'autre, une première différence tient toutefois au fait, symbolique, que depuis la disparition de la RIE, aucune revue française ne traite directement de l'enseignement du droit. Alors que des contributions intéressantes s'égayent dans des supports divers(33), on peut se demander pourquoi aucun éditeur n'y consacre une revue, pour soutenir les initiatives, à l'exemple de ce qui se pratique ailleurs(34).
Cette proposition est en lien avec ce qui est l'essentiel : la lecture. À l'image de leurs enseignants, grands dévoreurs/producteurs de textes, les étudiants en droit doivent lire. Avant, pendant, après les cours. Comment sans cela comprendre la logique juridique et les techniques envisagées en cours, apprendre les mots et la grammaire du droit ? J.-D. Bredin résumait bien la chose : le juriste travaille avec une méthode et une bibliothèque(35). Même si celles-ci sont devenues des learning centers, la dématérialisation de l'édition juridique ne doit pas nous décourager de renvoyer nos étudiants aux textes. Faute de quoi, ils ne pourront approfondir des cours dont le volume est réduit ... mais démultiplié. Car la question n'est pas de savoir si les étudiants savent encore lire, mais s'ils ont encore le temps de le faire, dans des emplois du temps aussi surchargés que saucissonnés entre des disciplines qu'on imagine essentielles (au moins pour leurs titulaires(36)). Le constat est ancien : la parcellarisation rend les matières abstraites pour des étudiants qui ne saisissent pas les liens entre elles(37). La persistance de cette réalité tient-elle alors au fait que la nature universitaire craint le vide ... et l'autonomie ?
Plusieurs propositions émises depuis 2007 visent une réduction de la durée de l'enseignement du droit, avec un impact mécanique sur ce qui est enseigné et comment(38) (la durée se joue sur le temps total des études ou leur organisation hebdomadaire). Là encore, rien de nouveau : dès 1888, L. Duguit associait l'allégement des heures de cours au développement de l'autonomie des étudiants(39). Ce dernier est-il envisageable dans le cadre actuel de transmission des connaissances juridiques ? Hors de la chimère d'une formation juridique résumée à la pure transmission de connaissances(40), il semble qu'à l'heure de l'IA, une distinction doit urgemment être faite entre la connaissance et l'information(41). Nos prédécesseurs dénonçaient déjà le bourrage de crâne lié aux modalités d'examen d'alors, qui ne disait rien de la compréhension du cours(42). Former au raisonnement sur la base d'une recherche des informations pertinentes, c'est là que réside l'autonomie. Cela suppose certes une part de maturité, mais le premier service rendu aux étudiants ne serait-il pas justement de les sortir d'un rapport consumériste à la connaissance fournie toute cuite et avalée sans (trop d')effort(43) ? L'attention devant être mise sur la méthode de raisonnement des juristes et leurs compétences(44), les facultés de droit devront se saisir de l'approche par compétence vers laquelle nous devons faire évoluer notre offre de formation. La promesse est de permettre à l'étudiant de mieux identifier les compétences développées dans sa formation, afin de les valoriser dans une projection d'insertion à moyen et long termes. Dans cette perspective, compétences et attendus doivent être pensés collectivement et cumulativement par niveau de diplôme : chercher, catégoriser, synthétiser, analyser, favoriser l'adaptation face à des situations inédites plutôt que la reproduction de solutions toutes faites(45). Chaque enseignant reste libre de ses choix, mais l'offre de formation en termes méthodologiques et d'exercices, doit être pensée de manière coordonnée.
Même si elle a eu de sérieux ratés, l'expérience du confinement a confirmé (brutalement) qu'il n'est pas besoin d'être tout le temps en cours pour apprendre à partir de supports variés, et que moins de cours ne signifie pas moins de travail. Des lieux et des moments doivent être évidemment réservés pour la rencontre des enseignants et de leurs étudiants, mais on peut apprendre autrement qu'en « tout présentiel » dans les amphis. D'ailleurs, si le CM reste indispensable, c'est dans le cadre des TD, conférences de méthodes, séminaires, que se joue l'essentiel de la vérification des connaissances et des méthodes. Cette importance stratégique plaide a priori pour que les enseignants chevronnés les assurent. Justifie-t-elle toutefois d'imposer des TD dans toutes les disciplines ? Pas nécessairement, dès lors que les méthodes auront été concertées dans une logique transdisciplinaire et dans un souci de diffusion des grandes lignes de ce qui fait la culture juridique commune.
On ne se cache certes pas que la finalité immédiate des cours est, pour les étudiants, la réussite à l'examen, cet élément régulateur du système d'enseignement décrit par Bourdieu comme un adoubement et un rite d'institution(46). Face à la lourdeur des partiels, le contrôle continu est parfois vu comme la solution au problème des calendriers. Mais outre le fait de transformer l'étude en travail à plein temps(47), la pratique remet aux chargés de TD (les plus précaires) la mission quasi exclusive de l'évaluation des étudiants. Pour prolonger ce qui précède, la solution ne serait-elle pas que moins de cours implique aussi moins d'examens ? Tous les cours doivent-ils être soumis à évaluation ? Pourquoi ne pas envisager les examens de manière collective, misant sur la complémentarité des enseignements ? Ici aussi nos prédécesseurs nous ont devancés : Duguit voyait l'examen comme « la sanction des études de l'année »(48), et dans un projet de quatrième année de licence juridique, Saleilles suggérait de restreindre les examens « aux seules matières qui sont la clé de tout le reste, et qui suffisent, une fois acquises, à faire entrer, de plain-pied, dans toutes les autres provinces du monde juridique »(49). L'un et l'autre plaidaient pour une réduction des épreuves, envisagées collectivement, sur la base de procédés d'examen à visée documentaire.
Avec la distance du temps, la dématérialisation de l'édition et l'hybridation des cours auront-elles été les prémisses d'une nouvelle ère ? Le vent de panique provoqué, il y a un an, par l'arrivée de ChatGPT a soufflé en premier lieu sur les modalités d'évaluation et les risques de fraude. Mais les développements de l'IA influent aussi sur les pratiques pédagogiques. Puisqu'il semble impossible d'y échapper, l'avenir dira si ce vent de nouveauté aura contribué au renouvellement des termes de la réflexion sur l'enseignement du droit. Rendez-vous est donné aux historiens du droit du XXIIe siècle.
(1): R. Saleilles, « nbsp ; L'enseignement du droit », Revue internationale de l'enseignement supérieur, t. 56, juillet-décembre 1908, p. 289-310.
(2): Preuve de la normalisation de l'École de droit de Sciences Po Paris dans le panorama académique, la Semaine doctorale intensive organisée avec l'École doctorale de droit et de science politique de l'Université Paris Nanterre.
(3): F. Garnier et D. Mantovani, Le Monde, 4 avril 2023, disponible sur : https://assohfd.fr/wp-content/uploads/2023/04/Tribune-Histoire-du-droit-4-4-23.pdf
(4): L. Israël, R. Vanneuville, « Enquêter sur la formation au droit en France. L'exemple des formations extra-universitaires », Revue interdisciplinaire d'études juridiques, 2014, 72, p. 141-162 ; M. Aït-Aoudia, R. Vanneuville, « Le droit saisi par son enseignement », Droit et Société, 2013/1, 83, p. 7-16.
(5): Les Écoles de droit sont devenues des Facultés de droit, puis ces lieux de diplomation sont devenus des lieux de formation scientifique au tournant du XIXe siècle. Le XXIe siècle sera-t-il celui d'un virage culturel ? On souscrit à la suggestion d'A. Bailleux qui voit les facultés comme des « nbsp ;bouillons de culture juridique » plutôt que comme des temples de science ; « Quelle formation pour quel juriste et pour quel droit ? Libération et responsabilisation de l'étudiant bruxellois » (en ligne, p. 12). Ceci, bien entendu, si les pouvoirs publics se décident à considérer l'Université comme un investissement et non comme un coût. Mes étudiants l'ont souvent entendu : la culture (du droit) c'est l'aventure !
(6): P. Bourdieu, Homo academicus, éd. Minuit, 1984 : au XIXe siècle, les facultés de médecine et de droit sont des facultés supérieures, à « l'influence la plus forte et la plus durable sur le peuple », contrairement aux facultés de lettres, réputées sans efficacité réelle, donc inférieures et plus facilement livrées à elles-mêmes.
(7): Réforme de la PACES (première année commune aux études de santé).
(8): En 1929, J. Bonnecase complète son Introduction à l'étude du droit d'un Qu'est-ce qu'une faculté de droit ? (Sirey). Ex. d'études historiques : J.-L. Halpérin (dir.), Paris, capitale juridique (1804-1950), ENS éd., 2011 ; B. Mathieu, L'enseignement du droit dans la première moitié du XIXe siècle. Une illustration : la Faculté de droit de Dijon (1806-1855), La mémoire du droit, 2023. L'analyse disciplinaire s'adosse désormais à celle des supports éditoriaux, ex. A. Geslin, « Cartographier l'autre monde [du droit] à partir des ouvrages d'introduction au droit », M. Altwegg-Boussac (dir.), Introduire au droit. Regards critiques sur un enseignement, Lextenso-LGDJ, 2021.
(9): L. Israël, R. Vanneuville, « Enquêter sur la formation au droit en France. L'exemple des formations extra-universitaires », Revue interdisciplinaire d'études juridiques, 2014, 72, p. 141-162 (p. 141).
(10): J. Charmont, « La socialisation du droit », Revue de métaphysique et de morale, 1893, p. 393.
(11): Dans les années 1970, les membres de Critique du droit tentaient encore de rénover l'enseignement du droit. Si l'appel à la pluridisciplinarité s'est révélé fécond pour la recherche empirique en droit, les acquis sur l'enseignement sont plus limités. Bilan dans J. Chevallier, « L'enseignement du droit en question », J.-C. Froment (dir.), Administration et politique : une pensée critique et sans frontière. Dialogues avec et autour de J.-J. Gleizal, PUG, 2009, p. 111-120 et R. Encinas de Munagorri, « Quelle critique pour l'enseignement du droit ? », Clio@Themis, 5/2012 (en ligne).
(12): Disponibles sur : https://data.enseignementsup-recherche.gouv.fr/explore/dataset/fr-esr-enseignants-titulaires-esr-public/information/? flg=fr-fr
(13): À la question de savoir s'il faut, dans les facultés de droit, des enseignants ou des professionnels, on rappellera que les enseignants sont des professionnels du droit, même s'ils ne sont pas (toujours) des praticiens.
(14): Ex. https://hal.parisnanterre.fr/hal-03591235/file/19-Champeil-Femmes-droit-2020.pdf Le projet REGINE (2012-2014) promouvait la théorie féministe du droit dans la recherche juridique française (https://regine.parisnanterre.fr/archives_site_2015/projet-42.html). Dernier en date, le rapport sur l'attractivité et la mixité des études et des professions de droit, remis le 21 novembre 2019, disponible sur : https://www.vie-publique.fr/rapport/273090-attractivite-et-mixite-des-etudes-et-des-professions-de-droit
(15): https://www.cairn.info/revue-francaise-d-administration-publique-2021-3-page-715.htm ? ref=doi
(16): A. di Rosa, « Ce que font les facultés de droit : une enquête dans les salles de TD », contribution au Congrès ISA/RCS2, Toulouse, 3 septembre 2013 (en ligne). Pour l'auteur, étudier l'enseignement du droit à partir des programmes de cours ne dit rien de ce qui se pratique concrètement dans les facultés de droit ; il faut moins partir de ce qui est enseigné, que de ce qui est corrigé, d'où l'importance de la salle de TD.
(17): https://www.legifrance.gouv.fr/jorf/id/JORFTEXT000036672073/
(18): Voir tout de même A. Bailleux, « Quelle formation ... », op. cit.
(19): http://www.afsp.msh-paris.fr/observatoire/metiers/rapport2007enseigndroit.pdf
(20): O. Reboul, Philosophie de l'éducation, Qsj ?, 2001 (cité par A. Bailleux, op.cit., p. 11-12) : l'apprentissage vise des savoir-faire acquis en accomplissant l'acte qu'on veut acquérir ; l'initiation vise à faire entrer dans une communauté en révélant les rites et traditions à l'initié ; le but de l'enseignement est de faire comprendre le savoir dispensé.
(21): Cité par R. Encinas de Munagorri, op.cit.
(22): Parmi de nombreuses autres, v. la réaction de J. Mestre, « Un nouveau coup porté au doctorat en droit... et peut-être même au droit ! », Rec. Dalloz, 11 janvier 2024, n° 1, p. 21-22.
(23): https://www.vie-publique.fr/eclairage/277098-lintelligence-artificielle-ia-dans-les-decisions-de-justice
(24): La formation professionnelle continue (loi du 16 juillet 1971) est un chantier à consolider dans les facultés de droit, en particulier à destination des non-juristes qui accèderaient à une compréhension juridique des grands enjeux sociétaux ou environnementaux.
(25): Pour l'essentiel, cette liste d'acronymes : 2002, LMD ; 2007, LRU ; 2013, Loi Fioraso ; 2016 et 2021, réforme de l'accès aux Masters ; 2018, Loi ORE ; 2020, Loi pour la liberté de choisir son avenir professionnel ; 2020, LPR.
(26): J. Gossa, « L'Université à son tournant. Une vue par les données », Esprit, « Quelle université voulons-nous ? », juillet-août 2023, n° 499-500, p. 41.
(27): EliDroit : la formation au droit des élites du privé et du public depuis 1958. Quels savoirs juridiques pour quels modes de gouvernement ? Présentation dans L. Israël, R. Vanneuville, « Enquêter... », op.cit. et dans Droit et Société, 2013/1, n° 83.
(28): L'arrêté du 8 décembre 2004 qui disposait que « le diplôme national de master en droit est délivré par les universités habilitées à cet effet » n'a été qu'une faible digue.
(29): A. di Rosa, op.cit.
(30): Nous restreignant à l'enseignement stricto sensu, nous n'évoquons pas les cliniques juridiques devenues, depuis les années 2000, des ouvertures vers la pratique. Cette complémentarité de la théorie et de la pratique permet aux étudiants de mettre au profit de la communauté les connaissances acquises dans leur cursus, en se confrontant à des cas concrets, sous la supervision d'un enseignant ou d'un praticien (voir le documentaire Droit dans les yeux, M. F. Le Jalu, 2023). On pourra juger cette reconnaissance tardive, puisque nos prédécesseurs défendaient déjà cette ouverture : J.-B. Brissaud, « L'enseignement pratique du droit », RIE, t. 42, juillet-décembre 1901, p. 416-420 (p. 418 et p. 420 sur l'école pratique de droit de Toulouse du prof. Houques-Fourcade) ; M. Hauriou, « Note sur l'enseignement technique de la faculté de droit de Toulouse », RIE, t. 57, janvier-juin 1909, p. 531-534.
(31): Ex. L. Duguit, « De quelques réformes à introduire dans l'enseignement du droit », RIE, t. 15, janvier-juin 1888, p. 153-164 ; M. Hauriou, « Création de salle de travail à la Faculté de droit de Toulouse », RIE, t. 41, janvier-juin 1901, p. 547 à 558.
(32): La massification, dont nos prédécesseurs ne connaissaient que les prémisses avec la démocratisation de l'enseignement supérieur à l'aube du XXe siècle.
(33): Outre les Annales de différentes facultés, la Revue d'histoire des facultés de droit et de la culture juridique accueille des articles sur ce thème.
(34): Ex Legal Education Review (Australie), Journal of Legal Education (États-Unis), The Law Teacher (Royaume-Uni).
(35): Cité par R. Encinas de Munagorri, op.cit., note 59.
(36): La question des services trouve un écho dans la répartition du traitement de nos prédécesseurs entre fixe et éventuel, qui a longtemps réduit les possibilités d'évolution des maquettes.
(37): R. Saleilles critiquait « ces cloisons étanches, dressées aujourd'hui par excès de spécialisation, entre les éléments les plus essentiels à la formation et au développement du droit » ; « De l'enseignement... », op. cit., p. 303.
(38): A. Bailleux, « Quelle formation ... », op. cit., p. 4 ; R. Sefton-Green, « Moins de droit. Propositions pédagogiques subversives », Les Cahiers de la Justice, 2017/4 (n° 4), p. 721-736.
(39): L. Duguit, « De quelques réformes à introduire... », op. cit., p. 154 : « Les programmes ainsi compris, le professeur pourra les remplir intégralement dans le temps qui lui est imparti. Ce temps au reste ne doit pas être exagéré. Dans une société comme la nôtre où les nécessités de la lutte pour la vie s'imposent à tous, on ne peut demander à nos jeunes gens de rester plus de trois ans à l'école de droit. Bien employées, ces trois années seront certainement suffisantes. Nous pensons même que, en première et en deuxième année, il ne doit y avoir au maximum que deux leçons par jour ; en troisième année, on pourrait faire exceptionnellement trois leçons par jour. Les cours sont assurément une excellente chose ; mais en les multipliant, on courrait peut-être le risque d'absorber le temps des élèves et d'entraver entre eux l'initiative dans le travail et l'originalité dans les idées ». Le même plaidait pour un enseignement pratique (professionnel) et historique.
(40): R. Sefton-Green, « Moins de droit... », op. cit., p. 721-736.
(41): F. Rouvière, « Quelles méthodes pour l'enseignement du droit à l'aube du 21ème siècle ? », Les Cahiers Portalis, n° 1, 2014, p. 45.
(42): R. Saleilles, « L'enseignement du droit... », op. cit., p. 300 : « Il n'y a pas de travail personnel et d'études vraiment supérieures à attendre de l'étudiant, tant qu'il est sous la menace, on pourrait dire sous la servitude scolaire de l'examen. Une épreuve de mnémotechnie, qui consiste à exiger de la mémoire du candidat, non seulement la démonstration d'aptitudes mais une épreuve de connaissances presque purement livresques, dont il aura le droit d'oublier tous les détails dans sa carrière professionnelle, pourvu qu'il ait un bon livre, un bon manuel et un mémento à sa portée ».
(43): Ibid. : « Notre but, dans l'enseignement supérieur, ne doit-il pas être d'apprendre au futur praticien à se servir des livres, et non à les suppléer ; à savoir interpréter les faits et non à les devancer ; somme toute, à lui fournir de bons instruments en vue de la besogne à remplir, au lieu d'exiger de lui une besogne toute faite, et qui sera toujours mal faite, puisqu'au lieu de porter sur des faits réels, elle ne reposera que sur des données hypothétiques ? ».
(44): Dans The Language of Law school. Learning to « Think like a Lawyer » (Oxford Univ. Press, 2007), E. Mertz a initié un déplacement du savoir sur ce qu'est le droit, vers la connaissance de ce que font les juristes ; L. Israël, « L'apprentissage du droit. Une approche ethnographique »,Droit et Société, 2013/1, 83, p. 177-192.
(45): G. Jèze, Principes généraux du droit administratif, Dalloz, 2005 (1914), p. II : « L'essentiel dans l'étude du Droit, c'est la recherche des conditions dans lesquelles se posent les problèmes juridiques. Voilà ce qui importe, beaucoup plus même que la solution qui prévaut momentanément à l'époque actuelle ».
(46): P. Bourdieu, La Noblesse d'État. Grandes écoles et esprit de corps, éd. Minuit, 1989, p. 141.
(47): T. Haute, entretien, Esprit, « Quelle université voulons-nous ? », op. cit., p. 71.
(48): L. Duguit, « De quelques réformes... », op. cit., p. 160.
(49): R. Saleilles, « De l'enseignement du droit... », op. cit., p. 302.
Citer cet article
Anne-Sophie CHAMBOST. « L'enseignement du droit au XXIe siècle. Nouvelles pratiques, mêmes interrogations ? », Titre VII [en ligne], n° 12, L'enseignement, avril 2024. URL complète : https://www.conseil-constitutionnel.fr/publications/titre-vii/l-enseignement-du-droit-au-xxie-siecle-nouvelles-pratiques-memes-interrogations
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