Chronique de droits fondamentaux et libertés publiques (janvier 2024 à juin 2024)

Titre VII

N° 13 - novembre 2024

Par dissolution, point de saisine : décisions n° 2024-870 DC du 10 juillet 2024 et n° 2024‑871 DC du 24 juillet 2024, Loi visant à prévenir les ingérences étrangères en France, par J.‑Ph. [Derosier]

La dissolution décrétée le 9 juin 2024 a inévitablement eu un effet sur l'office du Conseil constitutionnel, ne serait-ce qu'en raison des nombreux recours dirigés contre les décrets de dissolution et de convocation des électeurs, auxquels s'ajoutent les quatre-vingt-quatre recours contre les élections elles-mêmes. Cependant, ce contentieux échappe à l'objet de la présente chronique. De surcroît, si cette dissolution a interrompu les travaux du Parlement et « fait tomber » les textes en cours d'examen à l'Assemblée nationale, les effets en matière de contrôle de constitutionnalité a priori ne seront véritablement perceptibles qu'au cours du second semestre 2024, donc de la prochaine chronique. En revanche, cette dissolution a donné lieu à deux décisions qui, si elles se situent dans le prolongement de la jurisprudence du Conseil, viennent préciser son office, sur lequel il conserve une interprétation fortement restrictive, sans véritable conséquence en l'espèce, mais que l'on pourrait déplorer dans l'absolu. S'agissant de décisions rendues les 10 et 24 juillet 2024, elles auraient dû être examinées lors de la prochaine chronique mais, eu égard à l'actualité à laquelle elles se rapportent directement (la dissolution prononcée le 9 juin), le lecteur voudra bien pardonner qu'on les commente dès à présent.

Il s'agissait de la loi visant à prévenir les ingérences étrangères en France, définitivement adoptée le 5 juin 2024. Les députés de La France insoumise (LFI) ont préparé un recours, qu'ils n'ont déposé au Conseil constitutionnel que le 10 juin, soit le lendemain de la dissolution. Dans sa décision du 10 juillet(1), rendue à l'expiration du délai d'un mois dont il dispose pour statuer, le Conseil a déclaré le recours irrecevable, aux motifs que, la dissolution ayant été prononcée le 9 juin et ayant pris effet le jour même, les requérants n'étaient plus en mesure de saisir le Conseil le lendemain, car leur mandat avait pris fin. S'il s'agit de la première fois que le Conseil se prononce sur un recours introduit postérieurement à une dissolution, cette décision se situe dans le prolongement de ce qu'il a déjà pu décider à l'égard d'un député démissionnaire, lequel ne peut figurer parmi les signataires d'un recours formé après l'enregistrement de sa démission(2). Cependant, la situation de l'espèce n'est pas tout à fait identique car l'irrecevabilité qui en découle résulte d'une cause qui échappe totalement à la volonté ou même aux agissements des requérants. C'est donc bien une application stricte de sa jurisprudence qui a conduit le Conseil à la prononcer, bien qu'elle soit logique.

On aurait alors pu imaginer, notamment en raison de la date à laquelle le Conseil a rendu cette première décision, qu'une solution était envisageable : l'introduction d'un nouveau recours, par des députés nouvellement élus. C'est précisément ce qu'ils firent le 12 juillet 2024, soit après la première décision, justement rendue après les élections. Mais appliquant cette fois une autre jurisprudence relative à la recevabilité des recours, le Conseil a encore rejeté cette requête(3), car « saisine sur saisine ne vaut »(4). Le Conseil considère en effet qu'une nouvelle requête ne peut être introduite sur une loi, dès lors qu'il s'est déjà prononcé sur une première, quand bien même la seconde porterait sur d'autres articles, invoquant d'autres griefs d'inconstitutionnalité et serait introduite avant la promulgation de la loi. Le motif en est qu'en fixant les délais prévus par la Constitution, soit quinze jours pour la promulgation de la loi par le président de la République et un mois pour le Conseil constitutionnel, pour examiner la constitutionnalité d'une loi qui lui serait déférée, voire huit jours en cas d'urgence, « le constituant a entendu exclure toute nouvelle suspension du délai de promulgation, laquelle résulterait nécessairement de l'examen d'une saisine postérieure à la décision du Conseil constitutionnel »(5).

Cependant, là encore, les circonstances de l'espèce qui nous occupe aujourd'hui sont différentes car, en 2001, le Conseil avait bien examiné la loi au fond et l'on peut donc considérer, par l'effet dévolutif de la saisine (notamment dans le cadre de la jurisprudence antérieure à 2008 et à la QPC), que le rejet, formellement justifié par des considérations de délai, pouvait aussi matériellement se justifier par le principe non bis in idem ainsi que par le souhait, exprimé dans le commentaire de la décision, d'éviter une sorte « d'obstruction à la promulgation »(6). À l'inverse, en 2024, le Conseil n'a nullement examiné la constitutionnalité de la loi et il ne pouvait pas s'agir d'une quelconque volonté d'obstruction – même si LFI est pourtant coutumière du genre – dès lors que la première requête s'est soldée par une irrecevabilité. Surtout, on s'étonne qu'il ait utilisé la plénitude du délai qui lui était imparti pour statuer sur le premier recours, alors qu'il s'agissait de le rejeter pour irrecevabilité. On aurait ainsi pu imaginer qu'il ait précisément attendu l'élection de la nouvelle Assemblée pour permettre aux députés nouvellement élus de « régulariser » leur recours, en en déposant un second, dès lors qu'ils exerçaient à nouveau le mandat le leur permettant. D'autant plus que l'argument des délais avancé par le Conseil, selon lequel la volonté du constituant serait qu'une loi doive être promulguée dans les quarante-cinq jours maximum après son adoption (soit les quinze jours impartis au président de la République et le mois octroyé au Conseil) ne tient pas en l'espèce, puisqu'en statuant le 24 juillet sur le second recours, ce délai était en tout état de cause dépassé (depuis cinq jours), alors qu'il ne l'était pas en 2001.

Si, contrairement à 2001, cette décision n'a qu'un effet limité car, d'une part, elle s'inscrit dans une situation tout à fait exceptionnelle (une saisine postérieure à une dissolution) et, d'autre part, le Conseil aura encore l'occasion, le cas échéant, d'examiner la loi au fond par le biais d'une ou plusieurs questions prioritaires de constitutionnalité (QPC), on ne peut que regretter que cette interprétation très stricte de la recevabilité des recours prive les députés d'exercer un droit que la Constitution leur confie, du fait d'une situation dont ils ne peuvent être tenus pour responsables.

Pas de préférence nationale : décisions n° 2023-863 DC du 25 janvier 2024, Loi pour contrôler l'immigration, améliorer l'intégration et n° 2024-6 RIP du 11 avril 2024, Proposition de loi visant à réformer l'accès aux prestations sociales des étrangers, par J.-Ph. [Derosier]

La réforme de l'immigration, adoptée le 19 décembre 2023, a suscité de nombreux débats. Ils étaient d'abord d'ordre politique, car, s'il s'agissait là du 117e texte adopté depuis 1945 portant réforme de l'immigration, c'était le premier qui fut adopté avec les voix de l'extrême droite. Ils étaient ensuite d'ordre constitutionnel, non seulement parce que les prises de position de cette dernière en matière d'immigration sont loin d'être au-dessus de tout soupçon constitutionnel, mais aussi parce que le Conseil a rendu une décision, annoncée dès les travaux parlementaires, par laquelle il censure trente-deux articles ou dispositions pour raison de procédure (et trois autres pour des raisons de fond), s'agissant de « cavaliers législatifs ». Cependant, cette première décision est annonciatrice d'une seconde, bien plus intéressante mais, paradoxalement, largement passée inaperçue. Mécontents de s'être vus ainsi censurés par le Conseil et instrumentalisés par le Gouvernement, les parlementaires de la droite républicaine déposèrent une proposition de loi « RIP », espérant pouvoir la soumettre à référendum. C'était sans compter sur le regard vigilant du Conseil qui, cette fois, s'est prononcé sur le fond, coupant ainsi court à toute velléité de légiférer en matière de préférence nationale, appliquée aux aides sociales.

La jurisprudence en matière de cavaliers législatifs est désormais ancienne. L'évolution apparaît dès 1985(7) et la première censure est prononcée en 1989(8). Par la suite, « ce contrôle des cavaliers législatifs a pu varier dans ses modalités [...] comme dans son intensité » et c'est à partir de 2006(9) que le Conseil a pris « l'habitude de censurer d'office des dispositions constituant des cavaliers législatifs »(10). La révision constitutionnelle du 23 juillet 2008 devait restreindre cette jurisprudence du Conseil constitutionnel, en modifiant l'article 45 afin de prévoir formellement que « tout amendement est recevable en première lecture, dès lors qu'il présente un lien, même indirect, avec le texte déposé ou transmis ». Elle aura pourtant l'effet inverse, ne serait-ce que parce qu'elle apporte au Conseil constitutionnel le fondement textuel exprès qui lui faisait défaut(11) et parce que « l'ajout de cette mention était en réalité au plus près de ce qu'énonçait déjà la jurisprudence constitutionnelle, à savoir la prohibition des cas où l'amendement est dépourvu de tout lien avec le texte initial »(12). Par la suite, la rigueur de cette jurisprudence s'est renforcée, sans doute à mesure que les divagations du législateur s'accentuaient, non sans préciser la motivation même des censures(13). La décision du 25 janvier 2024 en est une nouvelle illustration, non pas tant par le nombre de censures prononcées, mais bien par une application très stricte de l'appréciation du « lien, même indirect, avec le texte déposé ou transmis », le Conseil se bornant d'ailleurs à ne prendre comme référence que le texte déposé sur le bureau de la première assemblée saisie. C'est ainsi que sont censurées de nombreuses dispositions qui pourraient se rattacher à une réforme de l'immigration, telles (parmi d'autres) des mesures relatives au regroupement familial, aux conditions de résidence pour bénéficier d'aides sociales lorsque l'on est étranger, aux conditions d'acquisition de la nationalité française ou au délit de séjour irrégulier car, dans chacun de ces cas, ces dispositions ne présentaient pas de lien, même indirect, avec une autre disposition du projet de loi déposé sur le bureau de la première assemblée saisie.

Si les parlementaires n'eurent de cesse de s'offusquer d'une telle décision, on ne peut qu'y souscrire car elle contribue grandement à la clarté, la lisibilité et l'accessibilité de la loi pour l'ensemble des justiciables, constituant un frein au « tout législatif ». Les parlementaires, soucieux de satisfaire leurs électeurs, ont l'habitude d'exercer leur droit d'amendement à tout-va, tentant de passer des réformes au gré des discussions législatives. S'il s'agit bien là de la fonction parlementaire, encore faut-il l'exercer de façon cohérente et lisible. S'ils sont désireux de réaliser une réforme car ils pensent qu'elle correspond à une attente de leur électorat, alors ils peuvent se saisir de l'instrument idoine : la proposition de loi. C'est parfaitement démocratique.

C'est ce que firent certains d'entre eux, reprenant dans une proposition de loi RIP plusieurs mesures censurées par le Conseil. Cette dernière n'a pas davantage prospéré, mais en raison d'une inconstitutionnalité matérielle, cette fois, ce qui n'est guère inintéressant. Examinant la recevabilité et la constitutionnalité de toute proposition de loi déposée dans ce cadre, le Conseil constitutionnel aurait pu retenir qu'elle ne rentrait pas dans le champ ouvert par l'article 11 de la Constitution. En effet, lors des débats législatifs sur la révision constitutionnelle de 1995, qui a élargi le champ référendaire, Jacques Toubon, garde des Sceaux, a plusieurs fois indiqué que cet élargissement ne saurait permettre un référendum sur le statut des étrangers(14). Cependant, la présente proposition de loi ne concernait pas tant leur statut que leur droit d'accès à certaines prestations sociales et le Conseil a donc retenu qu'elle portait sur une réforme relative à la politique sociale de la nation.

Il a préféré se placer sur le terrain de la constitutionnalité matérielle, ce qui a pour conséquence d'empêcher toute réforme de type similaire, tant que la Constitution n'est pas révisée. Se fondant sur les dixième et onzième alinéas du Préambule de la Constitution de 1946, il a rappelé que ces dispositions impliquaient « la mise en œuvre d'une politique de solidarité nationale en faveur des personnes défavorisées »(15). Cependant, selon sa jurisprudence constante qu'il a rappelée en l'espèce, les étrangers ne sont pas placés dans la même situation que les nationaux et le législateur peut prendre à leur égard des dispositions spécifiques. Il lui appartient alors « de respecter les libertés et droits fondamentaux de valeur constitutionnelle reconnus à tous ceux qui résident sur le territoire de la République. Ils doivent cependant être conciliés avec la sauvegarde de l'ordre public qui constitue un objectif de valeur constitutionnelle. En outre, les étrangers jouissent des droits à la protection sociale, dès lors qu'ils résident de manière stable et régulière sur le territoire français »(16). Il reconnaît ainsi que la Constitution ne s'oppose pas « à ce que le bénéfice de certaines prestations sociales dont jouissent les étrangers en situation régulière sur le territoire français soit soumis à une condition de durée de résidence ou d'activité »(17), mais à la condition que cette durée ne soit pas telle qu'elle priverait de garanties légales les exigences constitutionnelles précitées. Or la condition de durée prévue par la proposition de loi examinée (résidence en France d'au moins cinq ans ou d'affiliation au titre d'une activité professionnelle d'au moins trente mois) porte une atteinte disproportionnée à ces exigences.

Voilà qui constitue un frein constitutionnel sérieux à l'égard de toute réforme excessivement discriminante à l'égard des étrangers en cette matière et qui s'appliquerait donc quelle que soit la majorité au pouvoir.

Valorisation patrimoniale des restes du corps : décision n° 2023-1075 QPC du 18 janvier 2024, Société Europe métal concept [Récupération et valorisation des métaux issus d'une crémation], par E. [Cartier]

Cette décision, passée presque inaperçue, ouvre pourtant une réflexion à la fois juridique, éthique et philosophique sur l'évolution de notre rapport à l'être humain et à son corps dans un contexte propice à la complémentarité, parfois nécessaire, entre l'homme et la machine et, plus généralement, entre la chose et le corps, qui trouve un écho particulier à l'aune du succès remporté par les jeux paralympiques de Paris et des exploits réalisés par ces athlètes aux corps « augmentés ». Elle se déploie bien entendu au-delà du sport et de ses exigences de performance, dans la vie de tous les jours pour de nombreuses personnes et a vocation à se développer à mesure que la population vieillit et que les progrès techniques rendent possible non seulement la compensation d'un handicap moteur (fins médicales) mais aussi l'augmentation des performances de la motricité humaine ordinaire, voire de son intellect avec les perspectives exponentielles et inquiétantes d'hybridation entre le cerveau humain et l'informatique (fins non exclusivement médicales).

Cette complémentarité fonctionnelle se traduit durant la vie de la personne par une véritable incorporation, laquelle s'accompagne, sur le plan juridique, de la protection rattachée au principe constitutionnel de dignité de la personne humaine, dont le prolongement post mortem pouvait être questionné à cette même échelle normative. Une prothèse, dès lors qu'elle est incorporée au corps humain, constitue en effet durant la vie de la personne un élément de ce corps, donc par nature indisponible et hors commerce. Elle devient, une fois incorporée, « personne par destination » ou « personne par incorporation »(18). Or la rareté des métaux dont elles sont constituées permettait d'envisager leur valorisation économique post mortem, a fortiori lorsque le corps du défunt a fait l'objet d'une crémation, dans le cadre d'un marché non négligeable. Les enjeux économiques et environnementaux (s'agissant d'une opération de recyclage de métaux précieux dont l'extraction comporte souvent un coût environnemental élevé) étaient donc importants. Ils donnaient lieu, avant leur réglementation par le législateur, à une activité économique spécifique. Les métaux en question étaient en effet considérés comme des déchets, récupérés puis cédés par les gestionnaires de crématorium à des entreprises spécialisées dans leur recyclage et leur valorisation économique subséquente sans qu'aucune règle ne vienne entraver leur activité.

La QPC en cause a été soulevée dans le cadre d'un contentieux de type Alitalia par une entreprise dont l'activité consiste précisément, à l'échelle européenne, en la revalorisation des métaux précieux issus de la crémation, et par des établissements de santé. Pour rappel, ce type de stratégie processuelle donne la possibilité de former, sans limitation de délai, un contentieux contre tout acte réglementaire se trouvant dans le champ d'une disposition législative, en suscitant une décision implicite ou explicite de refus d'abrogation de la part du pouvoir réglementaire : décision directement attaquable devant le Conseil d'État(19).

La QPC soulevée à l'occasion de ce contentieux portait sur l'article L. 2223-18-1-1 du code général des collectivités territoriales, dans sa rédaction issue de la loi n° 2022-217 du 21 février 2022 dite 3DS, qui, au regard de l'accroissement du recours à l'incinération post mortem, définit un régime de recyclage et de valorisation économique, après incinération, des éléments métalliques issus de ce processus, intégrés antérieurement au corps des défunts ou non (bijoux et composants métalliques du cercueil). Le texte flèche, par ailleurs, la destination du produit de la cession en l'affectant exclusivement au financement de la prise en charge des frais d'obsèques des « personnes dépourvues de ressources suffisantes » ou à « des dons à des fondations ou associations d'intérêt général ».

La crémation justifie ainsi, selon la loi en cause, un changement d'affectation et de nature des éléments métalliques intégrés au corps du défunt, dès lors que le procédé conduit par principe à les désincorporer juridiquement, au-delà de leur désincorporation fonctionnelle (faute d'utilité post mortem). C'est cette dissociation juridique post mortem qui était à titre principal contestée par la société requérante au nom de l'atteinte au principe de dignité de la personne humaine. Était aussi contesté, à titre secondaire et alternatif, au nom de l'atteinte au droit de propriété, le principe de l'appropriation de ces éléments mobiliers par le seul gestionnaire du crématorium (et leur valorisation économique subséquente), contrairement aux cendres du défunt qui demeurent propriété de la famille et leur sont dès lors restituées. La loi sur ce point est très claire puisque l'article L. 2223-18-1-1, § I. dispose que, « sans considération de leur origine, les métaux issus de la crémation ne sont pas assimilés aux cendres du défunt », qu'il s'agisse de ceux issus de prothèses ou de tout autre objet issu de la crémation. La crémation aurait donc comme effet de déposséder les ayants droit du défunt des biens meubles issus de la crémation, y compris des prothèses, du fait de leur dissociation matérielle et fonctionnelle du corps du défunt et de ses restes. Le Conseil constitutionnel n'avait jamais eu à appliquer le principe de dignité de la personne humaine post mortem(20), bien que son extension à ce domaine ne surprenne pas dans la mesure où le législateur lui-même lui a donné cette portée via l'article 16-1-1 du code civil qui dispose que « le respect dû au corps humain ne cesse pas avec la mort », quel que soit le degré de décomposition ou la nature de cette décomposition (naturelle ou par crémation), ce qu'a précisé le législateur en 2008(21), en ajoutant que « les restes des personnes décédées, y compris les cendres de celles dont le corps a donné lieu à crémation, doivent être traités avec respect, dignité et décence »(22).

Tout en affirmant pour la première fois la portée post mortem du principe constitutionnel, le Conseil confirme le principe de dissociation juridique des résidus métalliques issus de la crémation du corps humain posé par le législateur et par conséquent leur valorisation économique potentielle.

Quant à l'atteinte au droit de propriété des ayants droit par leur non-intégration à l'actif successoral en vertu de la loi(23), le Conseil ne la reconnaît pas, relevant que les ayants droit peuvent le faire prévaloir avant de recourir à l'incinération « en vertu de la loi successorale » et que la loi dont le régime d'appropriation des résidus métalliques en question par un tiers poursuit un « but d'intérêt général », prévoit leur complète information(24) avant et lors de la signature de la convention d'incinération avec le crématorium, contrairement à ce que le requérant avançait. On notera que seuls sont alors concernés les biens meubles dissociés du corps du défunt avant le recours à la crémation (bijoux notamment mais aussi prothèses amovibles) et non ceux qui y sont incorporés. Pour ces derniers, leur récupération avant incinération supposerait en effet de procéder à une extraction via une opération chirurgicale post mortem dans le cadre d'un régime juridique bien particulier présupposant au préalable le consentement de la personne(25). Le recours à la crémation, seule voie de valorisation de ces éléments incorporés au corps du défunt, implique par conséquent la renonciation des ayants droit à leur droit de propriété sur ces derniers.

Bien que relativement claire, cette décision n'en demeure pas moins assez pauvre sur le fond. On aurait en effet souhaité que le Conseil détaille davantage l'objectif poursuivi par le législateur en la matière qui, au-delà de la valorisation de ces résidus, aurait pu aussi s'inscrire dans une logique de développement durable en lien avec l'objectif constitutionnel de protection de l'environnement tel qu'il résulte de la Charte de l'environnement(26). On aurait aussi aimé que le Conseil précise les limites de l'exercice du droit de propriété des ayants droit, au-delà de la simple référence à « la loi successorale » qui semble donner un blanc-seing au législateur, alors que les résidus métalliques issus de prothèses non dissociables du corps du défunt avant crémation doivent être considérés comme bénéficiant de la même protection que le corps en question et demeurer hors commerce. Cette indisponibilité devrait être comprise au sens large, y compris dans l'hypothèse d'une extraction facilitée par l'évolution de la technologie qui, dans ce domaine, sera sans doute amenée, compte tenu des enjeux économiques et environnementaux, à penser non seulement l'implantation mais l'extraction de ces éléments, a fortiori dans la perspective de l'augmentation des capacités humaines à des fins non médicales.

Valorisation patrimoniale de l'image du corps : décision n° 2023-1081 QPC du 15 mars 2024, Société Premium Models [Taux dérogatoires des cotisations sociales des assurés sociaux non fiscalement domiciliés en France II], par E. [Cartier]

La présente décision intervenue à l'occasion d'un contentieux fiscal, sans bouleverser l'économie de la jurisprudence du Conseil, illustre la réception par ce dernier de l'évolution déjà ancienne du système de financement de la Sécurité sociale : d'un système bismarckien reposant sur les cotisations sociales et assis sur les revenus d'activité, à un système mixte, de plus en plus beveridgien, reposant sur la fiscalité, indépendamment de la nature des revenus grevés par les prélèvements sociaux, selon une logique d'universalisation des couvertures sociales. La soutenabilité économique de cette mutation repose en grande partie sur un principe de solidarité sociale au prisme d'une véritable justice sociale. L'évolution de notre modèle de financement s'est illustrée en 1991 par la création de la CSG dont le taux et l'assiette ont constamment augmenté, complétée par la « *contribution au remboursement de la dette sociale » (CRDS) et par le « prélèvement de solidarité »(27), tous ces prélèvements se rattachant à la catégorie des « impositions de toute nature » dont la création relève de la compétence du législateur, conformément à l'article 34 de la Constitution. Les non-résidents fiscaux percevant leurs revenus en France, affiliés à titre obligatoire à la Sécurité sociale française, font l'objet d'un traitement à part, une partie importante de leurs revenus d'activité étant par exemple exemptée de CSG. L'évolution du modèle de financement de la Sécurité sociale s'est traduite, selon un souci de justice sociale, par une baisse significative des cotisations sociales(28) perçues sur les revenus d'activité au profit d'une hausse des impositions.

Ce phénomène risquait de déboucher sur une contribution déséquilibrée entre les résidents fiscaux en France, redevables de ces prélèvements et les non-résidents fiscaux en France, redevables des seules cotisations sociales sur leurs revenus d'activité, en dépit de leur affiliation commune à la Sécurité sociale française. Ce déséquilibre et les « niches sociales » qu'il révélait, ont été progressivement compensés par le législateur depuis la fin des années 1990 via l'élargissement de l'assiette des impositions en la matière et l'application de taux particuliers (supérieurs à ceux applicables aux revenus des résidents fiscaux) dont le niveau est fixé par décret. C'est une des « niches sociales » en question qui est à l'origine de la QPC en cause qui portait sur l'extension par l'article L. 131-9 du code de la Sécurité sociale (CSS) - dans sa rédaction résultant de la loi n° 2011-1 906 du 21 décembre 2011 de financement de la Sécurité sociale pour 2012 - du régime de taux de cotisation dérogatoire à des revenus patrimoniaux, à savoir ceux perçus au titre du droit à l'image par les mannequins et artistes du spectacle non-résidents fiscalement en France, à l'occasion de l'exploitation de leur image à des fins publicitaires ou autre. La QPC a été soulevée devant le tribunal judiciaire de Paris dans le cadre d'un contentieux du recouvrement, à la faveur d'un litige opposant une société spécialisée dans le recrutement et placement de mannequins à l'URSSAF d'Île-de-France, à propos du montant majoré de cotisations spécifiques maladie, maternité, invalidité et décès, afférentes aux années 2012 à 2014, payé par ladite société. La QPC comportait par conséquent un enjeu financier potentiellement important.

Les moyens principaux développés par la société requérante étaient classiques dans le cadre d'un contentieux fiscal puisqu'était invoquée une double rupture d'égalité devant les charges publiques : d'une part, entre les mannequins et artistes du spectacle non-résidents et résidents fiscalement en France et, d'autre part, entre le régime fiscal des revenus du patrimoine de ces contribuables et ceux d'autres contribuables non domiciliés fiscalement en France. Était par ailleurs invoqué le principe même de la non-soumission de ce type de revenus (patrimoniaux) à cotisations sociales(29). Cette qualification, d'ailleurs reprise par le Conseil à titre liminaire(30), ainsi que le principe de l'affiliation de tel revenu à tel régime de prélèvement obligatoire, bien qu'en contradiction avec les dispositions expresses du CSS(31), relèvent de la loi, laquelle peut y déroger, comme ici, conformément à l'adage lex specialia generalibus derogat.

La société requérante lui demandait de censurer le dispositif législatif en question ou, a minima, de formuler une réserve d'interprétation de manière à encadrer strictement la détermination des taux dérogatoires applicables par le pouvoir réglementaire, afin qu'ils n'aboutissent pas à la rupture d'égalité devant les charges publiques susmentionnées. C'est cette dernière solution qui a été retenue par le Conseil, qui déclare que les dispositions en cause « ne sauraient, sans méconnaître les principes d'égalité devant la loi et devant les charges publiques, être interprétées comme autorisant le pouvoir réglementaire à fixer des taux particuliers de cotisations sociales de nature à créer des ruptures caractérisées de l'égalité dans la participation des assurés sociaux au financement du régime obligatoire dont ils relèvent »(32).

Cette solution pouvait s'appuyer, comme le suggérait d'ailleurs le requérant ainsi que la 2e chambre civile de la Cour de cassation dans sa décision de renvoi, sur une décision n° 2019-806 QPC rendue à propos de la première phrase de l'alinéa en cause ici(33). Le Conseil y avait validé le principe même de l'évolution du modèle de financement de la protection sociale(34) ainsi que l'objectif d'intérêt général poursuivi par le législateur, de participation « de manière équivalente au financement des régimes obligatoires d'assurance maladie » qui justifiait la différence de traitement dès lors qu'elle était en rapport direct avec l'objet de la loi l'ayant instaurée(35). C'est la même logique qui avait aussi conduit le Conseil, dans une décision n° 2017-756 DC, à valider, au visa des articles 6 et 13 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen, la suppression par le législateur des cotisations salariales d'assurance maladie combinée à l'augmentation de la CSG, à l'égard de certains revenus seulement(36).

Le contrôle opéré par le Conseil sur la double différence de traitement instaurée par le dispositif législatif en cause demeure classique(37) et les conclusions qu'il en tire ne surprennent pas, qu'il s'agisse du caractère objectif des différences de traitement (la résidence fiscale ou non pour les premières et l'affiliation obligatoire ou non au régime de Sécurité sociale), de la qualification d'« intérêt général » de l'objectif visé par le législateur ou de la rationalité du lien existant entre ces différences de traitement et l'objectif en question dans le cadre herméneutique rappelé par le Conseil, « d'un système de financement mixte de la protection sociale »(38).

On peut regretter le peu de profondeur du traitement des normes constitutionnelles mobilisées par le Conseil à propos des principes qui sous-tendent notre régime de Sécurité sociale, pourtant au cœur de notre pacte social depuis 1946. Cette décision demeure, comme souvent, « sèche », sur le plan doctrinal, l'oracle de la Constitution se contentant d'une analyse très formelle du droit et d'un raisonnement très circulaire hélas habituel concernant le principe d'égalité. Il ne faut cependant pas attendre du Conseil, à la différence des autres cours constitutionnelles européennes, qu'il élabore une doctrine à l'appui des normes qu'il mobilise ou des contrôles qu'il exerce sur la loi. Il n'en a en effet ni le temps, compte tenu des délais très courts qui encadrent son contrôle, ni sans doute la légitimité compte tenu de ses modalités de composition de plus en plus en décalage avec son office et les attentes d'une société démocratique ancrée dans l'État de droit(39). Ceci est vrai de manière générale et a fortiori sur des questions aussi sensibles que la dimension sociale de la République, pourtant rappelée à l'article 1er de notre Constitution et déclinée de manière évidente à l'échelle des droits et libertés fondamentaux (placés au cœur du contentieux de la QPC), tels les principes de solidarité, de fraternité et d'égalité, comme à l'échelle de nos institutions.

Faute de capacité et de légitimité à donner corps et esprit aux normes constitutionnelles, le Conseil en est le plus souvent réduit à fondre ses motifs dans le moule abscons et brut du syllogisme juridique, pensant gagner en clarté ce qu'il perd en profondeur. Ce faisant, il laisse à la doctrine le soin de construire les assises intellectuelles de ses raisonnements avec une force qui demeure à l'écart des lieux où le droit est conçu et produit, empêchant cette dernière de construire ce lien structurel avec le juge, et le juge lui-même de construire ce lien consubstantiel entre la société et le droit, conformément à la maxime fondamentale du droit romain ubi societas ibi jus. Ces critiques valent a fortiori pour le traitement du moyen reposant sur l'atteinte à la sécurité juridique, le Conseil offrant à ce propos le « service minimum » (même sur le plan syllogistique), écartant ad nutum les griefs des parties en se contentant de se référer à l'article 16 de la Déclaration de 1789 sans même développer les quelques avancées jurisprudentielles qui l'ont amené, depuis une quinzaine d'années, à limiter, sans reconnaître formellement un tel principe, au motif général de la garantie des droits, les « atteintes aux situations légalement acquises » et la remise en cause des « effets qui peuvent légitimement être attendus de telles situations »(40).

On comprend qu'en relevant que le dispositif législatif ne détermine pas lui-même les taux désormais applicables à ces revenus et « se borne » à poser le principe de leur application à ces derniers, le Conseil renvoie la question dans le champ du pouvoir réglementaire (compétent pour déterminer le montant de ces taux) où le juge administratif pourra déployer le principe général du droit de sécurité juridique encore sans véritable équivalent dans l'ordre constitutionnel. Mais, à défaut d'écarter ce moyen comme inopérant (ce qui aurait été justifié), un simple rappel d'une part de l'objectif visé par le législateur, a fortiori lorsqu'il suppose de corriger une injustice sociale, d'autre part, des limites posées à son intervention à l'égard des situations légalement acquises, aurait non seulement enrichi la motivation de la décision mais aurait aussi donné corps au dispositif législatif en même temps qu'il aurait contribué à renforcer le dialogue des juges et la complémentarité de leurs offices puisque le Conseil d'État sera a priori amené à intervenir.

(*) Professeur agrégé des facultés de droit à l’Univ. Lille, Directeur de ULR 4487 – CRDP (ERDP) – Centre « Droits et perspectives du droit (Équipe de recherche en droit public) », F-59 000 Lille, France

(**) Professeur agrégé des facultés de droit à l’Univ. Lille, ULR 4487 – CRDP (ERDP) – Centre « Droits et perspectives du droit (Équipe de recherche en droit public) », F-59 000 Lille, France ; Directeur scientifique du ForInCIP et de la revue Jurisdoctoria, auteur du blog La Constitution décodée.

(1): Cons. const., déc. n° 2024-870 DC du 10 juillet 2024.

(2): Cons. const., déc. n° 2023-860 DC du 21 décembre 2023, Loi de financement de la sécurité sociale pour 2024, paragr. 4.

(3): Cons. const., déc. n° 2024-871 DC du 24 juillet 2024.

(4): B. Mathieu et M. Verpeaux, « " Saisine sur saisine ne vaut " ou les insuffisances du contrôle de constitutionnalité à la française », Recueil Dalloz, 2001, p. 3374 à 3377.

(5): Cons. const., déc. n° 2001-449 DC du 4 juillet 2001, Loi relative à l'interruption volontaire de grossesse et à la contraception, cons. 3.

(6): Commentaire de la décision précitée, repris dans un article du Secrétaire général du Conseil constitutionnel de l'époque, J.-É. Schoettl, « Le Conseil constitutionnel peut-il être à nouveau saisi d'une loi non promulguée mais sur laquelle il a déjà statué ? », Les Petites Affiches, 13 juillet 2001, p. 23-24.

(7): Cons. const., déc. n° 85-198 DC du 13 décembre 1985, Loi modifiant la loi n° 82-652 du 29 juillet 1982 et portant diverses dispositions relatives à la communication audiovisuelle, laquelle marque une évolution notable au regard de la jurisprudence antérieure, rappelée quelques mois plus tôt (déc. n° 85-191 DC du 10 juillet 1985, Loi portant diverses dispositions d'ordre économique et financier). Alors que le Conseil retenait jusqu'alors que « l'article 45 de la Constitution ne comporte, après l'intervention de la commission mixte paritaire, aucune restriction au droit d'amendement du Gouvernement, sauf en dernière lecture devant l'Assemblée nationale ; qu'ainsi, au cours de la première lecture à l'Assemblée nationale suivant l'échec d'une commission mixte paritaire, le Gouvernement exerce son droit d'amendement dans les mêmes conditions que lors des lectures antérieures » (déc. n° 85-191 DC), il va considérer que « l'amendement qui est à l'origine de l'article 3-II de la loi n'était pas dépourvu de tout lien avec le projet de loi en discussion » (déc. n° 85-198 DC). Si, à l'époque, on pouvait ne pas s'émouvoir du changement de formulation, on relève aujourd'hui qu'il est annonciateur de la jurisprudence suivante.

(8): Cons. const., déc. n° 88-251 DC du 12 janvier 1989, *Loi portant diverses dispositions relatives aux collectivités territoriales *: le Conseil retient que « les adjonctions ou modifications ainsi apportées au texte en cours de discussion ne sauraient, sans méconnaître les articles 39, alinéa 1, et 44, alinéa 1, de la Constitution, ni être sans lien avec ce dernier, ni dépasser par leur objet et leur portée, les limites inhérentes à l'exercice du droit d'amendement qui relève d'une procédure spécifique » (cons. 4).

(9): Cons. const., déc. n° 2006-534 DC du 16 mars 2006, Loi pour le retour à l'emploi et sur les droits et les devoirs des bénéficiaires de minima sociaux.

(10): J. Maïa, « Le contrôle des cavaliers législatifs, entre continuité et innovations », in Titre VII. Les Cahiers du Conseil constitutionnel n° 3 et n° 4, octobre 2019 – avril 2020, p. 21.

(11): P. Avril, J. Gicquel, J.-É. Gicquel, Droit parlementaire, LGDJ-Lextenso, Paris, 5e édition, 2014, p. 241 (n° 281 bis).

(12): J. Maïa, « Le contrôle des cavaliers législatifs », préc., p. 22.

(13): À partir de la décision n° 2019-794 DC du 20 décembre 2019, Loi d'orientation des mobilités.

(14): On peut consulter le rapport élaboré à l'Assemblée nationale, en 1re Lecture (Rapport n° 2138, Xe Législature, 5 juillet 1995), ainsi que les débats parlementaires, notamment à l'Assemblée nationale, en 1re puis en 2e Lectures, plus particulièrement lorsque sont discutés (et rejetés) des amendements tendant à exclure le « statut des étrangers » du champ référendaire.

(15): Cons. const., déc. n° 2024-6 RIP du 11 avril 2024, paragr. 9, dans le prolongement d'une jurisprudence notamment issue de la décision n° 2009-599 DC du 29 décembre 2009, Loi de finances pour 2010, cons. 101.

(16): Cons. const., déc. n° 2024-6 RIP du 11 avril 2024, paragr. 10, dans le prolongement d'une jurisprudence notamment issue de la décision n° 93-325 DC du 13 août 1993, Loi relative à la maîtrise de l'immigration et aux conditions d'entrée, d'accueil et de séjour des étrangers en France, cons. 3.

(17): Cons. const., déc. n° 2024-6 RIP du 11 avril 2024, paragr. 12.

(18): Sur ces questions passionnantes sur le plan juridique, voir X. Labbée, « L'homme robotisé », In C. Lindenmeyer (dir.), L'humain et ses prothèses. Savoirs et pratiques du corps transformé, éd. du CNRS, p. 137-154.

(19): En l'espèce, la QPC a été soulevée à l'occasion d'un recours pour excès de pouvoir de la société Europe métal concept contre la décision implicite par laquelle la Première ministre a rejeté sa demande d'abrogation du décret n° 2022-1127 du 5 août 2022 portant diverses mesures relatives à la réglementation funéraire.

(20): Principe déduit par le Conseil constitutionnel en 1994, à partir du Préambule de la Constitution de 1946, v. déc. n° 94-343/344 DC du 27 juillet 1994, Lois bioéthiques.

(21): Avant cette loi, les cendres, leur utilisation et leur stockage faisaient l'objet de pratiques contestables, comme la création de bijoux, leur dispersion dans des jardins privés ou des cours d'eau, etc.

(22): Protection dont la violation fait l'objet de sanctions pénales lourdes (article 225-17 du code pénal).

(23): Le Conseil d'État avait eu l'occasion, dans un avis rendu sur un projet de décret en 2020, de rappeler que les métaux en question faisaient partie du patrimoine du défunt, et que le principe de leur récupération exclusive par le gestionnaire du funérarium touche « aux principes fondamentaux de la propriété, matière qui relève de la loi en vertu de l'article 34 de la Constitution », Avis n° 401820 du 26 janvier 2021 rendu public le 31 mars 2021.

(24): Y compris en ce qui concerne les règles d'affectation du produit éventuel de leur cession.

(25): Le prélèvement d'éléments du corps humain sur le cadavre n'est pas considéré comme une atteinte à la dignité du corps humain mais ne peut être réalisé à ce jour qu'à titre gratuit (sous la forme d'un don) et à des fins thérapeutiques ou scientifiques, sous réserve du consentement préalable exprès de la personne, à la différence des « organes » pour lesquels le consentement est présumé, C. Manaouil, « La nouvelle législation concernant les prélèvements d'organes à visée thérapeutique et à visée scientifique », LPA, 18 févr. 2005, n° 35.

(26): Cons. const., déc. n° 2019-823 QPC du 31 janvier 2020, Union des industries de la protection des plantes.

(27): Applicable aux non-résidents disposant de revenus financiers ou immobiliers en France.

(28): Sur la différence entre une imposition et une cotisation sociale (laquelle « ouvre vocation à des droits aux prestations et avantages servis par les régimes de sécurité sociale »), v. déc. n° 93-325 DC du 13 août 1993, Loi relative à la maîtrise de l'immigration et aux conditions d'entrée, d'accueil et de séjour des étrangers en France, cons. 119 ; déc. n° 2018-735 QPC du 27 septembre 2018, M. Xavier B. et autres, paragr. 9-10.

(29): Conformément à la définition qu'en donne l'article L7123-6 du code du travail, axée sur l'absence de nécessité de « la présence physique du mannequin ».

(30): Paragr. 7.

(31): Article L242-1 CSS : « Les cotisations de sécurité sociale [...] sont assises sur les revenus d'activité ».

(32): Paragr. 11.

(33): Cons. const., déc. n° 2019-806 QPC du 4 octobre 2019, M. Gilbert A. [Taux dérogatoires des cotisations sociales des assurés sociaux non fiscalement domiciliés en France].

(34): Ibid., paragr. 8.

(35): Ibid., paragr. 9.

(36): Cons. const., déc. n° 2017-756 DC du 21 décembre 2017, Loi de financement de la sécurité sociale pour 2018.

(37): Selon la formule tout aussi classique et redondante qui précise que le principe d'égalité devant la loi « ne s'oppose ni à ce que le législateur règle de façon différente des situations différentes, ni à ce qu'il déroge à l'égalité pour des raisons d'intérêt général, pourvu que, dans l'un et l'autre cas, la différence de traitement qui en résulte soit en rapport direct avec l'objet de la loi qui l'établit », déc. n° 96-375 DC du 9 avril 1996, Loi portant diverses dispositions d'ordre économique et financier, cons. 8 ; pour un exemple récent, déc. n° 2023-1049 QPC du 26 mai 2023, Société Nexta 2022.

(38): Paragr. 10.

(39): Des propositions ont été faites en ce sens au sein du GRÉCI, Groupe de réflexion sur l'évolution de la Constitution et des institutions, notamment celle formulée avec E. Lemaire, cf. « Proposition n° 101 : Dépolitiser le Conseil constitutionnel », J.-Ph. Derosier (dir.), 65 ans de Ve République : une analyse prospective de la Constitution. Propositions du GRÉCI, LexisNexis, Paris, 2024, p. 345 à 346.

(40): Const. const., déc. n° 2005-530 DC du 29 décembre 2005, Loi de finances pour 2006, cons. 45 et 46 ; déc. n° 2014-435 QPC du 5 décembre 2014, M. Jean-François V., cons. 4, 5, 7, 9 et 10 ; déc. n° 2023-1065 QPC du 26 octobre 2023, Association France énergie éolienne et autres, paragr. 3 (en matière contractuelle) ; déc. n° 2023-1052 QPC du 9 juin 2023, M. Frédéric L., paragr. 6 (à propos du régime d'anonymat des tiers donneurs de gamètes ou d'embryons) ; déc. n° 2019-819 QPC du 7 janvier 2020, Société Casden Banque populaire, paragr. 23 (en matière fiscale).

Citer cet article

Emmanuel CARTIER ; Jean-Philippe DEROSIER. « Chronique de droits fondamentaux et libertés publiques (janvier 2024 à juin 2024) », Titre VII [en ligne], n° 13, L'environnement, novembre 2024. URL complète : https://www.conseil-constitutionnel.fr/publications/titre-vii/chronique-de-droits-fondamentaux-et-libertes-publiques-janvier-2024-a-juin-2024