À l'heure où certains privatistes s'interrogent - explicitement sans malice, mais peut-être pas sans arrière-pensées - sur la sanction d'un éventuel « abus du droit de soulever une question prioritaire de constitutionnalité »(1), le succès ne se dément pas pour cette procédure qui va bientôt fêter ses dix ans d'existence. À tel point que la QPC, sur le plan de la numérotation, a symboliquement « dépassé » les décisions DC au cours du printemps 2019(2). Durant cette période, peu de matières relevant du droit privé auront échappé à la sagacité des plaideurs, que les dispositions contestées émanent de l'auguste code civil ou de lois plus discrètes, parfois anciennes, plus souvent très récentes, que ces dispositions soient fameuses ou au contraire très techniques et connues d'un faible nombre de spécialistes. Finalement, seule la jurisprudence de la Cour de cassation continue d'échapper à la QPC(3) quand elle ne prend pas appui sur un texte (ou un texte-prétexte)(4) - à moins, dans ce cas, que le Conseil d'État, un peu revanchard, n'ait l'occasion de transmettre cette règle jurisprudentielle concurrente au Conseil constitutionnel, comme l'a montré de manière singulière une affaire récente dans le domaine du droit pénal(5). Quoi qu'il en soit, cette chronique couvrant le premier semestre de l'année 2019 témoigne à nouveau de la variété des questions soumises au contrôle a posteriori du Conseil constitutionnel - questions qui, selon un vocabulaire civiliste, concernent aussi bien les personnes (souvent sous l'angle de la protection de leur vie privée) que les biens (droit de propriété et liberté d'entreprendre en tête). Cette dizaine de QPC, dont le poids jurisprudentiel global est somme toute relatif, s'accompagne d'une éléphantesque décision de contrôle a priori portant sur la loi du 23 mars 2019 de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice(6) (décision de 93 pages, aux 395 paragraphes...). Si tant est qu'un plan satisfaisant puisse émerger de ce magma constitutionnel, nous nous intéresserons d'abord aux questions touchant à l'être, avant d'examiner, ensuite et plus longuement, celles qui relèvent de l'avoir. L'essentiel de la décision n° 778 DC relative à la nouvelle « loi justice » (qu'accompagne une décision connexe, rendue le même jour, au sujet de la loi organique relative au renforcement de l'organisation des juridictions ; déc. n° 779 DC) sera gardé pour la fin.

Parmi toutes ces décisions, la plus remarquable est certainement celle portant sur le nouvel article 388 du code civil, lequel fixe, depuis 1974, l'âge de la majorité à « dix-huit ans accomplis » et traite, depuis 2016, des examens médicaux qui peuvent être pratiqués sur une personne afin de déterminer son âge (décision n° 2018-768 QPC du 21 mars 2019, M. Adama S. )(7). Texte très controversé, voté par une majorité « de gauche » le 14 mars 2016 (loi relative à la protection de l'enfant...), le deuxième alinéa de l'article 388 du code civil prévoit que « les examens radiologiques osseux aux fins de détermination de l'âge, en l'absence de documents d'identité valables et lorsque l'âge allégué n'est pas vraisemblable, ne peuvent être réalisés que sur décision de l'autorité judiciaire et après recueil de l'accord de l'intéressé » ; son troisième alinéa ajoute que « les conclusions de ces examens, qui doivent préciser la marge d'erreur, ne peuvent à elles seules permettre de déterminer si l'intéressé est mineur. Le doute profite à l'intéressé ». Au regard de l'objectif manifeste de ces dispositions, qui est de lutter contre l'immigration illégale - en évitant que les personnes concernées ne mentent sur leur âge pour profiter de certaines règles plus favorables aux mineurs qu'aux majeurs(8), notamment en matière d'accueil sur le sol français(9) -, leur place au sein du code civil est discutable. Sur le fond, surtout, le recours à ces examens médicaux a été très critiqué, pour diverses raisons, non seulement par des associations de défense des droits de l'homme(10), mais encore par une bonne partie de la communauté scientifique qui doutait - et doute encore - de leur fiabilité(11). En 2016, la volonté du législateur a été d'encadrer la pratique de ces examens qui n'étaient prévus que par une circulaire du 31 mai 2013 les autorisant, en cas de doute quant à la minorité, sur réquisitions du parquet. C'est dans ce contexte passablement sulfureux que la présente QPC a été soulevée par le requérant, jeune guinéen initialement confié à l'aide sociale à l'enfance (ASE) qui avait d'abord refusé de se soumettre à une expertise osseuse avant d'« échouer » ensuite à celle-ci, lorsqu'elle fut prescrite par le juge sur le fondement de l'article 388 du code civil. Plusieurs arguments constitutionnels étaient dirigés contre ce texte, griefs auxquels le Conseil n'a pas accordé la même importance. Ainsi sont rapidement balayés les principes de sauvegarde de la dignité de la personne humaine et de l'inviolabilité du corps humain, au motif qu'ils manquent en fait : « Les examens radiologiques osseux contestés visent uniquement à déterminer l'âge d'une personne et ne peuvent être réalisés sans son accord. Ils n'impliquent aucune intervention corporelle interne et ne comportent aucun procédé douloureux, intrusif ou attentatoire à la dignité des personnes » (§ 18), motif qui rappelle celui développé au sujet du fichier national des empreintes génétiques (FNAEG) dans l'une des premières QPC(12). De même sont écartés le droit au respect de la vie privée (§ 20), manifestement hors de cause au regard de sa conception constitutionnelle, ainsi que le droit à la protection de la santé que garantit le onzième alinéa du Préambule de la Constitution de 1946 (§ 14 et s.). Sur ce dernier point, les sages confirment que leur contrôle est restreint et ne permet de sanctionner que les erreurs manifestes d'appréciation (ce qui n'est jamais advenu en pratique...) : « Il n'appartient pas au Conseil constitutionnel de substituer son appréciation à celle du législateur sur les conséquences sur la santé de la réalisation d'un examen radiologique osseux, dès lors que cette appréciation n'est pas, en l'état des connaissances, manifestement inadéquate » (§ 14). Le paragraphe suivant renvoie aux garanties instituées par le législateur qui sont longuement développées au sujet du dernier grief dirigé contre l'article 388 du code civil : l'« exigence de protection de l'intérêt supérieur de l'enfant » (§ 6). Sur le fondement de la protection de la santé, le Conseil édicte toutefois une quasi-réserve (qui ne dit pas ouvertement son nom(13) en jugeant que l'examen radiologique osseux ne peut être ordonné, outre les conditions prévues par la loi, qu'« en tenant compte d'un avis médical qui le déconseillerait à raison des risques particuliers qu'il pourrait présenter pour la personne concernée » (§ 15) - on peut penser, par exemple, à la situation des jeunes filles enceintes. Cette limite est pleinement justifiée dans la mesure où l'expertise est ici dénuée de toute finalité médicale. L'essentiel de la décision est ensuite consacré à l'exigence de protection de l'intérêt supérieur de l'enfant, que le Conseil rattache aux dizième et onzième alinéas du Préambule de 1946(14). Ce n'est certes pas la première fois que le Conseil constitutionnel fait ainsi référence à l'intérêt l'enfant, non seulement dans le giron du droit de la famille (au sens moderne et parfois fuyant du terme : décisions relatives au Pacs en 1999(15), au mariage homosexuel en 2013(16), au divorce sans juge en 2016(17), mais aussi, plus récemment, en dehors du strict droit de la famille, ainsi que le souligne son service juridique qui fait référence à la décision du 6 septembre 2018 rendue au sujet du placement des mineurs en rétention ou en zone d'attente(18) ; le droit de mener une vie familiale normale se heurtait alors à « des considérations d'ordre public liées à la lutte contre l'immigration irrégulière »(19), considérations assez proches, en vérité, de celles de l'espèce, mais qui n'apparaissent jamais dans cette nouvelle décision, en raison du rattachement artificiel des règles ici contestées au droit civil. Par rapport à l'ensemble de ces précédents, la décision n° 768 QPC conforte clairement la protection de l'intérêt de l'enfant en tant qu'exigence constitutionnelle(20) et présente deux nouveautés. La plus ostensible, à défaut d'être la plus décisive, est l'ajout de l'adjectif « supérieur » à la notion d'intérêt, dans la droite ligne de la Convention internationale des droits de l'enfant (CIDE) signée à New York en 1989 (art. 3, al. 1er) et de la jurisprudence de la Cour de cassation où pullulent les références à l'intérêt « supérieur » de l'enfant depuis plus de dix ans. Supérieur à qui ? Supérieur à quoi ? Le mystère est loin d'être levé ! Le service juridique du Conseil avoue toutefois que cela n'a pas grande importance, les sages ayant seulement cédé à la mode : « Cette harmonisation [avec l'expression usuellement utilisée en droit international] ne modifie (...) pas la portée de l'exigence constitutionnelle de protection de l'intérêt de l'enfant »(21). Seconde nouveauté apportée par la décision n° 768 QPC, « la protection de l'intérêt de l'enfant ne s'inscrit pas uniquement dans un cadre familial, mais peut s'étendre à d'autres aspects de la vie en société. En acceptant de contrôler les dispositions contestées au regard de l'exigence constitutionnelle de protection de l'enfant, le Conseil constitutionnel a d'ailleurs jugé en l'espèce que cette exigence pouvait s'appliquer à des dispositions autres que celles relatives à la famille »(22). Pour l'application concrète du principe, une petite difficulté logique restait encore à résoudre : pour que puisse jouer la protection de l'intérêt (supérieur ou inférieur, peu importe) de l'enfant, encore faut-il que l'intéressé soit... un enfant - c'est-à-dire, semble-t-il, un mineur(23), les dispositions contestées ayant seulement pour objet de réglementer la preuve de ce fait en principe objectif. Le Conseil a facilement résolu cette équation en jugeant que le principe de la protection de l'intérêt de l'enfant « impose que les mineurs présents sur le territoire national bénéficient de la protection légale attachée à leur âge(24). Il s'ensuit que les règles relatives à la détermination de l'âge d'un individu doivent être entourées des garanties nécessaires afin que des personnes mineures ne soient pas indûment considérées comme majeures » (§ 6). Or, pour le Conseil constitutionnel, les garanties instituées par l'article 388 du code civil sont suffisantes, quand bien même « il est établi [en l'état des connaissances scientifiques] que les résultats [des examens radiologiques osseux] peuvent comporter une marge d'erreur significative » (§ 7). Quatre séries de garanties sont précisément visées par les sages, lesquels ont tout de même décidé d'apporter leur grain de sel à celles-ci, sans formuler cependant, encore une fois, de réserve expresse, ce qui est regrettable. La première garantie, de nature procédurale, est que « seule l'autorité judiciaire peut décider de recourir à un tel examen » (§ 8 ; va donc pour le parquet !). La deuxième garantie, également tirée de la lettre du code civil, est que l'examen médical « ne peut être ordonné que si la personne en cause n'a pas de documents d'identité valables et si l'âge qu'elle allègue n'est pas vraisemblable » (§ 9). Si la première exigence revêt un certain seuil d'objectivité au regard de l'article 47 du code civil(25), il n'en va évidemment pas de même pour la seconde(26), et c'est peut-être la raison pour laquelle le Conseil prend soin d'ajouter qu'« il appartient à l'autorité judiciaire de s'assurer du respect du caractère subsidiaire de cet examen » (§ 9 in fine). Dans son commentaire (p. 20), le service juridique voit de la solennité dans cette formule ; de notre côté, nous n'y voyons qu'une vague invitation (pas même une réserve(27) dont l'« autorité judiciaire » (du parquet jusqu'au juge éventuellement saisi) fera ce qu'elle veut. De manière plus nette, le Conseil apporte deux précisions à la troisième garantie prévue par l'article 388 du code civil : le « recueil de l'accord de l'intéressé » que les sages traduisent, de manière plus précise, en une exigence de « consentement éclairé [exprimé] dans une langue que [l'intéressé] comprend » (§ 10). On relèvera qu'en matière pénale, c'est une même exigence de consentement éclairé, selon des modalités adaptées à l'âge des enfants, qui a conduit à la récente censure de l'audition libre des mineurs(28), cette décision devant elle-même être rapprochée de celle, à peine plus ancienne, relative à la garde à vue des majeurs protégés(29). Ainsi se dessinent des règles constitutionnelles spécifiques favorables aux personnes les plus faibles, en droit civil comme en droit pénal. Au regard du caractère mécanique avec lequel peut être traitée la situation des mineurs étrangers isolés (pudiquement dits « mineurs non accompagnés » de nos jours), les précisions apportées par le Conseil sont loin d'être inutiles - encore que l'on puisse douter, une nouvelle fois, de leur portée pratique, si l'on veut bien considérer que les personnes concernées sont jeunes (vraisemblablement) et souvent complètement déracinées quand elles arrivent sur le sol français, leur faiblesse civile se doublant d'une détresse sociale. Plus que sur les autorités publiques (administratives, judiciaires ou médicales), c'est sur les associations d'aide aux étrangers qu'il faudra compter pour tenter d'éclairer le consentement des mineurs(30), pour que celui-ci présente une once de sérieux, en fonction des intérêts qui sont les leurs. De manière a priori plus exigeante, le Conseil ajoute (toujours sans formuler de réserve, ce qui est, ici, particulièrement étrange) qu'« à cet égard, la majorité d'une personne ne saurait être déduite de son seul refus de se soumettre à un examen osseux » (§ 10 in fine). Cette formulation s'inspire de celle retenue par la Cour de cassation au sujet de l'expertise biologique en matière de droit de la filiation, règle jurisprudentielle à l'inspiration néanmoins très différente puisqu'un droit à l'expertise est alors affirmé, qui a été à l'origine d'un très abondant contentieux pour en cerner l'exacte portée(31)... En vérité, les choses devraient être plus simples au sujet des examens radiologiques osseux, en raison même de leur fiabilité relative par rapport à la preuve quasi parfaite que constitue l'examen biologique en matière de filiation : les « tests osseux » étant moins fiables, il y aurait, en ce sens, moins de tentation de décider que l'intéressé est majeur du fait qu'il refuse de s'y soumettre. Voilà pour la théorie. Car, en pratique, on pressent facilement que la tentation contraire risque d'être particulièrement forte... Est-ce la raison pour laquelle les sages ont fait l'économie d'une réserve qui n'aurait fait que nuire, par son ineffectivité probable, à l'autorité de son office ? On n'osera pas le croire ! La quatrième garantie découverte par les sages suscite à peu de chose près le même sentiment. Recopiant d'abord l'article 388, 3e alinéa, du code civil, le Conseil relève qu'« en dernier lieu, le législateur a pris en compte, dans les garanties qu'il a établies, l'existence de la marge d'erreur entourant les conclusions des examens radiologiques. D'une part, il a imposé la mention de cette marge dans les résultats de ces examens. D'autre part, il a exclu que ces conclusions puissent constituer l'unique fondement dans la détermination de l'âge de la personne » (§ 11). Précisant ensuite le sens de cette règle, le Conseil décide qu'« il appartient donc à l'autorité judiciaire d'apprécier la minorité ou la majorité de [l'intéressé] en prenant en compte les autres éléments ayant pu être recueillis, tels que l'évaluation sociale ou les entretiens réalisés par les services de la protection de l'enfance ». Comme pour la précédente garantie, il se pourrait bien que ces précisions fassent long feu - et les faits de la présente affaire l'illustrent parfaitement (de manière heureuse ou malheureuse, selon l'opinion de chacun). Un auteur nous apprend, en effet, qu'en l'espèce le jeune requérant produisait différents documents attestant de sa minorité et que l'enquête sociale confirmait celle-ci. Le parquet n'en a pas moins demandé l'expertise, qui a conduit à le considérer comme majeur(32). Telle est la force de l'expertise, contre laquelle les considérations du Conseil constitutionnel font figure de poudre de perlimpinpin très amère. Le doute est néanmoins censé profiter à l'intéressé, comme l'exige expressément l'article 388 du code civil et comme se contente de le rappeler le Conseil dans son dernier motif (§ 11 in fine), avant de conclure, dans un paragraphe autonome de deux lignes, probablement destiné à mettre en valeur son contenu, qu'« il appartient aux autorités administratives et judiciaires compétentes de donner leur plein effet aux garanties précitées » (§ 12). L'avenir dira si les six pages embarrassées de la décision du Conseil, assortie de ces fameuses « réserves du pauvre »(33), changeront quelque chose à la pratique. Et le vrai défenseur des droits et libertés, finalement, ne pourra être que le juge ordinaire, s'il le veut bien. Au fond, la décision n° 768 QPC a clairement le mérite de montrer l'insuffisance, dans certains cas, d'un contrôle purement abstrait de la conformité des lois aux droits et libertés fondamentaux. Et il est regrettable que cette insuffisance se révèle avec tant de netteté à l'occasion de la consécration d'une exigence aussi belle et primordiale que celle de la protection de l'intérêt de l'enfant.

Pour couronner la chose, il faut en outre signaler que le Conseil a fait une seconde application platonique de cette exigence dans sa décision rendue le même jour à propos de la loi du 23 mars 2019 de réforme pour la justice (décision n° 2019-778 DC du 21 mars 2019, § 57 et s.). Les griefs tirés du respect de l'intérêt de l'enfant et du droit de mener une vie familiale normale étaient ici dirigés contre la suppression de la phase de tentative de conciliation des époux dans la procédure de divorce sans consentement mutuel (anc. art. 252 C. civ.) qu'organise cette loi. Si l'on voulait bien se souvenir que le Conseil constitutionnel n'avait rien trouvé à dire, sur ce fondement, à l'encontre de la réforme de 2016 relative au « divorce sans juge »(34) - malgré le sort peu enviable que celui-ci réserve aux enfants par rapport à la situation antérieure, et donc malgré les réticences que suscitait cette réforme(35) -, on pouvait se douter, a fortiori, que l'argument ne prospérerait pas davantage deux ans plus tard, dans un contexte moins favorable. Car la suppression de la phase de conciliation ne prive pas les enfants de l'intervention du juge, qui sera forcément saisi et prononcera le divorce. En outre, le Conseil relève que « si les dispositions contestées suppriment l'obligation d'une tentative de conciliation, avant l'instance judiciaire, dans les procédures de divorce autre que par consentement mutuel, il ressort de l'article 254 du code civil [relatif aux mesures provisoires] , dans sa rédaction résultant de l'article 22 de la loi déférée, que le juge tient, dès le début de la procédure, sauf si les parties ou la partie seule constituée y renoncent(36), une audience à l'issue de laquelle il prend les mesures nécessaires pour assurer l'existence des époux et des enfants pendant la période courant de l'introduction de la demande en divorce jusqu'à la date à laquelle le jugement passe en force de chose jugée, en considération des accords éventuels des époux » (§ 61). Comme il l'avait fait dans sa décision de 2016, le Conseil rappelle également que le juge peut être saisi a posteriori des conditions dans lesquelles s'exerce l'autorité parentale, « en veillant spécialement à la sauvegarde des intérêts des enfants mineurs » (art. 373-2-6 C. civ.), et que le mineur capable de discernement a le droit d'être entendu dans cette procédure qui le concerne (art. 388-1 C. civ.). Pour le Conseil, en somme, le traitement de la situation en aval permet de se passer des précautions obligatoires naguère instituées en amont. Il n'est pas sûr que la protection des enfants y trouve son compte, mais au moins la justice fera-t-elle des économies, ce qui constitue l'objectif majeur du législateur contemporain, avec la bénédiction des sages... Quoique ceux-ci ne fassent pas référence à la marge d'appréciation du législateur pour la mise en œuvre de l'exigence de protection des enfants (tout comme dans leur décision n° 768 QPC sur les examens radiologiques osseux), cette nouvelle décision n'en présente pas moins un goût prononcé de contrôle restreint. Il n'était décidément pas utile d'affubler l'intérêt de l'enfant de ce caractère prétendument « supérieur »... Du point de vue du contentieux constitutionnel, il est intéressant de noter, enfin, qu'en dépit du rejet des griefs soulevés par les parlementaires, les nouvelles dispositions du code civil ne sont pas déclarées conformes à la Constitution, ce sur quoi le service juridique s'explique clairement(37). C'est dire que des QPC pourront être dirigées, dans un avenir proche ou lointain, contre la nouvelle procédure de divorce - sauf en ce que la suppression de la conciliation porterait atteinte à la protection de l'intérêt de l'enfant et au droit de mener une vie familiale normale, à moins que les circonstances ne changent...

Avant de passer à l'étude des droits et libertés constitutionnels relevant des biens, plusieurs autres décisions relatives aux personnes doivent être signalées. La première, qui concerne le droit répressif, est la décision n° 2018-761 QPC du 1er février 2019, Association Médecins du monde et autres (38) , déclarant conformes à la Constitution les dispositions du code pénal qui incriminent, depuis 2016 (39), les clients des personnes se livrant à la prostitution - sans pour autant prohiber la prostitution elle-même, ce qui constitue un singulier tour de force intellectuel. Les requérants(40) critiquaient « em>cette interdiction générale et absolue » qui a pour objet de « réprimer tout achat [sic] d'actes sexuels, y compris lorsque ces actes sont accomplis librement entre adultes consentants dans un espace privé », au mépris « du droit au respect de la vie privée, ainsi que du droit à l'autonomie personnelle et à la liberté sexuelle qui en découleraient » (§ 5). Refusant de suivre les requérants sur la pente glissante d'un droit à l'autonomie personnelle (qui fit jadis grand bruit, du côté de la Cour européenne des droits de l'homme(41)...), le Conseil constitutionnel a, en quelque sorte, requalifié ce grief pour se concentrer, de manière plus classique au regard de sa jurisprudence, sur une éventuelle méconnaissance de la liberté personnelle protégée par les articles 2 et 4 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen. Il a estimé que celle-ci devait être conciliée, en l'espèce, avec l'objectif de valeur constitutionnelle de sauvegarde de l'ordre public et de prévention des infractions (§ 9), auquel vient plus discrètement s'associer, un peu plus loin, la sauvegarde de la dignité de la personne humaine (§ 11). Comme dans leur décision de 2003 relative au « racolage public »(42), les sages ont en effet suivi l'argumentation du Gouvernement selon laquelle l'objectif de la loi est de lutter contre le proxénétisme et la traite des êtres humains aux fins d'exploitation sexuelle, ce qui ressortait clairement des travaux préparatoires de la loi de 2016 (§ 11). Rappelant que le Conseil ne dispose pas d'un pouvoir général d'appréciation et de décision de même nature que celui du Parlement (contrôle restreint), ils ont estimé que l'incrimination contestée n'est pas manifestement inappropriée à l'objectif poursuivi, dès lors que le législateur « a considéré que, dans leur très grande majorité, les personnes qui se livrent à la prostitution sont victimes du proxénétisme et de la traite et que ces infractions sont rendues possibles par l'existence d'une demande de relations sexuelles tarifées » (§ 12). À suivre les requérants, qui en appelaient également à la liberté d'entreprendre et à la liberté contractuelle (griefs balayés par le Conseil « pour les mêmes motifs » ; § 18), cela n'avait pourtant rien d'évident. S'agissant du possible effet pervers des dispositions contestées, « qui auraient pour conséquence d'aggraver l'isolement et la clandestinité des personnes prostituées », au mépris du droit à la protection de la santé (§ 7), argument qui paraissait sérieux, le Conseil botte une nouvelle fois en touche, en cinq lignes, au nom du contrôle restreint qu'il opère sur ce fondement (comme dans l'affaire des examens radiologiques osseux) : l'appréciation du législateur « n'est pas, en l'état des connaissances(43) , manifestement inadéquate » (§ 16). Sont encore écartés les griefs fondés sur les principes de nécessité et de proportionnalité des peines (§ 14 et 15) ainsi que sur le droit au respect de la vie privée (sans motivation, sans doute parce que ce droit, du point de vue des personnes prostituées, recoupait ici la liberté personnelle ; § 19). Au bout du compte, la décision du Conseil est brève et ferme ; elle renvoie pour l'essentiel à la marge d'appréciation du législateur, à qui il reviendra d'apprécier les effets concrets de la prohibition qu'il a posée.

N'ayant pas prospéré dans les affaires précédemment mentionnées, il convient cependant de relever que le droit au respect de la vie privée n'en a pas moins été à l'origine de quatre censures au cours du premier semestre 2019. Les deux premières concernent la communication de données de connexion, d'une part aux agents des douanes ( décision n° 2018-764 QPC du 15 février 2019, M. Paulo M.(44) ) et, d'autre part, aux organismes de sécurité sociale ( décision n° 2019-789 QPC du 14 juin 2019, Mme Hanen S.(45) ). Cette chronique a déjà eu l'occasion de montrer que le contrôle du Conseil constitutionnel s'est renforcé sur ce point - raison pour laquelle, dans la première de ces deux affaires, les sages ont déclaré la question recevable, alors même que les dispositions contestées avaient été déclarées conformes à la Constitution dans une précédente QPC, rendue en 2012(46) ; « toutefois, depuis cette déclaration de conformité, le Conseil constitutionnel a jugé contraires au droit au respect de la vie privée, dans sa décision du 5 août 2015 [n° 2015-715 DC(47)] , des dispositions instaurant un droit de communication des données de connexion au profit des agents de l'Autorité de la concurrence analogue à celui prévu par les dispositions contestées. Cette décision constitue un changement des circonstances justifiant le réexamen des dispositions contestées » (§ 5)(48). La censure intervient donc ici sans surprise, mais elle purement formelle, dans la double mesure où les dispositions censurées ont été abrogées par une loi du 23 octobre 2018 (§ 11) et où le Conseil a refusé de remettre en cause, pour le passé, les effets qu'elles ont produits (§ 12)(49). Et la solution est identique pour le droit de communication instauré par le code de la sécurité sociale(50). Tant pis pour ces requérants, qui auront eu raison trop tard ! Les deux censures suivantes résultent de la décision n° 2019-778 DC (préc.) relative à la loi du 23 mars 2019 de réforme pour la justice et concernent la procédure pénale. Sont jugées contraires au droit au respect de la vie privée certaines dispositions de l'article 44 de cette loi, qui concernaient les interceptions de correspondances émises par la voie de communications électroniques et la géolocalisation (§ 133 et s.), ainsi que de son article 46 relatif aux techniques spéciales d'enquête (§ 158 et s.). Dans les deux cas, le Conseil constitutionnel reproche à ces dispositions d'étendre excessivement ces procédés d'enquête à « des infractions ne présentant pas nécessairement un caractère de particulière gravité et complexité » (§ 146 ; rappr. § 164), « sans assortir ce recours des garanties permettant un contrôle suffisant par le juge du maintien du caractère nécessaire et proportionné de ces mesures durant leur déroulé » (même § ; rappr. § 166). En amont de l'enquête pénale, ces censures (quelque peu noyées dans la tentaculaire décision 778 DC) peuvent être rapprochées de celle, beaucoup plus médiatique, qu'a prononcée la décision n° 2019-780 DC du 4 avril 2019 , Loi visant à renforcer et garantir le maintien de l'ordre public lors des manifestations , à l'encontre du pouvoir conféré à l'autorité administrative d'interdire à une personne (quand bien même porterait-elle un « gilet jaune » !) de participer à une manifestation sur la voie publique - disposition emblématique de la loi du 10 avril 2019. Le Conseil a jugé que « compte tenu de la portée de l'interdiction contestée, des motifs susceptibles de la justifier et des conditions de sa contestation, le législateur a porté au droit d'expression collective des idées et des opinions [qui découle de la liberté d'expression et de communication garantie par l'article 11 de la Déclaration de 1789 ; v. § 8] une atteinte qui n'est pas adaptée, nécessaire et proportionnée » (§ 26). La censure a donc été prononcée par le Conseil sur ce fondement, sans qu'il lui ait été nécessaire d'examiner le grief qui était également tiré de la liberté d'aller et venir. C'est à notre connaissance la première fois que le droit d'expression collective des idées et des opinions, dégagé en 1994(51), conduit à juger une loi contraire à la Constitution.

La première décision relative aux biens (au sens large) permet de faire le lien avec le respect de la vie privée, puisque, située au croisement de l'être et de l'avoir, elle concerne le principe connexe de l'inviolabilité du domicile(52), lieu au sein duquel l'intimité des personnes a naturellement vocation à s'épanouir. Par cette décision n° 2019-772 QPC du 5 avril 2019, M. Sing Kwon C. et autre(53) , le Conseil constitutionnel a censuré le sixième alinéa de l'article L. 651-6 du code de la construction et de l'habitation (CCH), article ayant pour objet d'autoriser les agents assermentés des services municipaux du logement à visiter les locaux à usage d'habitation dans le but de vérifier que leur propriétaire n'a pas modifié son affectation d'usage sans l'autorisation préalable requise(54) (sous peine de condamnation à une amende civile(55)). Si ces visites doivent en principe s'effectuer en la présence de l'occupant ou du gardien du local (art. préc., al. 5), les dispositions contestées prévoyaient qu'« en cas de carence de [sa] part (...), l'agent assermenté du service municipal du logement peut, au besoin, se faire ouvrir les portes et visiter les lieux en présence du maire ou du commissaire de police. Les portes doivent être refermées dans les mêmes conditions ». Rappelant que la liberté proclamée par l'article 2 de la Déclaration de 1789 « implique le droit au respect de la vie privée et, en particulier, de l'inviolabilité du domicile » (§ 8), le Conseil décide que les dispositions contestées portent atteinte à ce principe, dès lors que ces visites peuvent s'effectuer sans l'accord de l'occupant et sans autorisation préalable du juge. Cette censure est particulièrement ferme, puisque le Conseil ne prend pas la peine d'exposer le but poursuivi par ces dispositions pour apprécier leur caractère éventuellement proportionné. Or, si leur origine remonte à une ordonnance de 1945 se proposant de remédier à la crise du logement (toujours en cours !), ces dispositions classiques ont connu une nouvelle jeunesse avec le « phénomène Airbnb », la « loi ALUR » du 24 mars 2014 décidant qu'un changement d'usage est constitué par « le fait de louer un local meublé destiné à l'habitation de manière répétée pour de courtes durées à une clientèle de passage qui n'y élit pas domicile » (art. L. 631-7 CCH(56)). Dans les grandes agglomérations, les visites des agents du service municipal du logement peuvent donc avoir pour objet de vérifier que l'intéressé dispose de l'autorisation nécessaire pour procéder à ces locations touristiques conclues « en ligne » qui peuvent contribuer à raréfier le parc des logements disponibles pour des locations classiques. Mais entre 1945 et 2019, les droits fondamentaux ont fleuri, et le législateur ne peut pas systématiquement faire du neuf avec du vieux ! Comme le souligne le commentaire de son service juridique, après avoir analysé les nombreux précédents sur cette question(57), le Conseil constitutionnel confirme ici « l'orientation de sa jurisprudence qui, en matière de protection de l'inviolabilité du domicile, fait de l'autorisation ou du contrôle judiciaire sur les opérations de visite, en l'absence d'accord de l'intéressé, une garantie essentielle »(58), qui ne peut céder que dans des cas très exceptionnels(59). Dans une décision fondatrice, antérieure au développement de la notion de vie privée, le Conseil avait d'ailleurs rattaché l'inviolabilité du domicile à l'article 66 de la Constitution, selon lequel l'autorité judiciaire est la gardienne de la liberté individuelle(60). La boucle est ainsi bouclée.

Après la question des visites domiciliaires, le droit immobilier est au centre d'une deuxième QPC récemment tranchée par le Conseil dans sa décision n° 2018-766 QPC du 22 février 2019, Mme Sylviane D . La question posée portait sur l'article 22 de la loi du 6 juillet 1989 relative aux baux d'habitation, tel que modifié par la « loi ALUR » de 2014(61). La requérante contestait plus précisément les dispositions du septième alinéa de cet article qui détermine les règles applicables en cas de défaut de restitution par le bailleur, en fin de bail, du dépôt de garantie fixé par le contrat de location et versé par le preneur au moment de la signature du bail pour garantir la bonne exécution de ses obligations. Selon ce texte, « em>à défaut de restitution dans les délais prévus(62) , le dépôt de garantie restant dû au locataire est majoré d'une somme égale à 10 % du loyer mensuel en principal, pour chaque période mensuelle commencée en retard. (...) »(63). Deux séries de droits fondamentaux étaient avancées à son encontre : d'une part les principes de proportionnalité et d'individualisation des peines (art. 8 de la Déclaration de 1789), et d'autre part le droit de propriété, sous l'angle de ses conditions d'exercice (art. 2 de la Déclaration). Sur le premier point, l'application des principes répressifs supposait, selon la jurisprudence la mieux assise du Conseil constitutionnel, que la majoration prévue par la loi du 6 juillet 1989 puisse être qualifiée de « sanction ayant le caractère d'une punition » (§ 3), qualification qui, comme chacun ne le sait peut-être pas, peut théoriquement s'appliquer à une sanction civile(64), dès lors que celle-ci présente une finalité répressive (et non indemnitaire), c'est-à-dire dès lors qu'il y a « volonté de punir »(65). Pour plusieurs raisons, inégalement convaincantes et dont il est bien difficile de déterminer le poids respectif, les sages ont estimé que tel n'était pas ici le cas. Premièrement (déc. n° 766 QPC, § 6) : « La majoration est versée au locataire lésé » et non, a contrario, à un tiers, tel qu'une autorité publique - ce qui, en soi, ne devrait peut-être pas empêcher, à l'occasion d'une réforme de notre droit de la responsabilité civile, que d'éventuels dommages-intérêts punitifs versés à la victime(66) soient soumis à l'article 8 de la Déclaration de 1789. Deuxièmement : « Il résulte de la jurisprudence constante de la Cour de cassation que cette majoration ne peut se cumuler avec les intérêts moratoires au taux légal prévus par l'[ancien] article 1153 du code civil » (auquel la majoration de 10 % est précisément venue se substituer avec la réforme opérée par la « loi ALUR » en 2014). Le Conseil déduit de ces deux premiers arguments qu'en instaurant cette majoration, « le législateur a entendu compenser le préjudice résultant pour le locataire du défaut ou du retard de restitution du dépôt de garantie et favoriser ainsi un règlement rapide des nombreux contentieux qui en découlent » (§ 6 in fine) ; entre l'indemnisation et la punition, la « loi ALUR » aurait donc choisi la première voie et non la seconde. Pourtant, si l'on se réfère aux travaux préparatoires de la loi (parfaitement rappelés dans le commentaire officiel de la décision(67)), la volonté d'« em>instaur[er] une pénalité »(68) a été expressément affichée par le Gouvernement... Le caractère forfaitaire de la majoration semblait d'ailleurs en témoigner, et là était le cœur de la contestation soulevée par le requérant et du raisonnement de la Cour de cassation dans son arrêt de renvoi : la majoration est « fixée indépendamment du montant du dépôt de garantie à restituer après compensation des sommes dues par le preneur [par exemple en cas de dégradation du local] »(69). En somme, que le montant à restituer soit d'un euro ou de dix-mille euros, la majoration sera toujours égale à 10 % du loyer (pour chaque période mensuelle commencée en retard). Pour le Conseil, ce dernier argument n'est pas dirimant, car le montant du loyer est lui-même pris en compte par la loi pour fixer le plafond du dépôt de garantie versé par le locataire au moment de la signature du bail (§ 7(70)) (71). Cette logique à première vue séduisante n'est cependant pas parfaite, car elle fait fi de la compensation qui peut s'opérer avec les sommes dues par le preneur au bailleur. Il se peut, par exemple, que le loyer soit de 2 000 euros, mais qu'après compensation, la dette de restitution du bailleur soit de 200 euros ; dans ce cas, la somme forfaitaire à verser sera égale à 200 euros par mois de retard (somme qui correspond au montant nominal de la dette, soit une augmentation de 100 % par mois sans anatocisme...)(72). On est très loin du taux d'intérêt légal qui s'appliquait avant 2014 et la volonté de punir (ou plutôt d'inciter drastiquement à l'exécution des obligations, mais la frontière est poreuse) est alors bien plus manifeste que la volonté d'indemniser. Le Conseil n'en décide pas moins que « le législateur s'est fondé sur un élément en lien avec l'ampleur du préjudice » (§ 7). La décision n° 766 QPC renforce en tout état de cause la jurisprudence du Conseil selon laquelle le caractère forfaitaire d'une mesure n'entraîne pas forcément sa qualification en sanction ayant le caractère d'une punition(73). Cette qualification subtile (voire imprévisible ?) ne peut être déduite que d'un faisceau d'indices concordants qui, pour les sages, n'était pas caractérisé en l'espèce, de sorte que les griefs tirés de l'article 8 de la Déclaration de 1789 ont été « écartés comme inopérants » (§ 8). Quant au second grief dirigé contre les dispositions contestées, tiré du droit de propriété, le Conseil l'écarte d'un revers de manche « pour les motifs énoncés aux paragraphes précédents » (§ 8, renvoyant ainsi aux § 6 et 7 précédemment analysés). Le commentateur avoue avoir un peu de mal à comprendre cette motivation décalquée, dans la mesure où la protection des conditions d'exercice du droit de propriété suppose traditionnellement que les limitations que lui apporte le législateur soient « liées à des exigences constitutionnelles ou justifiées par l'intérêt général [et] qu'il n'en résulte pas d'atteintes disproportionnées au regard de l'objectif poursuivi » - ce que rappelle d'ailleurs la présente décision (§ 4). Or, aucune de ces deux conditions ne fait ici l'objet d'une réelle vérification. Doit-on en déduire qu'en raison de sa finalité indemnitaire, la mesure contestée ne saurait, par principe, porter atteinte au droit de propriété - plus précisément au droit de propriété du débiteur, puisque c'est la « consistance » d'une dette qui est ici protégée. Le grief ne devait-il pas, dès lors, être regardé comme inopérant ? La réponse est négative, selon le service juridique du Conseil, en raison du caractère forfaitaire de l'indemnisation prévue en l'espèce : « S'agissant d'un dispositif d'indemnisation présentant un caractère forfaitaire, le Conseil constitutionnel a donc regardé comme opérante l'invocation de l'atteinte au droit de propriété, à la différence de ce qu'il avait jugé, pour l'indemnisation correspondant exactement au remboursement de paiements indus, dans sa décision (...) n° 2011-126 QPC, Société Système U Centrale Nationale et autre »(74). Il est dommage que cette logique ne ressorte pas clairement de la décision elle-même et que, sur ce point, celle-ci ne soit motivée que par un renvoi très hasardeux aux autres griefs, lesquels n'avaient pas grand-chose à voir avec la protection du droit de propriété. À s'en tenir en effet à la lettre de la décision, l'intérêt général consisterait à compenser le préjudice du locataire (formulation qui évoque plutôt un intérêt privé) et à assurer un « règlement rapide des nombreux contentieux » découlant du défaut de restitution des dépôts de garantie (§ 6 ; mais l'on voit mal en quoi la majoration, toute forfaitaire qu'elle soit, accélérerait le traitement du contentieux) et le caractère proportionné de la mesure tiendrait au lien établi par la loi « avec l'ampleur du préjudice » et sa durée (§ 7 ; mais cela est contestable, comme on l'a vu, en raison du jeu éventuel de la compensation). Finalement, le Conseil se montre certes respectueux de la volonté du législateur de protéger le locataire, mais sa décision ne nous paraît pas très convaincante.

Comme le droit de propriété, la liberté d'entreprendre est l'un des droits fondamentaux les plus souvent invoqués par les auteurs de QPC et elle a donné lieu à plusieurs censures prononcées par la décision n° 2019-774 QPC du 12 avril 2019, Société Magenta Discount et autre . Cette QPC portait sur plusieurs lois du pays récentes applicables en Nouvelle-Calédonie, réunies pour certaines d'entre elles au sein du code de commerce, permettant un contrôle des prix et des marges commerciales pratiquées en ce lieu. Brevitatis causa, le Conseil constitutionnel devait se prononcer sur trois séries d'atteintes à la liberté d'entreprendre(75) qui, à l'instar des conditions d'exercice du droit de propriété, ne peut subir que « des limitations liées à des exigences constitutionnelles ou justifiées par l'intérêt général, à la condition qu'il n'en résulte pas d'atteinte disproportionnée au regard de l'objectif poursuivi » (§ 13). Les premières de ces vernaculaires dispositions concernaient la possibilité donnée au pouvoir réglementaire calédonien de fixer les prix de certains produits et de certaines prestations de services en encadrant les marges commerciales des entreprises (art. Lp. 411-2, I, 2 °, C. com.(76)). Le Conseil a d'abord estimé qu'« en adoptant ces dispositions, le législateur du pays a entendu, eu égard aux particularités économiques de la Nouvelle-Calédonie et aux insuffisances de la concurrence sur de nombreux marchés, lutter contre la hausse des prix touchant certains produits et services afin de préserver le pouvoir d'achat des consommateurs. Il a ainsi poursuivi un objectif d'intérêt général de protection des consommateurs » (§ 17). Ces mesures sont ensuite jugées proportionnées à l'objectif poursuivi, parce que, d'une part, elles « visent uniquement les marges commerciales [et] n'interdisent pas aux entreprises de répercuter sur le prix de vente de leurs produits et services l'éventuelle augmentation de leur coût de revient » (§ 18(77)) et parce que, d'autre part, leur champ d'application « est limité à certains produits et services » dont la liste est certes déterminée par le pouvoir réglementaire, mais selon des critères fixés par la loi elle-même (§ 19). S'agissant de ces critères, les sages décident toutefois d'exercer leur censure sur un point particulier. La loi du pays prévoyait en effet, pour déterminer la liste des produits et des services concernés, que le congrès devait tenir compte de leur impact sur le budget des ménages, « s'agissant en particulier de produits et services de première nécessité ou de grande consommation ». Or, le Conseil décide qu'« en retenant les termes « en particulier » [si familiers pour les juristes !] , le législateur du pays a permis qu'un nombre indéterminé de produits ou services, autres que de première nécessité ou de grande consommation, puissent faire l'objet d'une réglementation, au seul motif de leur impact sur le budget des ménages. Il a ainsi méconnu l'étendue de sa compétence dans des conditions affectant la liberté d'entreprendre. Les mots « en particulier » figurant au paragraphe II de l'article Lp. 411-2 du code de commerce applicable en Nouvelle-Calédonie doivent donc être déclarés contraires à la Constitution » (§ 20). Ainsi se trouve un peu mieux bornée la possibilité de fixer réglementairement les prix (même si l'on n'imagine pas des mesures d'une telle portée en métropole) - et ainsi se trouve illustrée la figure, assez rare dans le contentieux de la QPC, d'une incompétence négative « affect[ant] par elle-même un droit ou une liberté que la Constitution garantit » (principe rappelé par le § 14 de la décision). La deuxième série de dispositions contestées portait sur le plafonnement des marges commerciales prévu par l'article 19, II, de la loi du pays du 30 septembre 2016 dont les termes méritent d'être cités : « (...) pendant une durée de 12 mois, les entreprises ne peuvent appliquer sur leurs coûts de revient licites ou leurs prix d'achat nets une marge en valeur supérieure à celle appliquée au 30 avril 2018 ». Après avoir relevé l'évidence selon laquelle cette mesure porte atteinte à la liberté d'entreprendre (§ 29), le Conseil décide que le législateur a « entendu parer aux risques inflationnistes » liés à une importante réforme de la fiscalité locale, pour « veiller à ce que l'allègement de fiscalité en résultant soit répercuté dans les prix de vente des biens et services plutôt que dans les marges des entreprises. Ce faisant, il a poursuivi un objectif d'intérêt général de protection des consommateurs » (§ 30). Ce raisonnement peut certes paraître contradictoire (il n'y a pas d'inflation pour les consommateurs si les entreprises profitent de l'allégement de la fiscalité pour augmenter leurs marges), mais on comprend néanmoins la logique qui le sous-tend (la volonté que baissent les prix à la consommation). Les mesures contestées sont ensuite jugées proportionnées à l'objectif poursuivi, notamment parce que leur durée est limitée à douze mois à compter de la date d'entrée en vigueur de la réforme fiscale. Peut-être conscient de la mansuétude qui est la sienne au regard de ces graves atteintes à la liberté d'entreprendre, le Conseil constitutionnel a manifestement tenu, dans un paragraphe conclusif, à bien circonscrire la portée de sa décision - à tel point que celle-ci fleure bon la décision d'espèce : « Dès lors, compte tenu de l'objectif d'intérêt général poursuivi, du caractère exceptionnel et transitoire des dispositions contestées, qui constituent des mesures d'accompagnement d'une réforme fiscale d'ampleur, et eu égard aux particularités économiques de la Nouvelle-Calédonie, l'atteinte portée à la liberté d'entreprendre par le paragraphe II de l'article 19 de la loi du pays du 30 septembre 2016 ne revêt pas un caractère disproportionné. Le grief tiré de la méconnaissance de cette liberté doit donc être écarté » (§ 32). Il est vrai que le malicieux législateur calédonien lui avait facilité la tâche en poussant le bouchon si loin, dans la troisième série de mesures contestées, que la censure paraissait cette fois inévitable. Ce grain constitutionnel à moudre résultait du III du même article 19 de la loi du pays de 2016 :  « En cas de dérives sur les prix manifestement excessives constatées suite à la date de [la réforme fiscale précédemment évoquée], le gouvernement de la Nouvelle-Calédonie est habilité par délibération du congrès, pour une durée maximale de dix-huit mois, à intervenir dans les secteurs d'activités où ces dérives sont constatées afin de mettre en place une réglementation sur les prix visant à maîtriser l'inflation » (al. 1er). Si ce « mécanisme de sauvegarde temporaire » poursuit une nouvelle fois « l'objectif d'intérêt général de protection des consommateurs » (§ 34), le Conseil juge que « le fait générateur du déclenchement du mécanisme contesté, laissé à l'appréciation du congrès, est défini de manière large et peu précise » (§ 35) et que ce mécanisme, qui « peut être mis en œuvre à tout moment » (§ 37), confère « au gouvernement de larges prérogatives, applicables dans tout secteur d'activité gagné par l'inflation » (§ 36). Ainsi l'atteinte portée à la liberté d'entreprendre est-elle jugée disproportionnée au regard de l'objectif poursuivi (§ 38). En dépit de cette censure, la décision n° 774 QPC est très permissive si on la compare aux censures passées de certaines dispositions de bien moindre ampleur, dans un contexte que l'on pourrait qualifier, a contrario , de métropolitain[78]. L'objectif de protection des consommateurs, qui était également avancé dans ces affaires, présente ainsi plus ou moins de vigueur en fonction du contexte social, le service juridique du Conseil prenant soin de rappeler les manifestations contre la « vie chère » qui ont secoué la Nouvelle-Calédonie tout au long de la présente décennie. On relèvera enfin, dans un tout autre domaine, que la protection des consommateurs a aussi été mise en avant par le Conseil, tout récemment, pour justifier une validation législative intervenue dans le domaine de la fourniture d'électricité ( décision n° 2019-776 QPC du 19 avril 2019, Société Engie ). Cette loi du 30 décembre 2017, à l'origine d'un article L. 452-3-1 du code de l'énergie, était destinée à combattre une jurisprudence du Conseil d'État(79) relative à la répartition des coûts de gestion de clientèle entre les gestionnaires de réseaux de distribution et les fournisseurs d'électricité. Le Conseil constitutionnel a notamment considéré qu'« eu égard aux conséquences financières [dont le montant était ici incertain... ; v. § 9] susceptibles de résulter des litiges visés par la validation et à leur répercussion sur le coût de l'électricité acquitté par l'ensemble des consommateurs, l'atteinte portée par les dispositions contestées aux droits des fournisseurs d'électricité ayant conclu les conventions validées est justifiée par un motif impérieux d'intérêt général » (§ 11). Le grief tiré de la liberté d'entreprendre a également été écarté (§ 12). Toujours dans le giron du droit économique, une dernière décision sera rapidement signalée, dans la mesure où elle débouche sur un non lieu à statuer ( décision n° 2019-790 QPC du 14 juin 2019, Société ENR Grenelle Habitat et autres ). La question posée portait sur les articles L. 132-2 et L. 522-1 du code de la consommation. Le premier de ces deux textes incrimine les pratiques commerciales trompeuses définies et réglementées aux articles L. 121-2 à L. 121-4 du même code. Le second texte, pour sa part, donne compétence à l'autorité administrative chargée de la concurrence et de la consommation (DGCCRF) pour prononcer les amendes administratives sanctionnant les manquements commis par les professionnels à diverses obligations, dans les cas où la loi l'a prévu. Pour contourner l'ineffectivité avérée des sanctions pénales, ces amendes administratives, d'un maniement plus souple, ont été multipliées ces dernières années, en particulier par la loi relative à la consommation du 17 mars 2014 (dite « loi Hamon »). Or, se perdant dans les renvois opérés par l'article L. 522-1, les requérants en étaient venus à considérer que les pratiques commerciales trompeuses pouvaient être sanctionnées non seulement sur le plan pénal (art. L. 132-2 C. consom.), mais encore par l'administration, de sorte qu'ils invoquaient une violation du principe non bis in idem découlant de l'article 8 de la Déclaration de 1789 (interdiction des cumuls de poursuites). Le problème, bien relevé par le Conseil, est que les requérants - comme le juge du filtre ayant prescrit le renvoi(80)... - s'étaient manifestement égarés dans leur course d'orientation législative, car, en vérité, le code de la consommation n'instaure aucune sanction administrative en matière de pratiques commerciales trompeuses... En particulier, si l'article L. 522-1 du code de la consommation renvoie bien à son article L. 511-5, qui renvoie lui-même aux dispositions de la section 1 du chapitre Ier du titre II du Livre Ier (art. L. 121-1 à L. 121-7 C. consom.), ces dispositions ne prévoient pas d'amende administrative(81). Ce renvoi, seulement inutile, ne saurait à l'évidence avoir pour effet d'instituer une telle sanction, comme le décide très justement le Conseil (§ 7). Cette triste affaire témoigne à merveille du désastre légistique que constitue le nouveau code de la consommation, instauré par une ordonnance du 14 mars 2016. Prétendant renforcer les sanctions comme par magie, simplement en les regroupant dans le code au sein de parties autonomes, le Gouvernement les a malheureusement coupées de la réglementation des pratiques qu'elles répriment. Non seulement ce jeu de piste complique la lecture des textes(82), mais il peut aussi être à la source d'erreurs, comme l'illustre cette affaire stérile.

La fin de cette chronique présentera un fort accent procédural. Celui-ci résulte d'abord de la dernière QPC relative au droit privé pour ce premier semestre. Dans cette décision n° 2019-787 QPC du 7 juin 2019, M. Taoufik B. , le Conseil a jugé conformes à la Constitution les dispositions de l'article L. 1232-6 du code du travail relatif à la procédure de licenciement pour motif personnel, dès lors que celle-ci concerne un salarié protégé dont l'autorité administrative a autorisé le licenciement. Le requérant dénonçait plus précisément une méconnaissance du droit à un recours juridictionnel effectif (art. 16 de la Déclaration de 1789), dans la mesure où la notification du licenciement peut intervenir alors même qu'un recours en suspension de l'exécution de l'autorisation a été formé devant le juge administratif des référés ; ce recours serait en effet « privé d'objet dès l'envoi de la lettre de licenciement par l'employeur » (§ 2). Tel que résumé par le Conseil, le grief contestait donc l'absence de sursis à exécution du licenciement d'un salarié protégé. Il est écarté pour deux raisons. La première est ciselée sous la forme d'un principe dont l'application, dans certains cas, est un peu moins gaillarde que sa lapidaire formulation ne pourrait le laisser penser(83) : « Le caractère non suspensif d'une voie de recours ne méconnaît pas, en lui-même, le droit à un recours juridictionnel effectif garanti par l'article 16 de la Déclaration de 1789 » (§ 9). La seconde raison conduisant au rejet du grief tient aux « garanties suffisantes » (§ 14) dont le législateur a assorti l'absence de sursis à exécution - ce qui suffit à prouver, en creux, l'importance de ce sursis pour l'effectivité des recours. Le juge administratif peut en effet prononcer l'annulation de l'autorisation de licencier le salarié protégé, ce qui permettra sa réintégration de plein droit, sur sa demande (§ 11 et 12), avec compensation du préjudice subi (§ 13). Suffisantes au regard de la protection des salariés, ces garanties présentent le même caractère, selon les sages, du point de vue des institutions représentatives du personnel (§ 15 et 16).

La procédure est également au centre de la décision n° 2019-778 DC du 21 mars 2019 (préc.) relative à la loi « de réforme pour [désendetter !] la justice ». Même si l'on s'en tient à ses aspects civilistes, cette loi et la décision du Conseil qui l'accompagne ne sauraient être analysées ni même présentées dans tous leurs détails (en dépit du cadre généreux de cette chronique, par la grâce du numérique). On se contentera donc d'évoquer quelques points marquants, à défaut d'être cardinaux, de cette décision baroque qui, sur de nombreux points, ne brille pas par la richesse de sa motivation et qui, globalement, est d'un assez faible apport. Pour classer les questions abordées selon un plan dont la rigueur est un peu factice, on distinguera, en premier lieu, celles qui mettent en cause le droit substantiel qui se cache derrière le droit processuel et, en second lieu, celles que l'on pourrait qualifier de « purement processuelles ». S'agissant de la première catégorie, les points les plus remarquables sont les suivants :

  • Comme on l'a vu, le Conseil a jugé conforme à la Constitution la suppression de la phase de conciliation dans la procédure de divorce sans consentement mutuel (§ 57 à 62), la loi ne portant atteinte ni à la protection de l'intérêt supérieur de l'enfant ni au droit de mener une vie familiale normale.
  • Dans le même esprit, les sages ont validé les dispositions de la loi relatives à la protection des majeurs (§ 43 à 46)(84). Les députés requérants, constatant que la réforme réduit le contrôle judiciaire qui s'exerçait en la matière, dénonçaient une atteinte au principe de sauvegarde de la personne humaine et à la liberté individuelle. Le dernier argument n'avait évidemment pas de sens au regard de la stricte délimitation de la notion de liberté individuelle dans la jurisprudence désormais ancienne du Conseil, lequel relève simplement, ici, qu'« aucune des dispositions contestées n'est privative de liberté » (§ 46). Pour le reste, le Conseil se contente d'affirmer que l'extension du champ des actes de gestion des biens que le tuteur peut prendre sans autorisation préalable du juge « est limitée à certains actes de gestion patrimoniale » (§ 45), ce qui, sans plus de précision, est la moindre des choses ! Alors même que certaines décisions récentes laissent entendre que le Conseil est loin d'être indifférent à la protection des personnes vulnérables (cf. supra), cette question est tranchée de manière lapidaire par la décision n° 778 DC. Tel est le cas, en particulier, pour les dispositions de la réforme relatives aux conditions d'exercice de la liberté matrimoniale qui résultent de son article 10. La doctrine a pourtant montré que certaines de ces innovations appellent d'importantes réserves(85). Mais la précision scientifique impose aussi de rappeler que les règles ici concernées figurent au nombre de celles qui « [n'ont] pas fait l'objet d'une déclaration de conformité à la Constitution en dépit du fait que les griefs les concernant ont été écartés » (selon l'obscure formule du service juridique du Conseil(86) ; rappr. supra, au sujet de la réforme de la procédure de divorce). On comprend cette logique : n'ayant qu'un mois pour se prononcer dans le cadre de son contrôle a priori, le Conseil ne saurait examiner en détail chacune des dispositions contestées, surtout face à une réforme d'une telle ampleur. Les QPC sont donc préservées pour l'avenir ; gageons qu'elles ne manqueront pas de fleurir !
  • La décision n° 778 DC censure les dispositions de l'article 7 de la loi qui avaient pour objet de confier à titre expérimental aux caisses d'allocations familiales (CAF) la délivrance de titres exécutoires portant sur la modification d'une contribution à l'entretien et à l'éducation des enfants (§ 37 à 42). La déjudiciarisation à tout-va atteint ici ses limites constitutionnelles : « Alors même que les décisions de révision prises par les caisses pourraient faire l'objet d'un recours devant le juge aux affaires familiales, le législateur a autorisé une personne privée en charge d'un service public à modifier des décisions judiciaires sans assortir ce pouvoir de garanties suffisantes au regard des exigences d'impartialité découlant de l'article 16 de la Déclaration de 1789 » (§ 41). Cette solution est d'autant plus justifiée que les CAF peuvent avoir à se substituer au parent débiteur de la pension en cas de défaillance de celui-ci (article L. 581-2 du code de la sécurité sociale), de telle sorte que les caisses « peuvent être ainsi intéress[ées] à la détermination du montant des contributions » (§ 40). Que voilà une saine censure !

Concernant les dispositions « purement processuelles » de la loi de réforme pour la justice(87), plusieurs points de la décision n° 778 DC doivent également être relevés :

  • Le Conseil valide l'article 3 de la loi sur le développement des modes de règlement alternatifs des différends (§ 15 à 24). Est spécialement concernée la modification apportée à l'article 4 de la loi du 18 novembre 2016 dans le but de subordonner, en principe, la recevabilité des demandes tendant au paiement d'une somme n'excédant pas un certain montant(88) à une tentative de conciliation. Le Conseil a rejeté les griefs tirés du droit à un recours juridictionnel effectif et du principe d'égalité devant la justice. Très conciliant ici avec le législateur, il se fend même d'une formule générale selon laquelle « en instaurant la condition de recevabilité contestée, le législateur, qui a entendu réduire le nombre des litiges soumis au juge, a poursuivi l'objectif de valeur constitutionnelle de bonne administration de la justice » (§ 22, « OVC » qui revient à de nombreuses reprises dans la suite de la décision). Une réserve d'interprétation est néanmoins édictée, qui concerne l'exception prévue par la loi du 23 mars 2019 à cette nouvelle condition de recevabilité ; celle-ci n'est pas exigée lorsque l'absence de recours à l'un des modes de résolution amiable est justifiée par un motif légitime, telle que l'indisponibilité de conciliateurs de justice dans un délai raisonnable. Sur ce point, le Conseil décide que, « s'agissant d'une condition de recevabilité d'un recours contentieux, il appartiendra au pouvoir réglementaire de définir la notion de « motif légitime » et de préciser le « délai raisonnable » d'indisponibilité du conciliateur de justice à partir duquel le justiciable est recevable à saisir la juridiction, notamment dans le cas où le litige présente un caractère urgent » (§ 20).
  • Sont également rejetés les griefs soulevés contre les extensions de la possibilité de procéder à des jugements sans audience en matière civile (§ 63 à 67 ; art. L. 212-5-1 et L. 212-5-2 du code de l'organisation judiciaire). La loi manque toutefois de clarté à ce sujet, puisqu'elle exige l'initiative et l'accord exprès des parties (point important dans l'argumentation du Conseil), tout en prévoyant que si l'une des parties en fait la demande, le juge peut décider de tenir une audience, cette demande ne pouvant être rejetée que par une décision spécialement motivée... Comprenne qui pourra !
  • Sont encore validées les dispositions de l'article 27 de la loi qui donnent compétence à un tribunal de grande instance spécialement désigné par décret pour connaître des demandes d'injonction de payer, exceptées celles relevant de la compétence d'attribution du tribunal de commerce (§ 68 à 75 ; art. L. 211-17 et L. 211-18 du code de l'organisation judiciaire). Décidant notamment que « le législateur a entendu décharger les autres juridictions d'un contentieux de masse et en faciliter le traitement [...,] poursuiv[ant] un objectif de bonne administration de la justice » (§ 71), les sages ont écarté le principe d'égalité devant la justice ainsi que le droit à un recours juridictionnel effectif qu'invoquaient les députés requérants.
  • Une grosse partie de la décision n° 778 DC est consacrée aux règles de publicité des décisions de justice (§ 85 à 108)(89). On retiendra principalement la consécration d'un principe nouveau, déduit des articles 6 (égalité) et 16 (garantie des droits) de la Déclaration de 1789 : « Le principe de publicité des audiences devant les juridictions civiles et administratives » (§ 102)(90) dont le Conseil fixe le régime juridique : « Il est loisible au législateur d'apporter à ce principe des limitations liées à des exigences constitutionnelles, justifiées par l'intérêt général ou tenant à la nature de l'instance ou aux spécificités de la procédure, à la condition qu'il n'en résulte pas d'atteintes disproportionnées au regard de l'objectif poursuivi » (même §). En l'espèce, les premières applications de ce principe débouchent sur des brevets de constitutionnalité, qu'il s'agisse d'écarter la publicité au nom du secret des affaires (§ 103, pouvoir d'appréciation du juge) ou au nom de l'intimité et de la vie privée des personnes (§ 104). On relèvera que le Conseil prononce en revanche une censure en ce qui concerne la délivrance aux tiers, par les greffes, des copies de jugements rendus après débats en chambre du conseil. Si le respect de la vie privée justifie que la copie soit, dans cette hypothèse, limitée au dispositif, les autres cas prévus par la loi (demande de toutes les parties, désordres de nature à troubler la sérénité de la justice), par leur généralité et leur caractère obligatoire, portent atteinte à l'article 16 de la Déclaration de 1789 (§ 106 et 107).
  • Le Conseil fait enfin plusieurs applications des principes d'indépendance et d'impartialité qui, selon sa jurisprudence classique, sont indissociables de l'exercice des fonctions juridictionnelles. Sur ce fondement, certaines dispositions de la loi sont validées (attributions des magistrats administratifs honoraires ; § 113 à 119), tandis que d'autres sont censurées (réduction du champ des incompatibilités des magistrats administratifs avec des fonctions administratives antérieures ; § 120 à 124). Sur un sujet similaire, la décision n° 2019-779 DC du 21 mars 2019, Loi organique relative au renforcement de l'organisation des juridictions , rappelle des règles bien connues(91) relatives aux magistrats exerçant à titre temporaire : « Les fonctions de magistrat de l'ordre judiciaire doivent en principe être exercées par des personnes qui entendent consacrer leur vie professionnelle à la carrière judiciaire. La Constitution ne fait cependant pas obstacle à ce que, pour une part limitée, des fonctions normalement réservées à des magistrats de carrière puissent être exercées à titre temporaire par des personnes qui n'entendent pas pour autant embrasser la carrière judiciaire, à condition que, dans cette hypothèse, des garanties appropriées permettent de satisfaire au principe d'indépendance qui est indissociable de l'exercice de fonctions judiciaires. Il importe à cette fin que les intéressés soient soumis aux droits et obligations applicables à l'ensemble des magistrats sous la seule réserve des dispositions spécifiques qu'impose l'exercice à titre temporaire de leurs fonctions » (§ 8). Comme dans certains précédents(92), le Conseil fonde sur cette règle une réserve d'interprétation : « Les dispositions du dernier alinéa de l'article 41-11 de l'ordonnance du 22 décembre 1958 ne sauraient, sans méconnaître le principe d'indépendance de l'autorité judiciaire, être interprétées comme permettant qu'au sein d'un tribunal plus d'un tiers des fonctions normalement réservées à des magistrats de carrière puissent être exercées par des magistrats recrutés provisoirement, que ce soit à temps partiel ou à temps complet » (§ 9). La décision n° 779 DC rappelle enfin la règle de l'inamovibilité des magistrats du siège et le principe d'égalité de traitement des magistrats dans le déroulement de leur carrière (§ 20).

Pour féliciter le lecteur d'être parvenu au terme de cette trop longue chronique, nous tenterons de la conclure sur deux notes joyeuses. La première est que l'immense majorité des juristes peut faire l'économie de lire la décision n° 2019-781 DC du 16 mai 2019, Loi relative à la croissance et à la transformation des entreprises (dite « loi Pacte »), dans la mesure où celle-ci porte presque exclusivement sur la question sensible de la privatisation des sociétés Aéroports de Paris (§ 27 et s.) et La Française des jeux (§ 88 et s.). S'agissant de cette dernière société, nous retombons tout de même, de manière assez inattendue, sur l'exigence de protection des mineurs (ici substitués aux enfants !) sur laquelle cette privatisation n'aura pas d'incidence, puisque les règles protectrices qui les concernent continueront de s'appliquer (§ 94). Tout au plus signalera-t-on encore, au sujet de cette décision, que le Conseil constitutionnel ne voit rien à redire aux nouvelles règles de décompte de l'effectif salarié des entreprises dont la finalité manifeste est de rendre « possibles des stratégies de contournement de certaines exigences liées à [l'existence de] seuils » (grief des sénateurs requérants, § 3). Selon son raisonnement abstrait habituel, quelque peu frustrant, le Conseil décide que « l'éventualité d'un détournement de la loi ou d'un abus lors de son application, pour regrettables qu'ils soient, n'entache pas celle-ci d'inconstitutionnalité » (§ 9). Le Conseil a également validé les dispositions de la loi qui réduisent le champ de l'obligation de désignation d'un commissaire aux comptes dans les sociétés anonymes et en commandite par actions(93). Il a notamment écarté le grief fondé sur une méconnaissance du droit de propriété, au motif que « la désignation ou non d'un commissaire aux comptes n'[a] pas de conséquence sur les conditions d'exercice de leur droit de propriété par les actionnaires de la société en cause ou par ses co-contractants » (§ 24), ce qui est une vue juridique plus qu'économique des choses. La touche humoristique finale nous est gracieusement offerte par l'article 107, I, 1 °, de la loi pour la réforme de la justice, qui autorise le Gouvernement à adopter par voie d'ordonnance « les modifications nécessaires pour remédier aux éventuelles erreurs et omissions de la présente loi ». Faut-il y voir de l'humilité ou un suprême aveu de médiocrité ?

(1) N. Balat et P.-Y. Gautier, « De l'abus du droit de soulever une question prioritaire de constitutionnalité », JCP G 2019, 588.

(2) Ainsi la décision n° 2019-781 DC a-t-elle été rendue la veille de la décision n° 2019-782 QPC (16 et 17 mai 2019), un peu plus de neuf ans après l'introduction de la procédure nouvelle dans notre ordre juridique. Il est vrai, toutefois, que de nombreuses affaires QPC sont jointes les unes aux autres pour donner lieu à une seule décision, si bien que ce ne sont pas encore 782 décisions QPC qui ont été rendues à la date du 17 mai 2019. Scientifiquement approximatif, le symbole n'en reste pas moins significatif.

(3) Voir, pour un exemple récent, Cass. 1re civ., 14 mars 2019, n° 18-21.567 : « La contestation doit concerner la portée que donne à une disposition législative précise l'interprétation qu'en fait la juridiction suprême de l'un ou l'autre ordre » ; la QPC qui « porte exclusivement sur la règle jurisprudentielle » n'est donc « pas recevable ».

(4) Voir notamment J. Monéger, « La norme créée par la Cour de cassation ne peut faire l'objet d'une transmission au Conseil constitutionnel », JCP G 2018, 386 (au sujet de Cass. 3e civ., 15 février 2018, n° 17-40.069 à 17-40.075).

(5) Voir à ce sujet D. Rebut, « Dialogue des juges... ou de sourds ? Le Conseil constitutionnel saisi par le Conseil d' État de la jurisprudence de la Cour de cassation sur la prescription des infractions continues », JCP G 2019, 331. La disposition prétendument contestée était l'article 7 du code de procédure pénale. En 2011, la Cour de cassation avait refusé de transmettre cette même question aux sages (Cass. ass. plén., 20 mai 2011, n° 11-90.025). La décision du Conseil constitutionnel a été rendue le 24 mai 2019 (n° 2019-785 QPC, M. Mario S., conformité).

(6) Dont le large volet pénal sera laissé de côté par cette chronique. Voir sur ce point A. Botton, « Contrôle de la loi de programmation Justice. Le Conseil constitutionnel entre « moustiques et chameaux » de procédure pénale », JCP G 2019, 359.

(7) Voir l'excellente note critique de P. Parinet, « La constitutionnalité des tests osseux : pas de printemps pour les mineurs non accompagnés ! », D. 2019, p. 742. Sur la décision de renvoi (Cass. 1 re civ., 21 décembre 2018, n° 18-20.480), voir H. Fulchiron, Dr. famille 2019, comm. n° 48.

(8) En particulier la possibilité d'une prise en charge par l'aide sociale à l'enfance (ASE).

(9) Voir article L. 311-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile (pas d'exigence d'un titre de séjour, pas de mesure d'éloignement).

(10) Le Conseil a admis l'intervention de plusieurs d'entre elles à l'instance : GISTI, Cimade, Médecins du monde, Avocats sans frontières, Secours catholique, Ligue des droits de l'homme, entre autres.

(11) Le commentaire du service juridique du Conseil se fait longuement l'écho de ces critiques (commentaire de la déc. n° 768 QPC, site Internet du Conseil, p. 8 et s.), ce qui prouve que les sages en étaient pleinement informés.

(12) Cons. const., déc. n° 2010-25 QPC du 16 septembre 2010, M. Jean-Victor C., cons. 13. Voir aussi, de manière plus éloignée, et sur le seul fondement du principe du respect de la dignité de la personne humaine, Cons. const., déc. n° 2007-557 DC du 15 novembre 2007, Loi relative à la maîtrise de l'immigration, à l'intégration et à l'asile , cons. 18 (identification par leurs empreintes génétiques des individus demandeurs de visa ; cette affaire, dite des « tests ADN », avait fait à l'époque un grand bruit médiatique).

(13) Le service juridique du Conseil constitutionnel dit plaisamment que celui-ci « a également précisé la loi » (commentaire préc., p. 24) !

(14) « La Nation assure à l'individu et à la famille les conditions nécessaires à leur développement. - Elle garantit à tous, notamment à l'enfant, à la mère et aux vieux travailleurs, la protection de la santé, la sécurité matérielle, le repos et les loisirs ».

(15) Cons. const., déc. n° 99-419 DC du 9 novembre 1999, Loi relative au pacte civil de solidarité, cons. 76 et s.

(16) Cons. const., déc. n° 2013-669 DC du 17 mai 2013, Loi ouvrant le mariage aux couples de personnes de même sexe , cons. 54.

(17) Cons. const., déc. n° 2016-739 DC du 17 novembre 2016, Loi de modernisation de la justice du XXIe siècle , § 51 et s.

(18) Cons. const., déc. n° 2018-770 DC du 6 septembre 2018, Loi pour une immigration maîtrisée, un droit d'asile effectif et une intégration réussie , § 52 et s.

(19) Commentaire préc., p. 18.

(20) Voir H. Fulchiron, « La constitutionnalisation de l'intérêt supérieur de l'enfant », D. 2019, p. 709.

(21) Commentaire préc., p. 19. Le service juridique poursuit : « Le Conseil a toujours entendu conférer à l'exigence constitutionnelle une portée analogue à celle pouvant être déduite de la notion d'« intérêt supérieur » » (p. 20). Il est vrai, en ce sens, que contrairement à la solution adoptée pour le principe de protection de la santé, le Conseil ne fait pas référence dans cette décision, au sujet de la protection de l'intérêt de l'enfant, à la marge d'appréciation du législateur. Son contrôle se veut donc plus étendu. Tel n'a toutefois pas toujours été le cas par le passé (voir, au sujet de l'ancienne interdiction de l'adoption simple au sein d'un couple non marié, Cons. const., déc. n° 2010-39 QPC du 6 octobre 2010, Mmes Isabelle D. et Isabelle B., cons. 9 : « Il n'appartient pas au Conseil constitutionnel de substituer son appréciation à celle du législateur sur les conséquences qu'il convient de tirer, en l'espèce, de la situation particulière des enfants élevés par deux personnes de même sexe »).

(22) Commentaire préc. du service juridique du Conseil, p. 19. C'est ce dont témoigne le rattachement de l'exigence au onzième alinéa du Préambule de 1946.

(23) Le Conseil ne se pose pas ici la question de la définition de l'enfant au sens de la protection de son intérêt supérieur. Mais cette question est classique pour l'application de la CIDE et elle est clairement tranchée : l'enfant est un être humain âgé de moins de dix-huit ans (art. 1er). On peut penser qu'il en ira de même en droit constitutionnel.

(24)Prise en elle-même, cette affirmation est intéressante, qui semble imposer au législateur d'instaurer une telle protection et, surtout, qui semble lui interdire de porter une atteinte (disproportionnée ?) aux protections existantes. Cette règle civile pourrait ainsi être rapprochée du principe fondamental reconnu par les lois de la République (PFRLR) en matière de justice des mineurs. Voir, pour une récente application, Cons. const., déc. n° 2018-762 QPC du 8 février 2019, M. Berket S., au sujet de l'audition libre des mineurs (censure de l'art. 61-1 du code de procédure pénale).

(25) Raison pour laquelle le Conseil juge par ailleurs que l'expression « documents d'identité valables », employée par l'article 388 du code civil, n'est pas imprécise (§ 19 ; pas d'incompétence négative).

(26) Sauf à la déduire de la première exigence, comme la Cour de cassation a accepté que le fassent souverainement les juges du fond (Cass. 1re civ., 3 octobre 2018, n° 19-19.442 : JCP G 2018, act. 1106, obs. P. Salvage-Gerest).

(27) À cet égard, la comparaison est intéressante avec une autre règle de subsidiarité posée par le Conseil constitutionnel en matière d'attribution forcée de la propriété d'un bien à titre de prestation compensatoire (art. 274, 2 °, C. civ.) qui avait donné lieu à une réserve d'interprétation expresse (Cons. const., déc. n° 2011-151 QPC du 11 juillet 2011, M. Jean-Jacques C.). Le rapprochement de ces solutions suggère que le Conseil protège davantage les biens que les personnes... À moins de considérer que la subsidiarité découle de la lettre de l'article 388 du code civil (ce qui n'est pas tout à fait évident), là où son article 274, 2 °, ne la prévoyait nullement, d'où la nécessité d'une réserve.

(28) Cons. const., déc. n° 2018-762 QPC, préc., note 24 : « L'audition libre se déroule selon [les] mêmes modalités [que pour les individus majeurs] lorsque la personne entendue est mineure et ce, quel que soit son âge. Or, les garanties précitées ne suffisent pas à assurer que le mineur consente de façon éclairée à l'audition libre ni à éviter qu'il opère des choix contraires à ses intérêts. Dès lors, en ne prévoyant pas de procédures appropriées de nature à garantir l'effectivité de l'exercice de ses droits par le mineur dans le cadre d'une enquête pénale, le législateur a contrevenu au principe fondamental reconnu par les lois de la République en matière de justice des mineurs » (§ 5).

(29) Cons. const., déc. n° 2018-730 QPC du 14 septembre 2018, M. Mehdi K.

(30) Qui n'a pas à être écrit, selon la Cour de cassation (Cass. 1 re civ., 3 octobre 2018, préc.).

(31) Voir, à l'origine, Cass. 1re civ., 28 mars 2000, n° 98-12.806 ; S. Mirabail, « Le refus de se soumettre à l'expertise biologique en matière de filiation et d'action à fins de subsides », Dr. famille 2013, étude 12.

(32) Voir P. Parinet, note préc., p. 743 et 744. L'auteur conclut à juste titre que « l'importance attachée au refus de se soumettre à une expertise a, semble-t-il, été sous-estimée par le Conseil constitutionnel ».

(33) La marque est déposée ! Voir M. Disant, Droit de la question prioritaire de constitutionnalité, Lamy, coll. Axe droit, 2011, n° 460, p. 335.

(34) Cons. const., déc. n° 2016-739 DC, préc., § 51 et s.

(35) Voir cette chronique in Les Nouveaux Cahiers du Conseil constitutionnel, 2017, n° 55-56, p. 190 et s. Pour un autre point de vue très critique sur le sort réservé aux enfants par la loi du 18 novembre 2016, voir B. Mallevaey, « L'intérêt de l'enfant et la réforme du divorce par consentement mutuel », LPA 29 juin 2017, n° 129, p. 6.

(36) L'ancienne phase de conciliation était au contraire obligatoire (Cass. 1re civ., 16 décembre 2015, n° 14-28.296).

(37) « Compte tenu des griefs des requérants, le Conseil n'a eu à examiner que la suppression de la phase de conciliation. Cette suppression découlait mécaniquement de la réécriture de l'article 252 du code civil, mais elle était sans lien avec les dispositions s'y substituant à l'article 252 du code civil (qui régissent désormais le contenu de la demande introductive d'instance) et n'étaient, quant à elles, pas contestées. Il n'y aurait donc pas eu de sens, au regard des griefs, à examiner la constitutionnalité du nouvel article 252 du code civil. Pour cette raison, le Conseil constitutionnel a écarté les griefs sans se prononcer sur la conformité à la Constitution du nouvel article 252 du code civil » (commentaire publié sur le site Internet du Conseil, p. 57).

(38) LPA 14 juin 2019, n° 119, p. 18, note J.-P. Camby.

(39) Loi n° 2016-444 du 13 avril 2016 visant à renforcer la lutte contre le système prostitutionnel et à accompagner les personnes prostituées. Étaient contestés les articles 131-16, 9 ° bis , 225-12-1, 225-20, I, 9 ° et 611-1 du code pénal issus de cette loi. Le Conseil a circonscrit cette QPC aux articles 225-12-1, al. 1er, et 611-1 (§ 6).

(40) Qui n'étaient pas des clients poursuivis, mais principalement des associations portant secours aux personnes prostituées. Le Conseil constitutionnel a également admis une trentaine d'interventions.

(41) CEDH, 17 février 2005, nos 42758/98 et 45558/99, K. A. et A. D. c/ Belgique : RTD civ. 2005, p. 341, obs. J.-P. Marguénaud.

(42) Cons. const., déc. n° 2003-467 DC du 13 mars 2003, Loi pour la sécurité intérieure, cons. 58 et s.

(43) Cette référence sonne un peu bizarrement ici, mais le service juridique du Conseil relève qu'elle « est habituelle dans la jurisprudence constitutionnelle lorsque sont en cause des questions de santé publique » (site Internet du Conseil, commentaire de la déc. n° 761 QPC, p. 14).

(44) Censure de l'article 65, 1 °, i, du code des douanes, dans sa rédaction résultant de la loi n° 2016-1918 du 29 décembre 2016 de finances rectificative pour 2016.

(45) Censure de l'article L. 114-20 du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction résultant de la loi n° 2007-1786 du 19 décembre 2007 de financement de la sécurité sociale pour 2008.

(46) Cons. const., déc. n° 2011-214 QPC du 27 janvier 2012, Société COVED SA.

(47) Loi pour la croissance, l'activité et l'égalité des chances économiques , dite « loi Macron ».

(48) Cette figure n'a rien d'inédit dans la jurisprudence du Conseil. Voir par exemple Cons. const., déc. n° 2016-582 QPC du 13 octobre 2016, Société Goodyear Dunlop Tires France SA, § 4.

(49) « La remise en cause des mesures prises sur le fondement des dispositions déclarées contraires à la Constitution méconnaîtrait les objectifs de valeur constitutionnelle de sauvegarde de l'ordre public et de recherche des auteurs d'infractions et aurait ainsi des conséquences manifestement excessives. Par suite, ces mesures ne peuvent être contestées sur le fondement de cette inconstitutionnalité » (§ 12).

(50) Déc. n° 789 QPC, § 20 et s.

(51) Cons. const., déc. n° 94-352 DC du 18 janvier 1995, Loi d'orientation et de programmation relative à la sécurité , cons. 16. Voir aussi, plus récemment, déc. n° 2017-695 QPC du 29 mars 2018, M. Rouchdi B. et autre, § 43, au sujet de la fermeture provisoire des lieux de culte, sur décision de l'autorité administrative, pour prévenir la commission d'actes de terrorisme.

(52) Depuis plusieurs années, le Conseil constitutionnel décide que ce principe découle du droit au respect de la vie privée (voir par exemple déc. n° 2013-357 QPC du 29 novembre 2013, Société Wesgate Charters Ltd, cons. 6, au sujet de la visite des navires par les agents des douanes).

(53) LPA 20 juin 2019, n° 123, p. 14, note M. Richevaux.

(54) Voir articles L. 631-7 et s. CCH. Ces règles sont applicables aux communes de plus de 200 000 habitants et à celles des départements des Hauts-de-Seine, de la Seine-Saint-Denis et du Val-de-Marne.

(55) Article L. 651-2 du CCH, récemment jugé conforme à la Constitution par la Cour de cassation, s'il est possible de s'exprimer ainsi ! Voir Cass. 3e civ., 5 juillet 2018, n° 18-40.014.

(56) Cette règle ne s'applique pas à la résidence principale du loueur (art. L. 631-7-1 A, al. 5, CCH).

(57) Voir aussi, au sujet de la décision de renvoi, H. Matsopoulou, « Les conditions du droit de visite des agents du service municipal du logement sont-elles conformes aux exigences constitutionnelles ? », note sous Cass. 3e civ., 17 janvier 2019, n° 18-40.040, JCP G 2019, 230.

(58) Commentaire de la décision n° 772 QPC, site Internet du Conseil, p. 14.

(59) Voir notamment, en matière d'état d'urgence, Cons. const., déc. n° 2016-536 QPC du 19 février 2016, Ligue des droits de l'homme.

(60) Cons. const., déc. n° 83-164 DC du 29 décembre 1983, Loi de finances pour 1984, cons. 24 et s.

(61) Loi n° 2014-366 du 24 mars 2014 pour l'accès au logement et un urbanisme rénové.

(62) Un délai maximum de deux mois à compter de la remise des clefs est en principe prévu par la loi de 1989 (art. 22, al. 3). Sont déduites les « sommes restant dues au bailleur et [les] sommes dont celui-ci pourrait être tenu, aux lieu et place du locataire, sous réserve qu'elles soient dûment justifiées ».

(63) Le même texte poursuit : « Cette majoration n'est pas due lorsque l'origine du défaut de restitution dans les délais résulte de l'absence de transmission par le locataire de l'adresse de son nouveau domicile ».

(64) Voir Cons. const., déc. n° 2010-85 QPC du 13 janvier 2011, Établissements Darty et Fils (déséquilibre significatif dans les relations commerciales).

(65) Commentaire du service juridique, décision n° 766 QPC, site Internet du Conseil, p. 6. La règle contestée doit aussi « se présent[er] comme une mesure répressive », en fonction des « caractéristiques » qui sont les siennes.

(66) Tel n'est pas, pour l'instant, la solution retenue par le projet de réforme de mars 2017 (amende civile).

(67) Site Internet du Conseil, p. 4 et 12.

(68) JO Sénat , 23 octobre 2013, p. 10043.

(69) Cass. 3e civ., 13 décembre 2018, n° 18-17.729.

(70) Le Conseil ajoute que le législateur a aussi pris en compte la durée du préjudice subi par le preneur.

(71) Voir art. 22, al. 1er, de la loi du 6 juillet 1989 : « Lorsqu'un dépôt de garantie est prévu par le contrat de location pour garantir l'exécution de ses obligations locatives par le locataire, il ne peut être supérieur à un mois de loyer en principal ».

(72) De la même façon, dans l'affaire tranchée par le Conseil, une dette de 177 euros a conduit, dix-neuf mois plus tard, à la condamnation à payer une somme de 1 900 euros (commentaire préc. du service juridique, p. 5). La dette a donc « grimpé » de 1 073 % en moins de deux ans !

(73) Voir, au sujet de l'indemnité de licenciement en cas de travail dissimulé, Cons. const., déc. n° 2011-111 QPC du 25 mars 2011, Mme Selamet B., cons. 4.

(74) Commentaire préc., p. 12.

(75) Une quatrième critique était dirigée contre l'article Lp. 412-4 du code de commerce qui oblige certaines entreprises à déclarer plusieurs informations commerciales auprès du gouvernement (en particulier leurs marges). Selon la société requérante, ces obligations contraires au secret des affaires violaient la liberté d'entreprendre. Ce grief est rejeté par le Conseil, notamment parce que les informations communiquées ne peuvent pas être rendues publiques (§ 23 à 27).

(76) « Par exception aux dispositions de l'article Lp. 410-2, les prix des produits alimentaires et non alimentaires d'origine locale ou importée et des prestations de services peuvent être fixés : (...) 2 ° par application d'un coefficient multiplicateur de marge commerciale ou par une marge commerciale en valeur absolue, au coût de revient licite ou au prix d'achat net ; (...) » (art. Lp. 411-2, I, C. com.).

(77) À ce sujet, le service juridique du Conseil relève qu'« ainsi, la réglementation des marges ne risque pas d'avoir pour conséquence une vente à perte, en cas par exemple d'inflation majeure d'une matière première » (site Internet du Conseil, p. 15). Il n'en reste pas moins que le cœur de l'activité commerciale, qui consiste à acheter des biens pour les revendre en faisant un bénéfice, est bien atteint.

(78) Voir Cons. const., déc. n° 2015-715 DC du 5 août 2015, préc., cons. 27 et s., spéc. cons. 32 (« loi Macron »), au sujet du pouvoir d'injonction structurelle de l'Autorité de la concurrence ; déc. n° 2015-468/469/472 QPC du 22 mai 2015, Société UBER France SAS et autre, cons. 17 et s., spéc. cons. 20, à propos des modalités de tarification appliquées par les entreprises de VTC. Comp. Cons. const., déc. n° 2013-670 DC du 23 mai 2013, Loi portant diverses dispositions en matière d'infrastructures et de services de transports , cons. 14 (écotaxe poids lourd).

(79) CE, 13 juillet 2016, n° 388150.

(80) À ce titre, le service juridique du Conseil précise que « le contrôle exercé par le Conseil constitutionnel ne le conduit pas à apprécier le caractère sérieux ou nouveau de la question qui lui est renvoyée » (commentaire de la déc. n° 790 QPC, site Internet du Conseil, p. 8).

(81) Dans cette affaire, les requérants s'étaient certes vus infliger une amende administrative, mais celle-ci reposait sur une violation des règles applicables en matière de démarchage téléphonique (voir art. L. 223-1 et s. C. consom., et art. L. 242-16 pour la sanction administrative). Les poursuites pénales par ailleurs engagées du chef de pratiques commerciales trompeuses reposaient donc sur un autre fondement. Sur ces circonstances, voir commentaire préc. du service juridique, p. 6-7.

(82) Exemple typique : l'article L. 212-1 du code de la consommation définit les clauses abusives, tandis que leur sanction civile résulte de l'article L. 241-1 (« Les clauses abusives sont réputées non écrites »). L'unité du texte est complètement brisée, au mépris même de son autorité.

(83) Voir en particulier, pour des décisions intéressant le droit privé, Cons. const., déc. n° 2015-500 QPC du 27 novembre 2015, Société Foot Locker France SAS, au sujet de la contestation et de la prise en charge des frais d'une expertise décidée par le CHSCT ; déc. n° 2017-632 QPC du 2 juin 2017, Union nationale des associations de familles de traumatisés crâniens et de cérébro-lésés , à propos de la procédure collégiale préalable à la décision de limitation ou d'arrêt des traitements d'une personne hors d'état d'exprimer sa volonté. Voir aussi commentaire du service juridique, décision n° 787 QPC, site Internet du Conseil, p. 9 et s.

(84)Pour une présentation de celles-ci, voir J.-J. Lemouland, « Simplifier et recentrer le rôle du juge dans le domaine de la protection des majeurs », D. 2019, p. 827 ; N. Peterka, « La déjudiciarisation du droit des personnes protégées par la loi du 23 mars 2019. Progrès ou recul de la protection ? », JCP G 2019, 437.

(85) Voir notamment A. Batteur, L. Mauger-Vielpeau et G. Raoul-Cormeil, « La conclusion forcée du contrat de mariage du majeur protégé », D. 2019, p. 825.

(86) Commentaire des décisions nos 778 et 779 DC, site Internet du Conseil, p. 55. Le service juridique détaille ensuite plus clairement les choses : « Confronté à un recours qui se limitait à évoquer des griefs et des arguments très généraux, adressés indistinctement à un ensemble de dispositions hétérogène et important quantitativement, le Conseil, attentif à préserver la recevabilité des éventuelles [QPC] que pourraient susciter de telles dispositions, s'est borné à examiner les griefs des requérants, sans pour autant, après les avoir écartés, vérifier la conformité de ces dispositions aux autres exigences constitutionnelles et donc sans se prononcer sur la constitutionnalité des articles 9, 10, 12, 29 et 30 » (p. 56).

(87) Pour une présentation d'ensemble, voir J. Théron, « « Less is more », Esquisse d'une nouvelle procédure civile minimaliste. Loi n° 2019-222 du 23 mars 2019 », JCP G 2019, 495.

(88) Sont aussi visés les conflits de voisinage, dont le pouvoir réglementaire devra fixer le champ précis.

(89) Voir G. Hannotin, « L'encadrement de l'open data des décisions de justice par le Conseil constitutionnel », JCP G 2019, 330.

(90) Rappr., dans le domaine pénal, sur le fondement des articles 6, 8, 9 et 16 de la Déclaration de 1789, Cons. const., déc. n° 2017-645 QPC du 21 juillet 2017, M. Gérard B. (huis clos de droit à la demande de la victime partie civile pour le jugement de certains crimes).

(91) Voir notamment Cons. const., déc. n° 2016-732 DC du 28 juillet 2016, Loi organique relative aux garanties statutaires, aux obligations déontologiques et au recrutement des magistrats ainsi qu'au Conseil supérieur de la magistrature , § 73 ; déc n° 2011-635 DC du 4 août 2011, Loi sur la participation des citoyens au fonctionnement de la justice pénale et le jugement des mineurs , cons. 10 (procédure pénale) ; déc. n° 2003-466 DC du 20 février 2003, Loi organique relative aux juges de proximité, cons. 4. Pour la première affirmation de ce principe, voir aussi Cons. const., déc. n° 92-305 DC du 21 février 1992, Loi organique modifiant l'ordonnance n° 58-1270 du 22 décembre 1958 portant loi organique relative au statut de la magistrature , cons. 64.

(92) Cons. const., déc. n° 2016-732 DC, préc., § 74.

(93) Voir O. Dufour, « Loi Pacte : le diable est dans les détails... déontologiques », LPA 4 juin 2019, n° 111, p. 6.

Citer cet article

Thomas PIAZZON. « Chronique de droit privé », Titre VII [en ligne], n° 3, La séparation des pouvoirs, octobre 2019. URL complète : https://www.conseil-constitutionnel.fr/publications/titre-vii/chronique-de-droit-prive-1