Chronique de droit pénal et procédure pénale (janvier 2024 à juin 2024)
Titre VII
N° 13 - novembre 2024
A) PROCÉDURE PÉNALE (E.B.)
Majeur Protégé. Non-conformité des règles relatives au défèrement de la personne.
Cons. const., déc. n° 2023-1076 QPC du 18 janvier 2024.
La décision du 18 janvier 2024 déclare la première phrase du premier alinéa de l'article 706-113 du code de procédure pénale dans sa rédaction résultant de la loi n° 2021-1729 du 22 décembre 2021 pour la confiance dans l'institution judiciaire non conforme à la Constitution en raison de sa contrariété aux droits de la défense.
La solution ne surprend guère(1). Elle est identique à celle précédemment retenue au sujet d'autres mesures susceptibles d'être prononcées à l'endroit d'un majeur sous un régime civil de protection, qu'il s'agisse d'une garde à vue (Cons. const., déc. n° 2018-730 QPC du 14 sept. 2018) ou, sous réserve d'une différence de fondement juridique, d'une perquisition domiciliaire dans le cadre d'une enquête préliminaire (Cons. const., déc. n° 2020-873 QPC du 15 janvier 2021) ou d'une audience devant les juridictions de l'application des peines (Cons. const., déc. n° 2020-884 QPC du 12 fév. 2021). À la suite de ces différentes questions prioritaires de constitutionnalité portant sur l'article 706-113 dans des rédactions plus anciennes, le Conseil avait conclu à la non-conformité de l'article, considérant que, dans le cadre d'un procès pénal, le majeur protégé peut être dans l'incapacité d'exercer ses droits. Faute de discernement suffisant ou de possibilité d'exprimer sa volonté en raison de l'altération de ses facultés mentales ou corporelles, il est susceptible d'opérer des choix contraires à ses intérêts, au regard notamment de l'exercice de son droit de s'entretenir avec un avocat et d'être assisté par lui.
À l'occasion de la question prioritaire examinée le 18 janvier dernier, le requérant – un homme poursuivi à l'issue de son défèrement devant le procureur de la République et qui avait comparu le jour même devant le tribunal correctionnel dans le cadre d'une comparution immédiate – faisait grief à cette disposition de ne pas prévoir que le curateur ou le tuteur d'un majeur protégé doit être informé lorsque celui-ci fait l'objet d'un défèrement alors qu'il ne disposerait pas toujours du discernement nécessaire à l'exercice de ses droits. Elle méconnaîtrait ainsi les droits de la défense et serait, en outre, entachée d'incompétence négative dans des conditions affectant ces droits.
Pour comprendre ce grief, il est utile de rappeler que le défèrement est une procédure prévue à l'article 803-2 du code de procédure pénale qui oblige la personne qui en fait l'objet à comparaître le jour même, ou à défaut le jour suivant, devant le magistrat qui a demandé la mesure (procureur de la République à l'issue de la garde à vue, cas le plus courant en pratique ; juge d'instruction lorsque le placement en garde à vue est intervenu dans le cadre d'une information judiciaire, le cas échéant en exécution d'une commission rogatoire ; juge de l'application des peines lorsque la personne a été retenue pour un manquement supposé aux obligations qui lui incombent en application de la condamnation prononcée à son encontre). Cette procédure ouvre des droits au bénéfice de la personne. D'une part, si elle est déférée à l'issue de sa garde à vue devant le procureur de la République et que celui-ci envisage de la poursuivre devant le tribunal correctionnel selon la procédure de convocation par procès-verbal, de comparution immédiate ou de comparution à délai différé, l'article 393 du code de procédure pénale prévoit qu'elle doit être informée de son droit à l'assistance d'un avocat de son choix ou commis d'office et, s'il y a lieu, de son droit d'être assistée par un interprète. Après avoir constaté son identité et lui avoir fait connaître les faits qui lui sont reprochés ainsi que leur qualification juridique, il doit également l'avertir de son droit de faire des déclarations, de répondre aux questions qui lui sont posées ou de se taire. D'autre part, si elle ne comparaît que le jour suivant, la comparution le jour même étant impossible, et que, le temps de l'attente, elle est retenue dans des locaux de la juridiction spécialement aménagés, elle doit être informée de droits comparables à ceux dont bénéficie la personne retenue dans le cadre d'une garde à vue (C. pr. pén., art. 63-1) : droit de faire prévenir par téléphone certaines personnes de son entourage, droit d'être examinée par un médecin et s'entretenir, à tout moment, avec un avocat désigné par elle ou commis d'office (C. pr. pén., art. 803-3).
Lorsque la personne est sous un régime civil de protection, il est à craindre qu'elle ne comprenne pas le sens des droits qui sont ainsi portés à sa connaissance ou qu'elle ne mesure pas pleinement l'intérêt de leur exercice. Or, elle n'est pas assistée dans cette bonne compréhension de ses droits. La loi ne prévoit pas que soit informé de la mesure son tuteur ou son curateur. Si, une fois les poursuites engagées, le code de procédure pénale prévoit bien que le tuteur ou le curateur soit informé de l'ensemble des mesures et décisions concernant le majeur protégé, cette obligation n'est exigée qu'au stade antérieur que dans des cas particuliers, sur prévision spéciale de la loi au moment du placement en garde à vue (C. pr. pén., art. 706-112-1), au moment de l'audition libre de la personne (C. pr. pén., art. 706-112-2) ou encore lors d'une perquisition lorsqu'elle est pratiquée en enquête préliminaire puisque cette mesure d'investigation suppose en principe le consentement de la personne (C. pr. pén., art. 706-112-3). Pourtant, entre ces opérations de police judiciaire pratiquées sous le contrôle du magistrat du parquet et l'acte de poursuites, des mesures restrictives de droits et libertés comme le défèrement et la retenue qui peut l'accompagner, peuvent être décidées par le magistrat de sorte que la non-information du tuteur ou du curateur peut aussi être préjudiciable à la personne. La chambre criminelle de la Cour de cassation saisie de la question estima la question sérieuse et la renvoya au Conseil au motif que la disposition contestée est susceptible de porter atteinte aux droits de la défense garantis par l'article 16 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen (Cass. crim., 10 oct. 2023, n° 23-90.013).
Le Conseil opte pour une non-conformité totale de la première phrase du premier alinéa de l'article 706-113 du code de procédure pénale, selon laquelle : « sans préjudice de l'application des articles 706-112-1 à 706–112-3, lorsque la personne fait l'objet de poursuites, le procureur de la République ou le juge d'instruction en avise le curateur ou le tuteur ainsi que le juge des tutelles ». En ne prévoyant pas à la charge du magistrat d'obligation d'avertir le curateur ou le tuteur de la personne protégée qui est l'objet d'un défèrement à l'issue d'une garde à vue afin de lui permettre d'être assistée dans l'exercice de ses droits, la loi ne garantit pas leur effectivité. Il reproduit ainsi le raisonnement déjà tenu en matière de garde à vue (Cons. const., déc. du 14 sept. 2018, op. cit.). Dès lors que les éléments recueillis au cours de la procédure font apparaître que la personne déférée fait l'objet d'une mesure de protection juridique, il est nécessaire que le tuteur ou le curateur soit informé. Il incombe donc au magistrat compétent de procéder à leur avertissement.
L'abrogation immédiate de cette disposition supprimant l'obligation pour le procureur de la République et le juge d'instruction d'aviser le curateur ou le tuteur, ainsi que le juge des tutelles, en cas de poursuites pénales à l'encontre d'un majeur protégé (C. pr. pén., art. 706-113, al. 1er), ce qui entraînerait des conséquences manifestement excessives, le Conseil reporte dans le temps les effets de l'abrogation au 31 janvier 2025. Toutefois, il ne s'en tient pas, comme il le fait le plus souvent, à cette mention. Il juge bon d'ajouter que jusqu'à l'entrée en vigueur d'une nouvelle loi ou, au plus tard, jusqu'au 31 janvier 2025, si des éléments recueillis au cours de la procédure font apparaître que la personne susceptible d'être déférée à compter de la publication de la décision fait l'objet d'une mesure de protection juridique, le curateur ou le tuteur doit être avisé par le magistrat compétent de son défèrement et, le cas échéant, de sa retenue dans les locaux du tribunal. La déclaration de non-conformité à la Constitution est ainsi assortie d'une réserve transitoire, ce qui constitue une différence significative entre cette décision et celles précédentes rendues en matière de protection des majeurs protégés.
La possibilité de prévoir une telle réserve n'est pas ici en cause. Les réserves transitoires, bien que non expressément inscrites à l'article 62 de la Constitution aux termes duquel : « Le Conseil constitutionnel détermine les conditions et limites dans lesquelles les effets que la disposition a produits sont susceptibles d'être remis en cause », constituent une solution prétorienne dégagée par le Conseil constitutionnel depuis 2014 (Cons. const., déc. n° 2014-400 QPC du 6 juin 2014). En revanche, on s'interrogera davantage sur la présence en l'espèce d'une telle réserve par comparaison aux décisions précédemment rendues sur le fondement de l'article 706-113 du code de procédure pénale. Jusqu'alors, en effet, le Conseil s'était toujours borné à reporter dans le temps les effets de sa décision sans jamais prévoir de règles applicables à titre intermédiaire. Ainsi, en matière de garde à vue, il indiquait dans sa décision n°2018-730 QPC du 14 septembre 2018 : « il y a lieu de reporter au 1er octobre 2019 la date de l'abrogation des dispositions contestées. Les mesures prises ayant donné lieu, avant cette date, à l'application des dispositions déclarées contraires à la Constitution et les mesures de garde à vue prises avant cette date ne peuvent être contestées sur le fondement de cette inconstitutionnalité »(2). Le Conseil ne donne aucune explication à la présence inédite de cette réserve transitoire(3).
Cette décision vient ainsi confirmer le caractère aléatoire des réserves déjà souligné en doctrine(4). Il est en effet bien difficile de parvenir à identifier la raison d'être de cette réserve(5). L'effet utile de la décision n'est pas un argument convaincant puisque la réserve ne fait pas cesser immédiatement l'inconstitutionnalité constatée. Elle ne bénéficie pas au requérant ayant soulevé la question prioritaire. La quête de l'effectivité des droits de la personne déférée peut l'être davantage puisque la décision crée désormais un devoir d'information là où auparavant régnait le libre choix d'informer ou de ne pas informer la personne(6). Cela dit, si telle était la seule raison à la présence de la réserve transitoire, il y a tout lieu de penser que le Conseil l'aurait aussi imposée dans ses décisions antérieures. Dès lors, la seule explication possible tient aux changements de contexte. Entre 2018 et 2024, diverses réformes législatives ont été opérées, sur lesquelles le Conseil peut désormais prendre appui pour anticiper l'évolution normative qu'il réclame. Par trois lois successives, le législateur est en effet venu prévoir la manière de corriger une inconstitutionnalité née du silence de l'article 706-113 du code sur l'information du tuteur ou du curateur à des stades particuliers de la procédure pénale : loi n° 2019-222 du 23 mars 2019 venue créer les articles 706-112-1 et 706-112-2 pour la garde à vue et l'audition libre ; loi n° 2020-1672 du 24 décembre 2020 venue réécrire l'article 712-16-3 au stade de l'application des peines ; et, en dernier lieu, loi n° 2021-1729 du 22 décembre 2021 à l'origine de l'article 706-112-3 relatif aux perquisitions. De façon similaire dans ces divers cas, le législateur a rendu obligatoire, pour l'autorité compétente (magistrat, officier ou agent de police judiciaire selon l'acte considéré), l'information du mandataire d'un majeur protégé (curateur, tuteur ou mandataire spécial selon le régime civil de protection en place) dès lors que les éléments recueillis au cours de la procédure font apparaître que la personne fait l'objet d'une mesure de protection juridique. Le Conseil ferait ainsi preuve d'audace par la prévision d'une réserve transitoire parce qu'il peut anticiper la forme de l'évolution normative en s'inspirant des réformes précédentes(7).
Droit de se taire et procédure applicable aux délits de presse.
Cons. const., déc. n° 2024-1089 QPC du 17 mai 2024.
Le droit de se taire n'en finit plus d'alimenter le contentieux devant le Conseil constitutionnel. Après les multiples décisions rendues à propos de divers articles du code de procédure pénale(8), voici venu le temps de l'examen de la conformité à la Constitution des dispositions de la loi sur la presse de 1881. À l'occasion de la décision rendue le 17 mai 2024, le Conseil avait, en effet, à connaître d'une question prioritaire de constitutionnalité portant sur la conformité de l'article 51-1 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse, dans sa rédaction issue de la loi n° 2019-222 du 23 mars 2019 de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice. Ce texte expose les conditions de la mise en examen d'une personne pour le délit de diffamation ou d'injure, par dérogation au droit commun de la procédure pénale (C. pr. pén., art. 80-1 et 116). Il prévoit notamment que le juge informe la personne de son intention de la mettre en examen par lettre recommandée avec demande d'avis de réception en précisant chacun des faits qui lui sont reprochés ainsi que leur qualification juridique et en l'avisant de son droit de faire connaître des observations écrites dans un délai d'un mois. Il peut aussi, par le même avis, interroger la personne par écrit afin de solliciter, dans le même délai, sa réponse à différentes questions écrites. Le texte permet ainsi à la personne dont la mise en examen est envisagée de s'exprimer. En revanche, aucune disposition de ce texte ne fait mention d'une obligation pesant sur le juge de lui notifier le droit de se taire. C'est cette carence de l'article que contestait le requérant, rejoint par l'une des parties intervenantes en se fondant sur l'article 9 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 qui consacre la présomption d'innocence au rang des principes à valeur constitutionnelle dont le droit de ne pas contribuer à sa propre accusation découle.
Sans l'ombre d'une hésitation, le Conseil considère que ce silence du texte est contraire à la Constitution dès lors que l'office confié au juge d'instruction peut le conduire à porter une appréciation sur les faits retenus à titre de charges contre la personne dont il envisage la mise en examen (motif n° 8). Il conforte son analyse par un autre élément plus subjectif et difficilement mesurable, à savoir le fait que l'invitation délivrée par le juge d'instruction à présenter des observations et, le cas échéant, à répondre aux questions, peut être de nature à laisser croire à la personne mise en cause qu'elle ne dispose pas du droit de se taire (motif n° 9).
Considérant qu'une abrogation immédiate des dispositions déclarées inconstitutionnelles entraînerait des conséquences manifestement excessives car elle priverait d'une part, le juge d'instruction de la faculté de poser des questions écrites aux personnes dont la mise en examen est envisagée et d'autre part, ces dernières de la possibilité de lui faire connaître leurs observations et réponses, le Conseil reporte au 1er juin 2025 la date de l'abrogation du texte. Toutefois, il assortit sa décision d'une réserve transitoire afin de faire cesser l'inconstitutionnalité constatée. Jusqu'à l'entrée en vigueur d'une nouvelle loi ou jusqu'à la date de l'abrogation des dispositions déclarées inconstitutionnelles, le juge d'instruction, lorsqu'il informe la personne de son intention de la mettre en examen en application de l'article 51-1 de la loi du 29 juillet 1881, doit lui notifier son droit de se taire.
De cette décision, on retiendra, sans réel étonnement, que le droit de se taire existe en toute procédure, y compris en droit de la presse. On sera en revanche plus étonné de l'absence de motivation de la réserve transitoire. Nous l'avons déjà regretté à d'autres occasions (v. supra, nos obs. sous Cons. const., déc. n° 2023-1076 QPC du 18 janvier 2024). On le regrettera davantage encore en l'espèce car le Conseil constitutionnel disposait d'éléments juridiques pour étayer son propos. Cette décision ranime, en effet, toute la question de l'articulation du droit général et du droit spécial. Si incontestablement l'article 51-1 de la loi du 29 juillet 1881 déroge à l'article 116 du code de procédure pénale qui prévoit, en son alinéa 6, l'obligation pour le juge d'instruction d'informer la personne « qu'elle a le droit soit de faire des déclarations, soit de répondre aux questions qui lui sont posées, soit de se taire », il ne déroge pas à l'article préliminaire du code de procédure pénale qui, depuis la loi du 22 décembre 2021, comporte un avant-dernier alinéa au terme duquel : « En matière de crime ou de délit, le droit de se taire sur les faits qui lui sont reprochés est notifié à toute personne suspectée ou poursuivie avant tout recueil de ses observations et avant tout interrogatoire, y compris pour obtenir des renseignements sur sa personnalité ou pour prononcer une mesure de sûreté, lors de sa première présentation devant un service d'enquête, un magistrat, une juridiction ou toute personne ou tout service mandaté par l'autorité judiciaire. Aucune condamnation ne peut être prononcée sur le seul fondement de déclarations faites sans que ledit droit ait été notifié ». Sans attendre une réforme législative, il incombait donc au juge d'instruction d'informer la personne de son droit de garder le silence, sauf à considérer que l'article préliminaire n'a pas de portée normative. On sait la question fort débattue en doctrine(9) et toujours délicate à trancher même si l'étude des arrêts de la Cour de cassation montre que les principes directeurs permettent au juge, soit d'orienter l'interprétation qu'il donne des règles techniques, soit de créer de nouvelles règles de droit(10). On sait aussi que le Conseil s'inspire de l'article préliminaire pour contrôler la conformité des lois(11). Parfois même, il vise expressément cet article(12). Selon la doctrine, « les principes de l'article préliminaire sont donc sources d'inspiration pour le juge constitutionnel »(13). Comment expliquer alors que le Conseil n'ait pas eu davantage de considération pour l'alinéa de cet article relatif au droit de se taire pour statuer voire pour, a minima, expliquer la réserve transitoire ? On le regrettera d'autant plus que ce n'est pas la première fois qu'une telle critique peut lui être adressée(14).
Cette décision vient ainsi relancer le débat sur l'articulation de l'article préliminaire avec les dispositions techniques de procédure pénale et plus particulièrement sur la question de savoir si l'article préliminaire peut venir combler les lacunes des règles techniques en raison de la force particulière des principes qu'il consacre. La chambre criminelle de la Cour de cassation a parfois pu le laisser entendre en rendant des décisions au seul visa de l'article préliminaire(15). Toutefois, dans les hypothèses où elle l'a dit, l'article préliminaire pouvait apparaître comme la source de la disposition technique(16) et non comme un moyen de combler le silence d'une disposition technique.
Procédure accélérée de jugement et délits de presse.
Cons. const., déc. n° 2024-1088 QPC du 17 mai 2024.
Les dernières réformes législatives en matière de presse ont eu pour l'essentiel comme objectif de réduire le champ d'application des dispositions de droit spécial issues de la loi de 1881 sur la presse pour faire face notamment à la multiplication des appels à la haine sur internet(17). La doctrine a ainsi pu parler de déspécialisation du droit de la presse(18) ou de « déconstruction » de la loi du 29 juillet 1881(19). Cette déspécialisation progressive prend deux formes. Parfois le législateur fait sortir des infractions de presse du champ d'application de la loi du 29 juillet 1881 pour les faire entrer dans le code pénal et les soumettre ainsi à la procédure pénale de droit commun(20). Parfois, de manière moins radicale, il assouplit des règles dérogatoires ou en exclut l'application pour certaines infractions de presse, tout en les maintenant au sein de la loi du 29 juillet 1881. Les exemples de cette dernière méthode sont nombreux : mise à l'écart de la prescription trimestrielle de l'action publique et de l'action civile (art. 65, alinéa 1 de la loi du 29 juillet 1881) au profit d'un délai allongé pour les délits de provocations directes non suivies d'effet (art. 65-3 de la loi du 29 juillet 1881(21)), suppression de l'exigence d'articulation et de qualification des faits dans les réquisitions aux fins d'enquête pour les délits de provocation, d'apologie de crimes, de contestation de crimes, de diffamation ou d'injure prévus par la loi du 29 juillet 1881 (art. 65-3 de la loi de 1881) ou encore possibilité de recourir à une procédure accélérée de jugement alors que, par principe, les délits de presse ne sont pas susceptibles d'être jugés selon les procédures de la convocation par procès-verbal, de la comparution immédiate et de la comparution à délai différé (C. pr. pén., art. 397-6 al. 2). Ce sont précisément ces deux dernières règles qui sont à l'origine de la question prioritaire de constitutionnalité dans la décision n° 2024-1088 du 17 mai 2024. La requérante ainsi que les nombreuses parties intervenantes à la procédure (l'association Ligue des droits de l'homme, l'association des avocats pénalistes, l'association de la presse judiciaire et le syndicat des avocats de France) invoquaient en effet la non-conformité à la Constitution du second alinéa de l'article 397-6 du code de procédure pénale, dans sa rédaction résultant de la loi n° 2021-1109 du 24 août 2021 et de l'article 65-3 de la loi de 1881.
S'agissant de l'article 397-6 al. 2 du code de procédure pénale qui permet désormais le recours à la procédure de la comparution immédiate pour certaines infractions de presse limitativement énumérées par le texte, trois arguments au soutien de la saisine étaient avancés. Le premier consistait à dire que les conditions de mise en œuvre de la procédure de la comparution immédiate seraient incompatibles avec le jugement d'infractions de presse. Pour les requérants, il existerait en effet une spécificité du droit de la presse justifiant que les procédures accélérées soient laissées de côté. Or, aucune disposition à valeur constitutionnelle, à ce jour, n'érige en principe la spécificité de la procédure en matière de presse. Qu'à cela ne tienne, la requérante et les parties intervenantes entendaient obtenir au préalable du Conseil qu'il se prononce sur l'existence d'un principe fondamental reconnu par les lois de la République (PFRLR) imposant l'application d'une procédure spéciale en matière de délits de presse. Cet argument était complété par deux autres griefs : d'une part, une méconnaissance du principe d'égalité devant la justice au motif que ce texte créerait une différence de traitement injustifiée entre les personnes poursuivies pour une même infraction, selon qu'elles sont ou non jugées suivant la procédure de comparution immédiate, ainsi qu'entre les personnes poursuivies pour des infractions distinctes, selon que celles-ci entrent ou non dans le champ des dispositions ; et, d'autre part, une atteinte qui ne serait ni nécessaire, ni adaptée, ni proportionnée à la liberté d'expression et de communication en raison du recours à une procédure d'urgence pour faire cesser le trouble causé par de telles infractions.
S'agissant de l'article 65-3 de la loi de 1881, les fondements invoqués étaient les mêmes puisque la requérante et les parties intervenantes reprochaient au texte de supprimer, pour certains délits de presse, l'exigence d'articulation et de qualification des faits dans les réquisitions aux fins d'enquête en contradiction avec le principe fondamental reconnu par les lois de la République imposant l'application d'une procédure spéciale en matière de délits de presse, qu'elles demandent au Conseil constitutionnel de reconnaître, ainsi que les droits de la défense et la liberté d'expression et de communication. À ces deux griefs, l'une des parties intervenantes fait par ailleurs valoir que les dispositions contestées de l'article 65-3 de la loi du 29 juillet 1881 seraient contraires au principe d'égalité devant la justice.
Le Conseil, saisi de cette question par arrêt de renvoi de la chambre criminelle de la Cour de cassation (Cass. crim., 13 fév. 2024, n° 23-90.018), commence par statuer sur la question du principe fondamental reconnu par les lois de la République qu'il se refuse de consacrer (1) avant d'envisager un à un les autres griefs invoqués (2).
1. La non-reconnaissance d'un principe fondamental reconnu par les lois de la République
L'argument tenant à la spécificité de la procédure applicable aux infractions de presse, que l'on retrouve au soutien de la contestation des deux articles, est de loin le plus important puisque, par ces questions, la requérante entendait voir consacrer un nouveau PFRLR. On le sait, il est de jurisprudence constante, qu'une tradition républicaine peut être invoquée pour soutenir qu'un texte législatif qui la contredit serait contraire à la Constitution si elle a donné naissance à un PFRLR au sens du premier alinéa du Préambule de la Constitution de 1946. Le Conseil le rappelle dans sa décision (motif n° 7). La catégorie des PFRLR n'est pas figée. Au gré des décisions, le Conseil peut consacrer de nouveaux principes(22) et il est, comme en l'espèce, régulièrement invité à le faire(23). Lorsqu'il est saisi d'une question portant sur la reconnaissance d'un nouveau principe, le Conseil rappelle, de façon constante, que la réunion de trois critères est nécessaire. Il faut, tout d'abord, que le principe énonce une règle suffisamment importante dotée d'un degré suffisant de généralité et qui intéresse des domaines essentiels pour la vie de la Nation, comme les droits et libertés fondamentaux, la souveraineté nationale ou l'organisation des pouvoirs publics (critère dit de la fondamentalité). Il faut, ensuite, que le principe trouve un ancrage textuel dans une ou plusieurs lois adoptées sous un régime républicain antérieur à 1946 (critère de l'ancrage textuel). Il faut, enfin, qu'il n'ait jamais été dérogé à ce principe par une loi républicaine antérieure à l'entrée en vigueur de la Constitution de 1946 (critère de la continuité républicaine).
L'absence d'un seul de ces critères conduit à renier l'existence d'un principe. Pourtant, tel n'est pas le raisonnement suivi dans la décision du 17 mai. Sans entrer dans l'examen de chacune de ces conditions qu'il ne rappelle même pas, le Conseil se borne à affirmer que « les règles spéciales de procédure instituées par la loi du 29 juillet 1881 pour la poursuite et la répression de certaines infractions de presse, pour importantes qu'elles soient, ne constituent que l'une des formes possibles de garantie légale de la liberté d'expression et de communication proclamée par l'article 11 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789. Dès lors, elles ne peuvent en elles-mêmes être regardées comme figurant au nombre des principes fondamentaux reconnus par les lois de la République mentionnés par le premier alinéa du Préambule de la Constitution de 1946 ». C'est implicitement le premier critère qui ne se trouve pas rempli. Si la liberté d'expression et de communication est bien une liberté fondamentale, la règle invoquée de la spécificité de la procédure applicable aux infractions de presse n'est pas dotée d'un degré de généralité suffisant pour être érigée en PFRLR (motif n° 8). Le grief tiré de la méconnaissance d'un principe fondamental reconnu par les lois de la République imposant l'application d'une procédure spéciale en matière de délits de presse ne peut qu'être écarté.
On aurait aimé davantage de justification à cette décision. Il est évident que toutes les règles techniques de procédure pénale ne peuvent être érigées en PFRLR. Toutefois, lorsqu'il existe tout un cortège de dispositions particulières destinées à souligner la spécificité d'une procédure, ne pouvait-on pas s'attendre à la reconnaissance a minima d'une règle suffisamment importante pour permettre la reconnaissance d'un principe si par ailleurs les autres critères sont réunis ? Une explication plus étoffée aurait, à tout le moins, permis de donner une assise plus solide à cette décision qui a néanmoins deux mérites. En premier lieu, elle affirme, très clairement, pour ceux qui en doutaient encore (v. la position que soutenait le Premier ministre dans ses observations) que des règles de procédure peuvent être reconnues comme constituant un PFRLR (motif n° 8). En second lieu, elle ne remet pas en cause la protection de la liberté de la presse, simplement celle-ci passera non pas par la consécration d'un nouveau PFRLR, mais par le contrôle des atteintes susceptibles d'être portées par la loi à l'exercice de cette liberté pour s'assurer qu'elles sont nécessaires, adaptées et proportionnées à l'objectif poursuivi. Là est sans doute l'essentiel. La consécration d'un PFRLR n'était pas utile à la préservation de la liberté d'expression consacrée à l'article 11 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen et garantie par un contrôle de proportionnalité poussé effectué par le Conseil au gré de sa jurisprudence et qu'il opère d'ailleurs dans la suite de sa décision n° 2024-1088 QPC du 17 mai 2024 (v. infra). La fin (la protection de la liberté) ne justifiait donc pas le moyen (la consécration d'un nouveau PFRLR).
2. Le rejet des autres griefs invoqués
Cette première question résolue, le Conseil examine ensuite les divers griefs d'atteinte au principe d'égalité et de méconnaissance de la liberté d'expression pour les écarter un à un.
S'agissant de la méconnaissance de la liberté d'expression et de communication, il juge, au terme d'un raisonnement étoffé et propre à chaque article, que l'atteinte portée à la liberté d'expression et de communication par les deux textes est nécessaire, adaptée et proportionnée à l'objectif poursuivi. Pour cela, il souligne la nécessité de lutter contre les infractions selon l'objectif de valeur constitutionnelle de sauvegarde de l'ordre public (motifs n° 13 et 25). Il relève ensuite le champ d'application précis des règles qui écartent le droit spécial de la presse en tenant compte de la particulière gravité des faits (motifs n° 14, 15 et 27). Il s'assure enfin de la présence de diverses dispositions dans le code de procédure pénale venant préserver les droits de la personne malgré le durcissement de la procédure mise en œuvre et le droit pour la personne entendue librement ou placée en garde à vue à être immédiatement informée de la date et du lieu présumés et de la qualification de l'infraction qu'elle est soupçonnée d'avoir commise ou tenté de commettre (motifs n° 16 et 26). Il fait d'ailleurs de ce droit un élément important puisque sa déclaration de conformité à la Constitution de l'article 65-3 de la loi de 1881 est assortie d'une réserve d'interprétation portant précisément sur le fait que ce texte ne saurait avoir pour effet de déroger aux dispositions des articles 61-1 et 63-1 du code de procédure pénale selon lesquelles toute personne entendue librement ou placée en garde à vue doit immédiatement être informée de la date et du lieu présumés et de la qualification de l'infraction qu'elle est soupçonnée d'avoir commise ou tenté de commettre (motif n° 26).
S'agissant de la violation du principe d'égalité, le grief est là aussi écarté. D'une part, le fait que les auteurs des délits de presse soient susceptibles de ne pas être soumis à la même procédure de jugement constitue une différence de traitement certes mais qui se trouve justifiée par une différence de situation tenant à l'obligation d'identification du directeur de la publication et au régime de responsabilité spécifique qui résulte des articles 42 de la loi du 29 juillet 1881 et 93-3 de la loi du 29 juillet 1982. D'autre part, les personnes jugées selon une procédure accélérée à raison de ces délits de presse sont, eu égard à la nature et à la gravité des faits qui leur sont reprochés, dans une situation différente de celle des personnes jugées pour les autres délits de presse de sorte que le grief d'atteinte au principe d'égalité ne peut être retenu.
B. DROIT PÉNAL (V.P.)
Loi visant à renforcer la lutte contre les dérives sectaires et à améliorer l'accompagnement des victimes.
Cons. const., déc. n° 2024-865 DC du 7 mai 2024.
1. Non-conformité procédurale du recours aux CLSPD pour lutter contre les dérives sectaires
La loi n° 2024-420 du 10 mai 2024 visant à lutter contre les dérives sectaires a dû subir, en raison de la saisine du Conseil constitutionnel par soixante sénateurs et autant de députés, un examen constitutionnel avant de se consacrer à sa mission. Est-elle pour autant opérationnelle ?
Si l'on examine le dispositif de la décision du Conseil, l'avis est globalement positif puisque seul son article 2 est déclaré non conforme à la Constitution. Nul examen de fond ici, mais seulement la précision que la loi donnait compétence pour traiter des questions de prévention des phénomènes sectaires aux conseils locaux et intercommunaux de sécurité et de prévention de la délinquance (CLSPD). Ces conseils, créés par un décret du 17 juillet 2002, combinent en leur sein des acteurs locaux variés (préfet, magistrats du parquet, police, y compris municipale, gendarmes, élus locaux, directeurs d'école ou représentants d'associations, entre autres) pour coordonner les actions destinées à répondre à des phénomènes spécifiquement identifiés (petite délinquance, violences intra-familiales, climat d'insécurité, etc.) sur un territoire local déterminé. Établir un maillage territorial pour lutter contre les dérives sectaires et permettre un meilleur accompagnement des victimes par le biais de CLSPD déployés sur le territoire national aurait donc pu être pertinent, mais le Conseil relève que le texte introduit en première lecture ne présente pas de lien, même indirect, avec l'article 6 du projet qui, en cas de faits commis sur une personne en état de sujétion psychologique, permet au ministère public ou à la juridiction compétente de saisir certains services de l'État dont la compétence leur serait utile. Le CLSPD ne répondant effectivement pas à cette finalité, le Conseil ne peut que constater que l'article 2 a été adopté par une procédure contraire à la Constitution, entraînant une déclaration d'inconstitutionnalité, sans qu'il soit préjugé du fond.
Les autres textes majeurs, les articles 3 et 12, passent en revanche l'écueil constitutionnel, sans difficultés.
2. Placement ou maintien dans un état de sujétion psychologique ou physique
L'article 3 I 3 ° du texte « dénumérote » l'article 223-15-3 du code pénal en vigueur jusque-là (il devient l'article 223-15-4, lequel article 225-15-4 devient l'article 223-15-5...) et puis le rétablit en son 5 °. Il contient alors, en son I, une double incrimination : le maintien ou le placement d'une personne en état de sujétion psychologique (alinéa 1) et l'abus de cette sujétion (alinéa 2), les II et III du texte étant relatifs aux circonstances aggravantes. Seul le premier alinéa du I faisait l'objet d'un examen constitutionnel, à savoir le fait de placer ou de maintenir une personne en état de sujétion, mais non d'abuser de cet état. Cette dernière incrimination, contenue à l'alinéa 2 du I de l'article 223-15-3, est la version actualisée de l'ancien article 223-15-2, alinéa 1 (puni des mêmes peines et au sujet duquel la Cour de cassation a estimé qu'il est « rédigé(e) en termes suffisamment clairs et précis pour permettre son interprétation et sa sanction, qui relèvent de l'office du juge pénal, sans risque d'arbitraire »)(24).
Il était donc reproché au législateur d'incriminer le placement ou le maintien d'une personne dans un état de sujétion psychologique ou physique, les sénateurs redoutant la répression de « tout type d'emprise » (paragr. 3), au mépris de la liberté individuelle, de la liberté personnelle, de la liberté de conscience et de celle d'opinion. Le Conseil procède alors à sa traditionnelle balance des intérêts en présence (sauvegarde des libertés contre sauvegarde de la dignité de la personne humaine) au regard des objectifs de valeur constitutionnelle poursuivis (protection de la santé, de sauvegarde de l'ordre public et de prévention des infractions). Si l'on mesure la conviction du Conseil à l'aune de la longueur de sa réponse, on constate qu'elle est donc vite emportée puisque la décision est, sur ce point, relativement concise. Deux arguments sont néanmoins retenus.
Tout d'abord, le législateur a entendu incriminer le placement ou le maintien dès lors qu'il en résulte pour la personne des conséquences gravement préjudiciables. Si cette expression peut paraître absconse (qu'est-ce qu'une conséquence gravement préjudiciable ? à partir de quand une conséquence cesse-t-elle d'être préjudiciable pour l'être gravement ?), les difficultés ont été, en définitive, résolues par la jurisprudence(25).
Ensuite, l'infraction n'est constituée que « si son auteur a usé de pressions graves, de pressions réitérées ou de techniques propres à altérer le jugement de la victime, et que ces agissements ont causé une altération grave de la santé physique ou mentale de la victime ou l'ont conduite à un acte ou une abstention qui lui sont gravement préjudiciables ». En réalité, il ne s'agit là que d'un rappel de la structure de la qualification pénale et non d'une quelconque argumentation. Pour autant, on peut remarquer que la référence à l'exercice de pressions ou techniques est connue du législateur, qui les avait déjà incriminées dans l'article 223-15-2 du code pénal, si bien que, là encore, la jurisprudence les a déjà éprouvées(26). En définitive, la nouveauté du texte vient du fait que les pressions et les techniques peuvent aussi avoir pour effet de causer une altération grave de la santé mentale ou physique de la personne. La preuve de cette altération pourra néanmoins être relativement complexe à rapporter puisqu'il faudra établir le lien de causalité entre les agissements et l'altération subséquente, étant entendu que, d'une part, celle-ci pourra avoir été en partie causée par des éléments endogènes et que, d'autre part, elle n'aura pas à se traduire par « un acte ou une abstention gravement préjudiciable ».
Toutefois, cette réflexion, relative aux modalités d'application de la norme projetée, se situe en dehors du champ de réflexion constitutionnel, de sorte que le Conseil valide la disposition sans autre forme de procès, d'autant que le grief n'était pas celui d'une atteinte au principe de la légalité criminelle mais à la liberté personnelle.
3. Conformité à la Constitution de l'incrimination des actes de provocation
Toujours dans le même ordre d'idées – protéger les personnes contre toute dérive sectaire qui mettrait en danger, notamment, leur santé psychique ou physique –, le législateur a souhaité incriminer deux types de provocation : à abandonner ou s'abstenir de suivre un traitement médical, d'une part, et à adopter des pratiques, présentées comme ayant une finalité thérapeutique ou prophylactique, exposant à un risque immédiat de mort ou de blessures graves, d'autre part (C. pén., art. 223-1-2, alinéas 1 et 2). Les sénateurs reprochaient ici à cette disposition de permettre de réprimer « un discours général et impersonnel, sans qu'il soit exigé d'établir des pressions ou des contacts directs et répétés entre l'auteur et la victime » (paragr. 11), portant une atteinte disproportionnée à la liberté d'expression et de communication, à la liberté de choisir et de refuser des soins, d'autant que d'autres incriminations permettent d'atteindre le même objectif. Cette redondance était également soulignée par les députés qui soulevaient au surplus que l'atteinte aux libertés ne serait ni adaptée ni proportionnée à l'objectif poursuivi, dès lors, d'une part, que serait interdite toute contestation de l'innocuité d'un traitement médical faisant l'objet d'un consensus scientifique ainsi que toute promotion des pratiques qui n'en font pas l'objet et, d'autre part, que « ces dispositions feraient naître une incertitude sur la licéité des comportements incriminés dans le cas où la provocation à abandonner ou à s'abstenir de suivre un traitement médical résulterait d'un discours général et impersonnel, son auteur ne pouvant, dans cette hypothèse, avoir connaissance des pathologies dont sont affectées les personnes susceptibles de prendre connaissance de ce discours, non plus que de leur volonté libre et éclairée » (paragr. 12).
4. Conformité des qualifications au principe de la légalité criminelle
L'incrimination des deux formes de provocation est déclarée conforme à l'article 8 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen.
Le Conseil commence par valider la provocation, prévue à l'alinéa 1er de l'article 223-1-2 du code pénal, à abandonner ou à s'abstenir de suivre un traitement médical, qu'il estime non équivoque et suffisamment précise pour éviter tout risque d'arbitraire. Les éléments constitutifs de la qualification lui semblent effectivement dénués d'ambiguïté : d'un point de vue matériel, des pressions ou des manœuvres réitérées doivent tendre à l'abandon du traitement ou à une abstention avec pour conséquence que l'abandon ou l'abstention est, en l'état des connaissances médicales, manifestement susceptible d'entraîner des conséquences particulièrement graves pour la santé physique ou psychique de la personne, compte tenu de la pathologie dont elle est atteinte, tandis que l'élément moral requiert que l'agent ait conscience des conséquences de cet abandon ou de cette abstention pour la personne. En outre, il ne peut y avoir de sanction s'il est établi que la volonté de cette dernière était libre et éclairée et guidée par une information claire et complète sur ses effets potentiels sur la santé. Enfin, la répression suppose que la provocation soit adressée à une personne spécifique, de sorte que la diffusion à un public indéterminé ne peut caractériser l'infraction de l'article 223-1-2 du code pénal.
Devant cet afflux de précisions, deux remarques s'imposent. Tout d'abord, la qualification requiert l'établissement de preuves multiples : des pressions ou manœuvres, de leur réitération (sans que l'on sache véritablement si elle s'attache aux seules manœuvres ou également aux pressions), du lien de causalité entre, d'une part, la provocation et l'abandon du traitement (ou l'abstention) et, d'autre part, l'abstention/abandon et ses conséquences pour la santé de la personne, qui doivent être « particulièrement graves ». En d'autres termes, les magistrats auront fort à faire pour établir l'existence de l'infraction. Toutefois, le Conseil, qui n'a pas à s'interroger sur l'efficience de la répression instaurée, ne peut que conclure à sa conformité à la Constitution.
La motivation relative à la provocation incriminée à l'alinéa 2 du texte est plus lapidaire : pour le Conseil, il punit la diffusion d'informations tendant à promouvoir l'adoption de pratiques présentées comme ayant une finalité thérapeutique ou prophylactique dont il est manifeste qu'en l'état des connaissances médicales, elles exposent celui qui les croit à un risque de mort ou de blessures de nature à entraîner une mutilation ou une infirmité permanente, devant, en outre, avoir conscience de l'effet de ces pratiques sur les personnes qui les adoptent. Au regard de la légalité criminelle, la qualification est moins précise : les moyens de la provocation ne sont pas précisés, pas plus que ses destinataires (on en conclut, faute de précision en ce sens, qu'il ne s'agit pas uniquement de personnes vulnérables, mais potentiellement de toute personne « lambda » ; pour autant, si une personne sans pathologie adopte des pratiques dont il est manifeste qu'elles l'exposent à un risque de mort ou d'infirmité permanente, sa crédulité, quels qu'en soient les motifs, ne révèle-t-elle pas sa vulnérabilité ?). L'office du juge va donc reprendre ici sa pleine place, même si le Conseil estime que les dispositions sont dénuées d'équivoque.
5. Conformité des qualifications à la liberté d'expression et de communication
L'article 11 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen était également invoqué à l'appui des griefs des auteurs de la saisine. Le raisonnement et les motifs sont en conséquence semblables, le Conseil renvoyant d'ailleurs aux paragraphes 16 à 19 puis 21 et 22, résumant les éléments constitutifs des deux formes de provocation. En outre, dans la mesure où, pour éviter toute atteinte à la liberté d'information susceptible d'être invoquée par les lanceurs d'alerte, le texte prévoit que le signalement ou la divulgation d'une information par un lanceur d'alerte, dans les conditions prévues à l'article 6 de la loi n° 2016-1691 du 9 décembre 2016 relative à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique, ne constitue pas une provocation (C. pén., art. 223-1-2, al. 5), l'atteinte à la liberté d'expression résultant des incriminations pénales n'est pas manifestement disproportionnée.
C) DROIT DE LA PEINE (V.P.)
Confiscation. Double degré de juridiction pour l'examen d'un incident contentieux relatif à l'exécution d'une peine de confiscation.
Cons. const., déc. n° 2023-1080 QPC du 6 mars 2024.
La décision n° 2023-1080 QPC du 6 mars 2024 abroge le deuxième alinéa de l'article 710 du code de procédure pénale, dans sa rédaction résultant de la loi n° 2021-1729 du 22 décembre 2021 pour la confiance dans l'institution judiciaire, l'estimant contraire au principe d'égalité devant la justice.
Elle ne peut emporter la surprise dans la mesure où elle constitue l'exacte réplique d'une précédente décision, du 21 juillet 2021, dans laquelle le Conseil constitutionnel avait conclu à la non-conformité totale d'une portion du même article (plus précisément de la deuxième phrase du premier alinéa de l'article 710 du code de procédure pénale qui, dans sa rédaction résultant de la loi n° 2019-222 du 23 mars 2019, prévoyait la compétence de la juridiction ayant prononcé la peine pour procéder à sa confusion), considérant qu'elle procédait à une distinction injustifiée entre les condamnés sollicitant une confusion de leurs peines.
Pour le comprendre, il est utile de procéder à un rappel des griefs soulevés par l'auteur de la question prioritaire de constitutionnalité qui porte sur le second alinéa de l'article 710, aux termes duquel en matière criminelle, la chambre de l'instruction connaît des rectifications et des incidents d'exécution auxquels peuvent donner lieu les arrêts de la cour d'assises. La société requérante soutenait qu'en matière de confiscation, l'interprétation de cette disposition par la Cour de cassation méconnaissait le principe d'égalité, mais aussi le droit à un recours juridictionnel effectif, dans la mesure où, d'une part, elle ne permet pas « au tiers propriétaire d'un bien confisqué, dont le titre n'est pas connu et qui n'a pas réclamé cette qualité au cours de la procédure, d'interjeter appel de la décision statuant sur sa requête en incident contentieux sur l'exécution de cette peine lorsque celle-ci a été prononcée par une cour d'assises, alors que cette faculté lui est ouverte lorsque cette peine a été prononcée par un tribunal correctionnel » de sorte que, d'autre part, elle le traiterait différemment du tiers identifié lors de la procédure, puisque ce dernier a la faculté d'interjeter appel de la décision de confiscation de son bien prononcée par une juridiction criminelle de première instance.
Le Conseil opte pour une non-conformité totale de la disposition contestée en reproduisant le raisonnement déjà tenu le 21 juillet 2021. Mais pour en saisir la logique, il convient de rappeler les règles régissant la situation du tiers de bonne foi dont le bien fait l'objet d'une confiscation. De fait, cette peine peut parfois porter sur un bien dont le condamné avait la libre disposition sans toutefois en être propriétaire, si bien qu'il faut alors permettre au tiers de bonne foi de faire valoir son droit de propriété, en distinguant selon qu'il s'est fait ou non connaître dans la procédure qui a conduit au prononcé de la confiscation. Dans la première hypothèse, la personne, admise à établir son titre de propriété comme sa bonne foi lorsqu'elle présente ses observations sur la mesure envisagée, peut interjeter appel de la décision finalement prise devant le tribunal correctionnel. Cette solution, pour le moins logique, résulte de la jurisprudence tant de la Cour européenne des droits de l'homme(27) – fondée sur le droit à un procès équitable proclamé par l'article 6, § 1 et le droit de propriété garanti par le protocole n° 1 – que de la Cour de justice de l'Union européenne(28). En revanche, dans le cas où le tiers ne s'est pas fait connaître lors de la procédure ou si son titre est inconnu, il lui revient de saisir la juridiction qui a prononcé la confiscation d'un incident contentieux sur le fondement de l'article 710 du code de procédure pénale. En matière criminelle, il revient alors à la chambre de l'instruction de connaître desdits incidents (CPP, art. 710, al. 2). Il en résulte que le justiciable se trouve par hypothèse privé de la possibilité d'interjeter appel puisque la chambre de l'instruction constitue déjà un second degré de juridiction. C'est exactement le constat opéré par la chambre criminelle dans son arrêt de renvoi (Cass. crim., 29 nov. 2023, n° 23-82-769) et confirmé par le Conseil constitutionnel qui relève « une distinction injustifiée entre les tiers propriétaires qui soulèvent un incident contentieux relatif à l'exécution d'une peine de confiscation », méconnaissant le principe d'égalité devant la justice.
La solution est à ce point évidente que le Conseil l'avait de nouveau appliquée en 2023 à l'alinéa 1er de l'article 702-1 et à la seconde phrase de l'alinéa 4 de l'article 703 du code de procédure pénale, à propos des règles de compétence relatives au relèvement de peine(29).
Dans la mesure où une abrogation immédiate aurait des conséquences contraires à la bonne administration de la justice – en donnant compétence à la cour d'assises pour connaître des incidents contentieux alors qu'elle n'est pas une juridiction permanente –, le Conseil en reporte les effets au 1er mars 2025.
Confiscation. Loi améliorant l'efficacité des dispositifs de saisie et de confiscation des avoirs criminels.
Cons. const., déc. n° 2024-869 DC du 20 juin 2024.
La peine de confiscation s'est imposée au fil des années comme une arme pertinente pour enrayer certains types de délinquance (infractions financières, trafics de tous types, notamment de stupéfiants, par exemple) et lutter contre des taux de recouvrement des avoirs criminels trop bas(30). Il n'est donc pas surprenant que les dispositions qui la régissent fassent souvent l'objet de recours devant le Conseil constitutionnel, soit lors de son contrôle a posteriori(31), soit lors de l'examen a priori d'un texte avant sa promulgation.
Ce fut précisément le cas pour la loi n° 2024-582 du 24 juin 2024 améliorant l'efficacité des dispositifs de saisie et de confiscation des avoirs criminels dont l'article 16 fait l'objet de la décision n°2024-869 DC du 20 juin 2024. Visant à ajouter à l'article 131-21 du code pénal un quinzième alinéa précisant en substance que la décision définitive de confiscation vaut titre d'expulsion pour en tirer les conséquences, il entraîna la saisine du Conseil par des députés qui lui reprochèrent « d'autoriser l'expulsion automatique des occupants d'un bien immobilier confisqué, alors même que ces derniers seraient étrangers à l'infraction commise par la personne condamnée » et alors que « l'exception prévue en faveur des titulaires d'une convention d'occupation ou de louage ne constituerait pas une garantie suffisante, dès lors qu'il ne pourrait justifier de la régularité de son titre d'occupation que devant le juge de l'exécution et que ce dernier n'aurait pas le pouvoir d'annuler la décision valant expulsion ». Le nombre des droits et principes invoqués au soutien de cette argumentation était pléthorique : « principe de sûreté », droit au respect de la vie privée, principe de l'inviolabilité du domicile, droit de mener une vie familiale normale, droit à un recours juridictionnel effectif, droits de la défense, ainsi que respect de l'objectif de valeur constitutionnelle que constitue la possibilité pour toute personne de disposer d'un logement décent et de celui d'accessibilité et d'intelligibilité de la loi.
Le Conseil choisit de statuer sur le fondement des articles 2 (liberté personnelle) et 16 (droit à un recours juridictionnel effectif) de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen. Il note que l'objectif législatif, qui renforce l'efficacité de la peine de confiscation en facilitant l'expulsion des occupants du bien qui en fait l'objet, poursuit l'objectif de valeur constitutionnelle de sauvegarde de l'ordre public. Puis il s'attache au libellé du texte pour relever que l'expression « tout occupant de son chef » (l'expulsion concernant la personne condamnée ainsi que « tout occupant de son chef ») n'est pas imprécise puisqu'elle vise les personnes dépourvues de titre d'occupation et qui ne se trouvent dans les lieux que du fait de la personne condamnée (conjoint, par exemple) quoique le Conseil précise, pour validation, que le juge devra tenir compte de la situation personnelle, familiale et sociale du condamné avant de prendre sa décision (paragr. 9). Les personnes peuvent en outre saisir le juge de l'exécution pour faire valoir leur situation personnelle en cas d'impossibilité de relogement dans des conditions normales (C. procéd. civ. exéc., art. L. 412-1 et suiv.). Enfin, l'expression n'englobe pas les personnes titulaires d'une convention, conclue de bonne foi, d'occupation ou de louage d'ouvrage à titre onéreux relative au bien confisqué.
En revanche, le Conseil invalide un passage du texte qui exigeait que la convention ait été conclue avant la décision de saisie et régulièrement exécutée par les deux parties, car il permet l'expulsion de l'occupant de bonne foi, d'une part, lorsque la convention a été signée postérieurement à l'acte de saisie qui, en outre, ne constitue pas un préalable systématique à la confiscation et, d'autre part, en cas d'inexécution de la convention qui peut très bien être du fait du condamné. En d'autres termes, le Conseil valide les efforts du législateur pour rendre effective la confiscation du bien par l'expulsion de ceux qui l'occupent, à condition que leur relogement puisse s'effectuer dans de bonnes conditions, mais s'y oppose en cas d'occupation de bonne foi.
Incapacités. Incapacités prononcées de plein droit en cas de condamnation pour certaines infractions à la législation relative aux relations financières avec l'étranger.
Cons. const., déc. n° 2024-1096 QPC du 12 juin 2024.
La décision rendue le 12 juin 2024 vient confirmer une « jurisprudence » constitutionnelle désormais bien éprouvée relative aux peines « automatiques ». En l'espèce, un individu poursuivi pour non-respect d'une mesure internationale de restriction des relations économiques et financières avec l'étranger avait posé pas moins de trois questions prioritaires de constitutionnalité portant toutes sur l'article 459 du code des douanes. Si la Cour de cassation estima que les deux premières ne présentaient pas de caractère sérieux, elle transmit la troisième dans la mesure où l'un des arguments de son auteur lui parut pertinent. En effet, le texte prévoit le prononcé obligatoire d'une incapacité, le juge ne pouvant que l'assortir du sursis ou en dispenser le condamné, sans pouvoir en revanche en moduler la durée, perpétuelle en l'absence de relèvement.
Il s'agissait donc ici d'examiner la conformité à l'article 8 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de l'article 459 4 ° du code des douanes, dans sa rédaction résultant de l'ordonnance du 4 novembre 2020, selon lequel : « les personnes condamnées pour infractions à la législation et à la réglementation relatives aux relations financières avec l'étranger sont, en outre, déclarées incapables d'exercer les fonctions d'agents de change, d'être électeurs ou élus aux chambres de commerce, tribunaux de commerce et conseils de prud'hommes, tant et aussi longtemps qu'elles n'auront pas été relevées de cette incapacité ». Le Conseil constitutionnel adopte une motivation pour le moins succincte puisqu'il se borne à constater que si le juge peut dispenser le condamné de la peine ou l'assortir du sursis, « cette faculté ne saurait, à elle seule, permettre que soit assuré le respect des exigences qui découlent du principe d'individualisation des peines, dès lors qu'il ne peut en moduler la durée pour tenir compte des circonstances propres à chaque espèce » (paragr. 7). Il abroge donc le texte avec effet immédiat.
Cela dit, si le principe d'une inconstitutionnalité d'une peine – ou d'une sanction ayant le caractère d'une punition – non modulable par le juge se veut ferme, ses modalités d'évaluation apparaissent plus fluctuantes. Il est effectivement des cas où, comme dans la décision du 12 juin 2024, l'automaticité de la peine emporte abrogation du texte qui lui sert de support(32). Cependant, d'autres décisions ont vu les textes survivre à leur caractère obligatoire, voire automatique(33). On a donc connu des solutions plus intelligibles.
(1): S. Trifkovic, « Jamais deux sans trois : une nouvelle inconstitutionnalité de l'article 706-113 du code de procédure pénale », Actualité juridique Pénal, février 2024, n° 2, p. 107 ; I. Maria, « Nouvelle déclaration d'inconstitutionnalité pour l'article 706-113 du code de procédure pénale », Droit de la famille, mars 2024, n° 3.
(2): Cons. const., déc. n° 2018-730 QPC du 14 sept. 2018, spéc. paragr. 12 : D. 2018, p. 1757, D. 2019, p. 1248, obs. E. Debaets et N. Jacquinot, Constitutions 2018, p. 454 ; J. Buisson et A.-S. Chavent-Leclère, « Inconstitutionnalité de l'absence d'information obligatoire du tuteur ou du curateur », Procédures, novembre 2018, n° 11, p. 23-24 ; E. Bonis, « Absence d'obligation d'aviser le tuteur ou le curateur d'un majeur protégé de son placement en garde à vue » in Chronique de droit pénal et de procédure pénale, Titre VII, avril 2019, n° 2, p. 92-95 ; A.-C. Bezzina, « L'autorité et les effets des décisions du Conseil constitutionnel » in Chronique de droit constitutionnel jurisprudentiel (2e semestre 2018)], Les Petites Affiches, 30 juin 2020, n° 130, p. 18-20.
(3): On ne trouve pas davantage d'arguments dans le commentaire de la décision figurant sur le site du Conseil : https://www.conseil-constitutionnel.fr/sites/default/files/as/root/bank_mm/decisions/20231076qpc/20231076qpc_ccc.pdf
(4): N. Jacquinot, « Regard critique sur la notion de réserve transitoire dans la jurisprudence du Conseil constitutionnel », AJDA 2018, p. 2007
(5): Pour une recherche d'explication, v. notre article « Les réserves dites « transitoires » du Conseil constitutionnel et la procédure pénale », Lettre de la QPC, n° 3, sept. 2024
(6): Pour un avis plus nuancé, v. V. Tellier-Cayrol, « Nouvelle avancée constitutionnelle : l'obligation d'informer le tuteur ou le curateur en cas de défèrement du majeur protégé », D. 2024, p. 452, estimant que le Conseil « ne crée pas ici une obligation vraiment nouvelle [...] [car] [...] nombre de parquetiers n'ont pas attendu cette décision constitutionnelle pour prévenir la personne chargée de la mesure de protection en cas de défèrement ».
(7): Pour aller plus loin à ce sujet, E. Bonis, « Les réserves dites « transitoires » du Conseil constitutionnel et la procédure pénale », op. cit.
(8): A titre d'exemples : Cons. const., déc. n° 2021-934 QPC du 30 sept. 2021 au sujet de l'information du prévenu du droit qu'il a de se taire devant le JLD appelé à statuer sur des mesures de contrôle judiciaire ou d'assignation à résidence sous surveillance électronique dans le cadre de la procédure de convocation par procès-verbal ; déc. n° 2021-935 QPC du 30 sept. 2021 portant sur l'information de la personne mise en examen du droit qu'elle a de se taire devant le JLD appelé à statuer sur une mesure de détention provisoire dans le cadre d'une procédure d'instruction ; ou encore déc. n° 2023-1076 QPC du 18 janv. 2024. À propos de l'ensemble de ce contentieux, v. M. Brenaut, « Un an de QPC en matière pénale », Dr. pénal 2021, chron. 10.
(9): Pour une synthèse de ces positions doctrinales tantôt sceptiques, tantôt optimistes, v. E. Vergès, Principes directeurs du procès pénal. Origine et force normative des principes directeurs, J. Classeur Procédure pénale, Lexisnexis, fasc. 20.
(10): E. Vergès, « L'effet normatif de l'article préliminaire du Code de procédure pénale », Mélanges offerts à R. Gassin, PUAM, 2007, p. 327 et s., préc. n° 31.
(11): Par ex. Cons. const., déc. n° 2011-153 QPC du 13 juill. 2011, à propos de l'équilibre des droits des parties.
(12): Par ex., Cons. const., déc. du 2 mars 2004, préc. n° 27 : Rev. sc. crim. 2004, p. 725, obs. C. Lazerges ; Rev. sc. crim. 2005, p. 122, obs. V. Bück ; RTD civ. 2005, p. 553, obs. R. Encinas de Munagorri ; D. 2004, somm. p. 2756, obs. B. de Lamy.
(13): E. Vergès, fasc. Juris-Classeur, op. cit., n° 49.
(14): V. déjà en ce sens, A. Botton, « Le droit de se taire, un grief efficace », Rev. sc. crim. 2022, p. 419.
(15): Au sujet de l'article 197 du code de procédure pénale et du principe du contradictoire : Cass. crim., 6 janv. 2004, n° 02-88.468 : Dr. pén. 2004, comm. 74, obs. A. Maron.
(16): V. en ce sens, E. Vergès, Fasc. 20, op. cit., n° 34.
(17): P.-F. Laslier, « La sanction pénale des discours de haine : quelles difficultés répressives ? » in dossier « Discours de haine et droit pénal », RDLF 2024, chron. n° 14.
(18): J.-B. Thierry, « La déspécialisation de la procédure pénale applicable aux infractions de presse », AJ pénal 2021, p. 504.
(19): T. Besse, « L'irrésistible rétrécissement du droit pénal de la presse », D. 2022, p. 407.
(20): C. pén., art. 421-2-5 qui réprime, depuis la loi n° 2014-1353 du 13 novembre 2014 renforçant les dispositions relatives à la lutte contre le terrorisme, la provocation au terrorisme et l'apologie du terrorisme.
(21): V. E. Rachel, « Quelques remarques sur la prescription de l'action publique des infractions de presse », AJ pénal 2021, p. 513.
(22): Cons. const., déc. n° 71-44 DC du 16 juill. 1971, Liberté d'association.
(23): V. encore récemment, au sujet de la présence d'un jury pour juger les crimes comme principe fondamental reconnu par les lois de la République : Cons. const., déc. n° 2023-1069/1070 QPC du 24 novembre 2023, et notre note, Titre VII, Les Cahiers du Conseil constitutionnel, n° 11 et n° 12, oct. 2023-avril 2024, p. 521 et s.
(24): Cass. crim., 9 avril 2014, n° 13-84.585, rejetant une demande de renvoi d'une question prioritaire de constitutionnalité sur ce point.
(25): Voir, par exemple, en matière d'abus de faiblesse, Cass. crim., 15 nov. 2005, n° 04-86.05 : « l'acte (d'une personne vulnérable) de disposer de ses biens par testament en faveur de la personne qui l'a obligée à cette disposition, constitue un acte gravement préjudiciable ».
(26): Voir, par exemple, Cass. crim., 27 oct. 2015, n° 14-82.032 : Dr. pénal 2016, comm. 1, obs. P. Conte ; Cass. crim., 26 oct. 2016, n° 15-85.956
(27): CEDH, arrêt du 16 avril 2019, Bokova c. Russie, n° 27879/13, § 55 ; CEDH, arrêt du 10 avril 2012, Silickiene c. Lituanie, n° 20496/02, § 50.
(28): CJUE, 14 janv. 2021, OM, C-393/19 ; CJUE, 21 oct. 2021, C-845/19 et C-863/19.
(29): Cons. const., déc. n° 2023-1057 QPC du 7 juillet 2023 : Dr. pénal 2023, comm. 169, note E. Bonis, Dr. pénal 2024, chron. 3, obs. V. Peltier.
(30): Voir le rapport d'Europol, « Le crime paie-t-il encore ? Le recouvrement des avoirs d'origine criminelle dans l'UE : Enquête statistique 2010-2014 », 2016 ; sur le sujet, S. Brimbeuf et C. Palmieri, « Refonte des normes européennes et internationales en matière de recouvrement des avoirs criminels : quelles perspectives d'évolution pour le dispositif français ? », Revue Internationale de la Compliance et de l'Éthique des Affaires, 2024, étude 106.
(31): Que ce soit de façon indirecte, voir supra Cons. const., déc. n° 2023-1080 QPC du 6 mars 2024, ou directe, Cons. const., déc. n° 2021-932 QPC du 23 sept. 2021 ; Cons. const., déc. n° 2021-949/950 QPC du 24 nov. 2021, sur renvoi de Cass. crim., 15 sept. 2021, n° 21-82.389, F-D : JurisData n° 2021-016360 ; Cass. crim., 15 sept. 2021, n° 21-90.029, D : JurisData n° 2021-014488 : Dr. pénal 2021, comm. 195, obs. V. Peltier, Dr. pénal 2022, chron. 3, n° 5, obs. V. Peltier.
(32): Cons. const., déc. n° 2010-6/7 QPC du 11 juin 2010 relative à l'article L. 7 C. élect. : Dr. pén. 2010, comm. 84, note J.-H. Robert ; Rev. pénit. 2010, p. 421, obs. Pin ; AJP 2010, p. 392, obs. Perrier ; D. 2010, jurispr. p. 1560, note Lavric ; AJDA 2010, p. 1831, obs. Maligner et p. 1849, tribune Perrin, Dr. pén. 2011, chron. 2, n° 3, obs. V. Peltier, Constitutions 2011, 531, obs. A. Darsonville ; Rev. sc. crim. 2011, 182, obs. B. de Lamy ; RTD com. 2010, 815, obs. B. Bouloc ; Cons. const., déc. n° 2010-72/75/82 QPC du 10 déc. 2010 : Dr. Pén. 2011, chron. 2, n° 3 ; Cons. const., déc. n° 2011-211 QPC du 27 janv. 2012 ; Dr. pén. 2013, chron. 3, n° 10, obs. V. Peltier ; Cons. const., déc. n° 2011-218 QPC du 3 fév. 2012 ; Cons. const., déc. n° 2017-752 DC du 8 sept. 2017 : Dr. pén. 2017, comm. 173, obs. V. Peltier.
(33): Pour l'exemple le plus célèbre : Cons. const., déc. n° 2010-40 QPC du 29 sept. 2010, à propos de l'article L. 234-13 C. rte : B. Bouloc, « La publication de la condamnation : une peine obligatoire, conforme à la Constitution ! »,D. 2011, p. 54. – A. Lepage et H. Matsopoulou, « Des peines complémentaires obligatoires déclarées conformes aux principes constitutionnels », JCP G 2010, I, 1149 ; Dr. pén. 2010, comm. 122, obs. J.-H. Robert ; Dr. pén. 2011, chron. 2, nos 2 et s., obs. V. Peltier ; Cons. const., déc. n° 2011-220 QPC du 10 fév. 2012 ; Cons. const., déc. n° 2018-731 QPC du 14 sept. 2018 : JurisData n° 2018-015645 ; Dr. pén. 2018, comm. 206, obs. E. Bonis sur renvoi de Cass. crim., 19 juin 2018, n° 18-90.008 : JurisData n° 2018-010707 ; Dr. pén. 2018, comm. 168, obs. E. Bonis ; Cons. const., déc. n° 2017-636 QPC du 9 juin 2017 : JurisData n° 2017-011338, à propos d'une amende sanctionnant le défaut de production ou le caractère inexact ou incomplet de l'état de suivi des plus-values en sursis ou report d'imposition, déclarée conforme parce que le juge peut maintenir l'amende ou en décharger le contribuable si le manquement n'est pas établi.
Citer cet article
Virginie PELTIER ; Evelyne BONIS. « Chronique de droit pénal et procédure pénale (janvier 2024 à juin 2024) », Titre VII [en ligne], n° 13, L'environnement, novembre 2024. URL complète : https://www.conseil-constitutionnel.fr/publications/titre-vii/chronique-de-droit-penal-et-procedure-penale-janvier-2024-a-juin-2024
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