Titre VII

N° 6 - avril 2021

Chronique de droit constitutionnel comparé (juillet 2020 à décembre 2020)

I. Cour suprême du Royaume-Uni, Sutherland v Her Majesty's Advocate (Scotland) [2020] UKSC 32, du 15 juillet 2020 (admissibilité de preuves obtenues contre des pédophiles par des groupes privés), par E. Bottini

Le R.-U. est bien sorti de l'Union européenne, mais continue d'obéir à un autre ordre juridique européen, celui de la Convention européenne des droits de l'homme. À travers le Human Rights Act de 1998, en effet, la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme est devenue partie intégrante des sources constitutionnelles(1) du Royaume-Uni et l'un des principaux fondements du contrôle juridictionnel, notamment par sa juridiction suprême. En effet, l'article 6 (1) de la loi prévoit qu'« il est illégal pour une autorité publique d'agir en contradiction avec un droit garanti par la Convention (européenne des droits de l'homme) »(2). La récente Cour suprême du Royaume-Uni (UKSC), qui a depuis peu fêté ses dix ans(3), est en charge de contrôler la conventionnalité des lois britanniques tout en interprétant la Convention. Elle a eu l'occasion de le faire dans un arrêt du 15 juillet 2020(4) concernant l'admissibilité des preuves dans le procès pénal. La UKSC a dû interpréter l'article 8 de la Convention européenne protégeant le droit au respect de la vie privée en relation avec l'obligation positive de l'État de protéger ce droit dans des relations horizontales entre personnes privées. C'est par le travail du juge que les droits fondamentaux, d'abord pensés pour protéger les individus de l'État, obtiennent un effet horizontal : la Cour constitutionnelle fédérale allemande(5) comme la Cour européenne des droits de l'homme(6) ont encouragé cette évolution.

Les faits de l'arrêt Sutherland suscitent l'intérêt : étaient en effet en question les méthodes d'obtention de preuves contre des pédophiles présumés par des groupes auto-organisés de citoyens, appelés les « chasseurs de pédophiles » (« paedophile hunters (PH) »). Dans le cadre de ces groupes, très présents dans tout le Royaume-Uni(7) et dans d'autres pays comme le Canada et les États-Unis, mais peu répandus en France, des adultes se font passer pour des mineurs sur les réseaux sociaux et agissent comme des appâts afin d'obtenir des informations et des preuves contre de présumés pédophiles pour les transmettre ensuite à la police. Les membres du groupe créent de faux profils sur Internet afin d'attirer des pédophiles et leur donner rendez-vous, et enregistrent ensuite la rencontre en diffusant souvent les images sur Internet. En Écosse, où les faits de l'espèce ont eu lieu, 164 affaires ont déjà été communiquées à la police par ces groupes et entre 80 % et 90 % de ces affaires ont abouti à une mise en examen des suspects. 110 procédures étaient en cours devant les tribunaux dans tout le Royaume-Uni au moment de l'audience devant la UKSC le 3 juin 2020 et ont été suspendues afin d'en attendre la décision(8).

L'espèce présente des faits assez typiques de l'action de ces groupes. À la suite de la création d'un faux profil, l'accusé avait commencé à correspondre sur des réseaux sociaux avec un adulte se faisant passer pour un garçon de treize ans ; après avoir échangé des messages et des images de nature sexuelle, une rencontre avait été organisée et filmée par les membres du groupe PH. Ces éléments avaient ensuite été transmis à la police qui les avait utilisés pour arrêter le suspect, qui avait ensuite été condamné en première instance pour tentative de harcèlement sexuel et pour communication indécente avec un enfant. Lors de l'appel devant la High Court of Justiciary (la Cour suprême écossaise en matière pénale), le condamné avait à la fois invoqué le non-respect de la législation écossaise sur les pouvoirs d'investigation, car le groupe PH n'avait pas d'autorisation nécessaire à enquêter sous couverture, et la violation de son droit au respect de la vie privée et de la correspondance sur la base de l'article 8 de la Convention européenne. Dans son arrêt d'appel, la High Court rejette le premier argument, car les PH n'étant pas une autorité de police, la législation sur les pouvoirs d'investigation sous couverture ne leur est pas applicable ; pour le second argument, elle renvoie l'affaire à la Cour suprême pour l'application de la Convention européenne, en application de l'article 288AA du Code de procédure pénale écossais. La procédure utilisée est celle d'un recours en appel « limité »(9) dénommé « question de compatibilité », ouvert uniquement dans le cadre des procédures pénales pour que la Cour suprême détermine si l'autorité publique a agi en conformité avec la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme. Dans ce cas, c'est la High Court qui décide s'il y a lieu de renvoyer la question à la Cour suprême sur demande du justiciable. La Cour suprême opère alors un contrôle abstrait et renvoie ensuite l'affaire devant la High Court une fois résolue la question de la compatibilité.

Dans cet arrêt, la Cour suprême du Royaume-Uni est sollicitée sur deux questions : si le droit au respect de la vie privée de l'accusé faisait obstacle à l'usage par le procureur des preuves obtenues par les PH ; et si l'État a manqué à son obligation positive d'empêcher l'usage de telles preuves. Elle doit donc interpréter l'étendue de l'obligation positive qui pèse sur l'État britannique, partie à la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme, de protéger la vie privée y compris dans les relations horizontales entre particuliers. Elle le fait en balançant les intérêts en présence avec les valeurs nécessaires dans une société démocratique qui sous-tendent la Convention (§ 32), par un raisonnement qui, dans le contexte actuel, ne paraît pas surprenant.

La Cour suprême rappelle tout d'abord les deux facettes du droit au respect de la vie privée garanties par la Convention à son article 8 paragraphe 1 : tout d'abord, la protection des espaces privés (domicile et correspondance) de toute action de l'État (des autorités publiques) non suffisamment motivée ; ensuite, l'inviolabilité de l'espace privé, y compris par d'autres personnes privées (§ 27). C'est évidemment la seconde facette qui est en cause ici, car les groupes PH ne sont pas des autorités de police ni n'ont été sollicités par elles (§ 28), même si le rôle joué par le procureur, qui a présenté au tribunal les preuves recueillies grâce aux PH, est bien une autorité publique au sens de l'article 8.

La Cour suprême, à l'unanimité, répond négativement à l'argument de la violation des droits protégés par l'article 8 de l'accusé, en se fondant à la fois sur la nature des communications et sur l'absence de l'attente raisonnable du requérant du caractère privé des conversations. Le deuxième élément s'explique assez simplement : dans ses communications avec l'adulte servant d'appât, M. Sutherland croyait communiquer avec un enfant de treize ans et ne pouvait donc pas légitimement s'attendre à ce que celui-ci ne montre pas ces échanges à d'autres personnes. A fortiori, une fois ces informations communiquées à la police, l'accusé ne pouvait avoir d'attente légitime que les policiers ne les partagent pas avec le procureur de l'affaire. L'attente légitime de confidentialité est un élément indispensable dans la jurisprudence de la Cour européenne pour que soit caractérisée la violation du secret des correspondances sur la base de l'article 8(10).

Les communications en cause sont considérées par la Cour comme étant d'une nature qui n'est pas protégée par la Convention, selon une interprétation des articles faite au regard des valeurs ayant inspiré la rédaction de la Convention elle-même. La protection des droits et plus particulièrement du respect de la vie privée des personnes vulnérables(11), dont les enfants font partie, est l'une de ces valeurs. Les États parties ont une obligation positive de protection de ces personnes, non seulement formelle (la création d'infractions pénales adaptées par la législation), mais aussi matérielle, d'efficacité des enquêtes de police sur ces infractions(12). Ainsi, c'est le droit au respect de la vie privée des enfants qui est invoqué ici par la Cour, en opposition au droit au respect de la vie privée du prévenu, dans un renversement de perspective qui peut paraître surprenant au premier abord. Non seulement le droit invoqué est opposé au requérant lui-même, car ses victimes en sont aussi les titulaires, mais les victimes, ce sont les enfants en général en tant que victimes potentielles, puisqu'en réalité ces communications avaient lieu avec un adulte se faisant passer pour un enfant. Les deux intérêts en jeu sont ceux de l'« Enfant » comme catégorie vulnérable et ceux de la personne ayant initié une conduite criminelle envers celui qu'elle croyait être un enfant(13), et la Cour n'a pas de difficultés à hiérarchiser ces intérêts en donnant une priorité aux intérêts des enfants, parce que l'intérêt du requérant n'est pas un intérêt légitime(14). Ainsi, les communications en question, de nature à remettre en cause le droit au respect de la vie privée des enfants au sens de leur droit à l'intégrité physique et morale, ne sont pas de celles qui peuvent être protégées par la Convention (§ 40). En soutien de cette conclusion, la Cour rappelle que les droits de la Convention ne peuvent pas être utilisés de manière abusive, pour « se livrer à une activité ou accomplir un acte visant à la destruction des droits ou libertés reconnus dans la présente Convention » (article 17 CEDH), ce qui aurait été le cas en l'espèce par rapport aux droits des enfants.

De plus, sur la base de la jurisprudence de la Cour européenne, la UKSC a rappelé que même si les droits du requérant protégés par l'article 8 paragraphe 1 avaient été violés, une telle violation aurait pu être justifiée sur la base du paragraphe 2 du même article, puisqu'il s'agissait de mesures nécessaires dans un régime démocratique et prévues par la loi. Tant qu'il n'y a pas de violation du droit à un procès équitable (article 6 CEDH), la procédure pénale n'est pas annulée, même si les preuves utilisées dans le cadre du procès pénal ont été obtenues en violation d'un article de la Convention(15).

Cet aspect du raisonnement paraît moins clair, notamment pour ce qui est de l'aspect législatif des mesures prises : en effet, de l'opinion même de la Cour suprême, la loi écossaise ne prévoit pas ce type d'enquête sous couverture, qui est auto-organisé par un groupe de personnes privées sans lien avec des opérations de police. C'était d'ailleurs l'un des aspects de l'argumentation du requérant, pour qui l'État avait failli à son obligation positive de protéger la population en appliquant aux organisations privées les mêmes règles qui régissent les opérations de police sous couverture ou l'utilisation d'informateurs dans des opérations de police. Encore une fois, la Cour renverse l'argument du requérant en affirmant qu'au contraire, l'obligation positive de l'État dans ce cas était celle de s'assurer d'une application efficace de la loi pénale afin de prévenir des infractions aussi graves que le harcèlement sexuel de mineurs(16).

Ces règles ont été créées afin de mettre en balance l'objectif de recherche des auteurs des infractions avec le droit au respect de la vie privée des personnes enquêtées. L'absence totale de règles s'appliquant à ces groupes auto-organisés empêche de fait d'opérer ce balancement. En effet, même si cela peut se comprendre du point de vue social, du fait de l'extrême gravité des infractions en cause, est totalement absente de l'arrêt commenté toute réflexion sur les méthodes employées par ces groupes autogérés qui s'apparentent à des méthodes de justice privée par des groupes de « vigilantes »(17). Ces groupes agissent en effet comme des forces de police privée, mais sans être soumis à aucune des règles qui s'appliquent à la police et aux autorités étatiques en général(18). Des commentateurs de l'arrêt ont mis en avant le rôle bien plus proactif de ces groupes que le simple fait de reporter à la police des faits qu'ils auraient observés ou dont ils auraient connaissance(19). Certes, ce rôle se justifie par le résultat, la prévention de l'un des crimes les plus abjects qui soient, mais ce raisonnement téléologique devrait-il s'appliquer à toute infraction et à toute organisation de justice privée ? Appliqué à d'autres circonstances, cela semble porteur d'un danger pour l'organisation même de la répression pénale par l'État et peut-être même pour les fondements de l'État de droit(20).

Bien que la Cour européenne des droits de l'homme n'ait pas encore été confrontée directement à une affaire similaire, il est possible de faire référence à sa jurisprudence passée afin d'anticiper une solution possible à la probable requête qui serait transmise par le requérant débouté par la UKSC. L'élément déterminant serait sans doute l'alinéa 2 de l'article 8. Dans un arrêt de 2008, cité in extenso par la UKSC (§ 38), la Cour européenne a été amenée à juger de la conciliation entre le droit à la confidentialité de données personnelles sur Internet et la protection de l'intégrité personnelle d'un enfant de douze ans. En effet, une annonce de nature sexuelle avait été publiée sur un site Internet au nom d'un enfant et à son insu. Après la plainte déposée par les parents de l'enfant, la recherche de l'identité de la personne ayant mis l'annonce s'était heurtée à la confidentialité des données opposée par l'hébergeur du site, ce qui empêchait d'appréhender l'auteur de l'infraction commise. La Cour européenne, soulignant la particulière importance de l'obligation pesant sur les États dans la lutte contre la pédophilie, « un type odieux de méfaits qui fragilisent les victimes »(21), a conclu à une violation par l'État finlandais de l'article 8. Celui-ci n'a pas suffisamment garanti la possibilité d'une enquête efficace. Cette affaire montre que la CEDH est particulièrement attentive à garantir la possibilité pour les autorités de police de rechercher les auteurs des infractions graves. Reste à savoir si cette possibilité doit exister également pour des personnes privées agissant dans le même objectif, sachant que dans cette même affaire la Cour européenne a évoqué « la nécessité de s'assurer que le pouvoir de juguler et de prévenir la criminalité et d'enquêter à cette fin soit exercé d'une manière qui respecte pleinement les voies légales et autres garanties qui limitent légitimement l'étendue des actes d'investigation criminelle et de traduction des délinquants en justice, y compris les garanties figurant aux articles 8 et 10 de la Convention, garanties sur lesquelles les auteurs d'infractions peuvent eux-mêmes compter »(22), sans en tirer plus de conséquences. Il serait peut-être possible, devant la Cour européenne des droits de l'homme, de soulever des aspects de violation de l'article 6 CEDH avec des chances de succès majeur pour le requérant, mais ces arguments n'ont pas été soulevés devant la UKSC.

II. Tribunal constitutionnel du Portugal, acórdão n. 422/2020, du 15 juillet 2020 (primauté du droit de l'Union européenne et protection équivalente des droits), par E. Bottini

Le 15 juillet 2020(23), le Tribunal constitutionnel du Portugal s'est ajouté au nombre des Cours constitutionnelles des pays membres de l'Union européenne qui se sont prononcées sur les relations entre le droit de l'Union et le droit constitutionnel national. À l'instar de la Cour constitutionnelle italienne avec les arrêts Frontini(24) et Taricco I et II(25) et de la Cour constitutionnelle allemande avec les arrêts Solange I et II(26), explicitement cités dans l'arrêt commenté, le Tribunal portugais a dû examiner sa compétence pour contrôler le respect d'un droit garanti par la Constitution par une règle européenne. Le Tribunal a été saisi d'un « appel de constitutionnalité » -- mécanisme de saisine prévu par l'article 280 de la Constitution portugaise (CP) qui permet aux parties de soulever l'inconstitutionnalité d'une norme appliquée dans une décision de justice(27) -- à propos du respect du principe d'égalité (article 13 CP) par un règlement européen(28). Dans son arrêt, le juge portugais admet d'emblée qu'il va se prononcer sur la question de la relation entre les deux ordres juridiques (§ 2.3), en incluant dans le droit de l'Union européenne l'interprétation faite du règlement attaqué par la Cour de justice, une question préjudicielle ayant été posée par l'un des tribunaux inférieurs dans le cadre de la même affaire.

En l'espèce, une société d'exportation de vin contestait le refus d'exonération de garantie bancaire afin d'obtenir une avance sur le remboursement d'une exportation ; le grief était fondé sur le principe d'égalité, puisque d'autres sociétés ne demandant pas d'avances n'y étaient pas soumises.

L'arrêt commenté, rendu à l'unanimité de l'assemblée plénière du Tribunal constitutionnel, est longuement motivé par des citations extensives à la fois de la doctrine et du droit comparé, pratique suffisamment rare pour mériter d'être relevée. Le principe de primauté du droit européen est discuté en premier et interprété par le Tribunal portugais à la lumière de deux articles relativement récents de la Constitution. Les articles 7(6)(29) et 8(4)(30) qui concernent l'interaction avec l'ordre communautaire ont en effet été ajoutés par une révision constitutionnelle de 2004 en prévision de l'entrée en vigueur manquée du Traité établissant une Constitution pour l'Europe. Ces articles fondent constitutionnellement la primauté des règles européennes, tout en établissant comme limite à celle-ci les « principes fondamentaux de l'État de droit démocratique » de la République portugaise. Dans cet arrêt, le Tribunal a eu pour la première fois l'occasion d'interpréter ces dispositions nouvelles, ce délai étant sans doute provoqué par la difficulté d'admissibilité des appels de constitutionnalité(31).

Afin de répondre à la question de la compétence interne sur le contrôle de constitutionnalité de normes européennes, le Tribunal portugais interprète l'article 7(6) comme attribuant une immunité au droit de l'Union et une compétence exclusive de la Cour de justice pour son interprétation et son application. La Cour de justice est identifiée comme un équivalent fonctionnel de la Cour constitutionnelle nationale dans la protection des droits fondamentaux. L'article 8(4) ouvre en revanche la possibilité de poser des limites à la primauté du droit européen : en effet, le Tribunal interprète « le respect des principes fondamentaux de l'État de droit démocratique » comme donnant lieu à des exceptions, dans une doctrine similaire à celle des « contre-limites » établie par la Cour constitutionnelle italienne(32). C'est ici qu'apparaît l'identité constitutionnelle du Portugal comme étant constitutive de spécificités nationales qui feraient du juge constitutionnel national le seul à même de les protéger. Les exemples évoqués par le Tribunal sont la définition du territoire portugais (article 5 C) et l'unité de la Nation (article 6 C), pour lesquels le juge national garde sa compétence inaliénable. Dans cette solution, le juge portugais n'adopte pas une position particulièrement originale par rapport à celle d'autres juges constitutionnels européens : pour faire référence aux seuls juges français, le Tribunal portugais se situe à mi-chemin entre la position du Conseil constitutionnel dans sa décision Droit d'auteur de 2006(33), évoquant la notion d'identité constitutionnelle et celle du Conseil d'État dans son arrêt Arcelor de 2007(34), dans la recherche de niveaux de protection équivalents dans l'ordre européen.

En l'espèce, puisque c'est au requérant de prouver que la norme contenue dans le règlement européen et dans l'interprétation de la Cour de justice est contraire aux principes fondamentaux de l'État de droit démocratique portugais, le Tribunal constitutionnel rejette le grief d'inconstitutionnalité, estimant que cette preuve n'a pas été apportée lors de la saisine. Cette solution est d'autant moins surprenante qu'était en cause le principe d'égalité qui, comme déjà affirmé dans Arcelor, trouve un équivalent dans le droit de l'Union européenne.

C'est dans un contexte délicat pour l'espace judiciaire européen, le contexte de l'arrêt PSPP de la Cour constitutionnelle fédérale allemande de 2020(35), que le juge portugais s'insère dans le débat de l'interaction des ordres juridiques. La conscience de ce contexte apparaît dans l'interprétation stricte des exceptions à la primauté du droit de l'Union, qui place la solution portugaise dans une optique de protection de l'application des normes européennes dans l'ordre national, afin d'éviter des remises en discussion constantes du droit supranational(36). Le Tribunal constitutionnel portugais a d'ailleurs pris au sérieux son intention de dialogue avec la Cour de justice, envoyant quelques mois plus tard seulement sa première question préjudicielle(37) à la Cour de justice.

III. Tribunal constitutionnel de Thuringe, 15 juillet 2020 et Tribunal constitutionnel de Brandebourg, 23 octobre 2020 (Lois électorales régionales, parité entre hommes et femmes et droit électoral), par A. Corre-Basset

Alors que l'articulation entre parité et principe d'égalité a été établie en France après la révision constitutionnelle de 1999, la référence explicite dans des constitutions de Länder à cette même exigence ne suffit pas toujours, en Allemagne, à justifier l'obligation de présenter des listes de candidats composées alternativement d'hommes et de femmes.

C'est au moins le cas en Brandebourg et en Thuringe, où les cours constitutionnelles ont, ces derniers mois, déclaré inconstitutionnelles des lois électorales récemment adoptées, qui contraignaient les partis politiques à présenter des listes paritaires.

La décision du Tribunal constitutionnel de Thuringe(38) se fonde sur les atteintes portées par la loi du 30 juillet 2019 tout à la fois à la liberté du suffrage (dans ses dimensions active -- liberté du choix de l'électeur -- et passive -- liberté d'éligibilité) et à son égalité (dans ses mêmes deux dimensions), ainsi qu'à la liberté des partis politiques et à l'égalité de chances dont ils doivent bénéficier. Or, affirme le Tribunal, des atteintes à l'égalité du vote doivent être justifiées par une raison impérative, voire, pour l'égalité des chances entre les partis politiques, par une raison particulièrement impérative (ce qui n'est pas sans sel dans le raisonnement du juge : l'argument le plus difficile à renverser, cette égalité entre les partis, serait dans l'intérêt justement des partis féministes ; ceux-ci risqueraient en effet de ne pas pouvoir satisfaire à l'exigence de listes paritaires, puisqu'il est bien connu que, pour faire avancer la cause des femmes, ils refusent toute place aux hommes sur leurs listes)(39).

Le principe de démocratie ne peut justifier ces atteintes, car il faudrait pour cela le comprendre comme exigeant, afin de permettre la participation égale de tous à la vie démocratique, une représentation reflétant la population réelle. Or cette conception de la représentation comme reflet (ou représentation « réelle »(40)) ne serait pas reconnue par le droit constitutionnel allemand, qui conçoit le concept de manière collective : le député ne représente pas ceux qui l'ont élu, mais, pour reprendre les termes français du débat, représente en tant qu'il veut pour la Nation.(41)

Le gouvernement de Thuringe aurait pu espérer plus de la constitution locale, qui lui fait expressément devoir, ainsi qu'au Land en général, de favoriser l'égalité effective entre les hommes et les femmes (art. 2, al. 2 C Thu) -- l'équivalent donc de la révision constitutionnelle qui a permis, en France, l'adoption de mesures semblables. Le juge cependant considère la formulation trop vague pour justifier les atteintes aux libertés qu'emporte la loi électorale, en particulier pour celles qui devraient être appuyées sur des raisons impératives(42). Un tel raisonnement n'est pas sans prêter le flanc à la critique : en mettant en présence une phrase d'une part (telle que comprise d'après une interprétation littérale qui n'est pas convaincante : la lettre elle-même, dans sa généralité et son caractère volontariste, pourrait être comprise comme une habilitation très large donnée au législateur -- preuve s'il en était encore besoin que les prétendues techniques d'interprétation ont surtout pour fonction d'habiller la décision plutôt que d'y mener), des principes de l'autre, le Tribunal substitue un semblant de pondération à celle qu'il aurait dû effectuer in concreto : à aucun moment ne sont mises en balance la gravité des atteintes portées aux principes de liberté et d'égalité du vote, ainsi qu'à la liberté et à l'égalité des partis, d'une part, et d'autre part l'exigence constitutionnelle d'égalité effective entre les hommes et les femmes. Au contraire, ces principes auxquels la loi électorale porte atteinte sont présentés comme des blocs intangibles, insusceptibles de gradations. Les exemples concrets d'atteintes à ces principes qu'avait pu imaginer le Tribunal au moment d'envisager les conséquences de la loi paraissaient pourtant relativement innocents au regard de la volonté claire du constituant.

La décision du Tribunal constitutionnel brandebourgeois suit un schéma semblable(43). Les atteintes relevées sont moins nombreuses, puisque seule la liberté des partis est retenue (la constitution de deux listes séparées puis entremêlées empêche un parti de répartir les places comme il l'entend entre ses différents candidat.es, et désavantage ceux ou celles qui relèvent du sexe le plus nombreux, puisque la concurrence est plus rude)(44). Mais de la même manière, elles suffisent à écarter le devoir que semble pourtant donner le constituant aux autorités du Land « d'assurer par des mesures effectives l'égalité des hommes et des femmes dans la vie publique » (art. 12, al. 3 C Brandebourg)(45). Ce qui lui permet cela, c'est de ranger ce devoir au rang des « déterminations des buts de l'État » que peut contenir une constitution, et qui peuvent justifier des atteintes (ponctuelles, doit-on comprendre) aux autres normes constitutionnelles. Mais ces normes, pour autant, ne sont pas constitutionnelles au point de pouvoir « autoriser la modification par une loi ordinaire les principes structurants démocratiques qui constituent la constitution »(46). Dans ce cas, donc, ce n'est pas tant la clarté du texte que son rang même qui est remis en question.

Les deux décisions ont donc en commun qu'elles font primer un principe démocratique déterminé par le seul juge sur la décision du constituant. Où l'on voit les limites qu'il y a à invoquer la théorie constitutionnelle dans les décisions de justice -- et d'ailleurs à prétendre, simplement, qu'on pourrait tirer de la théorie constitutionnelle la bonne et unique manière de mener des élections. Il n'est pas certain cependant que ces décisions puissent connaître une grande postérité. La Cour constitutionnelle fédérale s'est en effet invitée dans la discussion à la fin de l'année, sans contredire explicitement les tribunaux de Thuringe et de Brandebourg, mais sans les appuyer non plus. À l'occasion du rejet d'une requête visant à imposer, au nom du principe d'égalité réelle entre les hommes et les femmes présent également dans la Loi fondamentale allemande, des listes paritaires pour les élections nationales, elle a insisté sur la liberté (Gestaltungsspielraum) qui demeure au législateur tout particulièrement lorsqu'il donne forme au droit électoral(47). Non contente de remettre ainsi en cause l'un des fondements principaux utilisés par ces tribunaux (la législation électorale devrait être prédéterminée par la Constitution), la Cour pointe du même coup la faiblesse essentielle de leurs décisions : l'absence de pondération réelle entre les droits et exigences constitutionnelles en cause. C'est précisément parce que, semble-t-il, « ces principes constitutionnels se trouvent sur un pied d'égalité » qu'il « revient au législateur d'introduire entre eux la conciliation adéquate »(48).

La Cour constitutionnelle n'indique donc pas que toute loi électorale paritaire devra nécessairement être reconnue constitutionnelle sur le fondement de l'art. 3, al. 2 LF, qui impose à l'État de mettre en œuvre une égalité réelle entre les hommes et les femmes. Il faudra en effet prendre en compte les principes auxquels une telle loi porterait atteinte, notamment ceux qui ont trait à la liberté des partis (art. 21, al. 1 LF). Elle signale cependant qu'une véritable conciliation devra être opérée, et que les tribunaux constitutionnels des Länder ne pourront plus se contenter d'opposer aux volontés du constituant les articles de foi d'une certaine théologie démocratique.

IV. Cour constitutionnelle autrichienne, G 139/2019-71 du 11 décembre 2020 (assistance au suicide), par A. Corre-Basset

Après la Cour constitutionnelle italienne et la Cour constitutionnelle fédérale allemande, la Cour constitutionnelle autrichienne s'est à son tour prononcée sur la question du suicide assisté. Alors que la portée de la décision italienne était atténuée par son fondement (une disposition spécifique de la Constitution italienne relative au droit de consentir aux soins)(49) et que les juges allemands, au contraire, avaient eu recours à l'argument massue (et tue-débat) de la dignité humaine(50), la Cour viennoise a confronté plus simplement droit à la vie et droit à l'autodétermination.

Les requêtes étaient dirigées contre les paragraphes 77 et 78 du Code pénal autrichien, qui punissent de prison le fait de tuer autrui à sa demande (§ 77) et celui d'inciter à cet acte ou d'aider à sa réalisation (§ 78). Il n'est que cette assistance que la Cour déclare contraire à la Constitution, car elle n'aurait pu donner raison aux requérants sur les deux autres points sans contradiction. L'annulation de l'article pénalisant spécifiquement l'homicide à la demande de la victime aurait en effet conduit à appliquer, faute de texte spécial, la loi générale, et donc à traiter ce geste comme tout autre homicide, ce qui n'allait à l'évidence pas dans le sens des requérants. Quant au fait d'inciter au suicide, ne pas le criminaliser aurait été incohérent avec le raisonnement permettant d'arriver au but premier des requêtes : rendre légale l'assistance au suicide.

Le principe constitutionnel qui justifie la censure est en effet l'autonomie de l'individu, qui laisse à sa disposition le droit de mettre un terme à son existence ; l'incitation au suicide revenant justement à détourner le libre arbitre d'autrui, la permettre aurait rendu l'argumentation tout entière contradictoire(51). L'exclusion de l'incitation au suicide de cette protection constitutionnelle est la conséquence de la manière dont est bâtie cette autonomie : le principe n'apparaissant pas lui-même dans les textes constitutionnels (ni dans la Loi constitutionnelle de 1920 ni dans la Loi fondamentale sur les droits généraux des citoyens de 1867, où l'on trouve les droits fondamentaux du bloc de constitutionnalité autrichien), il fallait encore pouvoir le déduire d'un autre. Les requérants invitaient la Cour à suivre la voie allemande en le tirant du principe de dignité (lequel cependant n'est pas plus attesté dans les textes). Celle-ci a préféré une solution qui nous paraît plus respectueuse du constituant en le dégageant du principe d'égalité (art. 2 de la Loi fondamentale sur les droits généraux des citoyens ; art. 7, al. 1 de la Loi constitutionnelle).

Selon la Cour, le contenu élémentaire du principe d'égalité -- l'égalité de tous devant la loi -- présuppose « que tout être humain, en tant qu'être individuel est en soi différent de tout autre » : on peut donc « en déduire la personnalité spécifique et l'individualité de tout être humain ». Ainsi, le système des droits fondamentaux garantit-il la liberté de l'être humain, et sa responsabilité sur lui-même(52). Le raisonnement, certes, passe par une reconstruction des postulats implicites du bloc de constitutionnalité : pour comprendre cette étrange déduction, on doit accepter l'idée que l'égalité devant la loi ne se comprend que parce que tout individu est une entité propre, avec sa personnalité particulière, qui en tant que telle vaut autant que les autres. De ceci, on peut tirer à la fois le principe d'égalité et celui d'autodétermination : si chacun est doté d'une personnalité propre, c'est qu'il est responsable de lui-même. Ainsi, la manifestation dans les textes constitutionnels du principe d'égalité permet de remonter à un principe, non-écrit, d'individualité, d'où découle, implicitement, le principe d'autodétermination.

Cela fait beaucoup d'implicites, et peut prêter le flanc au reproche bien connu du gouvernement des juges. On notera cependant que la Cour autrichienne n'a pas la tâche facile, dans la mesure où le catalogue des droits dont elle dispose est non seulement ancien (1867), mais surtout d'origine impériale. On y trouve ainsi les droits-défenses les plus fréquents (propriété, liberté d'aller et venir, pensée, communication...), mais pas cette idée, peut-être plus intimement liée à l'idée de souveraineté de la Nation, d'autodétermination qui se manifeste notamment par l'interdiction faite à la loi d'empêcher une action qui ne soit pas nuisible à la société.

On aurait pu imaginer d'en passer par l'argument de la lacune : en se fondant sur une réflexion historique, il n'était pas impossible de montrer que ce silence sur l'autodétermination, compréhensible en 1867, ne l'était plus de la même manière à partir du moment où l'Autriche, en 1920, avait été déclarée une « République démocratique », dont le droit « émane du peuple » (art. 1 de la Loi constitutionnelle). Seules les circonstances politiques de l'époque (l'impossibilité de trouver un consensus entre les partis sur une déclaration des droits fondamentaux lors de la rédaction de cette Constitution) auraient expliqué l'absence de reconnaissance explicite d'un principe qui désormais fondait nécessairement l'ordre constitutionnel et en particulier le principe d'égalité(53).

Il est intéressant cependant que la Cour, justement, n'en ait rien fait. Au contraire, elle assimile les deux occurrences du principe d'égalité dans le bloc de constitutionnalité, sans paraître se préoccuper des circonstances différentes dans lesquelles il a, à chaque fois, été énoncé. Elle établit ainsi une perspective synchronique sur le bloc de constitutionnalité, comme si les énoncés qui le composent valaient par leur seul rattachement à leur auteur juridique (après tout, le texte de 1867 ne vaut que pour avoir été explicitement endossé, à l'art. 149 de la Loi constitutionnelle, par le constituant de 1920). On voit ici à l'œuvre une manière d'interprétation « objective » (pour reprendre le lexique de la Cour constitutionnelle fédérale allemande) des textes constitutionnels, qui a pour conséquence de renforcer le monopole d'interprétation revenant au juge constitutionnel. C'est lui, en effet, qui bâtit le bloc de constitutionnalité comme un tout cohérent, ne reposant pas tant sur les décisions, par essence arbitraires, des rédacteurs de la Constitution que sur des principes inhérents à l'ordre juridique (si ce n'est à tout ordre constitutionnel libéral)(54).

Alors que la Cour allemande, qui aurait pu se contenter de la liberté individuelle, a voulu fonder sa décision sur la dignité humaine, la Cour autrichienne, qui n'avait à sa disposition directe ni l'un ni l'autre de ces principes, a déduit le droit à l'autodétermination de principes censés être au fondement de son bloc de constitutionnalité. Le fond est plus libéral peut-être (encore que la dignité humaine ait été interprétée plutôt comme protection que comme devoir assigné à l'individu), la méthode revient encore à concevoir la Constitution comme un ensemble cohérent de valeurs plutôt que comme la décision conjoncturelle d'individus formant, à un moment de l'histoire, le pouvoir constituant. La protection des droits fondamentaux y gagne sans doute, immédiatement, ce qu'y perd la démocratie comprise comme maîtrise des individus sur leur destin politique -- d'autant qu'une interprétation historique fondée sur le seul texte de 1920 n'aurait pas été moins convaincante, et pas plus acrobatique peut-être.

À cette aune, on interprétera le refus de censurer l'art. 77 du Code pénal (homicide accompli à la demande de la victime) comme une forme de gage donné au législateur. Il n'aurait pas été bien difficile d'abroger cette disposition en ajoutant à l'article qui punit de manière générale l'homicide une réserve d'interprétation excluant celui commis à la demande de la victime. L'arrêt rendu en 2018 sur l'inscription des personnes intersexes à l'état civil montre que la Cour ne refuse pas, par principe, d'utiliser cette technique pour ce qui peut être considéré comme des questions de société(55). Faire preuve d'autolimitation dans la question du suicide paraît donc plutôt être une manière de minimiser l'intervention du juge. Il nous semble cependant que la méthode d'interprétation qui le conduit à découvrir le principe d'autodétermination est d'une portée bien plus grave. Comme souvent les juges constitutionnels, la Cour autrichienne renonce pudiquement de monter sur un moustique pour enfourcher d'autant plus hardiment le chameau.

V. Cour constitutionnelle autrichienne, G 4/2020-27, 11 décembre 2020 (port du voile islamique pour les élèves des écoles), par A. Corre-Basset

Le titre que nous donnons à cette décision en contient déjà l'essentiel : si la loi interdisant de se voiler le chef à l'école pour des raisons religieuses avant dix ans est abrogée par la Cour constitutionnelle, c'est pour ne concerner en réalité que le seul voile islamique.

En 2019, le législateur avait ajouté à la loi sur l'organisation des cours et de l'éducation l'interdiction faite aux élèves de porter jusqu'à la fin de l'année scolaire pendant laquelle ils atteignent leur dixième anniversaire « un habillement à connotation religieuse ou exprimant une vision du monde qui se manifesterait par la couverture de la tête »(56) (§ 43a, al. 1). Le texte de la loi, donc, ne visait pas explicitement le voile islamique. C'est pourtant sur le fondement des principes d'égalité et de neutralité religieuse que la disposition a été déclarée contraire à la Constitution.

La Cour constitutionnelle n'interdit pas au législateur de limiter les libertés de conscience ou de religion au nom de l'intégration sociale et de l'égalité des sexes (c'était le motif qui apparaissait en effet dans le texte même de la loi). À l'école, en particulier, la liberté de religion peut être limitée, mais à condition que ces restrictions « prennent une forme proportionnée et rationnelle » (verhältnismäßig und sachlich). Cette double exigence conduit à un contrôle strict des différences entre les traitements faits aux diverses religions. L'État étant neutre à l'égard des religions et des conceptions du monde (art. 9, al. 1 CEDH et 14, al. 2 de la Loi fondamentale sur les droits généraux des citoyens), toute différence de traitement appliquée à une religion en particulier doit s'appuyer sur « une justification particulièrement objective »(57). Ici, l'attention portée à la liberté religieuse renforce le contrôle d'égalité, qui interdit seulement les différences de traitement qui ne sont pas objectivement fondées sur des différences de situation ainsi que, au contraire de la compréhension qu'ont les juridictions françaises du principe, le traitement identique, sans fondement objectif, de situations différentes(58).

Or le législateur, sous couvert d'une interdiction générale, visait en réalité le seul voile islamique. Les travaux préparatoires n'en faisaient d'ailleurs pas mystère : la commission de l'éducation du Nationalrat (chambre du Parlement élue au suffrage universel sur la base de la population) avait explicitement exclu la kippa et le turban sikh du champ d'application de l'article (alors que, d'après les termes de la loi, ils devraient être concernés) et précisé que seul le voile islamique était visé. La Cour constitutionnelle a donc pu constater que la religion musulmane était soumise à un traitement différent sans fondement objectif (la mesure aurait au contraire pu nourrir une forme d'exclusion des élèves musulmans)(59), et que le texte, contrevenant ainsi au principe de neutralité(60), devait être déclaré inconstitutionnel.

La comparaison avec les autres décisions rendues en Allemagne ou en France sur le port du voile ne peut être faite trop directement. D'une part en effet, la question n'est pas celle, en soi, de l'interdiction du port de signes religieux, mais de la discrimination d'une religion en particulier par rapport aux autres. D'autre part, on ne peut pas la comparer avec les décisions concernant spécifiquement le voile islamique en Allemagne : celles-ci n'ont été rendues qu'à propos d'agents du service public(61). Le juge autrichien, ici, n'ouvre pas de nouvelle voie sur cette question délicate, mais a le mérite de rappeler un point que le législateur tend parfois à oublier : que tout traitement différencié d'une religion doit être particulièrement fondé, et que les arguments tirés de l'intégration à la communauté nationale ou tenant à l'égalité entre les hommes et les femmes ne sauraient justifier l'interdiction du seul voile islamique. Incidemment, également, qu'on peut déclarer inconstitutionnelle une norme prétendue générale, mais tournée de telle manière à ne concerner qu'une part de la population en particulier.

Il reste enfin à s'attarder sur le raisonnement qui permet au juge de constater l'atteinte à l'égalité. Comme nous l'avons en effet signalé, le texte concernait, à s'en tenir à sa seule lettre, tous les couvre-chefs rattachés à une croyance ou à une certaine conception du monde, et ce ne sont que les travaux préparatoires qui restreignaient sa portée au voile islamique. En déclarant la disposition contraire à la Constitution sur ce fondement, la Cour reconnaît donc implicitement une portée normative à ce qui n'est qu'un commentaire sur le texte. On pourrait donc lui reprocher d'avoir rendu sa décision en considération d'une interprétation du texte non contraignante et tout à fait discutable, en une forme de réserve d'interprétation inversée. Le plus naturel pour un juge constitutionnel aurait sans doute été, au contraire, d'exclure cette interprétation inconstitutionnelle par une réserve d'interprétation. En l'espèce, cela aurait conduit à étendre l'interdiction de se couvrir aux autres croyances au nom de la neutralité de l'État en matière religieuse : plutôt que de préserver les libertés, une telle décision aurait plus largement restreint celles-ci, contre la volonté du législateur. On conçoit bien que c'eût été, en plus d'une sorte de pied de nez audit législateur, une manière juridiquement moins intrusive de garantir le respect de la Constitution. Il semble que le souci de préserver les libertés ait cependant guidé ici la décision -- faisant primer, en quelque sorte, la véritable volonté du législateur sur la lettre de la loi.

VI. Diverses décisions à signaler (Allemagne), par A. Corre-Basset

Nous signalerons quelques décisions allemandes qui méritent d'être relevées, sans avoir malheureusement la place de les commenter plus avant.

La décision 1 BvR 859/16 du 8 septembre 2020 (Loi sur les produits du tabac et produits apparentés) a confirmé le mouvement de fond favorable à une articulation sereine avec l'ordre juridique de l'Union. Dans la continuité des grandes décisions sur le droit à l'oubli de 2019, la Cour constitutionnelle fédérale y étend la logique de la décision Solange II aux cas où est en cause une règle interne transposant des dispositions inconditionnelles et précises du droit de l'Union : elle refuse de contrôler une éventuelle atteinte aux droits fondamentaux tirés de l'ordre interne lorsque la CJUE s'est déjà prononcée au regard des droits fondamentaux du droit de l'Union. Demeure bien entendu l'exception fondatrice de Solange : cela ne vaut que « tant que les droits fondamentaux de l'Union offrent de manière générale une protection efficace des droits fondamentaux qui pour l'essentiel puisse être regardée comme équivalente à la protection apportée par la Loi fondamentale en ce que cette protection a d'inaliénable, d'autant plus lorsque ces droits fondamentaux de l'Union garantissent de manière générale le contenu essentiel des droits fondamentaux »(62).

La Cour s'est également prononcée, en formation restreinte, sur la balance entre liberté d'opinion et protection de l'honneur dans les cas d'injure. Reprenant la jurisprudence établie par une décision de principe déjà relativement ancienne(63), elle a rappelé que la liberté d'expression peut aussi couvrir l'injure, pourvu que celle-ci soit liée à une dispute entre insultant et insulté, et pas l'expression d'une volonté de vouloir attenter à l'honneur d'une personne en tant que telle, sans autre raison. Le juge doit toujours se prononcer au regard des faits concrets de l'espèce, et effectuer à cette occasion une balance entre l'atteinte à la liberté d'expression que représenterait une condamnation pour injure et l'atteinte à l'honneur de la personne que représente l'injure elle-même ; on peut ainsi traiter de « pouffiasse » la personne avec laquelle on a une dispute sérieuse(64). Les seules exceptions qui permettent de couper à cette pondération sont les cas d'injure formelle (Formalbeleidigung ou Schmähkritik), c'est-à-dire sans rapport avec aucun contentieux déterminé, et ceux où l'injure constitue une atteinte à la dignité humaine. La Cour a justement eu l'occasion de faire application de cette dernière exception en rejetant la plainte constitutionnelle d'un employé licencié pour avoir, lors d'un Conseil d'administration, apostrophé l'un des participants, noir, d'un « Ugah, ugah ». Le caractère raciste de l'injure fait automatiquement passer la liberté d'expression au second plan(65).

(1): E. Bjorge, « La Cour suprême du Royaume-Uni, une cour constitutionnelle digne de ce nom », RFDA, 2017, p. 213 et s.

(2): Section 6(1) du Human Rights Act : « [i]t is unlawful for a public authority to act in a way which is incompatible with a Convention right ».

(3): Créée par le Constitutional Reform Act 2005, elle existe depuis 2009.

(4): Le texte intégral de l'arrêt est disponible en version intégrale en langue anglaise à la page suivante : [https://www.supremecourt.uk/cases/docs/uksc-2020-0022-judgment.pdf] ; les vidéos des audiences de la Cour suprême du 3 juin 2020 sont également disponibles à la page suivante : [https://www.supremecourt.uk/watch/uksc-2020-0022/030620-am.html]

(5): Voir la chronique d'A. Basset, dans cette Revue, n° 3, 2019, Cour constitutionnelle fédérale allemande, décision 1 BvR 3080/09 du 11 avril 2018 [interdiction de stade].

(6): Voir B. Moutel, L'« effet horizontal » de la convention européenne des droits de l'homme en droit privé français. Essai sur la diffusion de la CEDH dans les rapports entre personnes privées, thèse dactyl., Université de Limoges, 2006.

(7): Au Royaume-Uni en 2018, 250 affaires ont été portées au tribunal par des procureurs sur la base de preuves recueillies par ces groupes ([https://www.bbc.com/news/uk-england-50302912]).

(8): « Case Comment : Sutherland v Her Majesty's Advocate (Scotland) [2020] UKSC 32 », UK Supreme Court Blog, 1er septembre 2020, [http://ukscblog.com/case-comment-sutherland-v-her-majestys-advocate-scotland-2020-uksc-32/].

(9): § 12 de l'arrêt commenté.

(10): CEDH, Halford v. United Kingdom, du 25 juin 1997, requête n° 20605/92.

(11): « Les enfants et autres personnes vulnérables ont droit à la protection de l'État, sous la forme d'une prévention efficace les mettant à l'abri de formes aussi graves d'ingérence dans des aspects essentiels de leur vie privée », CEDH, K.U. c. Finlande du 2 décembre 2008, requête n° 2872/02, § 46.

(12): « In my view, the Scottish Parliament having enacted such protection for children by way of the criminal law, it is an aspect of the positive obligation of the state under article 8 to ensure that there can be effective enforcement of the law as contained in these provisions (...) », Sutherland v Her Majesty's Advocate, § 39.

(13): « Case Comment : Sutherland v Her Majesty's Advocate (Scotland) [2020] UKSC 32 », UK Supreme Court Blog, préc.

(14): « Accordingly it is clear that, under the scheme of the ECHR and for the purposes of article 8, the interests of children in this field have priority over any interest a paedophile could have in being allowed to engage in the conduct which has been criminalised by these provisions », Sutherland v Her Majesty's Advocate, § 42.

(15): Cela d'autant plus que même en cas de preuves obtenues avec des menaces de torture, en violation de l'article 3 (prohibition de mauvais traitements), et alors qu'il s'agit d'un droit intangible, la Cour européenne ne conclut pas systématiquement à une violation de l'article 6 : v. CEDH, Gafgen contre Allemagne, 1er mars 2010, où la Cour refuse d'exclure automatiquement les preuves obtenues en violation de l'article 3 CEDH pour menace de torture.

(16): Sur l'obligation positive qui pèse sur les États dans le cadre de l'article 8 de la Convention, v. CEDH, Airey c. Irlande du 9 octobre 1979, requête n° 6289/73 ; une application de cette obligation positive à une affaire de violence sexuelle sur une jeune fille de seize ans mentalement handicapée se trouve dans l'arrêt CEDH, X et Y c. Pays-Bas du 26 mars 1985, requête n° 8978/80. L'arrêt est évoqué par la Cour suprême du Royaume-Uni dans la décision commentée (§ 34-35).

Dans un arrêt K.U. c. Finlande du 2 décembre 2008 (requête n° 2872/02), la Cour européenne affirme que « Si le choix des moyens d'assurer le respect de l'article 8 dans le domaine de la protection contre les actes d'individus relève en principe de la marge d'appréciation de l'État, une dissuasion effective contre des actes graves mettant en jeu des valeurs fondamentales et des aspects essentiels de la vie privée appelle des dispositions pénales efficaces » (§ 43).

(17): H. Thomas, « Vigilante justice : is evidence obtained by 'paedophile hunter' groups admissible in criminal proceedings ? », [https://www.2harecourt.com/training-and-knowledge/vigilante-justice-is-evidence-obtained-by-paedophile-hunter-groups-admissible-in-criminal-proceedings/].

(18): « 'Paedophile Hunters' and Right to Privacy », Criminal Justice Notes, 30 juillet 2020, [https://blogs.kent.ac.uk/criminaljusticenotes/2020/07/30/paedophile-hunters-and-right-to-privacy/#].

(19): # Ibid.

(20): Ibid.

(21): CEDH, K.U. c. Finlande, préc., § 46. Et la Cour de rajouter : « Les enfants et autres personnes vulnérables ont droit à la protection de l'État, sous la forme d'une prévention efficace les mettant à l'abri de formes aussi graves d'ingérence dans des aspects essentiels de leur vie privée » (ibid.).

(22): Ibid., § 48.

(23): Le texte intégral de l'arrêt est disponible en portugais à la page suivante : [http://www.tribunalconstitucional.pt/tc/acordaos/20200422.html].

(24): Cour constitutionnelle italienne, arrêt nº 183/1973, établissant la doctrine dite des « contre-limites » dans les rapports avec le droit de l'Union européenne.

(25): Sur les différentes phases des multiples affaires Taricco entre la Cour constitutionnelle italienne et la Cour de justice de l'Union européenne, voir M. Bonelli, « The Taricco saga and the consolidation of judicial dialogue in the European Union : CJEU, C-105/14 Ivo Taricco and others, ECLI : EU : C : 2015 : 555 ; and C-42/17 M.A.S., M.B., ECLI : EU : C : 2017 : 936 Italian Constitutional Court, Order no. 24/2017 », Maastricht Journal of European and Comparative Law, 2018, vol. 25(3), p. 357-373.

(26): Cour constitutionnelle fédérale allemande, arrêt du 29 mai 1974, 2 BvL 52/71, Recueil BVerfGE 37, p. 271 (Solange) et arrêt du 22 octobre 1986, BVerfGE 73, 339 (Solange II). Pour un commentaire, voir C. Langenfeld, « La jurisprudence récente de la Cour constitutionnelle allemande relative au droit de l'Union européenne », Titre VII [en ligne], n° 2, avril 2019.

(27): Sur la variété des mécanismes de contrôle de constitutionnalité au Portugal, voir G. Tusseau, « Chronique de jurisprudence - Droit administratif et droit constitutionnel - Les budgets d'austérité face aux principes constitutionnels », RFDA, 2013, p. 663 et s.

(28): Plus précisément l'article 19 alinéa 1 lettre a) du Règlement (CEE) n° 2220/85 de la Commission, du 22 juillet 1985 fixant les modalités communes d'application du régime des garanties pour les produits agricoles.

(29): « Dans des conditions de réciprocité, dans le respect des principes fondamentaux de l'État de droit démocratique et du principe de subsidiarité et en vue de la réalisation de la cohésion économique, sociale et territoriale, d'un espace de liberté, de sécurité et de justice et de la définition et de la mise en œuvre d'une politique étrangère de sécurité et de défense commune le Portugal peut passer des conventions sur l'exercice, en commun, en coopération ou par les institutions de l'Union des pouvoirs nécessaires à la construction et à l'approfondissement de l'Union européenne ».

(30): « Les dispositions des traités relatifs à l'Union européenne et les normes édictées par ses institutions, dans l'exercice de leurs compétences respectives, sont appliquées dans l'ordre interne, conformément au droit de l'Union, dans le respect des principes fondamentaux de l'État de droit démocratique ».

(31): R. Tavares Lanceiro, « Op-Ed : The Portuguese Constitutional Court judgment 422/2020 -- a 'Solange' moment ? », EU Law Live, 24 juillet 2020, [https://eulawlive.com/op-ed-the-portuguese-constitutional-court-judgment-422-2020-a-solange-moment-by-rui-tavares-lanceiro/].

(32): Sur cette doctrine, voir E. Bottini, « La construction d'un modèle italien de justice constitutionnelle dans le contexte global », in E. Bottini, B. Harcourt, P. Pasquino et O. Pfersmann (dir.), Nouveaux regards sur des modèles classiques de démocratie constitutionnelle, Mare et Martin, coll. « Néo ou rétro constitutionnalismes ? (R)évolutions des démocraties constitutionnelles (1989-2015) », 2019, p. 311 et s.

(33): Cons. const., déc. n° 2006-540 DC du 27 juillet 2006, Droit d'auteur dans la société de l'information, Rec. 88, cons. 17 à 20.

(34): Conseil d'État, Ass., 8 février 2007, Société Arcelor Atlantique et Lorraine et autres, n° 287110.

(35): Cour constitutionnelle fédérale allemande, décision 2 BvR 859/15 du 5 mai 2020.

(36): C. Guerrero-Picò, « Tribunale costituzionale, acórdão n. 422/2020, del 15 luglio, sui rapporti tra diritto nazionale e diritto eurounitario », Corte costituzionale italiana, Area di diritto comparato, Servizio studi, [https://www.cortecostituzionale.it/documenti/segnalazioni_corrente/Segnalazioni_1599579070466.pdf].

(37): Tribunal constitutionnel portugais, Acórdão nº 711/2020 du 9 décembre 2020.

(38): Décision 2/20 du 15 juillet 2020 ; pour un résumé un peu plus complet : M. Sachs, « Verfassungswidrigkeit eines Paritätsgesetzes für Landtagswahlen », JuS, 2020/10, p. 994-998.

(39): TC Thuringe, 2/20, p. 33 (la numérotation suit celle de la publication de la décision sur le site Internet du Tribunal). Remarquons que le Tribunal pousse l'hypocrisie jusqu'à user de la formulation la plus neutre possible en évoquant des partis « qui se sont donné pour mot d'ordre la défense d'un sexe en particulier », faisant mine de ne pas faire allusion aux seuls partis féministes.

(40): Sur l'opposition entre représentations réelle et virtuelle : P. Brunet, « La représentation », in D. Chagnollaud, M. Troper (dir.), Traité international de droit constitutionnel, t. 1, Paris, Dalloz, 2012, p. 607-641, not. p. 625-631.

(41): TC Thuringe, 2/20, p. 34-35.

(42): Ibid., p. 41-42.

(43): TC Brandebourg, décision 55/19 du 23 octobre 2020 ; résumé dans M. Sachs, « Staatsorganisationsrecht : Geschlechterparität bei Landtagswahlen », JuS, 2020/12, p. 1230-1232.

(44): TC Brandebourg, 55/19, § 109-116.

(45): « Das Land ist verpflichtet, für die Gleichstellung von Frau und Mann in [...] öffentlichem Leben [...] durch wirksame Maßnahmen zu sorgen ».

(46): « Aus dieser Staatszielbestimmung [lässt sich] keine Befugnis zur einfachgesetzlichen Änderung verfassungskonstituierender demokratischer Strukturprinzipien ablesen » (§ 165).

(47): Cour constitutionnelle fédérale allemande, décision 2 BvC 46/19 du 15 décembre 2020, § 111-112.

(48): « Vielmehr spricht vieles dafür, dass sich diese Verfassungsgüter gleichrangig gegenüberstehen und es Sache des Gesetzgebers ist, zwischen ihnen einen angemessenen Ausgleich herbeizuführen » (§ 112).

(49): Cour constitutionnelle italienne, 24 septembre 2019, n° 242/2019 ; cf. cette chronique (Titre VII, no 4, avril 2020).

(50): Cour constitutionnelle fédérale, 2 BvR 2347/15 et autres, 26 février 2020 ; cf. cette chronique (Titre VII, no 5, octobre 2020).

(51): § 107 sq. de la décision.

(52): « Mit seinem elementaren Gehalt, dass alle Menschen vor dem Gesetz gleich sind, setzt der Gleichheitsgrundsatz voraus, dass jeder Mensch als individuelles Wesen per se unterschiedlich ist, aus ihm lässt sich die spezifische Personalität und Individualität des Menschen ableiten [...]. Die Grundrechtsordnung garantiert die Freiheit des Menschen, er ist in seiner Personalität und Individualität sich selbst verantwortlich » (§ 72).

(53): On aurait alors affaire à une sorte de lacune axiologique (J. Jeanneney, Les lacunes constitutionnelles, Paris, Dalloz, 2016, p. 531 sq.) ; « une sorte », car ce n'est pas uniquement la préférence morale de l'interprète qui le conduit à constater cette lacune, mais une étude historique et systématique du droit.

(54): Sur cette question, nous nous permettons de renvoyer à notre thèse : Pour en finir avec l'interprétation, Paris, Institut universitaire Varenne -- LGDJ, 2015, p. 54-59. J. Jeanneney remarque au contraire que le recours au discours des lacunes (au moins des lacunes subjectives, assez semblables aux lacunes axiologiques en ce qu'elles reposent sur la confrontation entre ce que le droit est et ce qu'il devrait être) n'a de sens que si l'on conçoit le droit de manière diachronique, comme sujet aux évolutions (op. cit., p. 393).

(55): Décision G 77/2018-9 du 15 juin 2018.

(56): « Um die bestmögliche Entwicklung und Entfaltung aller Schülerinnen und Schüler sicherzustellen, ist diesen bis zum Ende des Schuljahres, in welchem sie das 10. Lebensjahr vollenden, das Tragen weltanschaulich oder religiös geprägter Bekleidung mit der eine Verhüllung des Hauptes verbunden ist, untersagt ».

(57): « Eine Regelung, die eine bestimmte religiöse oder weltanschauliche Überzeugung selektiv heraus-greift, indem sie eine solche gezielt privilegiert oder benachteiligt, bedarf daher im Hinblick auf das Gebot der religiösen und weltanschaulichen Neutralität einer besonderen sachlichen Rechtfertigung » (§ 137).

(58): « Der Gleichheitsgrundsatz setzt dem Gesetzgeber insofern inhaltliche Schranken, als er verbietet, unsachliche, durch tatsächliche Unterschiede nicht begründbare Differenzierungen und eine unsachliche Gleichbehandlung von Ungleichem [...] sowie sachlich nicht begründbare Regelungen zu schaffen » (§ 133).

(59): § 144.

(60): § 149.

(61): La première décision (2 BvR 1436/02 du 24 septembre 2003, BVerfGE 108, 282), à propos du port du voile par les enseignantes, admet l'interdiction à condition qu'elle soit décidée par le législateur. Par la suite, cette interdiction législative elle-même fut restreinte aux cas où un danger concret pour la liberté de conscience des élèves ou la paix de l'école peut être établi (1 BvR 471 et 1181/10 du 27 janvier 2015, BVerfGE 138, 296). On signalera également le dernier arrêt en date sur la question : au vu du caractère particulier qu'a l'institution judiciaire, le législateur peut interdire le port du voile aux référendaires (décision 2 BvR 1333/17 du 14 janvier 2020).

(62): « Das Bundesverfassungsgericht übt grundsätzlich keine Kontrolle über unionsrechtliches Fachrecht aus und überprüft dieses Recht nicht am Maßstab der Grundrechte des Grundgesetzes, solange die Unionsgrundrechte einen wirksamen Schutz der Grundrechte generell bieten, der dem vom Grundgesetz jeweils als unabdingbar gebotenen Grundrechtsschutz im Wesentlichen gleich zu achten ist, zumal den Wesensgehalt der Grundrechte generell verbürgen ; maßgeblich ist insoweit eine auf das jeweilige Grundrecht des Grundgesetzes bezogene generelle Betrachtung » (§ 24 ; condensant la formulation de la décision Droit à l'oubli II, 1 BvR 276/17 du 6 novembre 2019, § 47).

(63): Décision Les soldats sont des meurtriers (1 BvR 1476, 1980/91 et 102, 221/92, BVerfGE 93, 266, 289 sq.)

(64): Décision 1 BvR 2249/19 du 19 août 2020.

(65): Décision 1 BvR 2727/19 du 2 novembre 2020.

Citer cet article

Éleonora BOTTINI ; Antoine CORRE-BASSET. « Chronique de droit constitutionnel comparé (juillet 2020 à décembre 2020) », Titre VII [en ligne], n° 6, Le droit des étrangers, avril 2021. URL complète : https://www.conseil-constitutionnel.fr/publications/titre-vii/chronique-de-droit-constitutionnel-compare-juillet-2020-a-decembre-2020