Titre VII
N° 4 - avril 2020
Chronique de droit constitutionnel comparé (juillet 2019 à fin décembre 2019)
I. Cour constitutionnelle fédérale allemande, 30 juillet 2019, 2 BvR 1685/14, 2 BvR 2631/14 (Union bancaire), par A. Basset
En ménageant la chèvre européenne et le chou national, la décision « Union bancaire » rendue le 30 juillet dernier par la Cour constitutionnelle fédérale ne dépare pas dans la longue galerie des décisions qui ont scandé, outre-Rhin, la construction européenne(1). Au problème bien connu de l'articulation entre normes conventionnelles et normes de droit de l'Union, les juges apportent les réponses déjà éprouvées : affirmation de la suprématie du droit interne d'un côté, gages de bonne volonté envers le droit de l'Union de l'autre.
Le problème essentiel n'était pas neuf, puisqu'il fallait décider si un acte de droit de l'Union était compatible avec les principes constitutionnels nationaux. Le recours attaquait en effet les règlements sur l'union bancaire(2) et la loi nationale ayant par avance autorisé le gouvernement allemand à les approuver(3) sur le seul fondement du dépassement des compétences (contrôle dit de l'ultra-vires). Les juges constitutionnels allemands, cependant, en se réclamant des enjeux démocratiques en cause, ont étendu leur contrôle à celui de l'identité constitutionnelle. La juxtaposition de ces deux contrôles les a conduits à rejeter les griefs avancés au regard aussi bien du droit interne que du droit de l'Union : que ce soit dans l'une ou l'autre perspective, les pouvoirs accordés à la BCE en matière de surveillance des établissements de crédit ont été regardés comme conformes aux principes démocratiques procéduraux et matériels.
Pour ce faire, la CCF se fait tantôt juge de droit interne, tantôt juge de droit de l'Union, mais refuse finalement de transmettre une question préjudicielle à la CJUE et déclare seule les actes en question conformes à ces deux droits. Cela invite à s'interroger sur les rapports de « coopération » avec la Cour de Luxembourg vantés par les juges allemands, et sur la manière dont l'assimilation, dans l'argumentation, des principes démocratiques leur offre le moyen de trouver un équilibre entre primauté du droit national et respect de l'ordre juridique de l'Union. C'est dans les deux ordres que se pose la question du risque de rupture de la chaîne démocratique par l'attribution de pouvoirs nouveaux à la BCE (1), et c'est en établissant une forme d'équivalence entre les principes de démocratie dans les deux ordres que la CCF parvient à concilier les prétentions antithétiques de ceux-ci -- avec pour conséquence des influences réciproques sur les jurisprudences des différentes cours (2).
1. La mise en cause du principe de légitimation démocratique
Le problème que pose l'acte ultra-vires est celui de sa légitimation démocratique : si la légitimité démocratique de l'Union européenne lui vient des peuples par le biais des conventions passées par leurs gouvernements et ratifiées par les Parlements qui les représentent (ou bien par eux-mêmes), un acte qui méconnaît ces compétences est un acte despotique, puisqu'il s'impose à des individus sans que ceux-ci aient été amenés, même indirectement, à y consentir.
C'est ce raisonnement qui rend la question si sensible, et qui la rattache au droit interne. La question n'est pas celle de la légalité de l'acte contesté au regard du droit de l'Union, mais de ce que son illégalité impliquerait : l'institution qui prétendrait appliquer ou faire appliquer un acte ultra-vires porterait en plus atteinte au droit allemand, et à l'un des principes qui lui est le plus essentiel, le principe de démocratie.
L'article 20 de la Loi fondamentale définit la République fédérale comme un État démocratique (al. 1), et précise le terme en énonçant que tout le pouvoir de l'État provient du peuple (al. 2). La CCF tire de cet article un principe de souveraineté du peuple qui implique, notamment lorsqu'on le lie à l'art. 38 LF (élection des députés au Bundestag au suffrage universel direct, libre, secret et égal), un droit général de participation politique : « toute puissance publique exercée en Allemagne doit pouvoir être rattachée au citoyen », tous devant donc selon la Loi fondamentale pouvoir « participer de manière libre et égale à légitimer et à influencer la puissance souveraine qui les concerne » ; la Loi fondamentale exclut par là-même, à l'inverse, qu'un citoyen allemand soit soumis à un pouvoir politique sans pouvoir également participer à déterminer le comportement de celui-ci(4).
En remontant ainsi aux racines du contrôle de l'ultra-vires, la Cour est conduite à élargir son contrôle à celui de l'identité constitutionnelle. Le principe démocratique est en effet l'un des principes protégés par la clause d'éternité de l'article 79, al. 3 LF (lequel interdit toute révision des articles 1 et 20 LF). Lorsqu'est en cause le « droit à la démocratie » (Anspruch auf Demokratie), les deux contrôles paraissent donc se confondre.
Cela ne va pas de soi. Certes, tous deux ont ceci de commun qu'ils peuvent être exercés à l'occasion d'un recours constitutionnel, donc à l'initiative d'un particulier, et sur le même fondement de l'art. 38 LF(5). Tous deux également peuvent être rattachés, en dernier lieu, à l'art. 79, al. 3 LF. Cependant, ce fondement identique de recevabilité ni ce fondement commun de légalité n'entraînent à eux seuls l'identité du contrôle. Au contraire, la Cour constitutionnelle (tout comme la doctrine(6)) prend soin de réaffirmer l'existence de deux contrôles distincts : le contrôle de l'ultra-vires a pour objet les actes des institutions et organes de l'Union et vérifie le respect des compétences attribuées, celui de l'identité a lui pour fonction de protéger la « frontière absolue » de l'art. 79, al. 3, c'est-à-dire les droits déclarés intangibles(7).
En l'espèce, cependant, et comme dans tous les cas où est en cause le « droit à la démocratie », les deux contrôles « se recouvrent entièrement, tant du point de vue de leur fondement constitutionnel que du droit prétendu bafoué et du but du recours constitutionnel ». En ce cas, mais en ce cas seulement, le contrôle de l'ultra-vires peut être vu comme une sous-espèce du contrôle de l'identité : lorsqu'il s'agit du « droit à la démocratie », ces deux contrôles forment « les deux faces d'une seule médaille ».(8)
L'image n'est pas sans étonner : ou bien l'un est un sous-genre de l'autre, ou bien les deux se situent strictement sur le même plan comme les deux faces d'une médaille. Concilier inclusion et équivalence paraît en revanche difficile. Il nous semble qu'il n'y a pas là une simple incohérence figurative, mais plutôt l'indice d'une distinction peut-être artificielle.
La question essentielle est en effet celle du fondement ultime du contrôle. Au premier abord, les deux se distinguent en ce que le contrôle de l'ultra-vires a pour normes de référence des textes de droit de l'Union (le droit primaire, qui attribue les compétences), alors que le contrôle de l'identité utilise des normes de droit constitutionnel interne. On ne voit pas cependant ce qui autoriserait le juge national à effectuer de lui-même (et sans être saisi comme juge de droit commun du droit de l'Union) un contrôle des actes de l'Union au regard du droit de l'Union. Le fondement commun trouvé dans l'art. 79, al. 3 LF, en lien avec l'art. 23 LF (portant sur la participation de la RFA à la construction européenne) n'est donc pas aussi trivial que la Cour veut le laisser paraître : tout contrôle de l'ultra-vires ne peut être fondé que sur la méconnaissance, en dernier lieu, de la souveraineté du peuple allemand et de son droit, corrélatif, à décider par le vote de son devenir politique.
Quoi qu'en disent la Cour et la doctrine, il paraît difficile d'imaginer un cas où le contrôle de l'ultra-vires, c'est-à-dire le contrôle du respect des compétences, ne revient pas à un contrôle du respect du principe démocratique : enfreindre sa compétence, c'est nécessairement s'arroger la « compétence de la compétence », donc la souveraineté(9). Et si le principe démocratique est bien l'un de ces droits intangibles protégés par l'art. 79, al. 3 LF et, dans le cadre des rapports avec l'Union européenne, le contrôle de l'identité constitutionnelle, le contrôle de l'ultra-vires n'est rien d'autre qu'un sous-genre particulier de celui-ci.
Reste à comprendre, alors, pourquoi la Cour insiste tant sur cette distinction. La politique jurisprudentielle qu'elle mène de manière relativement constante depuis l'arrêt Solange II, marquée par une tension entre respect de la décision démocratique de participation à l'Union et préservation jalouse de la souveraineté nationale, incite à la regarder comme une manière de donner des gages à la Cour de justice de l'Union européenne tout en préservant, en pratique, la structure de raisonnement qui fonde la primauté du droit interne sur le droit de l'Union(10). Tout l'intérêt du contrôle de l'ultra-vires est en effet de se placer dans le paradigme du droit de l'Union, à la manière donc d'un juge de droit commun du droit de l'Union. Cet instrument pourrait alors être compris comme un instrument de conciliation avec la CJUE, quand le contrôle de l'identité serait un dernier recours pour protéger la Constitution allemande directement menacée par le droit de l'Union. On retrouverait là, mutatis mutandis, une sorte d'équivalent du contrôle à double détente opéré en France depuis les décisions DADVSI et Arcelor(11) : dans le contrôle censé le plus fréquent, le juge national appréhende la question du point de vue du droit de l'Union, tandis que demeure pour des cas espérés exceptionnels un contrôle au regard de l'identité constitutionnelle (ou des principes inhérents à celle-ci) qui fait s'affronter les deux ordres juridiques, au profit de l'ordre juridique national.
Certains auteurs ont d'ailleurs vu dans les limitations apportées au contrôle de l'ultra-vires dans la décision OMT et confirmées ici un signe de bonne volonté de la Cour constitutionnelle fédérale à l'égard des institutions européennes(12). Du fait des principes propres à l'Union européenne, et notamment celui d'une communauté de droit établi par la CJUE(13), ainsi que des règles de l'ordre juridique allemand, « le contrôle de l'ultra-vires doit être exercé de manière à respecter tant que possible le droit de l'Union européenne »(14), ce qui implique de ne constater un dépassement de compétence que s'il est manifeste et d'une importance structurelle pour la répartition des compétences entre l'Union et les États membres(15).
Dans le cas particulier où les deux contrôles, prétendus distincts, se confondent pourtant, on peut donc proposer deux interprétations : soit cette assimilation montre une sorte d'affadissement du contrôle de l'identité, qui se fond dans le contrôle, restreint, de l'*ultra-vires *; soit, au contraire, le passage du simple ultra-vires au contrôle de l'identité implique un renforcement du contrôle. Pour trancher entre les deux, il est nécessaire d'étudier plus précisément la manière dont la Cour articule les exigences démocratiques énoncées au niveau national et au niveau de l'Union européenne.
2. Des influences réciproques
Alors que les deux contrôles menés successivement sont censés l'être au regard de deux normes de références différentes (la Loi fondamentale d'une part, le droit de l'Union de l'autre), la Cour s'efforce d'utiliser des standards permettant d'assimiler celles-ci, afin d'éviter toute friction entre les ordres juridiques. Cette conciliation semble d'abord se faire au profit de l'ordre interne, mais il semble qu'une sorte de contamination par le droit de l'Union affaiblisse en réalité les exigences constitutionnelles.
La manière dont la CCF s'empare du droit de l'Union pour résoudre la question peut passer, sous le vernis de la bonne volonté, pour une appropriation de ce droit au profit de la primauté de l'ordre interne. Appuyer son raisonnement, non sur de simples dispositions techniques, mais également sur les valeurs fondamentales de l'Union, parmi lesquelles figure la démocratie (art. 2 et 10 TUE), c'est prendre au sérieux ce qui distingue l'Union des simples confédérations d'États auxquelles la Cour la réduit par ailleurs régulièrement(16) en lui reconnaissant un but politique(17). C'est aussi, cependant, se donner la possibilité d'interpréter ce droit d'une manière conforme aux exigences de l'ordre interne, donc d'inverser l'ordre hiérarchique affirmé par l'Union. Puisqu'établit le droit celui qui le dit, rendre une décision en se fondant sur les textes de l'Union n'est pas nécessairement respecter la primauté du droit de l'Union(18).
Ce double jeu apparaît clairement dans le traitement de la légitimation démocratique. La CCF emprunte une voie semblable à celle des juridictions françaises en cherchant à montrer que le droit de l'Union et le droit interne imposent en la matière de semblables standards. Dans la partie du jugement qui établit le contenu concret du principe démocratique, elle étudie ainsi successivement sa propre jurisprudence et celle de la CJUE, pour en conclure que toutes deux font le même lien entre attribution d'un pouvoir et responsabilité, même indirecte, devant le peuple. Toutes deux, par conséquent, considéreraient la légitimité démocratique d'autorités indépendantes comme toujours précaire, et interdiraient de semblable manière toute évolution conduisant à un découplement complet du contrôle démocratique(19).
Par la suite, au moment du contrôle à proprement parler, les juges allemands assimilent à nouveau les deux jurisprudences : selon eux, par exemple, tant la CJUE que la CCF n'autoriseraient le transfert supplémentaire de pouvoirs à une institution jouissant comme la BCE d'une large indépendance qu'à la condition que ce nouveau mandat soit soumis à un contrôle juridictionnel ou que les parlements nationaux et européen aient toujours la possibilité d'influencer son action. Sans cela, le coût démocratique posé par l'attribution de pouvoirs à une autorité non responsable devant les citoyens ou leur représentation serait trop grand(20).
Cette assimilation doit permettre l'articulation sans heurt entre les deux ordres. Elle ne change rien cependant à la position de principe de la CCF, pour qui le droit interne prime le droit de l'Union. On le voit d'abord lorsque celle-ci affirme accorder, dans le contrôle de l'ultra-vires, une certaine marge d'appréciation à la CJUE dans l'interprétation des textes de l'Union, tout en se réservant le droit de décider du moment où cette interprétation n'est plus soutenable(21). On l'observe également dans la curieuse utilisation que la Cour fait du caractère « manifeste » que doit revêtir le dépassement de ses compétences par l'Union européenne pour permettre de faire jouer l'ultra-vires. Réitérant une position affirmée dans la décision Programme OMT, elle signale que le caractère manifeste d'un dépassement n'est pas lié, comme on pourrait le penser, à l'unanimité des avis sur la question, et même qu'il peut n'apparaître tel qu'après une étude détaillée de la question. En somme, un dépassement peut ne se révéler évident qu'après longue et patiente réflexion. Ce paradoxe grossier ne peut se comprendre, nous semble-t-il, que par la double utilité qu'y trouve la CCF. Tout en se réservant le pouvoir de constater de manière bien plus large qu'on ne le penserait à première vue un dépassement de compétences, elle justifie en plus un examen très détaillé au regard du droit européen ; de la sorte, elle rend pour la CJUE la contradiction plus difficile, car il lui faudra, à elle aussi, fournir une argumentation particulièrement précise et miner en même temps l'idée d'une certitude du syllogisme juridique (puisque les majeures sont postulées mêmes), sur lequel repose largement l'acceptation du droit(22). Remarquons enfin que c'est ce respect affiché et très fouillé du droit de l'Union qui permet à la Cour de considérer d'elle-même qu'il n'y a pas en l'espèce de dépassement de compétence, et donc de refuser de transmettre une question préjudicielle qui aurait permis à la CJUE de se prononcer(23).
Si la position qu'adopte la Cour constitutionnelle fédérale n'est donc pas ouvertement hostile à la construction européenne, on voit qu'elle continue, même lorsqu'elle adopte le point de vue du droit de l'Union, à faire prévaloir la Loi fondamentale, et donc sa propre jurisprudence sur celle de la CJUE.
Pourtant, et c'est là un enseignement de cette décision, il semble également qu'on ne puisse pas impunément s'imprégner de droit de l'Union, et qu'à trop le citer, il finisse par déteindre sur la jurisprudence nationale. Certes, l'interprétation qu'il donne du droit primaire en cause paraît restrictive, et propre à faire coïncider le droit de l'Union avec la conception sévère que se fait la Cour de la légitimité démocratique, mais en retour, l'application des standards à l'espèce semble parfois être empreinte d'une certaine souplesse.
Cela apparaît particulièrement dans le contrôle de l'identité constitutionnelle opéré à propos de la conjonction des nouvelles compétences attribuées à la BCE et de son indépendance. Nous avons signalé plus haut que la rupture ponctuelle de la légitimité démocratique qui en découle peut être compensée, dans des cas particuliers comme celui de la BCE, par d'autres moyens à même de garantir une influence, même très indirecte, par le peuple : contrôle juridictionnel et droit de regard et de contrôle des Parlements(24). La logique de la jurisprudence allemande à ce propos, telle que rappelée par la CCF, est d'accepter l'existence d'entités indépendantes du peuple seulement si le jeu des différents modes subsidiaires de légitimation constituent un succédané acceptable à la situation normale, celle d'une dépendance directe de l'administration envers le Parlement ou le peuple(25).
Si l'on étudie, cependant, les décisions citées à l'appui de cette affirmation, on peut observer que, au plan interne au moins, les exigences sont extrêmement hautes. Dans la décision Syndicat de la Lippe, ainsi, l'indépendance du syndicat chargé d'administrer un cours d'eau et les pouvoirs qui lui étaient attribués à cette fin étaient compensés en amont et en aval. En amont, la loi habilitant le syndicat à édicter des actes administratifs devait être suffisamment précise pour ne pas laisser à celui-ci un trop grand pouvoir discrétionnaire. En aval, son activité demeurait sous la surveillance du ministère de l'environnement, représenté à l'assemblée et au conseil du syndicat, et pouvant non seulement se substituer à lui en cas de carence, mais aussi annuler ses actes lorsqu'il les considère contraires aux tâches du syndicat. On voit donc que l'indépendance du syndicat restait strictement encadrée(26).
Il serait téméraire d'affirmer que le contrôle exercé par les institutions de l'Union ou les organes nationaux sur la BCE dans l'exercice de ses missions de surveillance est si étroit. Pour accepter la rupture de la légitimité démocratique habituelle, la Cour se satisfait, au niveau national, de l'obligation faite à la BCE de communiquer un rapport annuel aux parlements, de la possibilité pour ceux-ci de réagir et de demander des explications plus détaillées à l'institution, ainsi que, au moins pour l'Allemagne, du droit d'information que possède le Bundestag à l'égard du gouvernement, lequel est représenté au Conseil de l'Union européenne. Au niveau de l'Union, elle se contente également de l'obligation dans laquelle est la BCE de rendre des comptes aux autres institutions, et de la possibilité qu'ont celles-ci de modifier les textes encadrant la surveillance des établissements de crédit au cas où ceux-ci se révéleraient inappropriés. Ce dernier point serait peut-être le plus convaincant, dans la mesure où il se rattache à l'un des fondements de la légitimité démocratique, le fait d'appliquer strictement un texte voulu par le peuple ou son représentant(27). S'il reste à ceux-ci le pouvoir de changer les textes, et si l'entité indépendante n'a pas la maîtrise de ses compétences, alors elle est toujours soumise, en dernier lieu, au pouvoir démocratique qui peut les restreindre. Se reposer sur cet argument, c'est cependant faire fi à la fois des difficultés particulières, liées à la structure de l'Union qui rend l'adoption de législations plus difficile encore qu'au niveau national, et de la part très indirecte que peut seulement avoir le Bundestag dans ce processus. Quant au contrôle juridictionnel par la Cour de Justice, également présenté par la CCF comme une garantie démocratique, elle peut bien empêcher que la BCE outrepasse ses compétences mais, du fait même du pouvoir juridique et non politique du juge, il paraît difficile de fonder sur lui seul le lien démocratique.
Les standards énoncés par la Cour constitutionnelle fédérale tendent donc à assimiler les exigences constitutionnelles nationales et celles qui proviennent du droit de l'Union, en rapprochant celles-ci, par le pouvoir d'interprétation que se reconnaît la juridiction, de celles-là. Au moment cependant d'apprécier les faits à cette aune, au moment donc de confronter la majeure et la mineure du syllogisme, on voit que la Cour abaisse considérablement ses exigences, au moins par rapport aux jurisprudences qu'elle cite et rendues sur des problèmes purement internes.
On pourrait sans doute justifier cela en se réclamant du statut particulier de l'Union : ses pouvoirs limités permettent une légitimation démocratique plus ténue. Le fait cependant que la Cour ne s'attarde pas outre-mesure sur ces différences entre l'étroitesse du contrôle exigée en droit interne et en droit de l'Union permet d'y voir plutôt une manière pour elle d'entrer dans un subtil dialogue des juges. Tout en réaffirmant que lui revient le dernier mot, que ce soit dans le contrôle de l'identité ou dans celui de l'ultra-vires, et tout en le faisant alors en signalant tout de même un certain esprit de coopération, elle applique ses propres standards avec suffisamment de souplesse pour ne pas entrer en conflit ouvert avec la CJUE. On peut y voir encore le reflet des difficultés que pose, de manière plus générale, l'Union européenne au droit, et de la nécessité qu'il y a, pour bien saisir cet objet et les relations qu'il entretient avec les États membres, à se détacher d'une perspective fondée uniquement sur le droit comme apanage du souverain pour l'appréhender comme une forme politique à part, pour laquelle doit être élaboré un paradigme particulier.
II. Cour constitutionnelle italienne, 24 septembre 2019, n° 242/2019 [pénalisation de l'aide au suicide], par E. Bottini
En Italie, le suicide assisté est catégoriquement interdit par le droit pénal. L'article 580 du Code pénal prohibe d'aider une personne à mettre fin à ses jours par quelque moyen que ce soit(28). Cela fait référence à la fois aux aides matérielles (que ce soit en positif - fournir les moyens nécessaires - ou en négatif - éliminer des obstacles) et aux aides psychologiques (qui pourraient avoir des effets sur la décision de la personne). C'est à la fois cette prohibition catégorique et la sanction pénale qui y est associée qui ont été contestées devant la plus haute cour italienne. Par une interprétation nouvelle d'une technique consolidée dite du « double arrêt »(29), la Cour constitutionnelle italienne a d'abord reconnu, en 2018, l'inconstitutionnalité de l'article 580 du Code pénal pour ensuite la déclarer seulement en 2019.
A la suite d'un grave accident de voiture en 2014, Fabiano Antoniani, devient tétraplégique et aveugle de manière irréversible. Il exprime à plusieurs reprises la volonté d'aller en Suisse pour avoir recours à l'euthanasie, ce qui est possible dans ce pays en cas de décision prise librement par un patient en pleine possession de ses facultés mentales. Une fois le rendez-vous pris dans une clinique suisse afin de mettre en exécution cette décision, Marco Cappato, un homme politique italien membre du Parti radical, décide d'accompagner en voiture F. Antoniani de Milan (où il résidait) à la clinique en Suisse. Dans cette clinique, le patient procède à l'auto-administration d'un médicament de sédation profonde en activant une seringue avec la bouche. De retour en Italie, M. Cappato se dénonce pour avoir aidé matériellement F. Antoniani à se suicider. Un procès d'assise est entamé après sa mise en examen pour aide au suicide, et la Cour d'assise de Milan soulève, dans le cadre de ce procès, une question de constitutionnalité devant la Cour constitutionnelle(30). Dans la saisine, les griefs invoqués concernent la disposition précitée du Code pénal pénalisant toute forme d'aide au suicide, notamment dans la mesure où la disposition vise également les formes d'aide matérielle qui n'affectent en aucune manière la décision du patient, prise de manière indépendante et éclairée. C'est notamment l'équivalence de la peine encourue entre l'instigation au suicide et l'aide matérielle pour le porter à exécution - jusqu'à douze ans de réclusion - qui est contestée.
Cet arrêt rejoint la liste d'interventions de la Cour constitutionnelle, désormais assez longue, afin de pallier les insuffisances du Parlement italien, qu'elle a invité à se prononcer avec une nouvelle réglementation qui mette fin à l'inconstitutionnalité. La coopération institutionnelle envisagée par la Cour a été un échec (1) et ce sont les juges constitutionnels qui ont finalement effectué les distinctions nécessaires entre droit à l'autodétermination et droit à la mort, en relation avec le respect du droit à la vie garanti à la fois par la Constitution italienne et par la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme (2).
1. De la collaboration institutionnelle à la censure constitutionnelle
Les matières sensibles du point de vue éthique le sont également du point de vue politique. Elles sont donc traditionnellement laissées à la discrétion du législateur démocratiquement élu. Dans un pays où la religion catholique occupe une place non négligeable dans la politique nationale, les questions de bioéthique telles que la fin de vie ne peuvent que rentrer dans cette catégorie. Dans cette logique, la première audience publique devant la Cour constitutionnelle sur « l'affaire Cappato » a donné lieu à l'ordonnance n° 207/2018 du 24 octobre 2018(31). Dans l'ordonnance, la Cour avait déjà indiqué un certain nombre d'inconstitutionnalités dans l'article 580 du Code pénal. Elle avait néanmoins décidé que la réglementation des modalités d'un suicide assisté légalisé en Italie revenait à la discrétion du législateur, et qu'un arrêt interprétatif sur cette question aurait eu comme effet de choisir à la place de ce dernier les situations auxquelles la déclaration d'inconstitutionnalité s'appliquerait, c'est-à-dire auxquelles la pénalisation de l'aide au suicide ne s'appliquerait pas.
La Cour laissait donc au législateur onze mois pour mettre fin à l'inconstitutionnalité de cet article, par une réforme législative limitant l'application de l'article 580 du Code pénal en créant une exception pour les personnes (1) ayant une maladie incurable et (2) source de souffrances physiques ou psychologiques qu'elles trouvent absolument intolérables, (3) tenues en vie artificiellement par des traitements médicaux, mais (4) qui restent en mesure de prendre des décisions libres et conscientes (§ 4 des Faits). Il est d'ores et déjà possible de signaler que la Cour encadre fortement le renvoi à la discrétion du législateur en donnant des critères assez précis de ce qu'elle considère être l'exception à la pénalisation de l'article contesté.
En utilisant ses pouvoirs de renvoi du procès constitutionnel, la Cour italienne a voulu rechercher un effet utile bien plus prononcé que si elle avait simplement invité le législateur à se prononcer en modulant dans le temps les effets de l'inconstitutionnalité(32), comme elle l'avait déjà fait à quelques reprises. Cette solution aurait néanmoins laissé subsister une disposition législative inconstitutionnelle pour une période de temps indéterminée.
Malgré l'invitation adressée par la Cour au législateur, celui-ci est resté muet quant à une nouvelle réglementation de la pénalisation de l'assistance au suicide, toutes les propositions de loi en ce sens ayant été abandonnées sans suites au stade du renvoi en commission. C'est la fin, selon la Cour, de la primauté du principe de la « collaboration institutionnelle loyale », qui doit donc céder le pas à la nécessité de protéger la Constitution violée. Cet arrêt sanctionne donc non seulement une disposition législative considérée comme contraire à la Constitution républicaine, mais aussi l'« inertie législative » du législateur actuel et plus généralement le « retard des institutions représentatives »(33). En effet, ce n'est pas la première fois car l'absence de réaction du législateur avait déjà provoqué la célèbre censure de la loi électorale par la Cour constitutionnelle en 2014(34). L'absence de majorité stable dans le Parlement italien, depuis désormais plusieurs législatures, est sans doute coresponsable de cette inertie.
Malgré le caractère vain des incitations à agir de la Cour vis-à-vis du législateur, les derniers mots de la Cour dans cet important arrêt lui sont adressés, avec une réitération « avec vigueur » (§9 du Considérant en droit) de l'espoir que le législateur se saisisse rapidement et de manière complète de la matière.
Cette intervention à double détente de la Cour constitutionnelle apparaît comme étant une manière de s'arroger un droit de sanction effective de l'inertie législative : lorsque le juge invite le législateur à s'exprimer dans un laps de temps déterminé (par le juge lui-même), et que le Parlement ne s'exprime pas, il revient au juge d'intervenir pour fixer de nouvelles règles. Alors que cette méthode a été comparée à la technique du Conseil constitutionnel français de la modulation dans le temps des effets de l'inconstitutionnalité avec réserve d'interprétation transitoire(35), la différence entre les deux mécanismes est notable : le Conseil constitutionnel n'intervient pas une deuxième fois pour fixer les normes à la place du législateur lorsque celui-ci dépasse les délais impartis (même si la réserve d'interprétation s'applique en attendant). Ainsi, la réserve législative est interprétée par la Cour italienne d'une manière variable, en fonction de l'« urgence » de la situation. La délicate question de la fin de vie est certes un domaine qui doit être laissé à la discrétion politique des autorités élues, mais seulement à condition que l'inconstitutionnalité ne s'inscrive pas dans une durée trop longue : « Une fois un délai raisonnable écoulé, la nécessité de garantir la légalité constitutionnelle doit, en tout état de cause, prévaloir sur la nécessité de laisser une marge d'appréciation au législateur pour la réglementation complète de la matière, à laquelle il faut donner la priorité » (§ 4 du Considérant en droit). Qu'il s'agisse d'une incohérence(36) ou d'une intervention bienvenue, cela dépend de l'opinion des commentateurs sur l'ampleur de la marge d'appréciation politique du juge constitutionnel, et la doctrine italienne reste très largement divisée sur la question dans le cas d'espèce. Toujours est-il que la Corte dispose ainsi de la compétence de sa propre compétence, et la justifie par l'inaction des autres pouvoirs publics, au point que l'arrêt commenté a pu être identifié par le néologisme d'« arrêt-loi »(37).
2. Droit à la vie, droit à la mort, droit à l'auto-détermination
L'arrêt commenté montre que la Cour continue encore aujourd'hui l'œuvre d'épuration de l'ordre juridique italien des dispositions d'origine autoritaire datant notamment de la période fasciste, qu'elle avait commencée dès le début de son activité en 1956. En effet, dans la saisine le juge d'assise s'émeut de l'origine de la disposition litigieuse : celle-ci « présuppose que le suicide est un acte rempli d'éléments dévalorisants, en ce qu'il est contraire au principe de sacralité et indisponibilité de la vie en lien avec les obligations sociales de l'individu, considérées comme prééminentes dans la vision du régime fasciste » (§1.2 des Faits). Dans cette vision, exposée également dans l'intervention du requérant mis en examen, le suicide revenait à « enlever force de travail et citoyens à la Patrie » (§ 3.1 des Faits). Le Code pénal italien étant en effet d'origine pré-républicaine(38), la Cour constitutionnelle elle-même a été amenée à contribuer - en plus des réformes législatives qui ont contribué à sa modification - à purger l'ordre juridique italien d'une grande partie de ses éléments autoritaires, notamment par sa jurisprudence en matière de droits fondamentaux. C'est ce qui se produit avec cet arrêt n° 242/2019.
La Cour reprend l'interprétation de l'article 2 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme pour nier l'existence en Italie d'un droit à mourir comme pendant du droit à la vie(39). Sur la base de cette interprétation, la pénalisation de l'assistance au suicide n'est pas en soi contraire au droit à la vie, consacré par la Constitution italienne également à son article 2. Il est en effet possible identifier les raisons d'une telle pénalisation au-delà de la conception de la vie sacrée d'époque pré-républicaine, dans la protection de personnes particulièrement vulnérables de l'incitation à un acte extrême et irréparable comme le suicide.
Très différent d'un droit à la mort, le droit au refus des soins est garanti en Italie depuis la loi n° 219 de 2017 sur les directives anticipées, qui avait tiré les conséquences de deux affaires retentissantes en matière de fin de vie : les affaires Welby et Englaro. Dix ans auparavant, le juge judiciaire (respectivement le Tribunal de Rome et la Cour de cassation) avait en effet dû appliquer directement l'article 32 de la Constitution en matière d'arrêt de soins(40) en l'absence de toute législation sur la question. Il est désormais possible de refuser les soins médicaux, y compris si ceux-ci sont nécessaires au maintien en vie, tels que l'hydratation, l'alimentation et la respiration artificielle, explicitement mentionnés dans la loi. Cette option néanmoins n'était pas adaptée au cas d'espèce : le patient n'étant pas totalement dépendant du respirateur, le simple arrêt des soins aurait conduit à un décès non immédiat, impliquant une souffrance non seulement du patient, mais également des membres de sa famille. Pour cette raison, F. Antoniani avait décidé de ne pas opter pour ce choix.
Dans son arrêt, la Cour fait un parallèle que la loi italienne refuse de faire entre l'action du médecin qui est requise pour mettre fin aux soins vitaux (comme éteindre un respirateur) et l'action nécessaire pour donner au patient une substance qui conduit à la mort. La dépénalisation de l'une et la pénalisation de l'autre conduit selon la Cour à une incohérence que la vulnérabilité de ces patients - pourtant admise - ne permet pas d'expliquer. Deux actions médicales très similaires, qui suivent deux décisions des patients également similaires, se trouvent l'une sous l'égide du droit à l'autodétermination du patient et l'autre de l'interdiction absolue (§ 2.3 du Considérant en droit). Pour cette raison, la déclaration d'inconstitutionnalité se limite aux cas où le patient qui choisit de mettre fin à ses jours pourrait également le faire - mais avec davantage de souffrance - en refusant les soins. Ainsi, les exigences législatives qui s'appliquent pour l'arrêt des soins (déterminer le choix libre et éclairé du patient, sa capacité d'autodétermination, et ce choix doit être exprimé par certains moyens comme l'écrit, ou l'enregistrement vidéo ; l'obligation des médecins de présenter des soins palliatifs comme alternative(41)), s'appliqueraient également pour l'assistance au suicide désormais ouverte aux citoyens italiens par voie juridictionnelle. En insistant sur le droit de refuser les soins, la Cour constitutionnelle fait de nouveau preuve de sa liberté et de sa créativité, puisque l'article 32 de la Constitution n'était même pas évoqué dans la saisine, et qu'il devient au contraire le cœur de l'argumentation de la Cour(42).
La disposition contestée a donc été déclarée contraire aux 2, 13 et 32 alinéa 2 de la Constitution italienne en ce qu'elle n'exclut pas de la pénalisation de l'assistance au suicide les cas énumérés par la Cour. A la manière d'une réserve d'interprétation, celle-ci précise également que cette déclaration d'inconstitutionnalité n'imposant aucune obligation pour les médecins d'accepter d'assister un patient qui choisit de mettre fin à ses jours, la clause de conscience n'est pas affectée par cette décision.
(1): Depuis la décision Solange I (BvL 52/71, 29 mai 1974, BVerfGE 37, 271) jusqu'aux plus récentes Mandat d'arrêt européen II (2 BvR 2735/14, 15 décembre 2015, BVerfGE 140, 317) et Programme OMT (2 BvR 2728/13, 2 BvE 13/13, 2 juin 2016, BVerfGE 142, 123). Pour un résumé rapide et en français de cette évolution, voir Teleweit (Sarah), « Retour sur l'Identitätskontrolle du Bundesverfassungsgericht », RDP, 2018/3, p. 865 sq. ; voir également Gaillet (Aurore), et al., Droits constitutionnels français et allemand, perspective comparée, Paris, LGDJ, 2019, 526 p., p. 449-455.
(2): Règlements no 1024/2013 du 15 octobre 2013 confiant à la Banque centrale européenne des missions spécifiques ayant trait aux politiques en matière de surveillance prudentielle des établissements de crédit (JO L 287) et n^o ^806/2014 du 15 juillet 2014 établissant des règles et une procédure uniformes pour la résolutions des établissements de crédit et de certaines entreprises d'investissement (JO L 225)
(3): Loi du 25 juillet 2013 relative à la proposition d'un règlement du Conseil sur le transfert à la BCE de tâches spécifiques en relation avec la surveillance des établissements de crédit (Bundesgesetzblatt, 2013, II, no 20, 30 juillet 2013).
(4): « Jede in Deutschland ausgeübte öffentliche Gewalt muss danach auf den Bürger zurückführbar sein (...). Mit dem Grundsatz der Volkssouveränität gewährleistet das Grundgesetz einen Anspruch aller Bürger auf freie und gleiche Teilhabe an der Legitimation und Beeinflussung der sie betreffenden Hoheitsgewalt. Dies schließt es aus, dass die Bürger einer politischen Gewalt unterworfen werden, der sie nicht ausweichen können und die sie nicht prinzipiell personell und sachlich zu gleichem Anteil in Freiheit zu bestimmen vermögen » (CCF, 30 juillet 2019, Union bancaire, 2 BvR 1685/14, § 117)
(5): L'utilisation de l'art. 38 comme fondement à un recours constitutionnel dirigé, directement ou indirectement, contre un acte de l'Union ou un transfert de compétence consenti par le législateur a été reconnu dans la décision Traité de Lisbonne (30 juin 2009, 2 BvE 2, 5/08, BVerfGE 123, 267, 328-333, § 167-182), en poursuivant une voie ouverte contre les institutions nationales dans la décision Traité de Maastricht (12 octobre 1993, 2 BvR 2134, 2159/92, BVerfGE 98, 155, 170-172, § 58-63). Dans la décision Fond européen de stabilité financière, cet article permet explicitement d'introduire une requête fondée sur le contrôle de l'identité (2 BvR 987, 1485, 1099/10, 7 septembre 2011, § 96-107 ; BVerfGE 129, 124, 167-172).
(6): Pour un résumé en français de la doctrine allemande sur la question, voir Teleweit (Sarah), « Retour sur l'Identitätskontrolle du Bundesverfassungsgericht », RDP, 2018/3, p. 865 sq.
(7): CCF, 2 BvR 1685/14, § 204.
(8): Ibid., § 205.
(9): La CCF prend d'ailleurs régulièrement soin de rappeler que l'UE a ceci de moins d'un État qu'elle ne possède justement pas cette compétence de la compétence : dans cette décision au § 121, à la suite d'une longue théorie de considérants identiques depuis la décision Maastricht.
(10): Pour une présentation de cette histoire jurisprudentielle, voir Gaillet (Aurore), et al., Droits constitutionnels français et allemand, perspective comparée, Paris, LGDJ, 2019, 526 p., p. 449-455 ; résumé également dans Teleweit (Sarah), « Retour sur l'Identitätskontrolle du Bundesverfassungsgericht », RDP, 2018/3, p. 865 sq.
(11): Conseil constitutionnel, 2006-540 DC du 27 juillet 2006, Droits d'auteurs et droits voisins dans la société de l'information, ECLI : FR : CC : 2006 : 2006.540.DC (cons. 19) et CE, 8 février 2007, Société Arcelor Atlantique et Lorraine et autres, no 287110, ECLI : FR : CEASS : 2007 : 287110.20070208.
(12): Van Ooyen (Robert), « Mit »Mangold« zurück zu »Solange II" ? », Der Staat, 2011, p. 45-59, p. 49.
(13): CJCE, 23 avril 1986, Parti écologiste « Les Verts » contre Parlement européen, 294/83, ECLI : EU : C : 1986 : 166, pt 23.
(14): CCF, 6 juillet 2010, Mangold, 2 BvR 2661/06, BVerfGE 126, 286, 303 sq. (§ 58 sq.).
(15): CCF, 21 juin 2016, Programme OMT, 2 BvR 2728 à 2731/13, 2 BvE 13/13, BVerfGE 142, 123, 200 (§ 147).
(16): Notamment dans la décision Lisbonne (BVerfGE 123, 267, 348), et d'ailleurs en interprétant l'art. 23, al. 1 LF de manière à exclure la possibilité d'une conception fédérale de l'Europe -- quoique le texte lui-même n'interdise pas celle-ci. La formule revient également dans la décision commentée pour rappeler la dépendance, en l'espèce financière, dans laquelle l'Union se trouve par rapport aux États membres (§ 300).
(17): M. Ruffer voit ainsi dans la référence directe au principe de démocratie en droit de l'Union ainsi que dans la mise en parallèle de sa jurisprudence avec celle de la CJUE un point remarquable de la décision : la CCF se montrerait ainsi particulièrement ouverte au droit de l'Union (Ruffer (Matthias), „Europarecht und Verfassungsrecht : Europäische Bankenunion", JuS, 2019/10, 1033-1035, p. 1035).
(18): C'est sur ce point qu'insistait particulièrement la CJCE dans l'avis 1/91 (14 décembre 1991, Espace économique européen, ECLI : EU : C : 1991 : 490, pts 38-46).
(19): CCF, 2 BvR 1685/14, § 127-139, se fondant notamment sur CCF, 26 juin 1990, Droit de vote des étrangers, 2 BvF 3/89, BVerfGE 83, 60, 72 ainsi que sur CJCE, 13 juin 1958, Meroni, C-9/56 et CJUE, 22 janvier 2014, Royaume-Uni contre Conseil et Parlement, C-270/12, ECLI : EU : C : 2014 : 18.
(20): CCF, 2 BvR 1685/14, § 210-211. La CCF cite à la fois sa propre jurisprudence (décision Programme OMT) et celle de la CJUE (Commission contre Allemagne, 9 mars 2010, C-518/07, ECLI : EU : C : 2010 : 125) - alors d'ailleurs qu'il n'est pas certain que les deux positions soient tout à fait compatibles (cf. Epron (Quentin), « Le statut des autorités de régulation et la séparation des pouvoirs », RFDA, 2011/5, p. 1007-1018 - cité par la Cour, justement, à l'appui de son assimilation des deux jurisprudences).
(21): CCF, 2 BvR 1685/14, § 151.
(22): Sur les mécanismes qui incitent les juridictions à ne pas se lancer dans de trop visibles conflits d'interprétation, voir Meunier (Jacques), Le pouvoir du Conseil constitutionnel : essai d'analyse stratégique, Paris/Bruxelles, LGDJ/Bruylant, 1994, 373 p., p. 305-318. L'analyse vaut pour le droit interne, mais pourrait sans doute être étendue au juge de l'Union avec profit, dans la mesure où le fondement de son ordre juridique est plus incertain que celui d'un ordre juridique étatique.
(23): CCF, 2 BvR 1685/14, § 316-319.
(24): Ibid., § 210-211.
(25): Ibid., § 129.
(26): CCF, 5 décembre 2002, Syndicat de la Lippe (Lippeverband), 2 BvL 5/98, BVerfGE 107, 59, 93-98.
(27): CCF, 2 BvR 1685/14, § 213-218.
(28): Article 580 du Code pénal italien : « Quiconque incite autrui à se suicider ou renforce l'intention d'autrui de se suicider, ou facilite de quelque manière que ce soit son exécution, est puni, si le suicide a lieu, d'une peine d'emprisonnement de cinq à douze ans ».
(29): « Doppia pronuncia » : il s'agit normalement tout d'abord, d'une décision de conformité avec invitation au législateur d'intervenir dans un certain délai pour remédier à une inconstitutionnalité constatée mais non déclarée ; et ensuite, passé ce délai et en l'absence de réaction du Parlement, une nouvelle décision d'inconstitutionnalité intervient.
(30): C'est sur renvoi des juges, toutes juridictions confondues, que la Cour constitutionnelle italienne peut être saisie par voie d'exception, selon l'article 1 de la loi constitutionnelle n° 1 du 9 février 1948 et l'article 23 la loi n° 87 du 11 mars 1953. Elle peut également être saisie par voie d'action par l'État et les régions sur des questions de compétence législative.
(31): L'ordonnance n° 207/2018 a donné lieu à un très grand nombre de commentaires doctrinaux dont certains réunis dans un ouvrage collectif : Il caso Cappato. Riflessioni a margine dell'ordinanza della Corte costituzionale n. 207 del 2018, dir. F.S. Marini et C. Cupelli, Naples, 2019 ; elle a été également commentée en français par J. Vachey, « L'ordonnance n° 207/2018. De l'autonomie de la personne à celle de la Corte », Annuaire international de justice constitutionnelle, 2018, Chron. (Italie) et par G. Serges, « La décision de la Cour constitutionnelle italienne n° 207 de 2018 »Ordinanza Cappato") : une nouvelle typologie de décision ou un « non liquet » avec date d'expiration ? », Revue française de droit constitutionnel, n° 120, 2019/4, p. E67-E89 ; A. M. Lecis Cocco Ortu, « nbsp ;"Questa legge s'ha da fare » », Constitutions, no 2, 2019, p. 51-56.
(32): La Constitution italienne, contrairement à la Constitution française, ne prévoit pas une telle possibilité. La Cour constitutionnelle s'est octroyée le pouvoir de modulation des effets de l'inconstitutionnalité dans le temps dans l'arrêt n° 10/2015 du 9 février 2015.
(33): M. D'Amico, « nbsp ; Il »fine vita" davanti alla Corte costituzionale fra profili processuali, principi penali e dilemmi etici (Considerazioni a margine della sent. n. 242 del 2019) », Osservatorio costituzionale, n° 1/2020, 23 décembre 2019, p. 286-302.
(34): Cour constitutionnelle italienne, arrêt n° 1/2014 du 17 janvier 2014. Pour un commentaire, v. E. Bottini, « Le juge et la (re)définition de la démocratie : l’arrêt n° 1/2014 de la Cour constitutionnelle italienne », Jus Politicum, n° 13, 2014.
(35): Ou « réserve d'interprétation circonscrite temporellement », telle qu'elle est définie dans le commentaire de la décision n° 2014-400 QPC ; voir M. Charité, « Réserves d'interprétation transitoires dans la jurisprudence QPC », AJDA, 2015, p. 1622). V. également G. Serges, « E se il caso Cappato fosse risolto con un accoglimento interpretativo transitorio ? Prime riflessioni interlocutorie sulla possibile delimitazione degli effetti temporali delle pronunce interpretative della Corte costituzionale », [https://www.costituzionalismo.it/download/Costituzionalismo_201902_709.pdf] (émettant l'hypothèse d'une importation de la réserve d'interprétation transitoire du Conseil constitutionnel à l'affaire Cappato devant la Cour italienne).
(36): A. Ruggeri, « Rimosso senza indugio il limite della discrezionalità del legislatore, la Consulta dà alla luce la preannunziata regolazione del suicidio assistito (a prima lettura di Corte cost. n. 242 del 2019) », Giustizia Insieme, 27 novembre 2019, [https://www.giustiziainsieme.it/it/attualita-2/802-prima-lettura-di-corte-cost-n-242-del-2019-di-antonio-ruggeri], qui affirme que « Ce serait donc comme sanctionner définitivement la primauté de la politique, même celle des plus hauts garants du système, sur la primauté de la Constitution. »
(37): Ibid.
(38): Pour une étude de la continuité entre les lois du régime fasciste et l'ordre juridique républicain d'après-guerre, v. S. Cassese, Lo Stato fascista, Il Mulino, 2010. Le caractère « schizophrène » du droit pénal italien qui en dérive est souligné par M. D'Amico, op. cit., § 4.
(39): Cette interprétation est celle, jamais abandonnée par la CEDH, du très célèbre arrêt Pretty c. Royaume-Uni du 29 avril 2002.
(40): Article 32 alinéa 2 de la Constitution italienne : « La République protège la santé en tant que droit fondamental de l'individu et intérêt de la collectivité, et elle garantit des soins gratuits aux indigents. Nul ne peut être contraint à un traitement sanitaire déterminé si ce n'est par une disposition de la loi. La loi ne peut, en aucun cas, violer les limites imposées par le respect de la personne humaine ».
(41): Article 1 alinéa 5 de la loi n° 2019 de 2017.
(42): M. D'Amico, op. cit., § 2.
Citer cet article
Antoine CORRE-BASSET ; Éleonora BOTTINI. « Chronique de droit constitutionnel comparé (juillet 2019 à fin décembre 2019) », Titre VII [en ligne], n° 4, Le principe d’égalité , avril 2020. URL complète : https://www.conseil-constitutionnel.fr/publications/titre-vii/chronique-de-droit-constitutionnel-compare-juillet-2019-a-fin-decembre-2019
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