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Résumés analytiques des décisions rendues au cours du trimestre

Décisions du Conseil constitutionnel du 1er janvier 2016 au 31 mars 2016

Normes constitutionnelles

DÉCLARATION DES DROITS DE L'HOMME ET DU CITOYEN DU 26 AOÛT 1789

Article 11 -- Libre communication des pensées et des opinions

Le droit d'expression collective des idées et des opinions est protégé par l'article 11 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789.

(2016-535 QPC, 19 février 2016, cons. 3)

PRINCIPES AFFIRMÉS PAR LE PRÉAMBULE DE LA CONSTITUTION DE 1946

Alinéa 8 -- Principe de participation des travailleurs

Le Préambule de la Constitution de 1946 dispose en son huitième alinéa que : « Tout travailleur participe, par l'intermédiaire de ses délégués, à la détermination collective des conditions de travail ainsi qu'à la gestion des entreprises ». Il ressort notamment de ces dispositions qu'il incombe au législateur de déterminer, dans le respect de ce principe et de la liberté syndicale, les conditions et garanties de sa mise en œuvre et, en particulier, les modalités selon lesquelles la représentation des travailleurs est assurée dans l'entreprise. À cette fin, le droit de participer « par l'intermédiaire de leurs délégués » à « la détermination collective des conditions de travail ainsi qu'à la gestion des entreprises » a pour bénéficiaires, sinon la totalité des travailleurs employés à un moment donné dans une entreprise, du moins tous ceux qui sont intégrés de façon étroite et permanente à la communauté de travail qu'elle constitue, même s'ils n'en sont pas les salariés. Le huitième alinéa, qui consacre un droit aux travailleurs, par l'intermédiaire de leurs délégués, à la participation et à la détermination collectives de leurs conditions de travail, ne confère aucun droit équivalent au bénéfice des employeurs.

(2015-519 QPC, 3 février 2016, cons. 11)

OBJECTIFS DE VALEUR CONSTITUTIONNELLE

Retenus

Pluralisme

La libre communication des pensées et des opinions garantie par l'article 11 de la Déclaration de 1789 ne serait pas effective si le public auquel s'adressent les quotidiens d'information politique et générale n'était pas à même de disposer d'un nombre suffisant de publications de tendances et de caractères différents. Le pluralisme et l'indépendance des quotidiens d'information politique et générale constituent des objectifs de valeur constitutionnelle.

Il était loisible au législateur de prévoir les conditions dans lesquelles un organisme indépendant composé d'éditeurs, tiers au contrat conclu entre une société de messagerie de presse et un dépositaire central de presse, peut prendre des décisions aboutissant à la résiliation de ce contrat, afin de mettre en œuvre l'objectif de pluralisme et d'indépendance des quotidiens d'information politique et générale.

(2015-511 QPC, 7 janvier 2016, cons. 5 et 9)

NORMES DE RÉFÉRENCE NON RETENUES ET ÉLÉMENTS NON PRIS EN CONSIDÉRATION

Normes de référence non retenues pour le contrôle de constitutionnalité des lois

Traités et accords internationaux

Applications

Il n'appartient pas au Conseil constitutionnel, lorsqu'il est saisi en application de l'article 61 de la Constitution, d'examiner la conformité d'une loi aux stipulations d'un traité ou d'un accord international.

(2015-727 DC, 21 janvier 2016, cons. 32 et 39)

Normes législatives et réglementaires

CONDITIONS DE RECOURS À LA LOI

Catégories de lois

Lois spécifiques

Lois expérimentales (article 37-1 de la Constitution)

Justice et libertés publiques

Le législateur a prévu la création à titre expérimental de salles de consommation à moindre risque au sein des centres d'accueil et d'accompagnement à la réduction des risques et des dommages pour usagers de drogues dans lesquelles les personnes majeures qui souhaitent bénéficier de conseils en réduction de risques sont autorisées à détenir les produits destinés à leur consommation personnelle et à les consommer. Par ailleurs, le professionnel intervenant dans ces espaces ne peut être poursuivi pour complicité d'usage illicite de stupéfiants et pour facilitation de l'usage illicite de stupéfiants.

En premier lieu, en prévoyant que l'expérimentation autorisée ne pourra excéder une durée maximale de six ans à compter de la date d'ouverture de la première salle de consommation à moindre risque au sein d'un des centres d'accueil et d'accompagnement à la réduction des risques et des dommages pour usagers de drogues, le législateur a précisément fixé la durée maximale de l'expérimentation qu'il a autorisée.

En second lieu, d'une part, la création des salles de consommation à moindre risque a pour objet de réduire les risques sanitaires liés à la consommation de substances psychoactives ou stupéfiantes, d'inciter les usagers de drogues à s'orienter vers des modes de consommation à moindre risque et de les mener vers des traitements de substitution ou de sevrage et le législateur a précisément délimité le champ de l'immunité qu'il a instaurée en réservant celle-ci à des infractions limitativement énumérées et en précisant dans quelles conditions les personnes se trouvant à l'intérieur des salles de consommation pouvaient en bénéficier. D'autre part, en limitant le bénéfice de l'immunité aux personnes se trouvant à l'intérieur de ces salles, il a entendu inciter les usagers à s'y rendre afin de favoriser la politique poursuivie de réduction des risques et des dommages. Il s'ensuit qu'en adoptant les dispositions contestées le législateur a instauré une différence de traitement en rapport avec l'objet de la loi et a défini de façon suffisamment précise l'objet et les conditions des expérimentations en cause et le champ d'application de l'immunité qu'il a instaurée.

Les dispositions ne sont en conséquence pas entachées d'inintelligibilité et ne méconnaissent ni le principe d'égalité devant la loi pénale ni le principe de légalité des délits et des peines.

(2015-727 DC, 21 janvier 2016, cons. 37 et 38)

ÉTENDUE ET LIMITES DE LA COMPÉTENCE LÉGISLATIVE

Incompétence négative

Absence d'incompétence négative

Le législateur a épuisé sa compétence

D'une part, le paragraphe I de l'article L. 3411-8 du code de la santé publique prévoit que la politique de réduction des risques et des dommages en direction des usagers de drogues vise à prévenir les dommages sanitaires, psychologiques et sociaux, la transmission des infections et la mortalité par surdose liés à la consommation de substances psychoactives ou classées comme stupéfiants. Selon les dispositions du paragraphe II du même article, la mise en œuvre de cette politique permet de délivrer des informations sur les risques et les dommages associés à la consommation de substances psychoactives ou classées comme stupéfiants, d'orienter les usagers de drogues vers les services sociaux et les services de soins généraux ou de soins spécialisés, de promouvoir et distribuer des matériels et produits de santé destinés à la réduction des risques et de promouvoir et superviser les comportements, les gestes et les procédures de prévention des risques, de participer à l'analyse, à la veille et à l'information, à destination des pouvoirs publics et des usagers, sur la composition, sur les usages en matière de transformation et de consommation et sur la dangerosité des substances consommées. Le 4 ° de ce même paragraphe précise que la supervision consiste à mettre en garde les usagers contre les pratiques à risques, à les accompagner et à leur prodiguer des conseils relatifs aux modalités de consommation des substances mentionnées au paragraphe I et qu'elle ne peut comporter aucune participation active aux gestes de consommation.

D'autre part, en vertu du paragraphe III de l'article L. 3411-8, l'intervenant agissant conformément à sa mission de réduction des risques et des dommages ne peut, à ce titre, être déclaré pénalement responsable.

Il résulte de ce qui précède que le législateur a précisément défini les actions pouvant être menées dans le cadre de la politique de réduction des risques et des dommages en direction des usagers de drogues. Par ailleurs, ces actions ne peuvent comporter aucune participation active aux gestes de consommation et seules les personnes agissant dans le cadre de cette politique bénéficient d'une immunité pénale pour les seuls actes qu'elles réalisent à ce titre. De même, ces dispositions n'ont ni pour objet ni pour effet d'introduire d'autres exonérations de responsabilité pénale que celles qui sont nécessaires pour l'accomplissement de la mission ainsi définie. Enfin, le renvoi au décret résultant de l'article L. 3411-10 du code de la santé publique a pour objet de déterminer les modalités pratiques de la politique de réduction des risques et des dommages en direction des usagers de drogues et ne saurait modifier le champ des actions pouvant être menées dans le cadre de cette politique. Ainsi, en adoptant les dispositions contestées, le législateur a défini en des termes suffisamment clairs et précis le champ d'application de l'immunité qu'il a instaurée. Les dispositions ne sont pas entachées d'incompétence négative.

(2015-727 DC, 21 janvier 2016, cons. 28 à 30)

Les mesures de perquisition administrative prévues par le premier alinéa et la première phrase du troisième alinéa du paragraphe I de l'article 11 de la loi du 3 avril 1955 relative à l'état d'urgence ne peuvent être ordonnées que lorsque l'état d'urgence a été déclaré et uniquement pour des lieux situés dans la zone couverte par cet état d'urgence. L'état d'urgence ne peut être déclaré, en vertu de l'article 1er de la loi du 3 avril 1955, qu'« en cas de péril imminent résultant d'atteintes graves à l'ordre public » ou « en cas d'événements présentant, par leur nature et leur gravité, le caractère de calamité publique ».

La décision ordonnant une perquisition sur le fondement des dispositions contestées en précise le lieu et le moment. Le procureur de la République est informé sans délai de cette décision. La perquisition est conduite en présence d'un officier de police judiciaire. Elle ne peut se dérouler qu'en présence de l'occupant ou, à défaut, de son représentant ou de deux témoins. Elle donne lieu à l'établissement d'un compte rendu communiqué sans délai au procureur de la République.

Les dispositions des premier, deuxième, quatrième à sixième alinéas ainsi que de la première phrase du troisième alinéa du paragraphe I de l'article 11 de la loi du 3 avril 1955 ne sont pas entachées d'incompétence négative.

(2016-536 QPC, 19 février 2016, cons. 8 à 10 et 12)

En vertu du paragraphe II de l'article 34-2 de la loi du 30 septembre 1986 les distributeurs de services par un réseau autre que satellitaire n'utilisant pas de fréquences assignées par le Conseil supérieur de l'audiovisuel doivent mettre à disposition de leurs abonnés les services d'initiative publique locale destinés aux informations sur la vie locale. Les limites et conditions de cette obligation sont définies par décret. Les coûts de diffusion et de transport depuis le site d'édition sont à la charge du distributeur.

La méconnaissance par le législateur de sa propre compétence ne peut être invoquée à l'appui d'une question prioritaire de constitutionnalité que dans le cas où cette méconnaissance affecte par elle-même un droit ou une liberté que la Constitution garantit. Aux termes de l'article 34 de la Constitution : « La loi détermine les principes fondamentaux... des obligations civiles et commerciales ». En vertu de l'article L. 1426-1 du code général des collectivités territoriales, les collectivités territoriales ou leurs groupements peuvent éditer un service de télévision destiné aux informations sur la vie locale. L'obligation de mise à disposition gratuite ne s'applique qu'aux abonnés situés dans la zone géographique de la collectivité ou du groupement qui édite le service et est limitée au transport et à la diffusion des programmes de ces services sans que soit imposée la réalisation de travaux de raccordement ou de génie civil. En outre, le législateur a entendu exclure expressément du champ de cette obligation la numérisation des programmes. Par suite, les dispositions contestées n'ont pas méconnu l'étendue de la compétence du législateur.

(2015-529 QPC, 23 mars 2016, cons 1 et 4 à 9 ; 2015-529 QPC, 23 mars 2016, cons. 4)

Renvoi au règlement d'application

En premier lieu, les dispositions de l'article 109 de la loi de modernisation de notre système de santé instaurent un contrôle de la Cour des comptes et des chambres régionales des comptes sur les personnes morales de droit privé à caractère sanitaire, social ou médico-social mentionnées à l'article L. 312-1 du code de l'action sociale et des familles et à l'article L. 6111-1 du code de la santé publique, dès lors qu'elles sont financées par l'État, par un de ses établissements publics, par une collectivité territoriale, par un établissement public ou un groupement d'intérêt public relevant lui-même de la compétence de la chambre régionale des comptes ou par l'un des organismes mentionnés à l'article L. 134-1 du code des juridictions financières. En fixant le principe d'un tel contrôle et en renvoyant au pouvoir réglementaire les conditions d'exercice de ce contrôle, le législateur n'a pas méconnu l'étendue de sa compétence.

En second lieu, les personnes morales de droit privé à caractère sanitaire, social ou médico-social mentionnées à l'article L. 312-1 du code de l'action sociale et des familles et à l'article L. 6111-1 du code de la santé publique sont régies par des statuts législatifs particuliers et participent à la mise en œuvre de la politique de santé publique. D'une part, celles mentionnées à l'article L. 312-1 du code de l'action sociale et des familles sont soumises à un régime d'autorisation et, d'autre part, celles mentionnées à l'article L. 6111-1 du code de la santé publique sont soumises à une procédure de certification. Ces personnes morales de droit privé perçoivent des ressources publiques provenant de personnes ou d'organismes eux-mêmes soumis au contrôle de la Cour des comptes ou des chambres régionales des comptes. Ainsi, la nécessité pour l'État de contrôler l'emploi des ressources que ces personnes morales de droit privé perçoivent est de nature à justifier l'instauration d'un régime spécifique de contrôle. Il appartiendra toutefois au pouvoir réglementaire de veiller, en fixant les modalités de mise en œuvre de ces contrôles, au respect des principes constitutionnels de la liberté d'entreprendre ou de la liberté d'association des personnes morales de droit privé concernées.

(2015-727 DC, 21 janvier 2016, cons. 68 à 71)

Le 1 ° du paragraphe I de l'article 107 de la loi de modernisation de notre système de santé réécrit les dispositions du chapitre II du titre III du livre Ier de la sixième partie du code de la santé publique, intitulé « Groupements hospitaliers de territoire » et composé des articles L. 6132-1 à L. 6132-7. En particulier, la première phrase du paragraphe I de l'article L. 6132-1 prévoit que chaque établissement public de santé, sauf dérogation tenant à sa spécificité dans l'offre de soins territoriale, est partie à une convention de groupement hospitalier de territoire. La dernière phrase du paragraphe I de l'article L. 6132-2 prévoit que l'approbation de la convention constitutive de groupement hospitalier de territoire par l'agence régionale de santé vaut « confirmation et autorisation de changement de lieu d'implantation des autorisations » d'équipements sanitaires. Les 2 ° et 5 ° de l'article L. 6132-7 confient à un décret en Conseil d'État le soin de déterminer, respectivement, les conditions dans lesquelles est accordée la dérogation prévue par le paragraphe I de l'article L. 6132-1 et les modalités selon lesquelles les modifications des autorisations d'équipements sanitaires sont approuvées par l'agence régionale de santé. Les dispositions des 2 ° et 5 ° de l'article L. 6132-7 du code de la santé publique, dans leur rédaction issue du 1 ° du paragraphe I de l'article 107 ne sont pas entachées d'incompétence négative.

(2015-727 DC, 21 janvier 2016, cons. 60 et 64)

POUVOIR LÉGISLATIF DÉLÉGUÉ

Ordonnances de l'article 38

Conditions de délai

Date de dépôt du projet de loi de ratification

Le paragraphe IX de l'article 107 de la loi de modernisation de notre système de santé habilite le Gouvernement à prendre par ordonnances, dans un délai d'un an à compter de la promulgation de la loi, des mesures permettant de définir des règles budgétaires et comptables qui régissent les relations entre les établissements publics parties à un même groupement hospitalier de territoire.

Aux termes du deuxième alinéa de l'article 38 de la Constitution : « Les ordonnances sont prises en conseil des ministres après avis du Conseil d'État. Elles entrent en vigueur dès leur publication mais deviennent caduques si le projet de loi de ratification n'est pas déposé devant le Parlement avant la date fixée par la loi d'habilitation. Elles ne peuvent être ratifiées que de manière expresse ».

Ni le paragraphe IX de l'article 107 ni aucune autre disposition de la loi déférée ne fixe la date à laquelle le projet de loi de ratification des ordonnances que le Gouvernement est habilité à prendre devra être déposé devant le Parlement. Par suite, cette habilitation méconnaît les exigences qui résultent de l'article 38 de la Constitution. Censure.

(2015-727 DC, 21 janvier 2016, cons. 65 à 67)

RÉPARTITION DES COMPÉTENCES PAR MATIÈRES

Défense Nationale

Les dispositions de l'article L. 2332-3 du code de la défense, qui ont pour objet de poser le principe d'une action de centralisation et de coordination menée par le pouvoir exécutif dans le domaine du contrôle des matériels de guerre, armes et munitions, n'ont ni pour objet ni pour effet d'encadrer la fabrication et le commerce de ces matériels, armes et munitions. Elles ne mettent en cause ni les principes fondamentaux de l'organisation générale de la défense nationale ou des obligations civiles et commerciales, ni les règles relatives aux « sujétions imposées par la défense nationale aux citoyens en leur personne et en leurs biens ». Dès lors, elles ont le caractère réglementaire.

(2016-262 L, 3 mars 2016, cons. 1 et 2)

Régime de la propriété, des droits réels et des obligations civiles et commerciales

Principes fondamentaux du régime de la propriété

Divers

Marque commerciale

Le paragraphe I de l'article 27 de la loi de modernisation de notre système de santé insère un nouvel article L. 3511-6-1 dans le code de la santé publique, en vertu duquel : « Les unités de conditionnement, les emballages extérieurs et les suremballages des cigarettes et du tabac à rouler, le papier à cigarette et le papier à rouler les cigarettes sont neutres et uniformisés. -- Un décret en Conseil d'État fixe leurs conditions de neutralité et d'uniformisation, notamment de forme, de taille, de texture et de couleur, et les modalités d'inscription des marques et des dénominations commerciales sur ces supports ». En prévoyant que les unités de conditionnement, les emballages extérieurs et les suremballages des cigarettes et du tabac à rouler, le papier à cigarette et le papier à rouler les cigarettes sont neutres et uniformisés, le législateur a précisément défini les nouvelles obligations s'imposant aux producteurs. En renvoyant à un décret en Conseil d'État la fixation des conditions de cette neutralité et de cette uniformisation, il a confié au pouvoir réglementaire le soin de préciser les modalités de mise en œuvre de ces nouvelles obligations, sans permettre à ce dernier de prévoir des règles différenciées ou d'interdire que la marque et la dénomination commerciale figurent sur chacun de ces supports. Il a suffisamment encadré le renvoi au décret et n'a pas reporté sur des autorités administratives ou juridictionnelles le soin de fixer des règles dont la détermination n'a été confiée par la Constitution qu'à la loi.

(2015-727 DC, 21 janvier 2016, cons. 13, 16 et 17)

Principes fondamentaux des obligations civiles et commerciales

Législation sociale

Paiement des honoraires des professionnels de santé

L'article 83 de la loi de modernisation de notre système de santé est relatif au tiers payant permettant de dispenser d'avance de frais les bénéficiaires de l'assurance maladie qui reçoivent des soins de ville. Le paragraphe I de cet article prévoit les modalités selon lesquelles intervient « le déploiement du mécanisme du tiers payant ».

En vertu de l'article 34 de la Constitution, la loi « détermine les principes fondamentaux... des obligations civiles et commerciales... et de la sécurité sociale ». Les dispositions de l'article 83 prévoient des obligations nouvelles pour les professionnels de santé exerçant en ville, selon un calendrier d'application précisément fixé par le législateur. Il résulte de l'article L. 1111-15 du code de la santé publique que les professionnels de santé exerçant en ville regroupent les professionnels autres que ceux exerçant en établissement de santé. Les dispositions contestées précisent les conditions dans lesquelles est garanti au professionnel de santé le paiement de la part des honoraires prise en charge par les régimes obligatoires de base d'assurance maladie. Elles imposent le respect d'un délai et le versement d'une pénalité en l'absence de respect de ce délai. Elles imposent également la fourniture au professionnel de santé des informations nécessaires au suivi du paiement de chaque acte ou consultation.

Toutefois, ni les dispositions contestées ni aucune autre disposition ne prévoient des mesures équivalentes en ce qui concerne l'application du tiers payant aux dépenses prises en charge par les organismes d'assurance maladie complémentaire en vertu des dispositions du 4 ° du paragraphe I de l'article 83. En se bornant à édicter une obligation relative aux modalités de paiement de la part des dépenses prise en charge par les organismes d'assurance maladie complémentaire sans assortir cette obligation des garanties assurant la protection des droits et obligations respectifs du professionnel de santé et de l'organisme d'assurance maladie complémentaire, le législateur a méconnu l'étendue de sa compétence. Censure partielle de dispositions figurant au 4 ° du paragraphe I de l'article 83 de la loi déférée.

(2015-727 DC, 21 janvier 2016, cons. 45, 47 et 48)

Droit du travail et droit de la sécurité sociale

Droit de la sécurité sociale

Dépenses sociales

Dispense d'avance de frais par le patient

L'article 83 de la loi de modernisation de notre système de santé est relatif au tiers payant permettant de dispenser d'avance de frais les bénéficiaires de l'assurance maladie qui reçoivent des soins de ville. Les dispositions de l'article 83 prévoient des obligations nouvelles pour les professionnels de santé exerçant en ville, selon un calendrier d'application précisément fixé par le législateur. Il résulte de l'article L. 1111-15 du code de la santé publique que les professionnels de santé exerçant en ville regroupent les professionnels autres que ceux exerçant en établissement de santé. Les dispositions contestées précisent les conditions dans lesquelles est garanti au professionnel de santé le paiement de la part des honoraires prise en charge par les régimes obligatoires de base d'assurance maladie. Elles imposent le respect d'un délai et le versement d'une pénalité en l'absence de respect de ce délai. Elles imposent également la fourniture au professionnel de santé des informations nécessaires au suivi du paiement de chaque acte ou consultation. En ce qui concerne l'application du tiers payant aux dépenses prises en charge par les organismes obligatoires de base d'assurance maladie, le législateur n'a pas méconnu l'étendue de sa compétence.

(2015-727 DC, 21 janvier 2016, cons. 45, 47 et 48)

Droits et libertés

PRINCIPES GÉNÉRAUX APPLICABLES AUX DROITS ET LIBERTÉS CONSTITUTIONNELLEMENT GARANTIS

Garantie des droits

Droits de la défense

L'article 184 de la loi de modernisation de notre système de santé crée une action de groupe pour la réparation des dommages causés par les produits de santé. L'article L. 1143-1 du code de la santé publique prévoit qu'une association d'usagers du système de santé agréée peut agir en justice afin d'obtenir la réparation des préjudices individuels subis par des usagers du système de santé ayant pour cause commune un manquement d'un producteur, d'un fournisseur d'un produit de santé ou d'un prestataire d'un tel produit à leurs obligations légales ou contractuelles. Selon les dispositions de l'article L. 1143-2, le juge, après avoir statué sur la recevabilité de l'association, statue sur la responsabilité du défendeur, définit le groupe des usagers du système de santé à l'égard desquels la responsabilité du défendeur est engagée, fixe les critères de rattachement au groupe et détermine les dommages corporels susceptibles d'être réparés. Les articles L. 1143-11 et L. 1143-12 disposent que les personnes déclarées responsables par le jugement procèdent à l'indemnisation individuelle des préjudices subis par les personnes répondant à des critères de rattachement au groupe et que, lorsque leur demande n'a pas été satisfaite, ces personnes saisissent le juge aux fins d'indemnisation.

Les dispositions contestées prévoient que, dans une première phase, le juge constate la responsabilité du défendeur à l'égard d'un groupe d'usagers. Durant cette phase, le professionnel défendeur à l'instance peut faire valoir, outre les exceptions relatives à la recevabilité de cette action, tous les moyens de défense relatifs à la mise en cause de sa responsabilité, à la définition du groupe des usagers du système de santé à l'égard desquels celle-ci est engagée, aux critères de rattachement à ce groupe et aux dommages susceptibles d'être réparés. Dans une seconde phase, à défaut d'accord entre la personne répondant aux critères de rattachement au groupe et le professionnel sur le montant de l'indemnisation, le juge peut être saisi par la première, en application de l'article L. 1143-12, de sorte que le professionnel peut faire valoir devant ce juge tous les autres moyens de défense relatifs à l'indemnisation individuelle de la personne intéressée. Par suite, les dispositions contestées ne méconnaissent pas les droits de la défense.

(2015-727 DC, 21 janvier 2016, cons. 94 et 96)

Les dispositions de l'article 8 de la loi du 3 avril 1955 relative à l'état d'urgence, qui permettent à l'autorité administrative d'ordonner la fermeture provisoire des salles de spectacles, débits de boissons et lieux de réunion de toute nature et d'interdire, à titre général ou particulier, les réunions de nature à provoquer ou à entretenir le désordre, ne privent pas les personnes affectées par une mesure de fermeture provisoire ou une mesure d'interdiction de réunion de la possibilité de la contester devant le juge administratif, y compris par la voie du référé. Il appartient à ce dernier d'apprécier, au regard des éléments débattus contradictoirement devant lui, l'existence des motifs justifiant la fermeture ou l'interdiction contestée. Par suite, ne sont pas méconnues les exigences de l'article 16 de la Déclaration de 1789.

(2016-535 QPC, 19 février 2016, cons. 1 et 14)

En vertu de l'article L. 562-1 du code monétaire et financier, le ministre chargé de l'économie peut décider le gel de tout ou partie des fonds, instruments financiers et ressources économiques détenus auprès des organismes et personnes mentionnés à l'article L. 561-2 du même code, soit notamment les établissements du secteur bancaire et les établissements de paiement régis par ce code, dès lors que ces fonds, instruments et ressources appartiennent soit à des personnes physiques ou morales qui commettent ou tentent de commettre des actes de terrorisme, les facilitent ou y participent, soit à des personnes morales détenues par ces personnes physiques ou contrôlées par elles. En vertu de l'article L. 562-2 du code monétaire et financier, le ministre chargé de l'économie peut également, en application des résolutions adoptées dans le cadre du chapitre VII de la Charte des Nations unies ou des actes pris en application de l'article 15 du traité sur l'Union européenne, décider d'une mesure de gel similaire des fonds, instruments financiers et ressources économiques appartenant soit à des personnes physiques ou morales qui ont commis, commettent ou, de par leurs fonctions, sont susceptibles de commettre des actes sanctionnés ou prohibés par ces résolutions ou ces actes, les facilitent ou y participent soit à des personnes morales détenues ou contrôlées par ces personnes physiques.

Les dispositions précitées se bornent à énumérer les motifs et à prévoir les modalités selon lesquels sont arrêtées des décisions administratives de gel temporaire des avoirs de personnes physiques ou morales. Les personnes intéressées ne sont pas privées de la possibilité de contester ces décisions devant le juge administratif, y compris par la voie du référé. Il appartient à ce dernier d'apprécier, au regard des éléments débattus contradictoirement devant lui, l'existence des motifs justifiant la mesure de gel temporaire des avoirs. Rejet du grief tiré de la méconnaissance des droits de la défense.

(2015-524 QPC, 2 mars 2016, cons. 6, 7 et 10)

Droit au recours

Procédure administrative

Le propriétaire dont le terrain est grevé de l'une des servitudes instituées pour le transport et la distribution de l'électricité par les dispositions du 3 ° de l'article L. 323-4 du code de l'énergie n'est privé de l'exercice d'aucune des voies de recours prévues à l'encontre de la déclaration d'utilité publique et des actes subséquents, notamment de la décision établissant la servitude. Par suite, le grief tiré de la méconnaissance du droit à un recours juridictionnel effectif doit être écarté.

(2015-518 QPC, 2 février 2016, cons. 17)

Les mesures de perquisition prévues par le premier alinéa et la première phrase du troisième alinéa du paragraphe I de l'article 11 de la loi du 3 avril 1955 relative à l'état d'urgence ne peuvent être ordonnées que lorsque l'état d'urgence a été déclaré et uniquement pour des lieux situés dans la zone couverte par cet état d'urgence. L'état d'urgence ne peut être déclaré, en vertu de l'article 1er de la loi du 3 avril 1955, qu'« en cas de péril imminent résultant d'atteintes graves à l'ordre public » ou « en cas d'événements présentant, par leur nature et leur gravité, le caractère de calamité publique ».

Si les voies de recours prévues à l'encontre d'une décision ordonnant une perquisition sur le fondement des dispositions contestées ne peuvent être mises en œuvre que postérieurement à l'intervention de la mesure, elles permettent à l'intéressé d'engager la responsabilité de l'État. Ainsi les personnes intéressées ne sont pas privées de voies de recours, lesquelles permettent un contrôle de la mise en œuvre de la mesure dans des conditions appropriées au regard des circonstances particulières ayant conduit à la déclaration de l'état d'urgence.

Les dispositions des premier, deuxième, quatrième à sixième alinéas ainsi que de la première phrase du troisième alinéa du paragraphe I de l'article 11 de la loi du 3 avril 1955 ne méconnaissent pas les exigences de l'article 16 de la Déclaration de 1789.

(2016-536 QPC, 19 février 2016, cons. 8, 11 et 12)

Sécurité juridique

Atteinte à un acte ou à une situation légalement acquise

Remise en cause des effets qui peuvent légitimement être attendus

D'une part, les dispositions du 1 de l'article 150-0 D du code général des impôts modifient, pour le calcul de l'impôt sur le revenu, des règles d'assiette applicables à des faits générateurs postérieurs à leur entrée en vigueur. D'autre part, la soumission à un taux forfaitaire, au titre de l'impôt sur le revenu, de la plus-value réalisée lors de la cession des titres ne peut être regardée comme ayant fait naître l'attente légitime que le complément de prix y afférent soit soumis aux mêmes règles d'imposition. Par suite, le grief tiré de la méconnaissance de l'article 16 de la Déclaration de 1789 doit être écarté.

(2015-515 QPC, 14 janvier 2016, cons. 7 à 9)

Autre mesure rétroactive

Validation législative

Absence de motif impérieux d'intérêt général

En vertu du premier alinéa de l'article 9 de la loi du 16 juillet 1987 dans sa rédaction antérieure à la loi du 18 décembre 2013, peuvent bénéficier des allocations et rentes de reconnaissance, les anciens harkis, moghaznis et personnels des formations supplétives ayant servi en Algérie. En vertu de ce même alinéa dans sa rédaction résultant du paragraphe I de l'article 52 de la loi du 18 décembre 2013, peuvent uniquement bénéficier des allocations et rentes de reconnaissance les anciens harkis, moghaznis et personnels des formations supplétives ayant servi en Algérie relevant du statut civil de droit local. Ces dispositions de la loi du 18 décembre 2013 ont pour effet d'exclure du bénéfice de ces allocations et rentes les anciens harkis, moghaznis et personnels des formations supplétives ayant servi en Algérie relevant du statut civil de droit commun. En prévoyant l'application de ces dispositions aux demandes d'allocation de reconnaissance présentées avant l'entrée en vigueur de la loi du 18 décembre 2013, qui n'ont pas donné lieu à une décision de justice passée en force de chose jugée, le paragraphe II de l'article 52 a pour objet de valider, de façon rétroactive, les décisions de refus opposées par l'administration aux demandes d'allocations et de rentes formées par les anciens harkis, moghaznis et personnels des formations supplétives relevant du statut civil de droit commun.

Il résulte des travaux parlementaires qu'en adoptant les dispositions contestées du paragraphe II de l'article 52, le législateur a entendu, à la suite de la décision du Conseil constitutionnel n° 2010-93 QPC du 4 février 2011, réserver aux seuls anciens harkis, moghaznis et personnels des formations supplétives ayant servi en Algérie, qui ont connu des difficultés particulières d'insertion après leur arrivée sur le territoire national, le dispositif d'indemnisation qu'il avait institué et qui privait de son bénéfice, à l'origine, entre autres, les anciens harkis, moghaznis et personnels des formations supplétives de statut civil de droit commun. Il a également entendu prévenir les conséquences financières de l'octroi d'allocations de reconnaissance à ces derniers.

Toutefois, les dispositions législatives ouvrant un droit à allocation de reconnaissance aux anciens harkis, moghaznis et personnels des formations supplétives ayant servi en Algérie relevant du statut civil de droit commun sont restées en vigueur plus de trente-quatre mois. Par ailleurs, les dispositions contestées ont pour effet d'entraîner l'extinction totale de ce droit, y compris pour les personnes ayant engagé une procédure administrative ou contentieuse en ce sens à la date de leur entrée en vigueur tandis que l'existence d'un enjeu financier important pour les finances publiques lié à ces dispositions n'est pas démontrée. Par suite, la volonté du législateur de rétablir un dispositif d'indemnisation correspondant pour partie à son intention initiale ne constitue pas en l'espèce un motif impérieux d'intérêt général justifiant l'atteinte au droit des personnes qui avaient engagé une procédure administrative ou contentieuse avant cette date. Censure.

(2015-522 QPC, 19 février 2016, cons. 9 à 11)

La valeur locative des locaux d'habitation et à usage professionnel autre que commercial est déterminée, en vertu de l'article 1496 du code général des impôts, par comparaison avec celle de locaux de référence. La valeur locative des locaux commerciaux est déterminée, en vertu des 1 °, 2 ° ou 3 ° de l'article 1498 du même code, par référence au loyer de ces locaux ou, à titre subsidiaire, par comparaison avec celle d'un local-type ou, à défaut, par voie d'appréciation directe.

Par une décision du 5 février 2014, le Conseil d'État a jugé, pour l'application de la méthode d'évaluation de la valeur locative des locaux commerciaux prévue au 2 ° de l'article 1498, « qu'un local-type qui, depuis son inscription régulière au procès-verbal des opérations de révision foncière d'une commune, a été entièrement restructuré ou a été détruit ne peut plus servir de terme de comparaison, pour évaluer directement ou indirectement la valeur locative d'un bien soumis à la taxe foncière au 1er janvier d'une année postérieure à sa restructuration ou à sa disparition ».

Les dispositions du paragraphe III de l'article 32 de la loi n° 2014-1655 du 29 décembre 2014 excluent, sous réserve des décisions de justice passées en force de chose jugée, la possibilité pour les contribuables de se prévaloir du motif d'irrégularité tiré de ce que le terme de comparaison utilisé pour fonder l'évaluation d'une valeur locative, soit directement, soit indirectement, a été détruit ou a changé de consistance, d'affectation ou de caractéristiques physiques, en vue d'une remise en cause de l'évaluation de la valeur locative des immeubles concernés, y compris pour les impositions postérieures au 1er janvier 2015, dès lors que cette évaluation a été réalisée avant le 1er janvier 2015.

Il résulte des travaux préparatoires de la loi du 29 décembre 2014 qu'en adoptant les dispositions contestées le législateur a entendu éviter le développement d'un contentieux de masse susceptible, d'une part, de perturber l'activité de l'administration fiscale et du juge administratif et, d'autre part, d'engendrer un risque financier pour l'État et les collectivités territoriales affectataires des impositions assises sur la valeur locative des propriétés bâties.

Toutefois, d'une part, il n'est pas établi que, du fait de la décision du Conseil d'État du 5 février 2014, le nombre de contestations de la fixation des valeurs locatives s'accroisse dans des conditions de nature à perturber l'activité de l'administration fiscale et de la juridiction administrative.

D'autre part, selon la jurisprudence constante du Conseil d'État, le recours à un terme de comparaison jugé inapproprié pour fixer la valeur locative d'un local visé par l'article 1496 ou l'article 1498 du code général des impôts ne conduit pas à la décharge de l'impôt assis sur cette valeur locative. Dans le cas d'un local d'habitation ou à usage professionnel autre que commercial, il est substitué au terme de comparaison jugé inapproprié un autre terme de comparaison. Dans le cas d'un local commercial, il est substitué au terme de comparaison jugé inapproprié un autre terme de comparaison ou, si aucun terme de comparaison ne peut fonder une évaluation pertinente, il est procédé à une évaluation par voie d'appréciation directe. Dès lors, l'issue d'une contestation de la valeur locative d'un local visé à l'article 1496 ou à l'article 1498 du code général des impôts, fondée sur le caractère inapproprié du terme de comparaison utilisé à cette fin par l'administration, est incertaine quant au montant de la cotisation d'impôt fixée finalement. Par suite, l'existence d'un risque financier pour l'État et les collectivités territoriales n'est pas établie.

Il résulte de ce qui précède qu'aucun motif impérieux d'intérêt général ne justifie l'atteinte au droit des contribuables de se prévaloir du motif d'irrégularité tiré de ce que le terme de comparaison utilisé pour fonder l'évaluation d'une valeur locative, soit directement, soit indirectement, a été détruit ou a changé de consistance, d'affectation ou de caractéristiques physiques en vue d'une remise en cause de l'évaluation de la valeur locative des immeubles concernés. Le paragraphe III de l'article 32 de la loi du 29 décembre 2014 doit être déclaré contraire à la Constitution.

(2015-525 QPC, 2 mars 2016, cons. 4 à 10)

Application de la loi dans le temps

La loi de modernisation de notre système de santé institue une procédure d'« action de groupe » par laquelle la responsabilité d'un professionnel à l'égard des usagers du système de santé peut être judiciairement constatée. Ces dispositions ne modifient pas les règles de fond qui définissent les conditions de cette responsabilité. Par suite, l'application immédiate de ces dispositions ne leur confère pas un caractère rétroactif. Elles ne méconnaissent pas les exigences de l'article 16 de la Déclaration de 1789.

(2015-727 DC, 21 janvier 2016, cons. 98)

Liberté et responsabilité

Affirmation du principe

Il résulte de l'article 4 de la Déclaration de 1789 que la loi peut prévoir l'engagement de la responsabilité d'une personne autre que celle par la faute de laquelle le dommage est arrivé à la condition que l'obligation qu'elle crée soit en rapport avec un motif d'intérêt général ou de valeur constitutionnelle et proportionnée à cet objectif.

(2015-517 QPC, 22 janvier 2016, cons. 9)

Applications

Il résulte de l'article 4 de la Déclaration de 1789 que la loi peut prévoir l'engagement de la responsabilité d'une personne autre que celle par la faute de laquelle le dommage est arrivé à la condition que l'obligation qu'elle crée soit en rapport avec un motif d'intérêt général ou de valeur constitutionnelle et proportionnée à cet objectif.

Il ressort du second alinéa de l'article L. 4231-1 du code du travail que, lorsque le maître d'ouvrage ou le donneur d'ordre a été informé par écrit par l'autorité administrative du fait que des salariés de son cocontractant ou d'une entreprise sous-traitante directe ou indirecte sont soumis à des conditions d'hébergement collectif incompatibles avec la dignité humaine, à défaut de régularisation par le cocontractant ou l'entreprise sous-traitante, le maître d'ouvrage ou le donneur d'ordre est tenu de prendre à sa charge l'hébergement collectif de ces salariés.

En adoptant ces dispositions, le législateur a principalement entendu assurer la dignité de la personne humaine contre toute forme d'asservissement et de dégradation et poursuivre l'objectif de valeur constitutionnelle que constitue la possibilité pour toute personne de disposer d'un logement décent. En premier lieu, la mise en œuvre de la responsabilité du maître d'ouvrage ou du donneur d'ordre est nécessairement subordonnée au constat par les agents de contrôle compétents d'une infraction aux dispositions de l'article 225-14 du code pénal imputable à l'un de ses cocontractants ou d'une entreprise sous-traitante directe ou indirecte. Les salariés victimes de cette infraction et restant soumis à des conditions d'hébergement indignes sont employés à l'exécution d'un contrat visant à la production de biens ou à la fourniture de services pour le compte du donneur d'ordre et destinés au maître d'ouvrage. En deuxième lieu, l'agent de contrôle qui a constaté l'infraction notifie cette situation au maître d'ouvrage ou au donneur d'ordre, en désignant les salariés victimes, le cocontractant ou l'entreprise sous-traitante en cause et en décrivant les conditions d'hébergement estimées incompatibles avec la dignité humaine, en lui impartissant de les faire cesser dans un délai compatible avec la situation d'urgence constatée. Le destinataire de la notification peut contester l'engagement de sa responsabilité devant la juridiction compétente. Il a la faculté d'agir auprès de son cocontractant ou de l'entreprise sous-traitante, par les moyens contractuels dont il dispose, aux fins de régularisation. En troisième lieu, les frais et préjudices engendrés par la prise en charge de l'hébergement collectif des salariés dans des conditions conformes à la réglementation applicable, par le maître d'ouvrage ou le donneur d'ordre, en raison de la défaillance de leur cocontractant ou sous-traitant, peuvent donner lieu aux procédures de recouvrement de droit commun à l'égard de l'entreprise débitrice de l'obligation principale d'hébergement. Toutefois, le principe de responsabilité serait méconnu si les dispositions déférées imposaient au maître d'ouvrage ou au donneur d'ordre une obligation de prise en charge de l'hébergement collectif des salariés autres que ceux qui sont employés à l'exécution du contrat direct ou de sous-traitance et pendant une durée excédant celle de l'exécution dudit contrat. Il résulte de ce qui précède que, sous les réserves ainsi énoncées, l'obligation de prise en charge de l'hébergement collectif, par le maître d'ouvrage ou le donneur d'ordre, de salariés soumis par leur cocontractant ou sous-traitant direct ou indirect à une situation incompatible avec la dignité humaine, qui est en relation avec l'objectif de satisfaire les exigences constitutionnelles précitées, n'est pas manifestement disproportionnée à la réalisation de cet objectif. Le grief tiré de la méconnaissance du principe de responsabilité doit être écarté.

(2015-517 QPC, 22 janvier 2016, cons. 9 à 15)

DIGNITÉ DE LA PERSONNE HUMAINE

Applications

Interruption volontaire de grossesse

L'article 82 de la loi de modernisation de notre système de santé modifie l'article L. 2212-5 du code de la santé publique pour supprimer le délai d'une semaine entre la demande de la femme d'interruption de sa grossesse et la confirmation écrite de cette demande. En supprimant le délai d'une semaine entre la demande de la femme d'interrompre sa grossesse et la confirmation écrite de cette demande, le législateur n'a pas rompu l'équilibre que le respect de la Constitution impose entre, d'une part, la sauvegarde de la dignité de la personne humaine contre toute forme de dégradation et, d'autre part, la liberté de la femme qui découle de l'article 2 de la Déclaration de 1789, dès lors que l'article L. 2212-5 du code de la santé publique dans sa rédaction résultant de l'article 82 fait obstacle à ce que la demande d'interruption de grossesse et sa confirmation écrite interviennent au cours d'une seule et même consultation.

(2015-727 DC, 21 janvier 2016, cons. 41 et 43)

Bioéthique et génétique

Le paragraphe III de l'article 155 de la loi de modernisation de notre système de santé complète l'article L. 2151-5 du code de la santé publique d'un nouveau paragraphe V pour permettre, dans le cadre de l'assistance médicale à la procréation et avec le consentement de chaque membre du couple, la réalisation de recherches biomédicales sur des gamètes destinés à constituer un embryon ou sur un embryon in vitro avant ou après son transfert à des fins de gestation. Il prévoit de soumettre à essais cliniques des techniques en cours de développement et destinées à améliorer l'efficacité des méthodes de procréation médicalement assistée ou à prévenir ou soigner des pathologies chez l'embryon. Ces essais cliniques, qui sont menés au bénéfice de l'embryon lui-même ou de la recherche en matière de procréation médicalement assistée, ne conduisent pas à exposer l'embryon à un risque sans proportion avec le bénéfice attendu. La réalisation de ces essais cliniques est subordonnée, d'une part, au consentement de chaque membre du couple et, d'autre part, au respect des garanties qui s'attachent aux recherches biomédicales prévues au titre II du livre Ier de la première partie du code de la santé publique. Ainsi ces essais sont, en particulier, soumis à la délivrance préalable d'une autorisation par l'agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé et menés dans le respect du principe de la primauté de l'intérêt de la personne qui se prête à une recherche, et du principe de l'évaluation de la balance entre les risques et les bénéfices. Par suite, le paragraphe III de l'article 155 ne méconnaît pas le principe de sauvegarde de la dignité de la personne humaine.

(2015-727 DC, 21 janvier 2016, cons. 81 et 85)

DROIT À LA VIE ET À L'INTÉGRITÉ PHYSIQUE, PROTECTION DE LA SANTÉ (POUR LA PROTECTION DE LA SANTÉ PUBLIQUE, VOIR CI-DESSOUS AUTRES DROITS ET PRINCIPES SOCIAUX)

Interruption volontaire de grossesse

L'article 82 de la loi de modernisation de notre système de santé modifie l'article L. 2212-5 du code de la santé publique pour supprimer le délai d'une semaine entre la demande de la femme d'interruption de sa grossesse et la confirmation écrite de cette demande. En supprimant le délai d'une semaine entre la demande de la femme d'interrompre sa grossesse et la confirmation écrite de cette demande, le législateur n'a pas rompu l'équilibre que le respect de la Constitution impose entre, d'une part, la sauvegarde de la dignité de la personne humaine contre toute forme de dégradation et, d'autre part, la liberté de la femme qui découle de l'article 2 de la Déclaration de 1789, dès lors que l'article L. 2212-5 du code de la santé publique dans sa rédaction résultant de l'article 82 fait obstacle à ce que la demande d'interruption de grossesse et sa confirmation écrite interviennent au cours d'une seule et même consultation.

(2015-727 DC, 21 janvier 2016, cons. 41 et 43)

DROIT AU RESPECT DE LA VIE PRIVÉE (VOIR ÉGALEMENT CI-DESSOUS DROITS DES ÉTRANGERS ET DROIT D'ASILE, LIBERTÉ INDIVIDUELLE ET LIBERTÉ PERSONNELLE)

Inviolabilité du domicile (voir également ci-dessous Liberté individuelle)

La Constitution n'exclut pas la possibilité pour le législateur de prévoir un régime d'état d'urgence. Il lui appartient, dans ce cadre, d'assurer la conciliation entre, d'une part, la prévention des atteintes à l'ordre public et, d'autre part, le respect des droits et libertés reconnus à tous ceux qui résident sur le territoire de la République. Parmi ces droits et libertés figurent le droit au respect de la vie privée et, en particulier, de l'inviolabilité du domicile, protégés par l'article 2 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789.

Les mesures de perquisition prévues par le premier alinéa et la première phrase du troisième alinéa du paragraphe I de l'article 11 de la loi du 3 avril 1955 ne peuvent être ordonnées que lorsque l'état d'urgence a été déclaré et uniquement pour des lieux situés dans la zone couverte par cet état d'urgence. L'état d'urgence ne peut être déclaré, en vertu de l'article 1er de la loi du 3 avril 1955, qu'« en cas de péril imminent résultant d'atteintes graves à l'ordre public » ou « en cas d'événements présentant, par leur nature et leur gravité, le caractère de calamité publique ».

La décision ordonnant une perquisition sur le fondement des dispositions contestées en précise le lieu et le moment. Le procureur de la République est informé sans délai de cette décision. La perquisition est conduite en présence d'un officier de police judiciaire. Elle ne peut se dérouler qu'en présence de l'occupant ou, à défaut, de son représentant ou de deux témoins. Elle donne lieu à l'établissement d'un compte rendu communiqué sans délai au procureur de la République.

La décision ordonnant une perquisition sur le fondement des dispositions contestées et les conditions de sa mise en œuvre doivent être justifiées et proportionnées aux raisons ayant motivé la mesure dans les circonstances particulières ayant conduit à la déclaration de l'état d'urgence. En particulier, une perquisition se déroulant la nuit dans un domicile doit être justifiée par l'urgence ou l'impossibilité de l'effectuer le jour. Le juge administratif est chargé de s'assurer que cette mesure qui doit être motivée est adaptée, nécessaire et proportionnée à la finalité qu'elle poursuit.

Il résulte de ce qui précède que les dispositions des premier, deuxième, quatrième à sixième alinéas ainsi que de la première phrase du troisième alinéa du paragraphe I de l'article 11 de la loi du 3 avril 1955 opèrent, s'agissant d'un régime de pouvoirs exceptionnels dont les effets doivent être limités dans le temps et l'espace et qui contribue à prévenir le péril imminent ou les conséquences de la calamité publique auxquels le pays est exposé, une conciliation qui n'est pas manifestement déséquilibrée entre les exigences de l'article 2 de la Déclaration de 1789 et l'objectif de valeur constitutionnelle de sauvegarde de l'ordre public.

(2016-536 QPC, 19 février 2016, cons. 5, 8 à 10 et 12)

Vidéosurveillance, sonorisations, fixations d'images, captation et saisie de données informatiques

Les dispositions de la seconde phrase du troisième alinéa du paragraphe I de l'article 11 de la loi du 3 avril 1955 permettent à l'autorité administrative de copier toutes les données informatiques auxquelles il aura été possible d'accéder au cours de la perquisition. Cette mesure est assimilable à une saisie. Ni cette saisie ni l'exploitation des données ainsi collectées ne sont autorisées par un juge, y compris lorsque l'occupant du lieu perquisitionné ou le propriétaire des données s'y oppose et alors même qu'aucune infraction n'est constatée. Au demeurant peuvent être copiées des données dépourvues de lien avec la personne dont le comportement constitue une menace pour la sécurité et l'ordre publics ayant fréquenté le lieu où a été ordonnée la perquisition. Ce faisant, le législateur n'a pas prévu de garanties légales propres à assurer une conciliation équilibrée entre l'objectif de valeur constitutionnelle de sauvegarde de l'ordre public et le droit au respect de la vie privée. Par suite et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres griefs, les dispositions de la seconde phrase du troisième alinéa du paragraphe I de l'article 11 de la loi du 3 avril 1955, qui méconnaissent l'article 2 de la Déclaration de 1789, doivent être déclarées contraires à la Constitution.

(2016-536 QPC, 19 février 2016, cons. 14)

Accès aux données professionnelles

Le 5 ° de l'article 178 de la loi de modernisation de notre système de santé modifie l'article L. 1453-1 du code de la santé publique pour renforcer la transparence des liens d'intérêt entre, d'une part, les entreprises produisant ou commercialisant des produits à finalité sanitaire ou cosmétique destinés à l'homme mentionnés au paragraphe II de l'article L. 5311-1 ou les entreprises assurant des prestations associées à ces produits et, d'autre part, les acteurs du secteur de la santé énumérés au paragraphe I de l'article L. 1453-1. Le a) du 5 ° de l'article 178 modifie le paragraphe I de l'article L. 1453-1 pour prévoir que les entreprises sont tenues de rendre publics, sur un site internet public unique, l'objet précis, la date, le bénéficiaire direct, le bénéficiaire final et le montant des conventions conclues avec les acteurs du secteur de la santé. Toutefois, pour les produits cosmétiques, les produits de tatouage et les lentilles oculaires non correctrices, les entreprises sont seulement tenues de rendre publique l'existence de conventions. Pour tous les types de produits à finalité sanitaire ou cosmétique, les conventions ayant pour objet l'achat de biens ou services sont exclues du champ de ces obligations de publicité. Le b) du 5 ° insère, dans l'article L. 1453-1, un nouveau paragraphe I bis, qui prévoit que sont rendues publiques, lorsqu'elles excèdent un seuil fixé par décret, les rémunérations versées aux acteurs du secteur de la santé. En vertu du paragraphe II de l'article L. 1453-1 doivent également être rendus publics les avantages en nature ou en espèces, autres que les rémunérations, versés aux acteurs du secteur de la santé. Le d) du 5 ° de l'article 178 insère, dans l'article L. 1453-1, un nouveau paragraphe II bis qui prévoit que les informations ainsi rendues publiques sont réutilisables à titre gratuit et peuvent donner lieu à un traitement de données.

L'obligation de rendre publics, sur un site internet public unique, l'objet précis, la date, l'identité du bénéficiaire direct, l'identité du bénéficiaire final, le montant, y compris les rémunérations et les avantages en nature ou en espèces, des conventions conclues par les entreprises produisant ou commercialisant des produits à finalité sanitaire destinés à l'homme ou assurant des prestations associées à ces produits avec les autres acteurs du secteur de la santé porte atteinte au droit au respect de la vie privée. Cette publication est destinée à garantir l'exhaustivité des informations relatives à l'existence et à la nature des liens d'intérêt entre les professionnels de santé et ces entreprises. Cette atteinte est justifiée par l'exigence constitutionnelle de protection de la santé et par l'objectif d'intérêt général de prévention des conflits d'intérêt. Eu égard aux exigences particulières qui pèsent sur les acteurs du secteur de la santé et à la gravité des conséquences des conflits d'intérêt dans ce secteur, le législateur a opéré une conciliation qui n'est pas manifestement déséquilibrée entre les principes constitutionnels en cause. Par suite, le grief tiré de la méconnaissance du droit au respect de la vie privée doit être écarté.

(2015-727 DC, 21 janvier 2016, cons. 87 et 92)

DROIT DE PROPRIÉTÉ

Champ d'application de la protection du droit de propriété

Domaines d'application

Propriété incorporelle

Propriété industrielle et commerciale

Les dispositions de l'article 27 de la loi de modernisation de notre système de santé imposent une neutralité et une uniformisation des unités de conditionnement, emballages extérieurs et suremballages des cigarettes et du tabac à rouler ainsi que du papier à cigarette et du papier à rouler les cigarettes. Le Conseil constitutionnel contrôle l'atteinte qui en résulte au droit de propriété du propriétaire de la marque régulièrement déposée.

(2015-727 DC, 21 janvier 2016, cons. 13 et 18 à 21)

Protection contre la privation de propriété

Notion de privation de propriété

Le paragraphe I de l'article 27 de la loi de modernisation de notre système de santé insère un nouvel article L. 3511-6-1 dans le code de la santé publique, en vertu duquel : « Les unités de conditionnement, les emballages extérieurs et les suremballages des cigarettes et du tabac à rouler, le papier à cigarette et le papier à rouler les cigarettes sont neutres et uniformisés. -- Un décret en Conseil d'État fixe leurs conditions de neutralité et d'uniformisation, notamment de forme, de taille, de texture et de couleur, et les modalités d'inscription des marques et des dénominations commerciales sur ces supports ». Ces dispositions imposent une neutralité et une uniformisation des unités de conditionnement, emballages extérieurs et suremballages des cigarettes et du tabac à rouler ainsi que du papier à cigarette et du papier à rouler les cigarettes. Elles n'interdisent pas que chacun de ces supports comporte l'inscription de la marque, de telle sorte que le produit puisse être identifié avec certitude par son acheteur. Le propriétaire de la marque régulièrement déposée conserve ainsi la faculté de l'utiliser auprès des consommateurs, même si cette possibilité est strictement encadrée. Il demeure également protégé contre l'usage ou le détournement de la marque par des tiers. Par suite, ces dispositions n'instituent pas une privation de propriété au sens de l'article 17 de la Déclaration de 1789.

(2015-727 DC, 21 janvier 2016, cons. 13 et 18 à 20)

Les servitudes instituées par les dispositions du 3 ° de l'article L. 323-4 du code de l'énergie, d'établissement à demeure de canalisations souterraine ou de supports pour conducteurs aériens sur des terrains privés non bâtis qui ne sont pas fermés de murs ou autres clôtures équivalentes, n'entraînent pas une privation de propriété au sens de l'article 17 de la Déclaration de 1789 mais une limitation apportée à l'exercice du droit de propriété. Il en serait toutefois autrement si la sujétion ainsi imposée devait aboutir, compte tenu de l'ampleur de ses conséquences sur une jouissance normale de la propriété grevée de servitude, à vider le droit de propriété de son contenu. Sous cette réserve, les dispositions contestées ne méconnaissent pas les dispositions de l'article 17 de la Déclaration de 1789.

(2015-518 QPC, 2 février 2016, cons. 14)

Contrôle des atteintes à l'exercice du droit de propriété

Principe de conciliation avec des objectifs d'intérêt général

En instituant, au 3 ° de l'article L. 323-4 du code de l'énergie, les servitudes d'établissement à demeure de canalisations souterraines ou de supports pour conducteurs aériens pour le transport ou la distribution d'électricité sur des terrains privés non bâtis qui ne sont pas fermés de murs ou autres clôtures équivalentes, le législateur a entendu faciliter la réalisation des infrastructures de transport et de distribution de l'électricité. Il a ainsi poursuivi un but d'intérêt général.

L'établissement de la servitude est subordonné à la déclaration d'utilité publique susmentionnée. Cette servitude ne peut grever que des terrains non bâtis qui ne sont pas fermés de murs ou autres clôtures équivalentes. En vertu de l'article L. 323-6 du code de l'énergie, elle ne fait pas obstacle au droit du propriétaire de se clore ou de bâtir. L'exercice de ce droit suppose qu'il conserve la possibilité d'opérer toutes modifications de sa propriété conformes à son utilisation normale. Lorsque l'établissement de cette servitude entraîne un préjudice direct, matériel et certain, il ouvre droit, en vertu de l'article L. 323-7 du même code, à une indemnité au profit des propriétaires, des titulaires de droits réels ou de leurs ayants droit. Il s'ensuit que l'atteinte portée au droit de propriété par les dispositions contestées est proportionnée à l'objectif poursuivi. Par suite, le grief tiré de la méconnaissance de l'article 2 de la Déclaration de 1789 doit être écarté.

(2015-518 QPC, 2 février 2016, cons. 15)

Atteinte au droit de propriété contraire à la Constitution

Aux termes de l'article L. 562-2 du code monétaire et financier dans sa rédaction résultant de l'ordonnance du 30 janvier 2009 : « En application des résolutions adoptées dans le cadre du chapitre VII de la Charte des Nations unies ou des actes pris en application de l'article 15 du traité sur l'Union européenne, le ministre chargé de l'économie peut décider le gel, pour une durée de six mois, renouvelable, de tout ou partie des fonds, instruments financiers et ressources économiques détenus auprès des personnes mentionnées à l'article L. 561-2 qui appartiennent à des personnes physiques ou morales, organismes ou entités qui ont commis, commettent ou, de par leurs fonctions, sont susceptibles de commettre des actes sanctionnés ou prohibés par ces résolutions ou ces actes, les facilitent ou y participent et à des personnes morales détenues par ces personnes physiques ou contrôlées, directement ou indirectement, par elles. Les fruits produits par les fonds, instruments et ressources susmentionnés sont également gelés ».

En permettant le gel des avoirs appartenant à des personnes qui, de par leurs fonctions, sont susceptibles de commettre de tels actes sans qu'il soit nécessaire d'établir que celles-ci ont commis, commettent, incitent à la commission, facilitent ou participent à la commission de ces actes, le législateur a porté à l'exercice du droit de propriété une atteinte manifestement disproportionnée à l'objectif poursuivi. Par suite, les mots : « ou, de par leurs fonctions, sont susceptibles de commettre » figurant à l'article L. 562-2 du code monétaire et financier doivent être déclarés contraires à la Constitution.

(2015-524 QPC, 2 mars 2016, cons. 3 et 20)

Absence d'atteinte au droit de propriété contraire à la Constitution

Le paragraphe I de l'article 27 de la loi de modernisation de notre système de santé insère un nouvel article L. 3511-6-1 dans le code de la santé publique, en vertu duquel : « Les unités de conditionnement, les emballages extérieurs et les suremballages des cigarettes et du tabac à rouler, le papier à cigarette et le papier à rouler les cigarettes sont neutres et uniformisés. -- Un décret en Conseil d'État fixe leurs conditions de neutralité et d'uniformisation, notamment de forme, de taille, de texture et de couleur, et les modalités d'inscription des marques et des dénominations commerciales sur ces supports ». En imposant une neutralité et une uniformisation des unités de conditionnement, emballages extérieurs et suremballages des cigarettes et du tabac à rouler ainsi que du papier à cigarette et du papier à rouler les cigarettes, le législateur a entendu priver ces produits d'une forme de publicité susceptible d'en favoriser la consommation, alors qu'il est établi que cette consommation nuit à la santé des personnes. Il a ainsi poursuivi l'objectif de protection de la santé. Ces dispositions n'interdisent ni la production, ni la distribution, ni la vente du tabac ou des produits du tabac. Il n'en résulte aucune atteinte manifestement disproportionnée au droit de propriété.

(2015-727 DC, 21 janvier 2016, cons. 13 et 18 à 21)

En vertu de l'article L. 562-1 du code monétaire et financier, le ministre chargé de l'économie peut décider le gel de tout ou partie des fonds, instruments financiers et ressources économiques détenus auprès des organismes et personnes mentionnés à l'article L. 561-2 du même code, soit notamment les établissements du secteur bancaire et les établissements de paiement régis par ce code, dès lors que ces fonds, instruments et ressources appartiennent soit à des personnes physiques ou morales qui commettent ou tentent de commettre des actes de terrorisme, les facilitent ou y participent, soit à des personnes morales détenues par ces personnes physiques ou contrôlées par elles. En vertu de l'article L. 562-2 du code monétaire et financier, le ministre chargé de l'économie peut également, en application des résolutions adoptées dans le cadre du chapitre VII de la Charte des Nations unies ou des actes pris en application de l'article 15 du traité sur l'Union européenne, décider d'une mesure de gel similaire des fonds, instruments financiers et ressources économiques appartenant soit à des personnes physiques ou morales qui ont commis, commettent ou, de par leurs fonctions, sont susceptibles de commettre des actes sanctionnés ou prohibés par ces résolutions ou ces actes, les facilitent ou y participent soit à des personnes morales détenues ou contrôlées par ces personnes physiques.

En premier lieu, ces mesures, qui ont pour objet de prévenir la commission d'actes de terrorisme ou d'actes sanctionnés ou prohibés par une résolution du Conseil de sécurité des Nations unies prise en cas de menace contre la paix, de rupture de la paix et d'acte d'agression ou par un acte du Conseil européen, poursuivent l'objectif de prévention des atteintes à l'ordre public et des infractions, nécessaire à la sauvegarde de droits et de principes de valeur constitutionnelle.

En deuxième lieu, le législateur a précisément défini les avoirs et ressources susceptibles de faire l'objet des mesures de gel.

En troisième lieu, les articles L. 562-1 et L. 562-2 prévoient, à titre préventif, le gel de tout ou partie des fonds, instruments financiers et ressources économiques qui appartiennent aux personnes visées et, dans la détermination des biens et ressources, soumis au gel, le ministre chargé de l'économie doit prendre en compte la nécessité pour la personne faisant l'objet de la mesure de couvrir les frais du foyer familial et d'assurer la conservation de son patrimoine.

En quatrième lieu, les mesures de gel peuvent être prononcées pour une durée maximale de six mois. Elles doivent être levées dès lors qu'il apparaît que les conditions nécessaires à leur édiction ne sont plus remplies et, si elles peuvent être renouvelées, il appartient au ministre de vérifier que les conditions justifiant leur prononcé sont toujours satisfaites lors de ce renouvellement. En outre, ces mesures sont soumises au respect d'une procédure contradictoire conformément aux dispositions des articles L. 121-1 et L. 121-2 du code des relations entre le public et l'administration.

En cinquième lieu, en vertu de l'article L. 562-9 du code monétaire et financier, l'État est responsable des conséquences dommageables de la mise en œuvre de bonne foi, par les personnes mentionnées à l'article L. 561-2, des mesures de gel des avoirs prévues par les dispositions contestées.

Par conséquent, en permettant le gel des avoirs appartenant à des personnes qui ont commis, commettent, incitent à la commission, facilitent ou participent à la commission d'actes de terrorisme ou des actes sanctionnés ou prohibés par une résolution du conseil de sécurité des Nations unies ou par un acte du Conseil européen, le législateur a prévu des mesures nécessaires et fixé des critères en adéquation avec l'objectif poursuivi.

L'article L. 562-1 et l'article L. 562-2, à l'exception des mots « ou, de par leurs fonctions, sont susceptibles de commettre » figurant dans ce dernier article et qui permettent une mesure de gel uniquement en raison des fonctions occupées par une personne, ne méconnaissent pas le droit de propriété.

(2015-524 QPC, 2 mars 2016, cons. 15 à 21)

DROITS CONSTITUTIONNELS DES TRAVAILLEURS

Droits collectifs des travailleurs

Liberté syndicale (alinéa 6 du Préambule de la Constitution de 1946)

Liberté syndicale collective

Les organisations professionnelles d'employeurs ont pour objet la défense des droits et des intérêts matériels et moraux, tant collectifs qu'individuels, des employeurs. Le 6 ° de l'article L. 2151-1 du code du travail prévoit que pour apprécier la représentativité des organisations professionnelles d'employeurs, il est tenu compte de leur audience, laquelle se mesure en fonction du nombre des entreprises adhérentes à ces organisations. En vertu du 3 ° de l'article L. 2152-1 et du 3 ° de l'article L. 2152-4 du même code, pour être représentatives au niveau de la branche ou au niveau national et interprofessionnel, ces organisations doivent représenter au moins 8 % de l'ensemble des entreprises adhérant à des organisations professionnelles dans le champ d'activité considéré.

Tout d'abord, il était loisible au législateur, pour fixer les conditions de mise en œuvre de la liberté syndicale, de définir des critères de représentativité des organisations professionnelles d'employeurs.

Ensuite, d'une part, en prévoyant que l'audience de ces organisations se mesure en fonction du nombre des entreprises adhérentes, le législateur a entendu assurer un égal accès à la représentativité des organisations professionnelles d'employeurs quel que soit le nombre des salariés employés par les entreprises adhérentes ou leur chiffre d'affaires. En outre, en vertu du troisième alinéa de l'article L. 2261-19 du code du travail, le nombre de salariés des entreprises adhérant aux organisations professionnelles d'employeurs est pris en compte en matière de négociation collective.

D'autre part, la liberté d'adhérer au syndicat de son choix, prévue par le sixième alinéa du Préambule de 1946, n'impose pas que toutes les organisations professionnelles d'employeurs soient reconnues comme étant représentatives indépendamment de leur audience. En fixant à 8 % le seuil minimum d'audience permettant l'accès à la représentativité des organisations professionnelles d'employeurs, le législateur a entendu éviter la dispersion de la représentativité patronale et n'a pas fait obstacle au pluralisme.

Il résulte de tout ce qui précède que, dans ces conditions, le législateur n'a pas méconnu les exigences découlant du sixième alinéa du Préambule de 1946. Pas de méconnaissance de la liberté syndicale.

(2015-519 QPC, 3 février 2016, cons. 10)

Principe de participation des travailleurs à la gestion des entreprises (alinéa 8 du Préambule de la Constitution de 1946)

Représentativité des syndicats et institutions représentatives du personnel

Le huitième alinéa du Préambule de la Constitution de 1946, qui consacre un droit aux travailleurs, par l'intermédiaire de leurs délégués, à la participation et à la détermination collectives de leurs conditions de travail, ne confère aucun droit équivalent au bénéfice des employeurs. Dès lors, est inopérant le grief tiré de la méconnaissance de ce principe par le 6 ° de l'article L. 2151-1 du code du travail, qui prévoit que pour apprécier la représentativité des organisations professionnelles d'employeurs, il est tenu compte de leur audience, laquelle se mesure en fonction du nombre des entreprises adhérentes à ces organisations, et par le 3 ° de l'article L. 2152-1 et le 3 ° de l'article L. 2152-4 en vertu desquels, pour être représentatives au niveau de la branche ou au niveau national et interprofessionnel, ces organisations doivent représenter au moins 8 % de l'ensemble des entreprises adhérant à des organisations professionnelles dans le champ d'activité considéré.

(2015-519 QPC, 3 février 2016, cons. 7)

AUTRES DROITS ET PRINCIPES SOCIAUX

Principe de protection de la santé publique

Applications

Autres

L'article 82 de la loi de modernisation de notre système de santé modifie l'article L. 2212-5 du code de la santé publique pour supprimer le délai d'une semaine entre la demande de la femme d'interruption de sa grossesse et la confirmation écrite de cette demande. Aucune exigence de valeur constitutionnelle n'impose de façon générale le respect d'un délai de réflexion préalablement à la réalisation d'un acte médical ou chirurgical.

(2015-727 DC, 21 janvier 2016, cons. 41 et 44)

ENVIRONNEMENT

Principes d'information et de participation

Champ d'application du principe

Les décisions établissant les servitudes instituées par les dispositions du 3 ° de l'article L. 323-4 du code de l'énergie sont des décisions publiques ayant une incidence sur l'environnement au sens de l'article 7 de la Charte de l'environnement.

(2015-518 QPC, 2 février 2016, cons. 11)

Absence de méconnaissance du principe

Dans les cas prévus au chapitre II ou au chapitre III du titre II du livre Ier du code de l'environnement, l'article L. 323-3 du code de l'énergie prévoit que la déclaration d'utilité publique des travaux nécessaires à l'établissement et à l'entretien des ouvrages de la concession de transport ou de distribution d'électricité est précédée d'une étude d'impact et d'une enquête publique. Si le projet de travaux n'est pas soumis à enquête publique en application du code de l'environnement, l'article L. 323-3 prévoit l'organisation d'une consultation du public sur le dossier de déclaration d'utilité publique et en fixe les modalités. Cette consultation est organisée dans les mairies des communes traversées par l'ouvrage. La durée de cette consultation ne peut être inférieure à quinze jours. Cette consultation est annoncée par voie de publication dans au moins un journal de la presse locale et par affichage en mairie, l'information précisant les jours, heures et lieux de consultation. Un registre est mis à la disposition du public afin de recueillir ses observations. Le maître de l'ouvrage adresse une synthèse de ces observations et de celles reçues, par ailleurs, au service instructeur avant la décision de déclaration d'utilité publique. Par suite, le grief tiré de la méconnaissance de l'article 7 de la Charte de l'environnement doit être écarté.

(2015-518 QPC, 2 février 2016, cons. 12)

LIBERTÉ CONTRACTUELLE ET DROIT AU MAINTIEN DE L'ÉCONOMIE DES CONVENTIONS LÉGALEMENT CONCLUES

Liberté contractuelle

Portée du principe

Les dispositions du 1 de l'article 150-0 D du code général des impôts, qui déterminent les conditions auxquelles est subordonnée l'application d'une règle d'assiette de l'impôt sur le revenu au complément de prix reçu par le cédant des titres d'une société, n'ont en elles-mêmes ni pour objet ni pour effet de porter atteinte à la liberté contractuelle.

(2015-515 QPC, 14 janvier 2016, cons. 5 et 6)

Le 4 ° du paragraphe I de l'article L. 6112-2 du code de la santé publique dispose que les établissements de santé assurant le service public hospitalier et les professionnels de santé qui exercent en leur sein garantissent à toute personne qui recourt à leurs services « L'absence de facturation de dépassements des tarifs fixés par l'autorité administrative et des tarifs des honoraires prévus au 1 ° du I de l'article L. 162-14-1 du code de la sécurité sociale ».

D'une part, la création du service public hospitalier a pour objet de garantir aux usagers du système de santé une offre de soins hospitaliers accessible qui assure la qualité et la continuité des soins ainsi que l'égalité de traitement. Ainsi, les dispositions du 4 ° du paragraphe I de l'article L. 6112-1 ont pour objet de garantir que les établissements de santé assurant le service public hospitalier et les professionnels exerçant en leur sein ne facturent pas aux usagers des dépassements des tarifs fixés par l'autorité administrative et des tarifs des honoraires prévus par le code de la sécurité sociale. Par ailleurs, l'exercice d'une activité de soins n'est pas subordonné à la participation au service public hospitalier et il ressort de l'article L. 6112-6 du code de la santé publique qu'il n'est pas tenu compte de l'appartenance au service public hospitalier pour l'application des règles régissant les autorisations d'activités de soins mentionnées au chapitre II du titre II du livre Ier de la sixième partie du code de la santé publique.

D'autre part, selon les dispositions de l'article L. 6112-3, tous les établissements de santé privés peuvent, après avis favorable de la conférence médicale d'établissement, être habilités à assurer le service public hospitalier.

Ainsi, les dispositions contestées n'ont pas pour effet d'empêcher les établissements de santé privés d'être habilités à assurer ce service dès lors qu'il leur est loisible de recruter des médecins ne pratiquant pas au sein de leurs établissements des dépassements des tarifs et des honoraires. Par suite, les dispositions contestées ne portent pas atteinte à la liberté contractuelle.

(2015-727 DC, 21 janvier 2016, cons. 55 et 56)

Conciliation du principe

Avec des règles, principes ou objectifs de valeur constitutionnelle

Afin d'assurer une distribution libre et impartiale de la presse au numéro, la loi du 2 avril 1947 a instauré, pour les entreprises de presse ne souhaitant pas assurer elles-mêmes la distribution de leurs publications, un système coopératif de distribution des journaux et publications périodiques. Dans ce cadre, le groupage et la distribution de plusieurs journaux et publications périodiques ne peuvent être assurés que par des sociétés coopératives de messageries de presse soumises aux dispositions de la loi du 2 avril 1947. Ces sociétés concluent des contrats avec les dépositaires centraux de presse afin d'assurer l'acheminement des journaux et publications périodiques vers les points de vente au public. Le contrôle et la régulation du système coopératif de distribution de la presse et de son réseau sont confiés au conseil supérieur des messageries de presse, personne morale de droit privé, ainsi qu'à l'autorité de régulation de la distribution de la presse, autorité administrative indépendante.

En vertu des dispositions du 6 ° de l'article 18-6 de la loi du 2 avril 1947, le conseil supérieur des messageries de presse délègue à une commission spécialisée composée d'éditeurs le soin de décider notamment des nominations et des mutations de dépositaires centraux de presse avec ou sans modification de la zone de chalandise. En adoptant ces dispositions, le législateur a, ainsi qu'il ressort des travaux préparatoires de la loi du 20 juillet 2011, entendu préserver les équilibres économiques du système de distribution de la presse. Dans la mesure où ce système concourt à garantir le pluralisme et l'indépendance des quotidiens d'information politique et générale, le législateur a ainsi poursuivi un objectif de valeur constitutionnelle.

Il résulte des dispositions contestées du 6 ° de l'article 18-6 que la commission spécialisée composée d'éditeurs dispose du pouvoir de résilier tout contrat conclu entre une société de messagerie de presse et un dépositaire central de presse, soit qu'elle retire l'agrément du dépositaire soit qu'elle modifie la zone de chalandise de ce dernier. Les conditions dans lesquelles cette commission se voit déléguer ce pouvoir par le conseil supérieur des messageries de presse sont fixées par le règlement intérieur de ce conseil. Cette commission est tenue de se prononcer selon des critères objectifs et non discriminatoires définis dans un cahier des charges. Il était loisible au législateur de prévoir les conditions dans lesquelles un organisme indépendant composé d'éditeurs, tiers au contrat conclu entre une société de messagerie de presse et un dépositaire central de presse, peut prendre des décisions aboutissant à la résiliation de ce contrat, afin de mettre en œuvre l'objectif de pluralisme et d'indépendance des quotidiens d'information politique et générale. Toutefois, les décisions de retrait d'agrément d'un dépositaire et de modification de la zone de chalandise prises par la commission spécialisée composée d'éditeurs, qui ne sont subordonnées à aucune condition tenant à l'exécution ou à l'équilibre du contrat, ne font l'objet d'aucune procédure d'examen contradictoire et la commission n'est pas tenue de motiver sa décision. Ainsi, le législateur a insuffisamment encadré les conditions dans lesquelles la décision d'un tiers au contrat conclu entre une société de messagerie de presse et un dépositaire central de presse peut conduire à la résiliation de ce contrat. Il a porté une atteinte manifestement disproportionnée à la liberté contractuelle. Censure.

(2015-511 QPC, 7 janvier 2016, cons. 4 à 10)

LIBERTÉ D'ASSOCIATION

Portée du principe

Les dispositions de l'article 8 de la loi du 3 avril 1955 relative à l'état d'urgence qui permettent à l'autorité administrative d'ordonner la fermeture provisoire des salles de spectacles, débits de boissons et lieux de réunion de toute nature ainsi que d'interdire, à titre général ou particulier, les réunions de nature à provoquer ou à entretenir le désordre, n'ont ni pour objet ni pour effet d'encadrer les conditions dans lesquelles les associations se constituent et exercent leur activité. Elles ne portent aucune atteinte au principe fondamental reconnu par les lois de la République de la liberté d'association.

(2016-535 QPC, 19 février 2016, cons. 1 et 15)

LIBERTÉ D'EXPRESSION ET DE COMMUNICATION

Liberté d'expression et de communication (hors des médias)

Liberté individuelle de parler, écrire et imprimer librement

L'article 24 bis de la loi du 29 juillet 1881 punit d'un an d'emprisonnement et de 45 000 euros d'amende ceux qui auront contesté l'existence d'un ou plusieurs crimes contre l'humanité tels qu'ils sont définis par l'article 6 du statut du tribunal militaire international annexé à l'accord de Londres du 8 août 1945 et qui ont été commis soit par les membres d'une organisation déclarée criminelle en application de l'article 9 dudit statut, soit par une personne reconnue coupable de tels crimes par une juridiction française ou internationale.

En premier lieu, le tribunal militaire international, dont le statut est annexé à l'accord de Londres du 8 août 1945, a été établi « pour le jugement et le châtiment des grands criminels de guerre des pays européens de l'Axe ». Les crimes contre l'humanité dont la contestation est réprimée par les dispositions contestées sont définis par l'article 6 du statut de ce tribunal comme « l'assassinat, l'extermination, la réduction en esclavage, la déportation, et tout autre acte inhumain commis contre toutes populations civiles, avant ou pendant la guerre, ou bien les persécutions pour des motifs politiques, raciaux ou religieux, lorsque ces actes ou persécutions, qu'ils aient constitué ou non une violation du droit interne du pays où ils ont été perpétrés, ont été commis à la suite de tout crime rentrant dans la compétence du Tribunal, ou en liaison avec ce crime ». Aussi, en réprimant les propos contestant l'existence de tels crimes, le législateur a entendu sanctionner des propos qui incitent au racisme et à l'antisémitisme.

Les propos contestant l'existence de faits commis durant la Seconde Guerre mondiale qualifiés de crimes contre l'humanité et sanctionnés comme tels par une juridiction française ou internationale constituent en eux-mêmes une incitation au racisme et à l'antisémitisme. Par suite, les dispositions contestées ont pour objet de réprimer un abus de l'exercice de la liberté d'expression et de communication qui porte atteinte à l'ordre public et aux droits des tiers.

En second lieu, les dispositions contestées, en incriminant exclusivement la contestation de l'existence de faits commis durant la seconde guerre mondiale, qualifiés de crimes contre l'humanité et sanctionnés comme tels par une juridiction française ou internationale, visent à lutter contre certaines manifestations particulièrement graves d'antisémitisme et de haine raciale. Seule la négation, implicite ou explicite, ou la minoration outrancière de ces crimes est prohibée. Par ailleurs, les dispositions contestées n'ont ni pour objet ni pour effet d'interdire les débats historiques.

Ainsi, l'atteinte à l'exercice de la liberté d'expression qui en résulte est nécessaire, adaptée et proportionnée à l'objectif poursuivi par le législateur.

(2015-512 QPC, 8 janvier 2016, cons. 1 et 6 à 8)

Droit d'expression collective des idées et opinions

Les dispositions de l'article 8 de la loi du 3 avril 1955 relative à l'état d'urgence permettent à l'autorité administrative d'ordonner la fermeture provisoire des salles de spectacle, débits de boissons et lieux de réunion de toute nature ainsi que d'interdire les réunions de nature à provoquer ou à entretenir le désordre. En ce qu'elles restreignent la liberté de se réunir, ces dispositions portent atteinte au droit d'expression collective des idées et des opinions.

En premier lieu, les mesures de fermeture provisoire et d'interdiction de réunions ne peuvent être prononcées que lorsque l'état d'urgence a été déclaré et uniquement pour des lieux situés dans la zone couverte par cet état d'urgence ou pour des réunions devant s'y tenir. L'état d'urgence ne peut être déclaré, en vertu de l'article 1er de la loi du 3 avril 1955, qu'« en cas de péril imminent résultant d'atteintes graves à l'ordre public » ou « en cas d'événements présentant, par leur nature et leur gravité, le caractère de calamité publique ».

En deuxième lieu, d'une part, tant la mesure de fermeture provisoire des salles de spectacle, débits de boissons et lieux de réunion de toute nature que sa durée doivent être justifiées et proportionnées aux nécessités de la préservation de l'ordre public ayant motivé une telle fermeture, d'autre part, la mesure d'interdiction de réunion doit être justifiée par le fait que cette réunion est « de nature à provoquer ou entretenir le désordre » et proportionnée aux raisons l'ayant motivée. Celles de ces mesures qui présentent un caractère individuel doivent être motivées. Le juge administratif est chargé de s'assurer que chacune de ces mesures est adaptée, nécessaire et proportionnée à la finalité qu'elle poursuit.

En troisième lieu, en vertu de l'article 14 de la loi du 3 avril 1955, les mesures de fermeture provisoire et d'interdiction de réunions prises en application de cette loi cessent au plus tard en même temps que prend fin l'état d'urgence. L'état d'urgence, déclaré par décret en conseil des ministres, doit, au-delà d'un délai de douze jours, être prorogé par une loi qui en fixe la durée. Cette durée ne saurait être excessive au regard du péril imminent ou de la calamité publique ayant conduit à la déclaration de l'état d'urgence. Si le législateur prolonge l'état d'urgence par une nouvelle loi, les mesures de fermeture provisoire et d'interdiction de réunions prises antérieurement ne peuvent être prolongées sans être renouvelées.

Il résulte de ce qui précède que les dispositions contestées, qui ne sont pas entachées d'incompétence négative, opèrent une conciliation qui n'est pas manifestement déséquilibrée entre le droit d'expression collective des idées et des opinions et l'objectif de valeur constitutionnelle de sauvegarde de l'ordre public.

(2016-535 QPC, 19 février 2016, cons. 3 et 6 à 10)

LIBERTÉ INDIVIDUELLE

Champ d'application

Mesures qui ne relèvent pas du champ d'application de l'article 66 de la Constitution.

Les dispositions du premier alinéa du paragraphe I de l'article 11 de la loi du 3 avril 1955 permettent à l'autorité administrative, lorsque l'état d'urgence a été déclaré et si le décret déclarant ou la loi prorogeant l'état d'urgence l'a expressément prévu, « d'ordonner des perquisitions en tout lieu, y compris un domicile, de jour et de nuit, sauf dans un lieu affecté à l'exercice d'un mandat parlementaire ou à l'activité professionnelle des avocats, des magistrats ou des journalistes, lorsqu'il existe des raisons sérieuses de penser que ce lieu est fréquenté par une personne dont le comportement constitue une menace pour la sécurité et l'ordre publics ». Les dispositions de la première phrase de son troisième alinéa permettent également à l'autorité administrative d'accéder, sur le lieu de la perquisition, à des données stockées dans un système informatique.

D'une part, ces mesures de perquisition, qui relèvent de la seule police administrative, y compris lorsqu'elles ont lieu dans un domicile, ne peuvent avoir d'autre but que de préserver l'ordre public et de prévenir les infractions. D'autre part, ces mesures n'affectent pas la liberté individuelle au sens de l'article 66 de la Constitution. Par suite, ces perquisitions administratives n'ont pas à être placées sous la direction et le contrôle de l'autorité judiciaire. Pas de méconnaissance de l'article 66 de la Constitution.

(2016-536 QPC, 19 février 2016, cons. 4)

LIBERTÉS ÉCONOMIQUES

Liberté d'entreprendre

Champ d'application du principe

Les dispositions du 1 de l'article 150-0 D du code général des impôts, qui déterminent les conditions auxquelles est subordonnée l'application d'une règle d'assiette de l'impôt sur le revenu au complément de prix reçu par le cédant des titres d'une société, n'ont en elles-mêmes ni pour objet ni pour effet de porter atteinte à la liberté d'entreprendre.

(2015-515 QPC, 14 janvier 2016, cons. 5 et 6)

L'article 83 de la loi de modernisation de notre système de santé est relatif au tiers payant permettant de dispenser d'avance de frais les bénéficiaires de l'assurance maladie qui reçoivent des soins de ville. Le paragraphe I de cet article prévoit les modalités selon lesquelles intervient « le déploiement du mécanisme du tiers payant ». Ces dispositions, qui ont seulement pour objet de fixer des modalités d'organisation du système de santé ainsi que les conditions selon lesquelles est assuré le paiement de la part de la rémunération des professionnels de santé exerçant en ville qui est prise en charge par les régimes obligatoires de base d'assurance maladie, ne portent aucune atteinte à la liberté d'entreprendre de ces professionnels de santé.

(2015-727 DC, 21 janvier 2016, cons. 45 et 49)

Le 4 ° du paragraphe I de l'article L. 6112-2 du code de la santé publique dispose que les établissements de santé assurant le service public hospitalier et les professionnels de santé qui exercent en leur sein garantissent à toute personne qui recourt à leurs services « L'absence de facturation de dépassements des tarifs fixés par l'autorité administrative et des tarifs des honoraires prévus au 1 ° du I de l'article L. 162-14-1 du code de la sécurité sociale ».

D'une part, la création du service public hospitalier a pour objet de garantir aux usagers du système de santé une offre de soins hospitaliers accessible qui assure la qualité et la continuité des soins ainsi que l'égalité de traitement. Ainsi, les dispositions du 4 ° du paragraphe I de l'article L. 6112-1 ont pour objet de garantir que les établissements de santé assurant le service public hospitalier et les professionnels exerçant en leur sein ne facturent pas aux usagers des dépassements des tarifs fixés par l'autorité administrative et des tarifs des honoraires prévus par le code de la sécurité sociale. Par ailleurs, l'exercice d'une activité de soins n'est pas subordonné à la participation au service public hospitalier et il ressort de l'article L. 6112-6 du code de la santé publique qu'il n'est pas tenu compte de l'appartenance au service public hospitalier pour l'application des règles régissant les autorisations d'activités de soins mentionnées au chapitre II du titre II du livre Ier de la sixième partie du code de la santé publique.

D'autre part, selon les dispositions de l'article L. 6112-3, tous les établissements de santé privés peuvent, après avis favorable de la conférence médicale d'établissement, être habilités à assurer le service public hospitalier.

Ainsi, les dispositions contestées n'ont pas pour effet d'empêcher les établissements de santé privés d'être habilités à assurer ce service dès lors qu'il leur est loisible de recruter des médecins ne pratiquant pas au sein de leurs établissements des dépassements des tarifs et des honoraires. Par suite, les dispositions contestées ne portent pas atteinte à la liberté d'entreprendre.

(2015-727 DC, 21 janvier 2016, cons. 52, 55 et 56)

Le 1 ° du paragraphe I de l'article 107 de la loi de modernisation de notre système de santé réécrit les dispositions du chapitre II du titre III du livre Ier de la sixième partie du code de la santé publique, intitulé « Groupements hospitaliers de territoire » et composé des articles L. 6132-1 à L. 6132-7. En particulier, la première phrase du paragraphe I de l'article L. 6132-1 prévoit que chaque établissement public de santé, sauf dérogation tenant à sa spécificité dans l'offre de soins territoriale, est partie à une convention de groupement hospitalier de territoire. La dernière phrase du paragraphe I de l'article L. 6132-2 prévoit que l'approbation de la convention constitutive de groupement hospitalier de territoire par l'agence régionale de santé vaut « confirmation et autorisation de changement de lieu d'implantation des autorisations » d'équipements sanitaires. Les 2 ° et 5 ° de l'article L. 6132-7 confient à un décret en Conseil d'État le soin de déterminer, respectivement, les conditions dans lesquelles est accordée la dérogation prévue par le paragraphe I de l'article L. 6132-1 et les modalités selon lesquelles les modifications des autorisations d'équipements sanitaires sont approuvées par l'agence régionale de santé.

Ces dispositions n'ont ni pour objet ni pour effet de modifier les règles qui s'appliquent aux transferts d'autorisation d'équipement. Elles se bornent à prévoir que l'approbation du changement de lieu d'implantation peut se faire dans le même acte que l'approbation de la convention constitutive du groupement hospitalier de territoire. En prévoyant une telle procédure le législateur n'a porté aucune atteinte à la liberté d'entreprendre des établissements de santé privés.

(2015-727 DC, 21 janvier 2016, cons. 60 et 63)

Conciliation du principe

Avec l'ordre public

Les dispositions de l'article 8 de la loi du 3 avril 1955 relative à l'état d'urgence permettent à l'autorité administrative, dans le cadre de l'état d'urgence et dans la zone couverte par cet état d'urgence, d'ordonner la fermeture provisoire des salles de spectacle, débits de boissons et lieux de réunion de toute nature. Il en résulte une atteinte à la liberté d'entreprendre.

En premier lieu, les mesures de fermeture provisoire et d'interdiction de réunions prévues par les dispositions contestées ne peuvent être prononcées que lorsque l'état d'urgence a été déclaré et uniquement pour des lieux situés dans la zone couverte par cet état d'urgence ou pour des réunions devant s'y tenir. L'état d'urgence ne peut être déclaré, en vertu de l'article 1er de la loi du 3 avril 1955, qu'« en cas de péril imminent résultant d'atteintes graves à l'ordre public » ou « en cas d'événements présentant, par leur nature et leur gravité, le caractère de calamité publique ».

En deuxième lieu, d'une part, tant la mesure de fermeture provisoire des salles de spectacle, débits de boissons et lieux de réunion de toute nature que sa durée doivent être justifiées et proportionnées aux nécessités de la préservation de l'ordre public ayant motivé une telle fermeture, d'autre part, la mesure d'interdiction de réunion doit être justifiée par le fait que cette réunion est « de nature à provoquer ou entretenir le désordre » et proportionnée aux raisons l'ayant motivée. Celles de ces mesures qui présentent un caractère individuel doivent être motivées. Le juge administratif est chargé de s'assurer que chacune de ces mesures est adaptée, nécessaire et proportionnée à la finalité qu'elle poursuit.

En troisième lieu, en vertu de l'article 14 de la loi du 3 avril 1955, les mesures de fermeture provisoire et d'interdiction de réunions prises en application de cette loi cessent au plus tard en même temps que prend fin l'état d'urgence. L'état d'urgence, déclaré par décret en conseil des ministres, doit, au-delà d'un délai de douze jours, être prorogé par une loi qui en fixe la durée. Cette durée ne saurait être excessive au regard du péril imminent ou de la calamité publique ayant conduit à la déclaration de l'état d'urgence. Si le législateur prolonge l'état d'urgence par une nouvelle loi, les mesures de fermeture provisoire et d'interdiction de réunions prises antérieurement ne peuvent être prolongées sans être renouvelées.

Il résulte de ce qui précède que les dispositions contestées opèrent une conciliation qui n'est pas manifestement déséquilibrée entre la liberté d'entreprendre et l'objectif de valeur constitutionnelle de sauvegarde de l'ordre public.

(2016-535 QPC, 19 février 2016, cons. 7 à 9 et 11 à 13)

Avec l'intérêt général

En prévoyant que l'exercice de l'activité de conducteur de taxi est incompatible avec l'exercice de l'activité de conducteur de voiture de transport avec chauffeur, le législateur a entendu, ainsi qu'il ressort des travaux préparatoires de la loi du 1er octobre 2014, d'une part, lutter contre la fraude à l'activité de taxi, notamment dans le secteur du transport de malades et, d'autre part, assurer la pleine exploitation des autorisations de stationnement sur la voie publique. Toutefois, d'une part, l'activité de conducteur de taxi et celle de conducteur de voiture de transport avec chauffeur sont exercées au moyen de véhicules comportant des signes distinctifs et seuls les véhicules sanitaires légers et les taxis peuvent être conventionnés avec les régimes obligatoires d'assurance maladie pour assurer le transport des malades. D'autre part, l'incompatibilité, prévue par la seconde phrase de l'article L. 3121-10 du code des transports, qui ne concerne que les activités de conducteur de taxi et de conducteur de voiture de transport avec chauffeur, ne fait pas obstacle à un cumul entre l'activité de conducteur de taxi et l'activité de conducteur de véhicules motorisés à deux ou trois roues ou celle de conducteur d'ambulance. En outre, cette incompatibilité ne s'applique pas au titulaire d'une autorisation de stationnement sur la voie publique qui n'exerce pas lui-même l'activité de conducteur de taxi. Dans ces conditions, en instituant l'incompatibilité prévue par la seconde phrase de l'article L. 3121-10 du code des transports, le législateur a porté à la liberté d'entreprendre une atteinte qui n'est justifiée ni par les objectifs qu'il s'est assignés ni par aucun autre motif d'intérêt général. Censure.

(2015-516 QPC, 15 janvier 2016, cons. 4 à 7)

Le 5 ° de l'article 178 de la loi de modernisation de notre système de santé modifie l'article L. 1453-1 du code de la santé publique pour renforcer la transparence des liens d'intérêt entre, d'une part, les entreprises produisant ou commercialisant des produits à finalité sanitaire ou cosmétique destinés à l'homme mentionnés au paragraphe II de l'article L. 5311-1 ou les entreprises assurant des prestations associées à ces produits et, d'autre part, les acteurs du secteur de la santé énumérés au paragraphe I de l'article L. 1453-1. Le a) du 5 ° de l'article 178 modifie le paragraphe I de l'article L. 1453-1 pour prévoir que les entreprises sont tenues de rendre publics, sur un site internet public unique, l'objet précis, la date, le bénéficiaire direct, le bénéficiaire final et le montant des conventions conclues avec les acteurs du secteur de la santé. Toutefois, pour les produits cosmétiques, les produits de tatouage et les lentilles oculaires non correctrices, les entreprises sont seulement tenues de rendre publique l'existence de conventions. Pour tous les types de produits à finalité sanitaire ou cosmétique, les conventions ayant pour objet l'achat de biens ou services sont exclues du champ de ces obligations de publicité. Le b) du 5 ° insère, dans l'article L. 1453-1, un nouveau paragraphe I bis, qui prévoit que sont rendues publiques, lorsqu'elles excèdent un seuil fixé par décret, les rémunérations versées aux acteurs du secteur de la santé. En vertu du paragraphe II de l'article L. 1453-1 doivent également être rendus publics les avantages en nature ou en espèces, autres que les rémunérations, versés aux acteurs du secteur de la santé. Le d) du 5 ° de l'article 178 insère, dans l'article L. 1453-1, un nouveau paragraphe II bis qui prévoit que les informations ainsi rendues publiques sont réutilisables à titre gratuit et peuvent donner lieu à un traitement de données.

L'obligation, prévue au premier alinéa du paragraphe I de l'article L. 1453-1, de rendre publics l'objet précis, la date, le bénéficiaire direct, le bénéficiaire final et le montant des conventions est justifiée par l'exigence constitutionnelle de protection de la santé et par l'objectif d'intérêt général de prévention des conflits d'intérêt. Cette obligation exclut de son champ d'application les conventions ayant pour objet l'achat de biens ou services. Ainsi en mettant une telle obligation à la charge des entreprises produisant ou commercialisant des produits à finalité sanitaire destinés à l'homme et des produits à finalité cosmétique et des entreprises assurant des prestations associées à ces produits, le législateur n'a pas porté une atteinte manifestement disproportionnée à la liberté d'entreprendre. Par suite, le grief tiré de la méconnaissance de la liberté d'entreprendre doit être écarté.

(2015-727 DC, 21 janvier 2016, cons. 87 et 90)

En vertu du paragraphe II de l'article 34-2 de la loi du 30 septembre 1986 les distributeurs de services par un réseau autre que satellitaire n'utilisant pas de fréquences assignées par le Conseil supérieur de l'audiovisuel doivent mettre à disposition de leurs abonnés les services d'initiative publique locale destinés aux informations sur la vie locale. Les limites et conditions de cette obligation sont définies par décret. Les coûts de diffusion et de transport depuis le site d'édition sont à la charge du distributeur. En vertu de l'article L. 1426-1 du code général des collectivités territoriales, les collectivités territoriales ou leurs groupements peuvent éditer un service de télévision destiné aux informations sur la vie locale.

Il est loisible au législateur d'apporter à la liberté d'entreprendre et à la liberté contractuelle des limitations liées à des exigences constitutionnelles ou justifiées par l'intérêt général, à la condition qu'il n'en résulte pas d'atteintes disproportionnées au regard de l'objectif poursuivi. Le législateur, en faisant peser sur les distributeurs de services audiovisuels une telle obligation, a entendu garantir le maintien et favoriser le développement de ces services publics locaux. En outre, cette obligation de mise à disposition gratuite ne s'applique qu'aux abonnés situés dans la zone géographique de la collectivité ou du groupement qui édite le service et est limitée au transport et à la diffusion des programmes de ces services sans que soit imposée la réalisation de travaux de raccordement ou de génie civil. Le législateur a, par ailleurs, entendu exclure expressément du champ de cette obligation la numérisation des programmes. Ainsi, l'atteinte portée à la liberté d'entreprendre et à la liberté contractuelle de ces distributeurs de services audiovisuels demeure limitée. Par suite, les dispositions contestées n'ont pas méconnu la liberté d'entreprendre et la liberté contractuelle.

(2015-529 QPC, 23 mars 2016, cons 1, 4 et 7 à 9 ; 2015-529 QPC, 23 mars 2016, cons. 1)

Avec des règles, principes ou objectifs de valeur constitutionnelle

Le 2 ° du paragraphe I de l'article 23 de la loi de modernisation de notre système de santé étend l'interdiction de la publicité en faveur des produits du tabac aux affichettes disposées à l'intérieur des débits de tabac non visibles de l'extérieur. En adoptant ces dispositions, le législateur a entendu éviter que des personnes ne consommant pas de produits du tabac soient exposées à une publicité en faveur de ces produits qui pourrait les inciter à une telle consommation. Il a ainsi poursuivi l'objectif de protection de la santé. Ces dispositions n'interdisent ni la production, ni la distribution, ni la vente du tabac ou des produits du tabac. Dans la mesure où les débits de tabac peuvent également assurer la vente d'autres produits et que leur clientèle comprend des personnes ne consommant pas de produits du tabac, l'interdiction de la publicité en faveur de ces produits dans leurs lieux de vente, qui est en rapport avec l'objectif poursuivi par le législateur, ne porte pas d'atteinte manifestement disproportionnée à la liberté d'entreprendre.

(2015-727 DC, 21 janvier 2016, cons. 8 à 11)

Le paragraphe I de l'article 27 de la loi de modernisation de notre système de santé insère un nouvel article L. 3511-6-1 dans le code de la santé publique, en vertu duquel : « Les unités de conditionnement, les emballages extérieurs et les suremballages des cigarettes et du tabac à rouler, le papier à cigarette et le papier à rouler les cigarettes sont neutres et uniformisés. -- Un décret en Conseil d'État fixe leurs conditions de neutralité et d'uniformisation, notamment de forme, de taille, de texture et de couleur, et les modalités d'inscription des marques et des dénominations commerciales sur ces supports ». En imposant une neutralité et une uniformisation des unités de conditionnement, emballages extérieurs et suremballages des cigarettes et du tabac à rouler ainsi que du papier à cigarette et du papier à rouler les cigarettes, le législateur a entendu priver ces produits d'une forme de publicité susceptible d'en favoriser la consommation, alors qu'il est établi que cette consommation nuit à la santé des personnes. Il a ainsi poursuivi l'objectif de protection de la santé. Ces dispositions n'interdisent ni la production, ni la distribution, ni la vente du tabac ou des produits du tabac. Il n'en résulte aucune atteinte manifestement disproportionnée à la liberté d'entreprendre.

(2015-727 DC, 21 janvier 2016, cons. 13 et 21)

PRINCIPES DE DROIT PÉNAL ET DE PROCÉDURE PÉNALE

Principe de la légalité des délits et des peines

Compétence du législateur

Applications

Absence de méconnaissance de la compétence du législateur

Selon la première phrase du quatrième alinéa du paragraphe I de l'article L. 464-2 du code de commerce, relatif aux sanctions pécuniaires pouvant être infligées par l'Autorité de la concurrence aux personnes responsables de pratiques anticoncurrentielles : « Si le contrevenant n'est pas une entreprise, le montant maximum de la sanction est de 3 millions d'euros ». Le respect du principe de légalité des peines impose au législateur d'indiquer précisément le montant maximum de la peine encourue. En différenciant, pour fixer le montant maximum de la sanction, les contrevenants qui sont constitués sous l'un des statuts ou formes juridiques propres à la poursuite d'un but lucratif et les autres, le législateur s'est référé à des catégories juridiques précises permettant de déterminer la peine encourue avec une certitude suffisant. Le grief tiré de la méconnaissance du principe de légalité des peines doit être écarté.

(2015-510 QPC, 7 janvier 2016, cons. 1, 2, 8 et 9)

D'une part, le paragraphe I de l'article L. 3411-8 du code de la santé publique prévoit que la politique de réduction des risques et des dommages en direction des usagers de drogues vise à prévenir les dommages sanitaires, psychologiques et sociaux, la transmission des infections et la mortalité par surdose liés à la consommation de substances psychoactives ou classées comme stupéfiants. Selon les dispositions du paragraphe II du même article, la mise en œuvre de cette politique permet de délivrer des informations sur les risques et les dommages associés à la consommation de substances psychoactives ou classées comme stupéfiants, d'orienter les usagers de drogues vers les services sociaux et les services de soins généraux ou de soins spécialisés, de promouvoir et distribuer des matériels et produits de santé destinés à la réduction des risques et de promouvoir et superviser les comportements, les gestes et les procédures de prévention des risques, de participer à l'analyse, à la veille et à l'information, à destination des pouvoirs publics et des usagers, sur la composition, sur les usages en matière de transformation et de consommation et sur la dangerosité des substances consommées. Le 4 ° de ce même paragraphe précise que la supervision consiste à mettre en garde les usagers contre les pratiques à risques, à les accompagner et à leur prodiguer des conseils relatifs aux modalités de consommation des substances mentionnées au paragraphe I et qu'elle ne peut comporter aucune participation active aux gestes de consommation.

D'autre part, en vertu du paragraphe III de l'article L. 3411-8, l'intervenant agissant conformément à sa mission de réduction des risques et des dommages ne peut, à ce titre, être déclaré pénalement responsable.

Il résulte de ce qui précède que le législateur a précisément défini les actions pouvant être menées dans le cadre de la politique de réduction des risques et des dommages en direction des usagers de drogues. Par ailleurs, ces actions ne peuvent comporter aucune participation active aux gestes de consommation et seules les personnes agissant dans le cadre de cette politique bénéficient d'une immunité pénale pour les seuls actes qu'elles réalisent à ce titre. De même, ces dispositions n'ont ni pour objet ni pour effet d'introduire d'autres exonérations de responsabilité pénale que celles qui sont nécessaires pour l'accomplissement de la mission ainsi définie. Enfin, le renvoi au décret résultant de l'article L. 3411-10 du code de la santé publique a pour objet de déterminer les modalités pratiques de la politique de réduction des risques et des dommages en direction des usagers de drogues et ne saurait modifier le champ des actions pouvant être menées dans le cadre de cette politique. Ainsi, en adoptant les dispositions contestées, le législateur a défini en des termes suffisamment clairs et précis le champ d'application de l'immunité qu'il a instaurée. Les dispositions ne sont pas entachées d'incompétence négative.

(2015-727 DC, 21 janvier 2016, cons. 28 à 30)

Selon les dispositions contrôlées, dans les salles de consommation à moindre risque, les personnes majeures consommant des substances psychoactives ou classées comme stupéfiants qui souhaitent bénéficier de conseils en réduction de risques sont autorisées à détenir les produits destinés à leur consommation personnelle et à les consommer sur place. Cette consommation doit toutefois intervenir dans le respect du cahier des charges national arrêté par le ministre chargé de la santé et sous la supervision d'une équipe pluridisciplinaire comprenant des professionnels de santé et du secteur médico-social. Dès lors qu'elles respectent ces conditions, les personnes détenant pour leur usage personnel et consommant des stupéfiants à l'intérieur d'une salle de consommation ne peuvent être poursuivies pour usage et détention illicites de stupéfiants. Les professionnels de santé intervenant à l'intérieur de ces salles ne peuvent, dès lors qu'ils agissent conformément à leur mission de supervision, être poursuivis pour complicité d'usage illicite de stupéfiants et pour facilitation de l'usage illicite de stupéfiants.

Le législateur a précisément délimité le champ de l'immunité qu'il a instaurée en réservant celle-ci à des infractions limitativement énumérées et en précisant dans quelles conditions les personnes se trouvant à l'intérieur des salles de consommation pouvaient en bénéficier. Les dispositions ne méconnaissent pas le principe de légalité des délits et des peines.

(2015-727 DC, 21 janvier 2016, cons. 37 et 38)

Le 5 ° de l'article 178 de la loi de modernisation de notre système de santé modifie l'article L. 1453-1 du code de la santé publique pour renforcer la transparence des liens d'intérêt entre, d'une part, les entreprises produisant ou commercialisant des produits à finalité sanitaire ou cosmétique destinés à l'homme mentionnés au paragraphe II de l'article L. 5311-1 ou les entreprises assurant des prestations associées à ces produits et, d'autre part, les acteurs du secteur de la santé énumérés au paragraphe I de l'article L. 1453-1. Les dispositions du 5 ° de l'article 178 ne créent aucune incrimination. Par suite, le grief tiré de la méconnaissance du principe de légalité des délits et des peines doit être écarté.

(2015-727 DC, 21 janvier 2016, cons. 87 et 89)

Principes de nécessité et de proportionnalité

Principe Non bis in idem

En vertu du premier alinéa de l'article L. 465-1 du code monétaire et financier dans sa rédaction contestée, l'auteur d'un délit d'initié peut être puni d'une peine de deux ans d'emprisonnement et d'une amende de 1 500 000 euros qui peut être portée au décuple du montant du profit éventuellement réalisé. Par ailleurs, en vertu des articles 131-38 et 131-39 du code pénal et L. 465-3 du code monétaire et financier, s'il s'agit d'une personne morale, le taux maximum de l'amende est égal au quintuple de celui prévu par l'article L. 465-1 et le juge pénal peut, sous certaines conditions, prononcer la dissolution de celle-ci. En vertu du c) du paragraphe III de l'article L. 621-15, l'auteur d'un manquement d'initié, qu'il soit ou non soumis à certaines obligations professionnelles définies par les lois, règlements et règles professionnelles approuvées par l'Autorité des marchés financiers, encourt une sanction pécuniaire de 1 500 000 euros, qui peut être portée au décuple du montant des profits éventuellement réalisés

Ainsi, d'une part, les sanctions pécuniaires pouvant être prononcées par la commission des sanctions de l'Autorité des marchés financiers pour le manquement d'initié à l'encontre d'une personne physique sont identiques à celles encourues devant la juridiction pénale pour le délit d'initié tandis que le juge pénal peut condamner l'auteur d'un délit d'initié à une peine d'emprisonnement lorsqu'il s'agit d'une personne physique. D'autre part, lorsque l'auteur d'un délit d'initié est une personne morale, le juge pénal peut prononcer sa dissolution et une amende cinq fois supérieure à celle pouvant être prononcée par la commission des sanctions de l'Autorité des marchés financiers. Il résulte de ce qui précède que les faits prévus et réprimés par les articles précités doivent être regardés comme susceptibles de faire l'objet de sanctions de nature différente. Absence de méconnaissance du principe de nécessité des délits et des peines.

(2015-513/514/526 QPC, 14 janvier 2016, cons. 12)

Présomption d'innocence

Principe de l'interdiction des présomptions de culpabilité en matière répressive

En vertu de l'article L. 562-1 du code monétaire et financier, le ministre chargé de l'économie peut décider le gel de tout ou partie des fonds, instruments financiers et ressources économiques détenus auprès des organismes et personnes mentionnés à l'article L. 561-2 du même code, soit notamment les établissements du secteur bancaire et les établissements de paiement régis par ce code, dès lors que ces fonds, instruments et ressources appartiennent soit à des personnes physiques ou morales qui commettent ou tentent de commettre des actes de terrorisme, les facilitent ou y participent, soit à des personnes morales détenues par ces personnes physiques ou contrôlées par elles. En vertu de l'article L. 562-2 du code monétaire et financier, le ministre chargé de l'économie peut également, en application des résolutions adoptées dans le cadre du chapitre VII de la Charte des Nations unies ou des actes pris en application de l'article 15 du traité sur l'Union européenne, décider d'une mesure de gel similaire des fonds, instruments financiers et ressources économiques appartenant soit à des personnes physiques ou morales qui ont commis, commettent ou, de par leurs fonctions, sont susceptibles de commettre des actes sanctionnés ou prohibés par ces résolutions ou ces actes, les facilitent ou y participent soit à des personnes morales détenues ou contrôlées par ces personnes physiques.

Ces dispositions n'ont ni pour objet ni pour effet d'instaurer une présomption de culpabilité. Par suite, pas de méconnaissance de la présomption d'innocence.

(2015-524 QPC, 2 mars 2016, cons. 6, 7 et 13)

Égalité

ÉGALITÉ DEVANT LA LOI

Respect du principe d'égalité : absence de discrimination injustifiée

Droit social

Les dispositions du 4 ° du paragraphe I de l'article L. 6112-2 du code de la santé publique qui prévoient l'absence de facturation de dépassements des tarifs de remboursement s'appliquent identiquement à tous les établissements de santé publics ou privés assurant le service public hospitalier et aux professionnels de santé exerçant en leur sein. Par suite, le grief tiré de l'atteinte au principe d'égalité doit être écarté.

(2015-727 DC, 21 janvier 2016, cons. 55 et 57)

Droit du travail et droit syndical

Le 6 ° de l'article L. 2151-1 du code du travail prévoit que pour apprécier la représentativité des organisations professionnelles d'employeurs, il est tenu compte de leur audience, laquelle se mesure en fonction du nombre des entreprises adhérentes à ces organisations. En vertu du 3 ° de l'article L. 2152-1 et du 3 ° de l'article L. 2152-4, pour être représentatives au niveau de la branche ou au niveau national et interprofessionnel, ces organisations doivent représenter au moins 8 % de l'ensemble des entreprises adhérant à des organisations professionnelles dans le champ d'activité considéré. En prévoyant que l'audience d'une organisation professionnelle d'employeurs se mesure en fonction du nombre des entreprises adhérentes à cette organisation, le législateur a traité de la même manière l'ensemble des entreprises. Pas de méconnaissance du principe d'égalité devant la loi.

(2015-519 QPC, 3 février 2016, cons. 7 et 14)

Respect du principe d'égalité : différence de traitement justifiée par une différence de situation

Droit pénal et procédure pénale

D'une part, le paragraphe I de l'article L. 3411-8 du code de la santé publique prévoit que la politique de réduction des risques et des dommages en direction des usagers de drogues vise à prévenir les dommages sanitaires, psychologiques et sociaux, la transmission des infections et la mortalité par surdose liés à la consommation de substances psychoactives ou classées comme stupéfiants. Selon les dispositions du paragraphe II du même article, la mise en œuvre de cette politique permet de délivrer des informations sur les risques et les dommages associés à la consommation de substances psychoactives ou classées comme stupéfiants, d'orienter les usagers de drogues vers les services sociaux et les services de soins généraux ou de soins spécialisés, de promouvoir et distribuer des matériels et produits de santé destinés à la réduction des risques et de promouvoir et superviser les comportements, les gestes et les procédures de prévention des risques, de participer à l'analyse, à la veille et à l'information, à destination des pouvoirs publics et des usagers, sur la composition, sur les usages en matière de transformation et de consommation et sur la dangerosité des substances consommées. Le 4 ° de ce même paragraphe précise que la supervision consiste à mettre en garde les usagers contre les pratiques à risques, à les accompagner et à leur prodiguer des conseils relatifs aux modalités de consommation des substances mentionnées au paragraphe I et qu'elle ne peut comporter aucune participation active aux gestes de consommation.

D'autre part, en vertu du paragraphe III de l'article L. 3411-8, l'intervenant agissant conformément à sa mission de réduction des risques et des dommages ne peut, à ce titre, être déclaré pénalement responsable.

Il résulte de ce qui précède que le législateur a précisément défini les actions pouvant être menées dans le cadre de la politique de réduction des risques et des dommages en direction des usagers de drogues. Par ailleurs, ces actions ne peuvent comporter aucune participation active aux gestes de consommation et seules les personnes agissant dans le cadre de cette politique bénéficient d'une immunité pénale pour les seuls actes qu'elles réalisent à ce titre. De même, ces dispositions n'ont ni pour objet ni pour effet d'introduire d'autres exonérations de responsabilité pénale que celles qui sont nécessaires pour l'accomplissement de la mission ainsi définie. Enfin, le renvoi au décret résultant de l'article L. 3411-10 du code de la santé publique a pour objet de déterminer les modalités pratiques de la politique de réduction des risques et des dommages en direction des usagers de drogues et ne saurait modifier le champ des actions pouvant être menées dans le cadre de cette politique. Eu égard au périmètre de cette immunité et à l'objectif que s'est fixé le législateur, la différence de traitement qui en résulte ne méconnaît pas le principe d'égalité devant la loi pénale.

(2015-727 DC, 21 janvier 2016, cons. 28 à 30)

Selon les dispositions contrôlées, dans les salles de consommation à moindre risque, les personnes majeures consommant des substances psychoactives ou classées comme stupéfiants qui souhaitent bénéficier de conseils en réduction de risques sont autorisées à détenir les produits destinés à leur consommation personnelle et à les consommer sur place. Cette consommation doit toutefois intervenir dans le respect du cahier des charges national arrêté par le ministre chargé de la santé et sous la supervision d'une équipe pluridisciplinaire comprenant des professionnels de santé et du secteur médico-social. Dès lors qu'elles respectent ces conditions, les personnes détenant pour leur usage personnel et consommant des stupéfiants à l'intérieur d'une salle de consommation ne peuvent être poursuivies pour usage et détention illicites de stupéfiants. Les professionnels de santé intervenant à l'intérieur de ces salles ne peuvent, dès lors qu'ils agissent conformément à leur mission de supervision, être poursuivis pour complicité d'usage illicite de stupéfiants et pour facilitation de l'usage illicite de stupéfiants.

D'une part, la création des salles de consommation à moindre risque a pour objet de réduire les risques sanitaires liés à la consommation de substances psychoactives ou stupéfiantes, d'inciter les usagers de drogues à s'orienter vers des modes de consommation à moindre risque et de les mener vers des traitements de substitution ou de sevrage et le législateur a précisément délimité le champ de l'immunité qu'il a instaurée en réservant celle-ci à des infractions limitativement énumérées et en précisant dans quelles conditions les personnes se trouvant à l'intérieur des salles de consommation pouvaient en bénéficier. D'autre part, en limitant le bénéfice de l'immunité aux personnes se trouvant à l'intérieur de ces salles, il a entendu inciter les usagers à s'y rendre afin de favoriser la politique poursuivie de réduction des risques et des dommages. Il s'ensuit qu'en adoptant les dispositions contestées le législateur a instauré une différence de traitement en rapport avec l'objet de la loi. Les dispositions ne méconnaissent pas le principe d'égalité devant la loi pénale.

(2015-727 DC, 21 janvier 2016, cons. 33, 37 et 38)

Création d'un délit spécifique

D'une part, la négation de faits qualifiés de crime contre l'humanité par une décision d'une juridiction française ou internationale reconnue par la France se différencie de la négation de faits qualifiés de crime contre l'humanité par une juridiction autre ou par la loi. D'autre part, la négation des crimes contre l'humanité commis durant la seconde guerre mondiale, en partie sur le territoire national, a par elle-même une portée raciste et antisémite. Par suite, en réprimant pénalement la seule contestation des crimes contre l'humanité commis soit par les membres d'une organisation déclarée criminelle en application de l'article 9 du statut du tribunal militaire international de Nuremberg, soit par une personne reconnue coupable de tels crimes par une juridiction française ou internationale, le législateur a traité différemment des agissements de nature différente. Cette différence de traitement est en rapport avec l'objet de la loi, ayant institué les dispositions contestées, qui vise à réprimer des actes racistes, antisémites ou xénophobes. Pas d'atteinte au principe d'égalité devant la loi pénale.

(2015-512 QPC, 8 janvier 2016, cons. 10)

Droit économique

Sanctions pécuniaires pour pratiques anticoncurrentielles

Selon la première phrase du quatrième alinéa du paragraphe I de l'article L. 464-2 du code de commerce, relatif aux sanctions pécuniaires pouvant être infligées par l'Autorité de la concurrence aux personnes responsables de pratiques anticoncurrentielles : « Si le contrevenant n'est pas une entreprise, le montant maximum de la sanction est de 3 millions d'euros ». En instituant une sanction pécuniaire destinée à réprimer les pratiques anticoncurrentielles, le législateur a poursuivi l'objectif de préservation de l'ordre public économique. Un tel objectif implique que le montant des sanctions fixées par la loi soit suffisamment dissuasif pour remplir la fonction de prévention des infractions assignée à la punition. Au stade de la détermination du montant de la sanction pécuniaire infligée et pour son individualisation, le législateur a, en se référant à la notion d'entreprise, entendu distinguer les personnes condamnées en fonction de la nature de leurs facultés contributives respectives. Il a ainsi fixé un montant maximum de la sanction pécuniaire proportionné au montant du chiffre d'affaires pour celles qui sont constituées selon l'un des statuts ou formes juridiques propres à la poursuite d'un but lucratif et fixé en valeur absolue le montant de ladite sanction pour les autres contrevenants. La différence de traitement résultant des dispositions contestées est en rapport direct avec l'objet de la loi qui l'établit. Le grief tiré de la méconnaissance du principe d'égalité doit être écarté.

(2015-510 QPC, 7 janvier 2016, cons. 1, 2 et 5 à 7)

Droit de la santé

Le 1 ° du paragraphe I de l'article 107 de la loi de modernisation de notre système de santé réécrit les dispositions du chapitre II du titre III du livre Ier de la sixième partie du code de la santé publique, intitulé « Groupements hospitaliers de territoire » et composé des articles L. 6132-1 à L. 6132-7. En particulier, la première phrase du paragraphe I de l'article L. 6132-1 prévoit que chaque établissement public de santé, sauf dérogation tenant à sa spécificité dans l'offre de soins territoriale, est partie à une convention de groupement hospitalier de territoire. La dernière phrase du paragraphe I de l'article L. 6132-2 prévoit que l'approbation de la convention constitutive de groupement hospitalier de territoire par l'agence régionale de santé vaut « confirmation et autorisation de changement de lieu d'implantation des autorisations » d'équipements sanitaires. Les 2 ° et 5 ° de l'article L. 6132-7 confient à un décret en Conseil d'État le soin de déterminer, respectivement, les conditions dans lesquelles est accordée la dérogation prévue par le paragraphe I de l'article L. 6132-1 et les modalités selon lesquelles les modifications des autorisations d'équipements sanitaires sont approuvées par l'agence régionale de santé.

Les établissements de santé ne se trouvent pas, au regard des transferts d'autorisation d'équipements sanitaires, dans la même situation selon qu'ils appartiennent ou non à un groupement hospitalier de territoire, lequel a vocation à assurer la coordination et la rationalisation de l'offre de soins entre les établissements publics de santé d'un même territoire. La différence de traitement qui résulte des dispositions de la dernière phrase du paragraphe I de l'article L. 6132-2 est en rapport avec l'objet de la loi. Le grief tiré de la méconnaissance du principe d'égalité doit être écarté.

(2015-727 DC, 21 janvier 2016, cons. 60 et 62)

Violation du principe d'égalité

Étrangers

L'article 13 de la loi du 31 juillet 1963 crée un régime d'indemnisation des personnes de nationalité française victimes de dommages physiques subis en Algérie entre le 31 octobre 1954 et le 29 septembre 1962 du fait d'attentat ou de tout autre acte de violence, ainsi que de leurs ayants droit. Poursuivant un objectif de solidarité nationale, le législateur a ainsi entendu garantir le paiement de rentes aux personnes ayant souffert de préjudices résultant de ces dommages ou à leurs ayants droit. Au regard de l'objet de la loi, ces personnes ne sont pas dans une situation différente selon qu'elles possédaient ou non la nationalité française à la date de promulgation de la loi créant le régime d'indemnisation, dès lors qu'elles satisfont aux autres conditions posées par le législateur. En réservant le bénéfice de l'indemnisation aux personnes de nationalité française à la date de promulgation de cette loi, les dispositions contestées instaurent une différence de traitement qui n'est justifiée ni par une différence de situation ni par l'objectif de solidarité nationale poursuivi par le législateur. Par suite, les dispositions contestées méconnaissent le principe d'égalité devant la loi.

(2015-530 QPC, 23 mars 2016, cons. 5)

Droit du travail

En vertu des dispositions du deuxième alinéa de l'article L. 3141-26 du code du travail, le salarié licencié pour faute lourde est privé de l'indemnité compensatrice de congé payé. Toutefois, cette règle ne s'applique pas lorsque l'employeur est tenu d'adhérer à une caisse de congés. L'article L. 3141-30 du même code prévoit que des décrets déterminent les professions pour lesquelles l'application des dispositions relatives aux congés payés prend la forme d'une adhésion de l'employeur à une caisse de congés et que ces dispositions concernent en particulier les salariés qui ne sont pas habituellement occupés de façon continue chez un même employeur au cours de la période reconnue par l'employeur pour l'appréciation du droit au congé.

Les salariés qui n'ont pas encore bénéficié de l'ensemble des droits à congé qu'ils ont acquis lorsqu'ils sont licenciés se trouvent placés, au regard du droit à congé, dans la même situation. Par suite, en prévoyant qu'un salarié ayant travaillé pour un employeur affilié à une caisse de congés conserve son droit à indemnité compensatrice de congé payé en cas de licenciement pour faute lourde, alors que tout autre salarié licencié pour faute lourde est privé de ce droit, le législateur a traité différemment des personnes se trouvant dans la même situation.

Il résulte des travaux parlementaires que, d'une part, en adoptant les dispositions contestées, le législateur a entendu prendre en compte la gravité de la faute ayant justifié le licenciement et que, d'autre part, en adoptant les dispositions des articles L. 3141-28 et L. 3141-30, le législateur a entendu régler de façon spécifique le régime de gestion des droits à congé payé des salariés exerçant une activité discontinue chez une pluralité d'employeurs afin de garantir l'effectivité de leur droit à congé.

La différence de traitement entre les salariés licenciés pour faute lourde selon qu'ils travaillent ou non pour un employeur affilié à une caisse de congés est sans rapport tant avec l'objet de la législation relative aux caisses de congés qu'avec l'objet de la législation relative à la privation de l'indemnité compensatrice de congé payé. Par suite, les dispositions contestées méconnaissent le principe d'égalité devant la loi. Censure.

(2015-523 QPC, 2 mars 2016, cons. 5 à 9)

ÉGALITÉ DEVANT LES CHARGES PUBLIQUES

Champ d'application du principe

Égalité en matière d'impositions de toutes natures

Imposition des plus-values mobilières

En vertu du 2 de l'article 200 A du code général des impôts, dans ses rédactions applicables aux revenus perçus jusqu'au 31 décembre 2012, les plus-values réalisées lors de la cession à titre onéreux de valeurs mobilières et de droits sociaux ainsi que les compléments de prix y afférents, visés respectivement aux 1 et 2 du paragraphe I de l'article 150-0 A du même code, étaient soumis à l'impôt sur le revenu à un taux forfaitaire. En vertu du 2 de l'article 200 A, dans sa rédaction applicable aux revenus perçus à compter du 1er janvier 2013, lesdits plus-values et compléments de prix sont pris en compte pour la détermination du revenu net global soumis au barème progressif de l'impôt sur le revenu. Le deuxième alinéa du 1 de l'article 150-0 D prévoit cependant que ces plus-values sont réduites d'un abattement pour durée de détention déterminé dans les conditions prévues, selon le cas, au 1 ter ou au 1 quater du même article. Le troisième alinéa de ce même 1 prévoit que le complément de prix est lui-même réduit de l'abattement prévu au deuxième alinéa du 1 de cet article « et appliqué lors de cette cession ».

En adoptant les dispositions contestées, le législateur a entendu assurer qu'en toute hypothèse la durée de détention ouvrant droit à abattement soit appréciée à la date de la cession des titres. Ainsi, en excluant du bénéfice de l'abattement pour durée de détention les compléments de prix lorsque, à la date de la cession des titres, la condition de durée de détention n'était pas satisfaite, le législateur a retenu un critère objectif et rationnel en rapport avec l'objet de la loi. Toutefois, les dispositions contestées ne sauraient, sans créer de rupture caractérisée de l'égalité devant les charges publiques, avoir pour effet de faire obstacle à l'application de l'abattement pour durée de détention lorsque, à la date de la cession des titres, la condition de durée de détention était satisfaite, soit que cette cession a été réalisée avant le 1er janvier 2013, soit qu'elle n'a pas dégagé de plus-value. Sous cette réserve, le grief tiré de la méconnaissance du principe d'égalité devant les charges publiques doit être écarté.

(2015-515 QPC, 14 janvier 2016, cons. 1 à 3 et 10 à 12)

Impôt sur les bénéfices (des sociétés)

L'article 145 du code général des impôts détermine les conditions requises pour bénéficier de l'exonération d'impôt sur les sociétés prévue, en faveur des sociétés mères, par l'article 216 du même code. Le 6 de l'article 145 énumère les cas dans lesquels les produits des titres de participation versés par une filiale à sa société mère sont exclus du bénéfice du régime des sociétés mères. Aux termes du b ter de ce 6, dans sa rédaction issue de la loi du 30 décembre 1992, ce régime fiscal n'est pas applicable : « Aux produits des titres auxquels ne sont pas attachés des droits de vote ». Il ressort de la jurisprudence constante du Conseil d'État que l'exclusion, instituée par les dispositions contestées, de la déduction du bénéfice net total de la société mère des produits des titres de participation auxquels aucun droit de vote n'est attaché est seulement applicable aux produits des titres de participation de sociétés établies en France ou dans des États autres que les États membres de l'Union européenne.

Il résulte des dispositions contestées, telles qu'interprétées par une jurisprudence constante, une différence de traitement entre sociétés bénéficiant du régime fiscal des sociétés mères selon que les produits des titres de participation auxquels ne sont pas attachés de droits de vote sont versés soit par une filiale établie en France ou dans un État autre qu'un État membre de l'Union européenne soit, à l'inverse, par une filiale établie dans un État membre de l'Union européenne. Ces sociétés se trouvent, au regard de l'objet de ce régime fiscal, dans la même situation. L'exclusion de l'application des dispositions contestées aux produits des titres de participation de filiales établies dans un État membre de l'Union européenne autre que la France tire les conséquences nécessaires des dispositions précises et inconditionnelles de la directive n° 90/435/CE et ne met en cause aucune règle ni aucun principe inhérent à l'identité constitutionnelle de la France. En revanche, l'application des dispositions contestées aux produits des titres de participation de filiales établies en France ou dans un État non membre de l'Union européenne ne procède pas de la transposition de la directive n° 90/435/CE. En édictant une condition relative aux droits de vote attachés aux titres des filiales pour pouvoir bénéficier du régime fiscal des sociétés mères, le législateur a entendu favoriser l'implication des sociétés mères dans le développement économique de leurs filiales. La différence de traitement entre les produits de titres de filiales, qui repose sur la localisation géographique de ces filiales, est sans rapport avec un tel objectif. Il en résulte une méconnaissance des principes d'égalité devant la loi et devant les charges publiques. Censure.

(2015-520 QPC, 3 février 2016, cons. 2, 4 et 6 à 10)

Égalité en dehors des impositions de toutes natures

Service public

Si l'article 13 de la Déclaration de 1789 n'interdit pas de faire supporter, pour un motif d'intérêt général, à certaines catégories de personnes des charges particulières, toutefois, il ne doit pas en résulter de rupture caractérisée de l'égalité devant les charges publiques. L'obligation, instituée par les dispositions du paragraphe II de l'article 34-2 de la loi du 30 septembre 1986 en vertu duquel les distributeurs de services par un réseau autre que satellitaire n'utilisant pas de fréquences assignées par le Conseil supérieur de l'audiovisuel doivent mettre à disposition en faveur de leurs abonnés les services d'initiative publique locale destinés aux informations sur la vie locale, poursuit un objectif d'intérêt général. Par suite, il ne résulte de cette obligation en faveur d'un service public aucune rupture caractérisée de l'égalité devant les charges publiques.

(2015-529 QPC, 23 mars 2016, cons. 11 à 13 ; 2015-529 QPC, 23 mars 2016, cons. 1 et 11 à 13)

Droit social

Aux termes du deuxième alinéa de l'article L. 4231-1 du code du travail, lorsque des salariés d'un cocontractant ou d'une entreprise sous-traitante directe ou indirecte sont soumis à des conditions d'hébergement collectif incompatibles avec la dignité humaine, à défaut de régularisation de la situation signalée, le maître d'ouvrage ou le donneur d'ordre est tenu de prendre à sa charge l'hébergement collectif de ces salariés du cocontractant ou du sous-traitant.

Indépendamment de la mise en œuvre par l'administration des pouvoirs d'injonction, de fermeture des lieux d'hébergement collectif qui ne satisfont pas aux prescriptions légales ou réglementaires applicables et de relogement des occupants par voie de réquisition en application de la loi du 27 juin 1973, l'obligation pour le maître d'ouvrage ou le donneur d'ordre de prendre en charge l'hébergement collectif des salariés soumis par son cocontractant ou par une entreprise sous-traitante à des conditions d'hébergement collectif incompatibles avec la dignité humaine, fait supporter aux personnes tenues à cette obligation une charge particulière. Cette charge, instituée dans le cadre de relations contractuelles directes ou indirectes, vise à améliorer les conditions de vie des salariés exposés à un hébergement collectif incompatible avec la dignité humaine.

En premier lieu, la mise en œuvre de la responsabilité du maître d'ouvrage ou du donneur d'ordre est nécessairement subordonnée au constat par les agents de contrôle compétents d'une infraction aux dispositions de l'article 225-14 du code pénal imputable à l'un de ses cocontractants ou d'une entreprise sous-traitante directe ou indirecte. Les salariés victimes de cette infraction et restant soumis à des conditions d'hébergement indignes sont employés à l'exécution d'un contrat visant à la production de biens ou à la fourniture de services pour le compte du donneur d'ordre et destinés au maître d'ouvrage.

En deuxième lieu, l'agent de contrôle qui a constaté l'infraction notifie cette situation au maître d'ouvrage ou au donneur d'ordre, en désignant les salariés victimes, le cocontractant ou l'entreprise sous-traitante en cause et en décrivant les conditions d'hébergement estimées incompatibles avec la dignité humaine, en lui impartissant de les faire cesser dans un délai compatible avec la situation d'urgence constatée ; que le destinataire de la notification peut contester l'engagement de sa responsabilité devant la juridiction compétente. Il a la faculté d'agir auprès de son cocontractant ou de l'entreprise sous-traitante, par les moyens contractuels dont il dispose, aux fins de régularisation.

En troisième lieu, les frais et préjudices engendrés par la prise en charge de l'hébergement collectif des salariés dans des conditions conformes à la réglementation applicable, par le maître d'ouvrage ou le donneur d'ordre, en raison de la défaillance de leur cocontractant ou sous-traitant, peuvent donner lieu aux procédures de recouvrement de droit commun à l'égard de l'entreprise débitrice de l'obligation principale d'hébergement. Toutefois, le principe de responsabilité serait méconnu si les dispositions déférées imposaient au maître d'ouvrage ou au donneur d'ordre une obligation de prise en charge de l'hébergement collectif des salariés autres que ceux qui sont employés à l'exécution du contrat direct ou de sous-traitance et pendant une durée excédant celle de l'exécution dudit contrat.

Dans les conditions décrites ci-dessus et compte tenu des réserves énoncées, il ne résulte pas de l'obligation instituée par les dispositions contestées une rupture caractérisée de l'égalité devant les charges publiques.

(2015-517 QPC, 22 janvier 2016, cons. 1, 11 à 14 et 16 à 18)

Contrôle du principe -- Conditions du contrôle

Cadre d'appréciation du principe

Le Conseil constitutionnel considère que des griefs tirés de la rupture d'égalité devant les charges publiques et de la méconnaissance du droit de propriété, dirigés contre une disposition législative instituant une sujétion hors du champ de la législation fiscale, sont alternatifs. Il recherche ainsi la coloration principale de la sujétion en cause et opère un contrôle soit au regard des exigences de l'article 13 de la Déclaration de 1789 soit au regard des exigences de ses articles 2 et 17. Dans la présente décision, la sujétion a été confrontée aux exigences de l'article 13.

(2015-529 QPC, 23 mars 2016, cons. 10 à 13)

Droit international et droit de l'Union Européenne

TRAITÉS ET ACCORDS INTERNATIONAUX EN VIGUEUR

Compétence du Conseil constitutionnel

Incompétence de principe du Conseil constitutionnel pour contrôler la conventionnalité des lois

Il n'appartient pas au Conseil constitutionnel, lorsqu'il est saisi en application de l'article 61 de la Constitution, d'examiner la conformité d'une loi aux stipulations d'un traité ou d'un accord international.

(2015-727 DC, 21 janvier 2016, cons. 31 et 39)

QUESTIONS PROPRES AU DROIT COMMUNAUTAIRE OU DE L'UNION EUROPÉENNE

Lois de transposition des directives communautaires ou de l'Union européenne

Contrôle de l'exigence de bonne transposition

Applications

Absence d'incompatibilité manifeste

Le paragraphe I de l'article 22 de la loi de modernisation de notre système de santé modifie le chapitre Ier du titre Ier du livre V de la troisième partie du code de la santé publique, consacré à la lutte contre le tabagisme, afin d'y introduire un nouvel article L. 3511-2-3 relatif à l'interdiction de la vente, de la distribution ou de l'offre à titre gratuit de cigarettes et de tabac à rouler contenant des arômes, ou dont un composant contient des arômes, ou contenant tout dispositif technique modifiant l'odeur, le goût ou l'intensité de combustion, ou comprenant certains additifs. Le paragraphe II de l'article 22 prévoit une entrée en vigueur des dispositions de son paragraphe I à compter du 20 mai 2016, à l'exception des dispositions du 1 ° de l'article L. 3511-2-3 interdisant la vente, la distribution ou l'offre à titre gratuit de cigarettes et de tabac à rouler contenant des arômes, dont l'entrée en vigueur est fixée au 20 mai 2020 pour les produits du tabac contenant un arôme clairement identifiable dont le volume des ventes représente, au sein de l'Union européenne, à la date du 20 mai 2016, au moins 3 % d'une catégorie de produits du tabac déterminée.

La directive 2014/40/UE prévoit au 1 de son article 7 l'interdiction de « la mise sur le marché de produits du tabac contenant un arôme caractérisant » et au 7 du même article l'interdiction de « la mise sur le marché de produits du tabac contenant des arômes dans l'un de leurs composants tels que les filtres, le papier, le conditionnement et les capsules, ou tout dispositif technique permettant de modifier l'odeur ou le goût des produits du tabac concernés ou leur intensité de combustion ». En vertu du 1 de son article 29, la directive s'applique à compter du 20 mai 2016. Toutefois, le 14 de l'article 7 de la directive prévoit, par dérogation, qu'« en ce qui concerne les produits du tabac contenant un arôme caractérisant particulier, dont le volume des ventes à l'échelle de l'Union représente 3 % ou plus dans une catégorie de produits déterminée, les dispositions du présent article s'appliquent à compter du 20 mai 2020 ». Les dispositions contestées du paragraphe II de l'article 22, en prévoyant une entrée en vigueur le 20 mai 2020 des seules dispositions du 1 ° de l'article L. 3511-2-3 du code de la santé publique pour les produits du tabac contenant un arôme clairement identifiable dont le volume des ventes représente, au sein de l'Union européenne, à la date du 20 mai 2016, au moins 3 % d'une catégorie de produits du tabac déterminée, ont retenu une règle d'entrée en vigueur dérogatoire qui n'est pas manifestement incompatible avec la directive que la loi a pour objet de transposer. Par suite, les dispositions contestées du paragraphe II de l'article 22 ne méconnaissent pas l'article 88-1 de la Constitution.

(2015-727 DC, 21 janvier 2016, cons. 2 à 7)

Élections

PRINCIPES DU DROIT ÉLECTORAL

Droits et libertés de l'électeur

Égalité entre électeurs

Principe d'équilibre démographique

Élection aux conseils des établissements publics de coopération entre collectivités

Dès lors que des établissements publics de coopération entre les collectivités territoriales exercent aux lieu et place de celles-ci des compétences qui leur sont dévolues, leurs organes délibérants doivent être élus sur des bases essentiellement démographiques. S'il s'ensuit que la répartition des sièges doit respecter un principe général de proportionnalité par rapport à la population de chaque collectivité territoriale membre de l'établissement public de coopération, il peut être toutefois tenu compte, dans une mesure limitée, d'autres considérations d'intérêt général.

Les dispositions du 4 ° bis du paragraphe IV de l'article L. 5211-6-1 du code général des collectivités territoriales prévoient l'attribution de plein droit de sièges supplémentaires, répartis à la représentation proportionnelle à la plus forte moyenne entre les communes de la métropole d'Aix-Marseille-Provence qui ont bénéficié de la répartition des sièges en vertu des dispositions du 1 ° du paragraphe IV de l'article L. 5211-6-1 du code général des collectivités territoriales. Elles fixent le nombre de sièges supplémentaires ainsi répartis à 20 % du total des sièges précédemment répartis en vertu des dispositions des 1 ° à 4 ° du paragraphe IV de l'article L. 5211-6-1.

Ainsi qu'il ressort des travaux préparatoires de la loi du 27 janvier 2014, le législateur a entendu, en instituant cette règle complémentaire réservée à la métropole d'Aix-Marseille-Provence, réduire les écarts de représentation entre les communes les plus peuplées et les autres communes de cette métropole, lesquels résultent des écarts démographiques particulièrement prononcés entre les communes membres de cette métropole et de l'application de la règle fixée par le 2 ° du paragraphe IV à un nombre important de communes peu peuplées. En attribuant des sièges supplémentaires à la représentation proportionnelle à la plus forte moyenne aux communes qui se sont vues allouer des sièges lors de la première répartition selon la même règle, le législateur a permis que la représentation des communes les plus peuplées de la métropole se rapproche de la représentation moyenne de l'ensemble des communes de la métropole. L'attribution de ces sièges a pour effet de réduire substantiellement l'écart entre le rapport du nombre de membres de l'organe délibérant alloués à une commune et sa population et le rapport du nombre total de membres de l'organe délibérant et la population de la métropole. Si, dans le même temps, cette attribution a pour conséquence d'accroître « l'écart à la moyenne » pour certaines communes, ces dernières ne représentent qu'une faible part de l'ensemble des communes et de l'ensemble de la population de la métropole. Il s'ensuit que les dispositions du 4 ° bis du paragraphe IV de l'article L. 5211-6-1 du code général des collectivités territoriales, qui ont pour effet d'améliorer la représentativité des membres de l'organe délibérant de la métropole d'Aix-Marseille-Provence, ne méconnaissent pas le principe d'égalité devant le suffrage.

(2015-521/528 QPC, 19 février 2016, cons. 7 à 11)

Parlement

(Voir aussi : DROIT INTERNATIONAL ET DROIT DE L'UNION EUROPÉENNE)

FONCTION LÉGISLATIVE

Droit d'amendement

Recevabilité

Recevabilité en première lecture

Existence d'un lien indirect avec le texte en discussion

Le paragraphe III de l'article 155 de la loi de modernisation de notre système de santé complète l'article L. 2151-5 du code de la santé publique d'un nouveau paragraphe V pour permettre, dans le cadre de l'assistance médicale à la procréation et avec le consentement de chaque membre du couple, la réalisation de recherches biomédicales sur des gamètes destinés à constituer un embryon ou sur un embryon in vitro avant ou après son transfert à des fins de gestation. Ces dispositions, qui ont pour objet le développement des recherches cliniques en matière de procréation médicalement assistée, ont été introduites par amendement du Gouvernement en première lecture à l'Assemblée nationale. Certaines dispositions du projet de loi initial avaient pour objet de modifier le code de la santé publique afin de développer les recherches cliniques au sein des établissements de santé. Par suite, le grief tiré de la méconnaissance de l'article 45 de la Constitution doit être écarté.

(2015-727 DC, 21 janvier 2016, cons. 81, 83 et 84)

Recevabilité après la première lecture

Existence d'un lien direct avec le texte en discussion

L'article 22 du projet de loi est relatif à la procédure d'assignation à résidence de l'étranger qui ne peut quitter immédiatement le territoire français. Cet article 22, devenu l'article 40 de la loi, a été complété, en nouvelle lecture à l'Assemblée nationale, par l'adoption d'un amendement introduisant un paragraphe II qui abroge l'article L. 552-4-1 et le chapitre II du titre VI du livre V du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, relatifs à l'assignation à résidence avec surveillance électronique pouvant être ordonnée à titre exceptionnel lorsque l'étranger, qui ne peut être assigné à résidence en application de l'article L. 561-2 de ce code, est père ou mère d'un enfant mineur résidant en France à l'entretien et à l'éducation duquel il contribue. Ces adjonctions étaient, au stade de la procédure où elles ont été introduites, en relation directe avec les dispositions du paragraphe I de l'article 40, modifiant les conditions de l'assignation à résidence prévue par l'article L. 561-2. Par suite, le grief tiré de la méconnaissance de la procédure d'adoption du paragraphe II de l'article 40 doit être écarté.

(2016-728 DC, 3 mars 2016, cons. 5 et 6)

Absence d'un lien direct avec le texte en discussion

L'article 13 du projet de loi, relatif à des mesures de coordination avec les autres dispositions du chapitre II du titre Ier du projet de loi relatives aux cartes de séjour pluriannuelles, avait été complété, en première lecture à l'Assemblée nationale, par l'adoption d'un amendement de coordination modifiant des références aux articles du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dans le premier alinéa de l'article L. 120-4 du code du service national. Cet article 13, devenu l'article 20 de la loi, a été complété, en nouvelle lecture à l'Assemblée nationale, par l'adoption d'un amendement introduisant un paragraphe VII qui modifie l'article L. 120-4 du code du service national afin d'ouvrir aux étrangers auxquels certains titres de séjour ont été délivrés la possibilité de souscrire un contrat de service civique ou de volontariat associatif et de réduire le délai dans lequel les étrangers titulaires de certains autres titres de séjour peuvent souscrire un tel contrat. Ces dispositions, qui ont été introduites en nouvelle lecture, ne présentaient pas de lien direct avec une disposition restant en discussion. Elles n'étaient pas non plus destinées à assurer le respect de la Constitution, à opérer une coordination avec des textes en cours d'examen ou à corriger une erreur matérielle. Le paragraphe VII de l'article 20 a donc été adopté selon une procédure contraire à la Constitution. Dès lors, il est contraire à cette dernière.

(2016-728 DC, 3 mars 2016, cons. 2 à 4)

Qualité de la loi

Principe de clarté et de sincérité des débats parlementaires

L'article 27, qui présente un lien avec les dispositions qui figuraient dans le projet de loi portant modernisation de notre système de santé, a été inséré par voie d'amendement en première lecture à l'Assemblée nationale. Il ressort des travaux parlementaires que la procédure d'adoption de cet article n'a pas eu pour effet d'altérer la clarté et la sincérité des débats et n'a porté atteinte à aucune autre exigence constitutionnelle. Le grief tiré de la méconnaissance des exigences de clarté et de sincérité du débat parlementaire doit être écarté.

(2015-727 DC, 21 janvier 2016, cons. 15)

Objectif d'accessibilité et d'intelligibilité (voir également ci-dessus Principe de clarté de la loi)

L'article 83 de la loi de modernisation de notre système de santé est relatif au tiers payant permettant de dispenser d'avance de frais les bénéficiaires de l'assurance maladie qui reçoivent des soins de ville. En adoptant ces dispositions, le législateur a introduit une dérogation partielle aux dispositions de l'article L. 162-2 du code de la sécurité sociale relatives au paiement direct des honoraires par le malade, lesquelles ne sont imposées par aucune exigence constitutionnelle. De la même manière, les dispositions de l'article L. 162-5 du même code relatives à la gestion des conditions d'exercice de la médecine par des conventions nationales, qui ne sont pas abrogées par les dispositions contestées, demeurent en vigueur. Il en résulte que les modalités de mise en œuvre de l'obligation nouvelle de dispense d'avance de frais pourront être précisées par des conventions nationales. Il s'ensuit que le surplus des dispositions de l'article 83 n'est pas inintelligible.

(2015-727 DC, 21 janvier 2016, cons. 45 et 50)

D'une part, le paragraphe I de l'article L. 3411-8 du code de la santé publique prévoit que la politique de réduction des risques et des dommages en direction des usagers de drogues vise à prévenir les dommages sanitaires, psychologiques et sociaux, la transmission des infections et la mortalité par surdose liés à la consommation de substances psychoactives ou classées comme stupéfiants. Selon les dispositions du paragraphe II du même article, la mise en œuvre de cette politique permet de délivrer des informations sur les risques et les dommages associés à la consommation de substances psychoactives ou classées comme stupéfiants, d'orienter les usagers de drogues vers les services sociaux et les services de soins généraux ou de soins spécialisés, de promouvoir et distribuer des matériels et produits de santé destinés à la réduction des risques et de promouvoir et superviser les comportements, les gestes et les procédures de prévention des risques, de participer à l'analyse, à la veille et à l'information, à destination des pouvoirs publics et des usagers, sur la composition, sur les usages en matière de transformation et de consommation et sur la dangerosité des substances consommées. Le 4 ° de ce même paragraphe précise que la supervision consiste à mettre en garde les usagers contre les pratiques à risques, à les accompagner et à leur prodiguer des conseils relatifs aux modalités de consommation des substances mentionnées au paragraphe I et qu'elle ne peut comporter aucune participation active aux gestes de consommation.

D'autre part, en vertu du paragraphe III de l'article L. 3411-8, l'intervenant agissant conformément à sa mission de réduction des risques et des dommages ne peut, à ce titre, être déclaré pénalement responsable.

Il résulte de ce qui précède que le législateur a précisément défini les actions pouvant être menées dans le cadre de la politique de réduction des risques et des dommages en direction des usagers de drogues. Par ailleurs, ces actions ne peuvent comporter aucune participation active aux gestes de consommation et seules les personnes agissant dans le cadre de cette politique bénéficient d'une immunité pénale pour les seuls actes qu'elles réalisent à ce titre. De même, ces dispositions n'ont ni pour objet ni pour effet d'introduire d'autres exonérations de responsabilité pénale que celles qui sont nécessaires pour l'accomplissement de la mission ainsi définie. Enfin, le renvoi au décret résultant de l'article L. 3411-10 du code de la santé publique a pour objet de déterminer les modalités pratiques de la politique de réduction des risques et des dommages en direction des usagers de drogues et ne saurait modifier le champ des actions pouvant être menées dans le cadre de cette politique. Les dispositions ne sont pas entachées d'inintelligibilité.

(2015-727 DC, 21 janvier 2016, cons. 28 à 30)

Le législateur a prévu, par l'article 43 de la loi de modernisation de notre système de santé, la création à titre expérimental de salles de consommation à moindre risque au sein des centres d'accueil et d'accompagnement à la réduction des risques et des dommages pour usagers de drogues dans lesquelles les personnes majeures qui souhaitent bénéficier de conseils en réduction de risques sont autorisées à détenir les produits destinés à leur consommation personnelle et à les consommer. Par ailleurs, le professionnel intervenant dans ces espaces ne peut être poursuivi pour complicité d'usage illicite de stupéfiants et pour facilitation de l'usage illicite de stupéfiants.

Le paragraphe I de l'article 43 prévoit la création à titre expérimental de salles de consommation à moindre risque au sein des centres d'accueil et d'accompagnement à la réduction des risques et des dommages pour usagers de drogues. Son paragraphe II prévoit que les personnes majeures consommant des drogues qui souhaitent bénéficier de conseils en réduction de risques sont autorisées, dans ces salles, à détenir les produits destinés à leur consommation personnelle et à les consommer et que le professionnel intervenant dans ces espaces ne peut être poursuivi pour complicité d'usage illicite de stupéfiants et pour facilitation de l'usage illicite de stupéfiants. Le paragraphe III prévoit que les centres d'accueil et d'accompagnement à la réduction des risques et dommages pour usagers de drogues adressent chaque année un rapport sur le déroulement de l'expérimentation. Le paragraphe V prévoit que les dispositions du code de l'action sociale et des familles relatives à l'autorisation par le département des établissements sociaux et médico-sociaux ne sont pas applicables aux projets de mise en place des salles de consommation à moindre risque. Ces dispositions ne sont pas entachées d'inintelligibilité.

(2015-727 DC, 21 janvier 2016, cons. 33, 37 et 38)

L'article 143 de la loi de modernisation de notre système de santé modifie l'article L. 161-37 du code de la sécurité sociale afin de prévoir que la haute autorité de santé est chargée d'élaborer ou de mettre à jour des fiches sur le bon usage de certains médicaments et d'élaborer ou de valider, à destination des professionnels de santé, un guide des stratégies diagnostiques et thérapeutiques les plus efficientes ainsi que des listes de médicaments à utiliser de manière préférentielle. Ces dispositions, qui se bornent à prévoir la mise à disposition des professionnels d'informations validées par la haute autorité de santé, sont intelligibles.

(2015-727 DC, 21 janvier 2016, cons. 78 et 80)

N'est pas inintelligible le paragraphe III de l'article 155 de la loi de modernisation de notre système de santé qui complète l'article L. 2151-5 du code de la santé publique d'un nouveau paragraphe V pour permettre, dans le cadre de l'assistance médicale à la procréation et avec le consentement de chaque membre du couple, la réalisation de recherches biomédicales sur des gamètes destinés à constituer un embryon ou sur un embryon in vitro avant ou après son transfert à des fins de gestation.

(2015-727 DC, 21 janvier 2016, cons. 81 et 86)

Exigence de précision de la loi

Exigence découlant du principe de la légalité des délits et des peines (article 8 de la Déclaration de 1789)

Selon les dispositions contrôlées, dans les salles de consommation à moindre risque, les personnes majeures consommant des substances psychoactives ou classées comme stupéfiants qui souhaitent bénéficier de conseils en réduction de risques sont autorisées à détenir les produits destinés à leur consommation personnelle et à les consommer sur place. Cette consommation doit toutefois intervenir dans le respect du cahier des charges national arrêté par le ministre chargé de la santé et sous la supervision d'une équipe pluridisciplinaire comprenant des professionnels de santé et du secteur médico-social. Dès lors qu'elles respectent ces conditions, les personnes détenant pour leur usage personnel et consommant des stupéfiants à l'intérieur d'une salle de consommation ne peuvent être poursuivies pour usage et détention illicites de stupéfiants. Les professionnels de santé intervenant à l'intérieur de ces salles ne peuvent, dès lors qu'ils agissent conformément à leur mission de supervision, être poursuivis pour complicité d'usage illicite de stupéfiants et pour facilitation de l'usage illicite de stupéfiants.

Le législateur a précisément délimité le champ de l'immunité qu'il a instaurée en réservant celle-ci à des infractions limitativement énumérées et en précisant dans quelles conditions les personnes se trouvant à l'intérieur des salles de consommation pouvaient en bénéficier. Les dispositions ne méconnaissent pas le principe de légalité des délits et des peines.

(2015-727 DC, 21 janvier 2016, cons. 38 et 39)

Conseil constitutionnel et contentieux des normes

QUESTION PRIORITAIRE DE CONSTITUTIONNALITÉ

Critères de transmission ou de renvoi de la question au Conseil constitutionnel

Notion de disposition législative et interprétation

Examen des dispositions telles qu'interprétées par une jurisprudence constante

L'article 145 du code général des impôts détermine les conditions requises pour bénéficier de l'exonération d'impôt sur les sociétés prévue, en faveur des sociétés mères, par l'article 216 du même code. Le 6 de l'article 145 énumère les cas dans lesquels les produits des titres de participation versés par une filiale à sa société mère sont exclus du bénéfice du régime des sociétés mères. Aux termes du b ter de ce 6, dans sa rédaction issue de la loi du 30 décembre 1992, ce régime fiscal n'est pas applicable : « Aux produits des titres auxquels ne sont pas attachés des droits de vote ».

Il ressort de la jurisprudence constante du Conseil d'État (décision de renvoi) que l'exclusion, instituée par les dispositions contestées, de la déduction du bénéfice net total de la société mère des produits des titres de participation auxquels aucun droit de vote n'est attaché est seulement applicable aux produits des titres de participation de sociétés établies en France ou dans des États autres que les États membres de l'Union européenne. En posant une question prioritaire de constitutionnalité, tout justiciable a le droit de contester la constitutionnalité de la portée effective qu'une interprétation jurisprudentielle constante confère à la disposition législative contestée.

(2015-520 QPC, 3 février 2016, cons. 2, 4 et 5)

Procédure applicable devant le Conseil constitutionnel

Grief soulevé d'office par le Conseil constitutionnel

Saisi des dispositions du deuxième alinéa de l'article L. 4231-1 du code du travail imposant au maître d'ouvrage ou au donneur d'ordre de prendre à sa charge l'hébergement collectif des salariés de son cocontractant ou d'une entreprise sous-traitante directe ou indirecte, lorsque ces salariés sont soumis à des conditions d'hébergement collectif incompatibles avec la dignité humaine, le Conseil constitutionnel a relevé d'office le grief tiré de ce que les dispositions contestées porteraient atteinte au principe de responsabilité qui découle de l'article 4 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789.

(2015-517 QPC, 22 janvier 2016, cons. 2)

Saisi du deuxième alinéa de l'article L. 3141-26 du code du travail, qui prévoit que l'indemnité compensatrice de congé « est due dès lors que la rupture du contrat de travail n'a pas été provoquée par la faute lourde du salarié, que cette rupture résulte du fait du salarié ou du fait de l'employeur », le Conseil constitutionnel a relevé d'office le grief tiré de ce que les dispositions contestées porteraient atteinte au principe d'égalité garanti par l'article 6 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 dès lors que leur application est exclue lorsque l'employeur est tenu d'adhérer à une caisse de congés en application de l'article L. 3141-30 du code du travail.

(2015-523 QPC, 2 mars 2016, cons. 1 et 3)

Saisi des dispositions du paragraphe II de l'article 34-2 de la loi du 30 septembre 1986 en vertu duquel les distributeurs de services par un réseau autre que satellitaire n'utilisant pas de fréquences assignées par le Conseil supérieur de l'audiovisuel doivent mettre à disposition de leurs abonnés les services d'initiative publique locale destinés aux informations sur la vie locale, le Conseil constitutionnel a relevé d'office le grief tiré de ce que les dispositions contestées, en renvoyant au pouvoir réglementaire la définition des limites et conditions de l'obligation de mise à disposition des services d'initiative publique locale destinés aux informations sur la vie locale, méconnaîtraient l'étendue de la compétence du législateur dans des conditions qui affectent la liberté d'entreprendre et la liberté contractuelle.

(2015-529 QPC, 23 mars 2016, cons. 1 et 3 ; 2015-529 QPC, 23 mars 2016, cons. 1)

Grief inopérant

Les dispositions du 4 ° bis du paragraphe IV de l'article L. 5211-6-1 du code général des collectivités territoriales contestées ne fixent pas les modalités selon lesquelles sont élues les personnes appelées à pourvoir les sièges de conseillers métropolitains attribués à chaque commune. Le grief tiré de la méconnaissance du droit de suffrage, dirigé contre ces dispositions, est, par suite, inopérant.

(2015-521/528 QPC, 19 février 2016, cons. 12)

Détermination de la disposition soumise au Conseil constitutionnel

Délimitation plus étroite de la disposition législative soumise au Conseil constitutionnel

Saisi du 6 ° de l'article 18-6 de la loi du 2 avril 1947 relative au statut des entreprises de groupage et de distribution des journaux et publications périodiques, le Conseil constitutionnel considère que la question prioritaire de constitutionnalité porte sur les mots « , des nominations et des mutations de dépositaires centraux de presse, avec ou sans modification de la zone de chalandise » figurant au 6 ° de l'article 18-6 de la loi du 2 avril 1947.

(2015-511 QPC, 7 janvier 2016, cons. 1 à 3)

Saisi de l'article L. 621-15 du code monétaire et financier dans ses rédactions issues de la loi du 30 décembre 2006, de la loi du 12 mai 2009 et de l'ordonnance du 21 janvier 2010, le Conseil constitutionnel considère que la question prioritaire de constitutionnalité doit être regardée comme portant sur les mots « s'est livrée ou a tenté de se livrer à une opération d'initié ou » figurant au c) et au d) du paragraphe II de l'article L. 621-15 du code monétaire et financier dans ses rédactions résultant de la loi du 30 décembre 2006, de la loi du 12 mai 2009 et de l'ordonnance du 21 janvier 2010.

(2015-513/514/526 QPC, 14 janvier 2016, cons. 6)

Saisi de l'article L. 3121-10 du code des transports, le Conseil constitutionnel considère que la question prioritaire de constitutionnalité porte sur la seconde phrase de l'article L. 3121-10 du code des transports.

(2015-516 QPC, 15 janvier 2016, cons. 1 à 3)

Saisi de l'article L. 4231-1 du code du travail, le Conseil constitutionnel considère que la question prioritaire de constitutionnalité porte sur le deuxième alinéa de l'article L. 4231-1 du code du travail.

(2015-517 QPC, 22 janvier 2016, cons. 1 à 3)

Saisi des articles L. 323-3 à L. 323-9 du code de l'énergie, le Conseil constitutionnel considère que la question prioritaire de constitutionnalité porte sur le 3 ° de l'article L. 323-4 du code de l'énergie.

(2015-518 QPC, 2 février 2016, cons. 9)

Saisi des dispositions du paragraphe VI de l'article L. 5211-6-1 du code général des collectivités territoriales selon lesquels les communes de la métropole peuvent créer et répartir un nombre de sièges supplémentaires inférieur ou égal à 10 % du nombre total des sièges issu de l'application des paragraphes III et IV, « à l'exception de la métropole d'Aix-Marseille-Provence » ainsi que des dispositions du 4 ° bis du paragraphe IV du même article L. 5211-6-1, le Conseil constitutionnel considère que la question prioritaire de constitutionnalité porte sur le 4 ° bis du paragraphe IV de l'article L. 5211-6-1 du code général des collectivités territoriales.

(2015-521/528 QPC, 19 février 2016, cons. 3 à 6)

Saisi d'une question prioritaire de constitutionnalité portant sur l'article 9 de la loi du 16 juillet 1987 en tant qu'il a été modifié par le I de l'article 52 de la loi du 18 décembre 2013, le Conseil constitutionnel a estimé que la question prioritaire de constitutionnalité porte sur les mots « de statut civil de droit local » figurant au premier alinéa de l'article 9 de la loi du 16 juillet 1987.

(2015-522 QPC, 19 février 2016, cons. 4)

Saisi du deuxième alinéa de l'article L. 3141-26 du code du travail, qui prévoit que l'indemnité compensatrice de congé « est due dès lors que la rupture du contrat de travail n'a pas été provoquée par la faute lourde du salarié, que cette rupture résulte du fait du salarié ou du fait de l'employeur », le Conseil considère que la question prioritaire de constitutionnalité porte sur les mots « dès lors que la rupture du contrat de travail n'a pas été provoquée par la faute lourde du salarié » figurant au deuxième alinéa de l'article L. 3141-26 du code du travail.

(2015-523 QPC, 2 mars 2016, cons. 1 et 4)

Saisi de l'article 13 de la loi n° 63-778 du 31 juillet 1963, le Conseil constitutionnel considère que la question prioritaire de constitutionnalité porte sur les mots « à la date de la promulgation de la présente loi » et les mots « à la même date » figurant au premier alinéa de cet article 13.

(2015-530 QPC, 23 mars 2016, cons. 3)

Détermination de la version de la disposition législative soumise au Conseil constitutionnel

La question prioritaire de constitutionnalité doit être regardée comme portant sur les dispositions applicables au litige à l'occasion duquel elle a été posée. La société requérante a contesté la remise en cause de l'application du régime fiscal des sociétés mères aux produits retirés de la cession de titres de participation pour l'exercice clos en 2003. Ainsi, le Conseil constitutionnel est saisi des dispositions du b ter du 6 de l'article 145 du code général des impôts dans sa version issue de la loi du 30 décembre 1992.

(2015-520 QPC, 3 février 2016, cons. 1)

La question prioritaire de constitutionnalité doit être regardée comme portant sur les dispositions applicables au litige à l'occasion duquel elle a été posée. Le requérant a contesté l'arrêté ministériel du 29 octobre 2014 par lequel, en application des articles L. 562-1 et L. 562-2 du code monétaire et financier, il a été procédé au gel de ses avoirs. Ainsi, le Conseil constitutionnel est saisi des dispositions de l'article L. 562-1 de ce code dans leur rédaction en vigueur à la date de cet arrêté.

(2015-524 QPC, 2 mars 2016, cons. 1)

Sens et portée de la décision

Non-lieu à statuer

Le Conseil constitutionnel, saisi du quatrième alinéa du paragraphe I de l'article L. 464-2 du code de commerce, relève qu'il a spécialement examiné les deuxième et troisième phrases du quatrième alinéa de l'article L. 464-2 du code de commerce dans les considérants 13 à 22 de sa décision n° 2015-489 QPC du 14 octobre 2015 et les a déclarées conformes à la Constitution dans le dispositif de cette décision. En l'absence de changement de circonstances, il n'y a pas lieu de procéder à un nouvel examen de ces dispositions.

(2015-510 QPC, 7 janvier 2016, cons. 1, 3 et 4)

Le Conseil constitutionnel a spécialement examiné les mots « de statut civil de droit local » figurant au premier alinéa de l'article 9 de la loi du 16 juillet 1987 dans les considérants 5 à 16 de sa décision n° 2015-504/505 du 4 décembre 2015 et il les a déclarés conformes à la Constitution. Par suite il n'y a pas lieu d'examiner une question prioritaire de constitutionnalité portant sur ces dispositions.

(2015-522 QPC, 19 février 2016, cons. 6)

SENS ET PORTÉE DE LA DÉCISION

Portée des décisions dans le temps

Dans le cadre d'un contrôle a posteriori (article 61-1)

Abrogation

Abrogation à la date de la publication de la décision

La déclaration d'inconstitutionnalité de la seconde phrase de l'article L. 3121-10 du code des transports prend effet à compter de la date de la publication de la présente décision. Elle peut être invoquée dans toutes les instances introduites à sa date de publication et non jugées définitivement à cette date.

(2015-516 QPC, 15 janvier 2016, cons. 9)

La déclaration d'inconstitutionnalité du b ter du 6 de l'article 145 du code général des impôts prend effet à compter de la date de la publication de la présente décision. Elle peut être invoquée dans toutes les instances introduites à cette date et non jugées définitivement.

(2015-520 QPC, 3 février 2016, cons. 12)

La déclaration d'inconstitutionnalité du paragraphe II de l'article 52 de la loi du 18 décembre 2013 prend effet à compter de la date de la publication de la présente décision. Elle peut être invoquée dans toutes les instances introduites à cette date et non jugées définitivement.

(2015-522 QPC, 19 février 2016, cons. 13)

La déclaration d'inconstitutionnalité de la seconde phrase du troisième alinéa du paragraphe I de l'article 11 de la loi du 3 avril 1955 prend effet à compter de la date de la publication de la présente décision.

(2016-536 QPC, 19 février 2016, cons. 16)

La déclaration d'inconstitutionnalité des mots « dès lors que la rupture du contrat de travail n'a pas été provoquée par la faute lourde du salarié » figurant au deuxième alinéa de l'article L. 3141-26 du code du travail prend effet à compter de la date de la publication de la présente décision.

(2015-523 QPC, 2 mars 2016, cons. 11)

La déclaration d'inconstitutionnalité des mots : « ou, de par leurs fonctions, sont susceptibles de commettre » figurant à l'article L. 562-2 du code monétaire et financier prend effet à compter de la date de la publication de la présente décision.

(2015-524 QPC, 2 mars 2016, cons. 24)

La déclaration d'inconstitutionnalité du paragraphe III de l'article 32 de la loi du 29 décembre 2014 prend effet à compter de la date de la publication de la décision. Elle peut être invoquée dans toutes les instances introduites à cette date et non jugées définitivement.

(2015-525 QPC, 2 mars 2016, cons. 12)

La déclaration d'inconstitutionnalité des mots « à la date de la promulgation de la présente loi » et des mots « à la même date » figurant au premier alinéa de l'article 13 de la loi du 31 juillet 1963 prend effet à compter de la date de la publication de la présente décision.

(2015-530 QPC, 23 mars 2016, cons. 7)

Abrogation reportée dans le temps

L'abrogation immédiate des mots « , des nominations et des mutations de dépositaires centraux de presse, avec ou sans modification de la zone de chalandise » figurant au 6 ° de l'article 18-6 de la loi du 2 avril 1947 aurait pour effet de faire disparaître des dispositions contribuant à la mise en œuvre de l'objectif de valeur constitutionnelle de pluralisme et d'indépendance des quotidiens d'information politique et générale. Par suite, afin de permettre au législateur de remédier à l'inconstitutionnalité constatée, il y a lieu de reporter au 31 décembre 2016 la date de cette abrogation.

(2015-511 QPC, 7 janvier 2016, cons. 11 et 12)

Effets produits par la disposition abrogée

Remise en cause des effets

Pour les instances en cours

La déclaration d'inconstitutionnalité de la seconde phrase du troisième alinéa du paragraphe I de l'article 11 de la loi du 3 avril 1955 prend effet à compter de la date de la publication de la présente décision. Elle peut être invoquée dans toutes les instances introduites à cette date et non jugées définitivement.

(2016-536 QPC, 19 février 2016, cons. 16)

La déclaration d'inconstitutionnalité des mots : « ou, de par leurs fonctions, sont susceptibles de commettre » figurant à l'article L. 562-2 du code monétaire et financier prend effet à compter de la date de la publication de la présente décision. Elle peut être invoquée dans toutes les instances introduites à cette date et non jugées définitivement.

(2015-524 QPC, 2 mars 2016, cons. 24)

La déclaration d'inconstitutionnalité des mots « dès lors que la rupture du contrat de travail n'a pas été provoquée par la faute lourde du salarié » figurant au deuxième alinéa de l'article L. 3141-26 du code du travail prend effet à compter de la date de la publication de la présente décision. Elle peut être invoquée dans toutes les instances introduites à cette date et non jugées définitivement.

(2015-523 QPC, 2 mars 2016, cons. 11)

La déclaration d'inconstitutionnalité du paragraphe III de l'article 32 de la loi du 29 décembre 2014 prend effet à compter de la date de la publication de la décision. Elle peut être invoquée dans toutes les instances introduites à cette date et non jugées définitivement.

(2015-525 QPC, 2 mars 2016, cons. 12)

La déclaration d'inconstitutionnalité des mots « à la date de la promulgation de la présente loi » et des mots « à la même date » figurant au premier alinéa de l'article 13 de la loi du 31 juillet 1963 prend effet à compter de la date de la publication de la présente décision. Elle peut être invoquée dans toutes les instances introduites à cette date et non jugées définitivement.

(2015-530 QPC, 23 mars 2016, cons. 7)

Autorité des décisions du Conseil constitutionnel

Hypothèses où la chose jugée est opposée

Contentieux des normes

Contentieux de l'article 61-1 (contrôle a posteriori)

L'autorité qui s'attache aux décisions du Conseil constitutionnel fait obstacle à ce qu'il soit saisi d'une question prioritaire de constitutionnalité relative à une disposition déclarée contraire à la Constitution, sauf changement de circonstances.

Le Conseil constitutionnel a, dans sa décision n° 2014-453/454 et 2015-462 QPC du 18 mars 2015, examiné les mots « s'est livrée ou a tenté de se livrer à une opération d'initié ou » figurant au c) et au d) du paragraphe II de l'article L. 621-15 du code monétaire et financier dans sa rédaction résultant de la loi du 4 août 2008 et les a déclarés contraires à la Constitution.

Si la loi du 12 mai 2009 et l'ordonnance du 21 janvier 2010 ont modifié l'article L. 621-15 du code monétaire et financier postérieurement au 4 août 2008, les mots « s'est livrée ou a tenté de se livrer à une opération d'initié ou » figurant au c) et au d) du paragraphe II de cet article sont demeurés inchangés. L'état du droit applicable à la poursuite et à la répression du délit d'initié et du manquement d'initié pendant la période durant laquelle l'article L. 621-15 dans sa rédaction issue de la loi du 4 août 2008 était en vigueur est analogue à l'état du droit applicable pendant la période durant laquelle ce même article dans ses rédactions issues de la loi du 12 mai 2009 et de l'ordonnance du 21 janvier 2010 était en vigueur. Par suite, en l'absence de changement de circonstances, il n'y a pas lieu de procéder à un nouvel examen de ces dispositions.

(2015-513/514/526 QPC, 14 janvier 2016, cons. 8, 9 et 14)

Hypothèses où la chose jugée n'est pas opposée

Changement des circonstances

L'autorité qui s'attache aux décisions du Conseil constitutionnel fait obstacle à ce qu'il soit saisi d'une question prioritaire de constitutionnalité relative à une disposition déclarée contraire à la Constitution, sauf changement de circonstances.

Le Conseil constitutionnel a, dans sa décision n° 2014-453/454 QPC et 2015-462 QPC du 18 mars 2015, examiné les mots « s'est livrée ou a tenté de se livrer à une opération d'initié ou » figurant au c) et au d) du paragraphe II de l'article L. 621-15 du code monétaire et financier dans sa rédaction résultant de la loi du 4 août 2008 et les a déclarés contraires à la Constitution. Il a jugé que ces dispositions, qui répriment le manquement d'initié, méconnaissent le principe de nécessité des délits et des peines dès lors, d'une part, que « les sanctions du délit d'initié et du manquement d'initié ne peuvent, pour les personnes autres que celles mentionnées au paragraphe II de l'article L. 621-9 du code monétaire et financier, être regardées comme de nature différente en application de corps de règles distincts devant leur propre ordre de juridiction » et, d'autre part, que « ni les articles L. 465-1 et L. 621-15 du code monétaire et financier, ni aucune autre disposition législative, n'excluent qu'une personne autre que celles mentionnées au paragraphe II de l'article L. 621-9 puisse faire l'objet, pour les mêmes faits, de poursuites devant la commission des sanctions de l'Autorité des marchés financiers sur le fondement de l'article L. 621-15 et devant l'autorité judiciaire sur le fondement de l'article L. 465-1 ».

Si la rédaction de l'article L. 621-15 du code monétaire et financier a été modifiée postérieurement à la loi du 30 décembre 2006, les mots « s'est livrée ou a tenté de se livrer à une opération d'initié ou » figurant au c) et au d) du paragraphe II de cet article sont demeurés inchangés. Toutefois, le c) du paragraphe III de l'article L. 621-15 dans sa rédaction résultant de la loi du 4 août 2008 prévoyait « Pour les personnes autres que l'une des personnes mentionnées au II de l'article L. 621-9, auteurs des faits mentionnés aux c) et d) du II, une sanction pécuniaire dont le montant ne peut être supérieur à 10 millions d'euros ou au décuple du montant des profits éventuellement réalisés » tandis que le même c) de l'article L. 621-15 dans sa rédaction résultant de la loi du 30 décembre 2006 disposait que le montant de la sanction pécuniaire « ne peut être supérieur à 1,5 million d'euros ou au décuple du montant des profits éventuellement réalisés ». Cette modification du montant maximal de la sanction pouvant être prononcée en cas de manquement d'initié constitue un changement de circonstances de droit justifiant, en l'espèce, le réexamen des mots « s'est livrée ou a tenté de se livrer à une opération d'initié ou » figurant au c) et au d) du paragraphe II de l'article L. 621-15 du code monétaire et financier dans sa rédaction résultant de la loi du 30 décembre 2006.

(2015-513/514/526 QPC, 14 janvier 2016, cons. 8 à 10)

Juridictions et autorité judiciaire

JURIDICTIONS ET SÉPARATION DES POUVOIRS

Indépendance de la justice et des juridictions

Applications

Séparation des pouvoirs

En vertu de l'article L. 562-1 du code monétaire et financier, le ministre chargé de l'économie peut décider le gel de tout ou partie des fonds, instruments financiers et ressources économiques détenus auprès des organismes et personnes mentionnés à l'article L. 561-2 du même code, soit notamment les établissements du secteur bancaire et les établissements de paiement régis par ce code, dès lors que ces fonds, instruments et ressources appartiennent soit à des personnes physiques ou morales qui commettent ou tentent de commettre des actes de terrorisme, les facilitent ou y participent, soit à des personnes morales détenues par ces personnes physiques ou contrôlées par elles. En vertu de l'article L. 562-2 du code monétaire et financier, le ministre chargé de l'économie peut également, en application des résolutions adoptées dans le cadre du chapitre VII de la Charte des Nations unies ou des actes pris en application de l'article 15 du traité sur l'Union européenne, décider d'une mesure de gel similaire des fonds, instruments financiers et ressources économiques appartenant soit à des personnes physiques ou morales qui ont commis, commettent ou, de par leurs fonctions, sont susceptibles de commettre des actes sanctionnés ou prohibés par ces résolutions ou ces actes, les facilitent ou y participent soit à des personnes morales détenues ou contrôlées par ces personnes physiques. Les mesures de police administrative prises à l'encontre de personnes physiques ou morales sur le fondement des dispositions précitées n'ont pas d'autre finalité que la préservation de l'ordre public et la prévention des infractions. En faisant référence à des comportements susceptibles de caractériser des infractions pénales pour autoriser l'édiction de ces mesures, ces dispositions n'emportent aucune conséquence en cas de poursuites pénales. Aussi, en confiant au ministre chargé de l'économie le soin de prononcer ces mesures de police administrative, les dispositions précitées n'empiètent pas sur l'exercice des fonctions juridictionnelles.

(2015-524 QPC, 2 mars 2016, cons. 6 à 9)

Organisation décentralisée de la République

PRINCIPES GÉNÉRAUX

Libre administration des collectivités territoriales

Absence de violation du principe

Si les règles relatives au rattachement de communes à un établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre affectent la libre administration de ces communes, les règles relatives à la répartition des sièges au sein de l'organe délibérant de l'établissement public entre les communes membres de cet établissement public ne portent en revanche, en elles-mêmes, aucune atteinte à la libre administration de ces collectivités.

(2015-521/528 QPC, 19 février 2016, cons. 13)

Réserves d'interprétation

DROIT DES FINANCES PUBLIQUES ET SOCIALES

Code général des impôts

Imposition des revenus de capitaux mobiliers

En vertu du 2 de l'article 200 A du code général des impôts, dans ses rédactions applicables aux revenus perçus jusqu'au 31 décembre 2012, les plus-values réalisées lors de la cession à titre onéreux de valeurs mobilières et de droits sociaux ainsi que les compléments de prix y afférents, visés respectivement aux 1 et 2 du paragraphe I de l'article 150-0 A du même code, étaient soumis à l'impôt sur le revenu à un taux forfaitaire. En vertu du 2 de l'article 200 A, dans sa rédaction applicable aux revenus perçus à compter du 1er janvier 2013, lesdits plus-values et compléments de prix sont pris en compte pour la détermination du revenu net global soumis au barème progressif de l'impôt sur le revenu. Le deuxième alinéa du 1 de l'article 150-0 D prévoit cependant que ces plus-values sont réduites d'un abattement pour durée de détention déterminé dans les conditions prévues, selon le cas, au 1 ter ou au 1 quater du même article. Le troisième alinéa de ce même 1 prévoit que le complément de prix est lui-même réduit de l'abattement prévu au deuxième alinéa du 1 de cet article « et appliqué lors de cette cession

En adoptant les dispositions contestées, le législateur a entendu assurer qu'en toute hypothèse la durée de détention ouvrant droit à abattement soit appréciée à la date de la cession des titres. Ainsi, en excluant du bénéfice de l'abattement pour durée de détention les compléments de prix lorsque, à la date de la cession des titres, la condition de durée de détention n'était pas satisfaite, le législateur a retenu un critère objectif et rationnel en rapport avec l'objet de la loi. Toutefois, les dispositions contestées ne sauraient, sans créer de rupture caractérisée de l'égalité devant les charges publiques, avoir pour effet de faire obstacle à l'application de l'abattement pour durée de détention lorsque, à la date de la cession des titres, la condition de durée de détention était satisfaite, soit que cette cession a été réalisée avant le 1er janvier 2013, soit qu'elle n'a pas dégagé de plus-value. Sous cette réserve, le grief tiré de la méconnaissance du principe d'égalité devant les charges publiques doit être écarté.

(2015-515 QPC, 14 janvier 2016, cons. 1 à 3 et 10 à 12)

DROIT DE PROPRIÉTÉ

Les servitudes instituées par les dispositions du 3 ° de l'article L. 323-4 du code de l'énergie n'entraînent pas une privation de propriété au sens de l'article 17 de la Déclaration de 1789 mais une limitation apportée à l'exercice du droit de propriété. Il en serait toutefois autrement si la sujétion ainsi imposée devait aboutir, compte tenu de l'ampleur de ses conséquences sur une jouissance normale de la propriété grevée de servitude, à vider le droit de propriété de son contenu. Sous cette réserve, les dispositions contestées ne méconnaissent pas les dispositions de l'article 17 de la Déclaration de 1789.

(2015-518 QPC, 2 février 2016, cons. 14)