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Présentation de la Cour constitutionnelle de la Fédération de Russie

Michel LESAGE

Cahiers du Conseil constitutionnel n° 1 (Dossier : Russie) - décembre 1996

La Cour constitutionnelle de Russie, qui avait commencé à fonctionner en novembre 1991 sous la présidence de Valery Zorkine, a cessé de siéger d'octobre 1993 à février 1995 et a repris ses activités en mars 1995, sous la présidence de son nouveau Président Vladimir Toumanov.

Depuis 1995, la Cour a examiné en audience environ 40 affaires et pris environ 200 ordonnances de rejet, dont 17 relatives à des demandes émanant des chambres du Parlement ou de députés. Actuellement 16 requêtes font l'objet d'une procédure d'instruction et 40 sont au stade de l'examen préalable, dont la moitié, selon la pratique, devraient venir à l'audience.

I. Du Comité de surveillance constitutionnelle de l'URSS à la Cour constitutionnelle de la Fédération de Russie

Tout d'abord, au niveau de l'URSS, un Comité de surveillance constitutionnelle, présidé par Serguei Alexeiev, a fonctionné de 1989 jusqu'à la dissolution de l'URSS en décembre 1991. Le projet de créer une Cour constitutionnelle de l'URSS a été formulé, notamment dans le projet de traité d 'Union présenté en novembre 1990, lors des discussions relatives à la rénovation du fédéralisme soviétique, mais il n'a pas abouti au niveau de l'URSS.

En revanche, ce projet a abouti en Russie, alors même que celle-ci, au sein de l'URSS, était encore la République socialiste fédérative soviétique de Russie (RSFSR).

La révision constitutionnelle du 27 octobre 1989 de la Constitution de la RSFSR de 1978 avait introduit, à l'image du Comité de surveillance constitutionnelle de l'URSS, un Comité de surveillance constitutionnelle de la RSFSR de 15 membres, élus pour 10 ans. Avant même qu'il ait pu être mis en place, la révision constitutionnelle du 15 décembre 1990 a créé la Cour Constitutionnelle de la RSFSR, dont les attributions et les règles de fonctionnement ont été définies par la loi de la RSFSR sur la Cour constitutionnelle, approuvée par le Congrès des députés du peuple le 12 juillet 1991. Le Congrès, en octobre 1991, a élu 13 des 15 membres prévus et la Cour a pu commencer à fonctionner à la fin 1991.

Malgré son nom de Cour Constitutionnelle, la nouvelle instance créée est restée beaucoup plus une instance de surveillance de la constitutionnalité, à l'image de la Prokuratura qui était l'instance de surveillance de la légalité, qu'une véritable juridiction. Elle pouvait se saisir elle-même. En dehors du contrôle de la constitutionnalité des actes normatifs et des traités internationaux et du contrôle de la constitutionnalité « de la pratique de l'application du droit », c'est à dire des actes normatifs sur plainte des citoyens, elle était chargée également de donner un avis sur la conformité à la Constitution de la RSFSR des « actes et décisions » du Président de la RSFSR et d'autres autorités de l'Etat, lorsque l'inconstitutionnalité de ces actes et décisions était un motif de leur destitution ou de la mise en jeu de leur responsabilité. De plus, chaque année, elle devait adresser au Soviet suprême de la RSFSR un message sur « l'état de la légalité constitutionnelle dans la Fédération de Russie ».

De janvier 1992 à octobre 1993, la Cour Constitutionnelle a rendu 27 arrêts - 21 au titre du contrôle de la constitutionnalité des actes normatifs et 6 au titre du contrôle de la constitutionnalité de la pratique de l'application du droit ainsi que 3 décisions.

Malgré la disposition de la loi sur la Cour constitutionnelle selon laquelle « la Cour constitutionnelle de la RSFSR n'examine pas les questions politiques » (art. 1er § 3), la Cour constitutionnelle s'est trouvée directement impliquée dans le conflit entre le Congrès des députés du peuple et le Président de la Fédération de Russie. Les 2 avis qu'elle a donnés en mars 1993 et en septembre 1993 ont finalement entraîné la suspension de son activité.En septembre-octobre 1993, le conflit a opposé, d'un côté, le Congrès des députés du peuple et 9 juges de la Cour et, de l'autre, le Président de la Fédération de Russie et les 4 autres juges. Pour éviter le risque de dissolution de la Cour, le Président V. Zorkine a préféré démissionner et redevenir simple membre de celle-ci.

II. La composition de la Cour

1. Le mode et les conditions de nomination

La Constitution du 12 décembre 1993 a modifié la compétence de la Cour et porté de 15 à 19 le nombre de ses membres, mais maintenu en fonctions les 13 juges élus en octobre 1991. Il a fallu attendre l'adoption de la loi constitutionnelle sur la Cour constitutionnelle de la Fédération de Russie du 21 juillet 1994, l'élection de 6 juges et celle du Président de la Cour pour qu'elle puisse reprendre ses activités.

Les 6 nouveaux juges, nécessaires pour atteindre le chiffre de 19 fixé par la Constitution, ont été élus, conformément à la nouvelle Constitution, par le Conseil de la Fédération sur proposition du Président de la Fédération de Russie, en plusieurs scrutins, d'octobre 1994 à février 1995. Lorsque 'elle a été complète, elle a élu à sa présidence l'un des 6 nouveaux juges V. Toumanov, et la Cour a commencé à fonctionner ainsi en mars 1995, après 18 mois d'interruption.

La loi du 12 juillet 1991 fixait comme conditions pour pouvoir être élu juge d'avoir entre 35 et 60 ans au jour de l'élection et une ancienneté d'au moins 10 ans dans une profession juridique. Elle fixait l'âge de la retraite à 65 ans. La loi du 21 juillet 1994 porte à 70 ans l'âge de la retraite, élève à 40 ans l'âge minimum pour être élu et supprime l'exigence d'un âge maximum de 60 ans. Elle exige une formation juridique supérieure, « une réputation irréprochable et une haute qualification reconnue dans le domaine du droit »et porte à 15 ans l'exigence d'ancienneté dans une profession juridique.

2. La durée du mandat de la Cour

Alors qu'en application de la loi du 12 juillet 1991 la durée du mandat de la Cour constitutionnelle était illimitée (article 4), la loi du 21 juillet 1994 limite à 12 ans non renouvelables la durée du mandat des juges. Mais cette dernière limite ne concerne que les juges nommés par le Conseil de la Fédération. Pour les 13 juges élus par le Congrès des députés en octobre 1991 'applique la disposition du Titre II « Dispositions finales et transitoires » de la Constitution, qui précise « qu'après l'entrée en vigueur de la Constitution, les juges de tous les tribunaux de la Fédération de Russie conservent leurs attributions jusqu'à l'expiration du mandat pour lequel ils ont été élus », ce qui, pour les juges de la Cour constitutionnelle élus en octobre 1991 signifie qu'ils restent en fonction jusqu'à 65 ans, quel qu'ait été leur âge au moment de leur élection.

III. Compétences

Les compétences juridictionnelles de la Cour Constitutionnelle sont fixées par l'article 125 de la Constitution, complété par la loi constitutionnelle fédérale du 21 juillet 1994 sur la Cour constitutionnelle de la Fédération de Russie.

L'article 125 prévoit 5 domaines de compétences et l'article 106 y ajoute l'initiative de la loi. On peut les classer en deux catégories, en fonction de leur importance et de la fréquence de leur exercice dans l'activité de la Cour.

1. Les principales compétences

1. Le contrôle de constitutionnalité des actes juridiques sur saisine des autorités publiques

Comme beaucoup de Cours constitutionnelles des nouveaux Etats de l'Europe de l'Est, la Cour constitutionnelle de la Fédération de Russie est compétente pour juger de la constitutionnalité non seulement des lois, mais aussi des actes réglementaires du pouvoir exécutif. Et comme la Russie est un Etat fédéral, sa compétence concerne non seulement les actes des autorités fédérales, mais aussi ceux des autorités des entités de la Fédération, couramment dénommés par la Constitution « sujets de la Fédération ».

Les actes

La Constitution attribue à la Cour constitutionnelle de la Fédération de Russie le contrôle de la constitutionnalité de quatre catégories d'actes juridiques :

1 ) les actes des organes fédéraux : les lois fédérales, les actes normatifs du Président de la Fédération de Russie, les actes normatifs du Conseil de la Fédération, les actes normatifs de la Douma d'Etat, les actes normatifs du Gouvernement de la Fédération de Russie ;

2 ) les actes des organes des sujets de la Fédération : les Constitutions des républiques et les statuts des régions, les lois et les autres actes normatifs des sujets de la Fédération de Russie adoptés sur les questions relevant de la compétence des organes du pouvoir d'Etat de la Fédération de Russie et de la compétence conjointe des organes du pouvoir d'Etat de la Fédération de Russie et des organes du pouvoir d'Etat des sujets de la Fédération de Russie ;

3) les accords au sein du système fédéral. La Cour est compétente pour apprécier la constitutionnalité de deux types d'accords : les accords « verticaux » entre les organes du pouvoir d'Etat de la Fédération de Russie et les organes du pouvoir d'Etat des sujets de la Fédération de Russie, et les accords « horizontaux » entre les organes du pouvoir d'Etat des sujets de la Fédération de Russie ;

4) les traités internationaux de la Fédération de Russie non entrés en vigueur.

La saisine

La Cour Constitutionnelle peut être saisie par : 1) le Président de la Fédération de Russie, le Gouvernement de la Fédération de Russie, 2) le Conseil de la Fédération, la Douma d'Etat, un cinquième des membres du Conseil de la Fédération ou des députés à la Douma d'Etat, 3) les organes du pouvoir législatif et exécutif des sujets de la Fédération de Russie, 4) la Cour suprême de la Fédération de Russie, la Cour supérieure d'Arbitrage de la Fédération de Russie,

2. Le contrôle de constitutionnalité des actes juridiques sur plaintes des citoyens

Les citoyens et les tribunaux peuvent saisir la Cour constitutionnelle de la Fédération de Russie de recours relatifs à la violation des droits et libertés constitutionnels des citoyens . La Cour vérifie alors la constitutionnalité de la loi appliquée ou applicable. (art. 125 § 4 de la Constitution).

3. L'interprétation directe de la Constitution

La Cour constitutionnelle de la Fédération de Russie donne l'interprétation de la Constitution de la Fédération de Russie. Le droit de saisine est plus réduit que pour la vérification de la constitutionnalité des actes juridiques. Elle est saisie par 1) le Président de la Fédération de Russie, le Gouvernement de la Fédération de Russie, 2) le Conseil de la Fédération, la Douma d'Etat, 3) les organes du pouvoir législatif des sujets de la Fédération de Russie.(art. 125 § 4 de la Constitution).

2. Les autres attributions

1. Le règlement des conflits de compétence au sein du système fédéral

A côté de la vérification de la constitutionnalité des actes juridiques prévue à l'art. 125 § 1 de la Constitution, l'art. 125 § 3 confie à la Cour constitutionnelle de la Fédération de Russie le règlement des conflits de compétence qui peuvent survenir à 3 niveaux : 1) au niveau « horizontal » fédéral, entre les organes fédéraux du pouvoir d'Etat ; 2) au niveau « vertical » : entre les organes du pouvoir d'Etat de la Fédération de Russie et les organes du pouvoir d'Etat des sujets de la Fédération de Russie ; 3) au niveau « horizontal » régional : entre les organes supérieurs d'Etat des sujets de la Fédération de Russie.

L'article 85 de la Constitution permet au Président de la Fédération de Russie de recourir à des procédures de conciliation pour régler les litiges de la deuxième et de la troisième catégorie. La loi constitutionnelle sur la Cour constitutionnelle accorde le droit de saisine à l'une des parties au litige ainsi qu'au Président de la Fédération de Russie en cas d'échec de la procédure de conciliation prévue à l'article 85 de la Constitution.

Plus d'une dizaine d'accords « verticaux » ont été signés depuis février 1994, mais aucun n'a été déféré à la Cour. La Cour n'a pas été saisie de désaccords entre les autorités publiques au titre des conflits de compétence, mais elle l'a été à propos d'actes juridiques dont certains soulevaient des questions de compétence (cf. infra 5. Jurisprudence).

Certains de ces accords donnent compétence à la Cour constitutionnelle de la Fédération de Russie pour régler les différends relatifs à leur interprétation.

2. Le contrôle du respect de la procédure de mise en accusation du Président

La Constitution exige l'avis de la Cour constitutionnelle de la Fédération de Russie sur le respect de la procédure relative à la mise en accusation du Président (art. 93 de la Constitution). Le Président de la Fédération de Russie peut être destitué par le Conseil de la Fédération, sur la base de la présentation par la Douma d'Etat de l'accusation de haute trahison ou de commission d'une autre infraction grave, confirmée par l'avis de la Cour suprême quant à l'existence des critères de l'infraction dans les actes du Président (art. 93). Mais la Cour constitutionnelle veille à la régularité de la procédure de mise en accusation. Elle est saisie par le Conseil de la Fédération (art. 125).

3. L'initiative de la loi sur des questions de la compétence de la Cour

L'article 104 de la Constitution accorde l'initiative législative aux 3 juridictions suprêmes (Cour constitutionnelle, Cour suprême, Cour supérieure d'arbitrage) « sur les questions de leur compétence ». La loi constitutionnelle fédérale sur la Cour constitutionnelle de la Fédération de Russie du 21 juillet 1994 a été adoptée sur la base du projet présenté à la Douma d'Etat le 6 avril 1994 par le vice-président par intérim de la Cour N.Vitrouk.

IV. Modalités d'organisation et de fonctionnement

La Cour siège en audience plénière ou par chambre.

Les juges sont répartis, par tirage au sort, en 2 chambres, comprenant respectivement 10 juges et 9 juges, dont la composition doit être modifiée au moins tous les 3 ans. Les chambres sont présidées par chaque juge à tour de rôle.

L'audience plénière statue sur les questions les plus importantes (conformité à la Constitution de la Fédération des constitutions des républiques et des statuts des régions, interprétation de la Constitution, respect de la procédure de mise en accusation du Président, initiative législative, élection du Président, du vice-président et du secrétaire, adoption du règlement, fixation de l'ordre d'examen des affaires et répartition de celles-ci entre les chambres)

Les audiences sont publiques et la procédure est contradictoire. Les parties sont : 1) les demandeurs, organes ou personnes auteurs du recours, 2) les organes ou les fonctionnaires qui ont pris ou signé l'acte dont la constitutionnalité est soumise à vérification, 3) les organes de l'Etat dont la compétence est contestée. La Cour peut faire appel à des experts.

La Cour se prononce sur la recevabilité d'un recours. Elle décide le rejet ou l'examen au fond. La décision est prise à la majorité des présents, sauf en ce qui concerne l'interprétation de la Constitution, pour laquelle la loi constitutionnelle sur la Cour exige une majorité des deux tiers du nombre total des juges.

Les juges qui ne sont pas d'accord avec la décision ont la possibilité de rédiger un opinion particulière, qui est publiée avec la décision.

V. Jurisprudence

En un peu plus d'un an, la Cour constitutionnelle de la Fédération de Russie a apporté à l'établissement de l'Etat de droit en Russie une double contribution, à la fois par la régulation du fonctionnement des pouvoirs publics, fédéraux mais aussi régionaux, et par la protection des droits des citoyens.

1. Les règles de fonctionnement des pouvoirs publics fédéraux et régionaux

1. Les pouvoirs fédéraux

La Cour constitutionnelle a précisé les règles qui s'imposent aux autorités fédérales. Elle l'a fait d'abord par l'interprétation, qui lui a été demandée, de plusieurs articles de la Constitution. En matière de révision de la Constitution, elle a précisé la procédure de révision des différents chapitres de la Constitutionet la procédure d'inscription dans la Constitution des nouveaux noms des républiques lorsque celles-ci en ont changé. Dans le domaine de la procédure législative, elle a précisé les délais dont bénéficiait le Conseil de la Fédération pour examiner les lois adoptées par la Douma d'Etat, les règles de calcul de la majorité au Parlement, en définissant les notions de « nombre total de députés à la Douma d'Etat » et de « nombre total de députés à la Douma d'Etat et de membres du Conseil de la Fédération » , et les règles relatives à la transmission des lois au Président, en précisant la notion de « loi adoptée ».

Elle a eu l'occasion également, sur saisine du Président de la Fédération de Russie de préciser les règles relatives à l'inviolabilité parlementaire en vérifiant la constitutionnalité de la loi sur le statut des députés.

Alors que la Cour constitutionnelle de 1992-1993, qui pouvait se saisir elle-même a eu à se prononcer plusieurs fois sur des actes du Président, la Cour constitutionnelle n'a eu à se prononcer que deux fois. Dans les deux cas, elle a donné un fondement juridique aux décrets contestés du Président, en lui reconnaissant le droit, à titre provisoire, de combler les lacunes de la législation en attendant que le législateur intervienne lui-même.

A la différence de la Cour de 1992-1993, qui s'est laissée engager dans tous les conflits politiques majeurs, ou qui même plus encore en a pris elle-même l'initiative, la Cour constitutionnelle a su éviter les pièges dans lesquels elle aurait pu tomber en raison de la nature des affaires qu'il lui était demandé de trancher.

Dans la première affaire, il lui était demandé de vérifier la constitutionnalité du décret du Président de la Fédération de Russie du 30 novembre 1994 et de l'arrêté du Gouvernement du même jour décidant de l'intervention militaire en Tchétchénie. Au lieu d'utiliser immédiatement les moyens politiques à sa disposition (vote d'une motion de censure contre le Gouvernement responsable de la mise en oeuvre des opérations militaires, critique des Présidents des deux chambres en leur qualité de membres du Conseil de sécurité, qui a décidé de l'intervention armée, adoption d'une loi définissant les conditions d'intervention de l'armée et d'une loi définissant les compétences du Conseil de Sécurité) l'Assemblée fédérale a tenté, quelques mois plus tard, de transférer la responsabilité de la censure des actes du Président et du Gouvernement à la Cour constitutionnelle, sous couvert de vérification de la constitutionnalité de ces actes.

La Cour a, à juste titre, reconnu le droit du Président d'avoir recours à l'armée en cas de circonstances exceptionnelles, mais elle a fait porter au seul législateur la responsabilité de l'insuffisance en Russie d'une base législative définissant les droits et obligations du Président. La Cour a invité le législateur a adopter les lois fixant le cadre juridique de l'action du Président en cas de circonstances exceptionnelles,

De même, les députés ont cherché à faire trancher par la Cour les délicats problèmes, pour l'élection des députés à la Douma d'Etat, de la répartition des sièges entre les circonscriptions avec représentation proportionnelle et les circonscriptions à système majoritaire et, pour le Conseil de la Fédération, de son mode de formation. Dans les deux cas, la Cour constitutionnelle a esquivé.

2. Les pouvoirs régionaux

A l'occasion de conflits entre les assemblées et les exécutifs régionaux, la Cour constitutionnelle a eu l'occasion de se prononcer sur la constitutionnalité de plusieurs actes juridiques régionaux. Elle a censuré plusieurs dispositions des statuts du territoire de l'Altai et de la région de Tchita ; s'agissant de la République tchouvache, elle a condamné, au nom du principe d'égalité, la modification en cours d'élection de la loi sur l'élection du Conseil d'Etat (assemblée législative de la république) en ce qui concerne le quota de participants nécessaire pour la validité de l'élection. Saisie par la Cour suprême de la République du Bachkortostan de l'article 20 de la loi sur l'élection des députés à l'Assemblée d'Etat fixant les conditions d'enregistrement des candidats, la Cour, statuant malgré l'absence des représentants de l'Assemblée d'Etat, a fait respecter les exigences de la loi fédérale relatives au nombre de signatures nécessaires. Elle considère non conformes à la Constitution de la Fédération deux dispositions de la loi qui avaient accru les exigences fédérales (notamment en fixant le nombre de signatures à 5 % des inscrits au lieu de 2 %). A la demande de la République ingouche voisine, elle se prononce sur l'inscription sur les listes électorales dans la république d'Ossétie du Nord-Alanie. Saisie par la Douma de la région de Kaliningrad, qui conteste une décision de la Cour de la région à propos de l'immunité des députés de la Douma de la région, elle précise les compétences respectives de la Fédération et de la république dans ce domaine.

2. La protection des droits des citoyens

Sur la base des plaintes des citoyens et de la saisine d'un tribunal ordinaire, la Cour constitutionnelle est intervenue particulièrement dans trois domaines : les droits de la défense, la liberté de circulation et ses garanties matérielles (droit au logement notamment), la protection des droits sociaux.

1. Les droits de la défense

La Cour constitutionnelle a reconnu aux citoyens poursuivis ou condamnés des droits de recours plus larges, en sanctionnant plusieurs dispositions du code de procédure pénale, en interprétant le statut des juges et en refusant d'exclure les avocats de l'accès au dossier par l'invocation indue de la loi sur les secrets d'Etat.

2. La liberté de circulation, l'autorisation de séjour et le droit au logement

La Cour constitutionnelle a fait respecter les articles 27 de la Constitution garantissant la liberté de circulation et du choix du lieu de séjour et de résidence et 40 sur le droit au logement.

En matière pénale, elle a censuré la qualification du départ illégal à l'étranger comme crime de trahison de la patrie. Dans le code du logement, elle a refusé le lien entre la propiska (autorisation de séjour) et le droit au logement. Elle s'est directement attaquée à la propiska elle-même en censurant plusieurs actes juridiques d'autorités régionales et locales.

3. Le droit du travail et la protection sociale

La Cour constitutionnelle a précisé que les limitations du droit de grève dans les services publics devaient être fondées sur la nature des fonctions exercées et non pas sur la simple appartenance à un service.

En matière de protection sociale, elle a veillé à garantir les droits à pension de retraite, la protection des droits des membres des familles des victimes des répressions politiques ou le droit à l'indemnisation des dommages causés par des radiations.

A plusieurs reprises, la Cour a invité l'Assemblée fédérale à combler les lacunes de la législation.

En même temps, la Cour constitutionnelle a pris soin de ne pas empiéter sur les compétences des juridictions de droit commun. Ainsi, elle a refusé d'accepter une requête relative à la protection de l'honneur et de la dignité dans la mesure ou l'établissement des circonstances de fait relevait de la compétence d'autres tribunaux.

Statistiques sur les décisions de la Cour Constitutionnelle de la Fédération de Russie

Nombre de recours et de décisions :janvier 1992 à décembre 1993mars 1995 à 15 juin 1996
Nombre de recours reçus3261313652
Nombre de décisions27 (0,08 %)36 (0,26 %)
Nombre de rejets prononcés par la cour92 (0,28 %)190 (1,39 %)
Irrecevabilités prononcées par le greffe 32494 (a) 13426 (b)
article 10séparation des pouvoirs
article 15supériorité de la Constitution
article 17principes assurant la garantie des droits et libertés
article 19principe d'égalité
article 55 alinéa 3limitations légales des droits et libertés
article 71compétences de la Fédération
article 72compétences conjointes de la Fédération et des agents de la Fédération
article 76hiérarchie des normes
article 108procédure d'adoption des lois organiques

(a) rejetés en vertu des articles 62, 63, 69, 70 et 81 de la loi du 12 juillet 1991
(b) rejetés en vertu des articles 40 et 111 de la loi du 21 juillet 1994

Fondement des décisions sur la période mars 1995 - juin 1996

Source : Secrétariat Général de la Cour constitutionnelle de la Fédération de Russie