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Présentation de la Cour constitutionnelle de Bosnie-Herzégovine

NICOLSMAZIAU - Professeur à l'Université de Nancy II, ancien conseiller de la Commission européenne (PHARE) auprès de la Cour constitutionnelle de Bosnie-Herzégovine

Cahiers du Conseil constitutionnel n° 11 (Dossier : Bosnie-Herzégovine) - décembre 2001

La Cour constitutionnelle de Bosnie-Herzégovine (BiH) constitue l'une des institutions de l'État les plus importantes. Elle est le garant en dernier recours de l'ordre constitutionnel imposé à la Bosnie-Herzégovine par le traité de Dayton signé à Paris le 14 décembre 1995. Toutefois, la présente Cour n'est pas la première du genre dans ce pays. La Constitution fédérale de Yougoslavie révisée en 1964 établit pour la première fois au niveau fédéral et pour chaque république fédérative de la Yougoslavie une Cour constitutionnelle. Bien sûr, le fonctionnement de celle-ci était différent tant dans ses compétences que dans ses méthodes de travail marquées par la conception socialiste du droit. En outre, à l'indépendance de la République de Bosnie-Herzégovine officiellement reconnue par les pays membres de l'Union européenne le 6 avril 1992, une Cour constitutionnelle est créée. La période de guerre et l'éclatement de la Bosnie-Herzégovine n'ont pas favorisé l'activité jurisprudentielle de la Cour. Aussi la signature de l'Accord de Dayton-Paris a-t-elle représenté un nouvel essor de la justice constitutionnelle. Pour la première fois de son histoire, la Bosnie-Herzégovine connaît un régime fondé sur le respect des principes démocratiques et des droits de l'homme. Outre son rôle de gardien de l'équilibre institutionnel, la Cour constitutionnelle a pour tâche d'en assurer la protection contre les violations éventuelles, qu'elles émanent de l'État, des entités - la Fédération Croato-musulmane et la République Srpska - ou des personnes privées.

Selon l'article VI.1.a), la Cour constitutionnelle est composée de neuf juges - six étant élus par les parlements des deux entités(1) et trois nommés par le président de la Cour européenne des droits de l'homme(2) en consultation avec la Présidence collégiale de BiH. Toutefois, la composition de la Cour pourrait être changée si l'Assemblée parlementaire en décide ainsi au terme du premier mandat des juges. En effet, l'article VI.1.d) dispose que l'Assemblée parlementaire pourra modifier par une loi le mode de sélection des trois juges nommés par le président de la Cour européenne des droits de l'homme. Cette disposition autorise le remplacement des membres étrangers par des nationaux au terme du délai initial de cinq ans. Cependant, rien n'oblige l'Assemblée parlementaire à renoncer à la nomination de trois juges étrangers. La seule contrainte qui pèsera sur la Cour sera liée à l'accession prochaine de la Bosnie-Herzégovine au Conseil de l'Europe. La ratification de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales (CEDH) aura pour effet de placer la Bosnie-Herzégovine sous la juridiction de la Cour européenne des droits de l'homme rendant impossible l'exercice par son président de sa compétence de nommer les trois membres étrangers de la Cour constitutionnelle. Une loi adoptée par l'Assemblée parlementaire de BiH sera nécessaire pour reconnaître ce pouvoir à une autre personnalité ou à toute institution de Bosnie-Herzégovine.

La présence de juges étrangers s'est révélée indispensable non seulement parce qu'ils rendent possible un transfert de connaissances, en particulier dans l'application de la CEDH mais également parce qu'ils permettent à la Cour de dégager plus facilement une majorité en son sein et de surmonter la très forte polarisation ethnique des votes des juges nationaux. L'expérience montre que les « grandes décisions » tant dans le domaine du contrôle abstrait (article VI.3.a.) que dans le cas des recours individuels (article VI.3.b.) ont été acquises à de très faibles majorités, toujours grâce à l'apport des voix des trois juges étrangers et au soutien des deux juges bosniaques. L'alliance de fait des juges étrangers et bosniaques constatée dans de nombreuses affaires et motivée par le souhait des uns et des autres de renforcer la légitimité de l'État de Bosnie-Herzégovine permet de faire contrepoids aux vues confédéralistes des juges croates et serbes. Aussi est-il fort probable que le système actuel soit reconduit après mai 2002 : il est impensable que la Cour puisse fonctionner dans le contexte actuel de la Bosnie-Herzégovine sans la participation de trois juges « neutres ».

Parmi les conditions requises pour devenir juge de la Cour, la Constitution prévoit que les personnes pressenties « sont obligatoirement des juristes réputés de grande intégrité morale. Tout électeur éligible ainsi qualifié peut siéger comme juge de la Cour constitutionnelle ». La formule retenue constitue une clause de style tant il est évident que ne devraient être nommés que de juges intègres et honnêtes ! Quant à l'article VI.1.b), il précise que « les juges nommés par le président de la Cour européenne des droits de l'homme ne peuvent être citoyens de Bosnie-Herzégovine ni d'un État voisin ».

Au regard des juges qui ont été élus il est intéressant de constater que ce sont tous des juristes dotés d'une large expérience. Parmi les juges nationaux encore en fonction, il y a un avocat, un ancien président de Cour d'appel et quatre professeurs de droit. Les juges élus en 1996 et aussi pour encore deux d'entre eux entrés en fonction plus récemment en remplacement de juges démissionnaires, ont été, à quelque exception près, sélectionnés sur la base de critères politiques pour défendre des positions nationalistes. La présence des trois juges étrangers permet de tempérer cet aspect. Un des éléments les plus remarquables est l'influence des écoles juridiques dont ces derniers sont issus, en particulier lorsque le rôle de la Cour constitutionnelle est en jeu, les membres autrichien et français étant particulièrement favorables à un juge constitutionnel fort tandis que le membre suédois est plus réservé et tenant du « judicial restrain ».

La durée du mandat des premiers juges est de cinq ans. Bien que la Constitution de Bosnie-Herzégovine soit entrée en vigueur le 14 décembre 1995, la Cour a commencé effectivement ses travaux le 23 mai 1997. Son mandat prendra fin de ce fait le 22 mai 2002. La Constitution prévoit que les juges nommés lors de l'installation de la nouvelle Cour ne sont pas rééligibles. Ceux nommés par la suite conservent leur mandat jusqu'à l'âge de soixante-dix ans, sauf s'ils démissionnent ou en cas de révocation motivée par consensus entre eux.

Le délai de cinq ans apparaît un peu court dans le contexte de Bosnie-Herzégovine. Les juges actuellement en fonction ont acquis une certaine expérience et une plus grande familiarité avec la CEDH qui commence à porter ses fruits. Il est regrettable sur ce point que certains juges ne puissent être reconduits. Les prochains juges seront nommés pour un mandat d'une durée indéterminée mais dans la limite d'âge prévue. Cette règle nouvellement applicable pourrait se révéler particulièrement néfaste si les parlementaires des entités devaient céder à la tentation d'élire à nouveau des juges au profil nationaliste.

Les règles de fonctionnement de la Cour répondent à un souci d'impartialité et d'efficacité, tant dans la procédure de dépôt des requêtes, de leur traitement, des conditions de préparation des projets de décisions que dans l'organisation des sessions. En effet, les requêtes sont attribuées aux juges selon l'ordre alphabétique. Dans certains cas et en particulier lorsqu'un juge se voit confié une affaire importante et lourde, il peut être dispensé de nouvelles affaires, celles-ci étant attribuées aux suivants sur la liste. De la même façon, pour éviter les liens trop étroits entre les juges et les conseillers juridiques - nationaux - et en particulier pour prévenir les collusions d'ordre ethnique, les affaires à traiter sont confiées aux conseillers également selon l'ordre alphabétique. La Cour a institué récemment une procédure d'accueil du public afin de lui faciliter les conditions de dépôt d'une requête, lorsque celle-ci est fondée sur l'article VI.3.b) de la Constitution (3). Une permanence constituée d'un secrétariat et d'un conseiller juridique est assurée deux fois par semaine. Un examen rapide permet d'écarter les démarches manifestement mal fondées et de vérifier que les pièces requises pour un examen du recours sont bien insérées dans le dossier du requérant.

Chaque requête est d'abord examinée par le conseiller juridique qui prépare un rapport pour le juge-rapporteur. A partir du rapport, le juge donne ses instructions au conseiller en charge du dossier en vue de préparer la rédaction du projet de décision. Celui-ci est examiné par le chef du service juridique qui le corrige éventuellement. Il peut arriver aussi que la même affaire soit étudiée par deux conseillers, un national et un étranger. Au début du mandat de la Cour, c'était systématiquement le cas puisque des conseillers étrangers employés par la Commission européenne ou des États européens soucieux de l'assister dans son développement ont contribué à former les juristes locaux sur les aspects du droit constitutionnel comparé et de l'application de la CEDH. La « montée en puissance » de l'Institution a réduit ce besoin ; un conseiller étranger assiste aujourd'hui essentiellement les trois juges étrangers, un second est conseiller du président de la Cour. L'expérience montre cependant la difficulté d'insérer du personnel étranger dans une institution locale à la fois au regard des difficultés de communication et des différences de culture juridique.

La Cour tient session une fois par mois à Sarajevo et parfois à Mostar en canton croate ou à Banja Luka en République Srpska. Les sessions sont ouvertes à tous les conseillers, y compris pour le délibéré. Lorsque l'importance de la session le justifie ou lorsqu'il convient d'obtenir des clarifications, la Cour peut organiser des auditions publiques. Jusqu'à cette année, des auditions ont eu lieu dans deux affaires (4). Une série de séances d'audition et de questions réunissant les différentes parties ont porté au cours des années 1998 et 1999 sur l'affaire no 5/98 dite des « peuples constituants » (5), la seconde s'est tenue en octobre 2000 et se rapportait à un recours en appel contre le jugement de la Cour Suprême de République Srpska déboutant la requérante de la possibilité de récupérer son logement dont elle avait été privée dans des conditions irrégulières pendant la guerre (6).

La Haute juridiction adopte comme mode de présentation de ses décisions une méthode largement inspirée du système en vigueur dans l'ancienne Cour constitutionnelle de la République socialiste yougoslave de BiH. La décision présente d'abord le dispositif de façon très brève puis l'explication elle-même, c'est à dire l'exposé de la requête, la procédure suivie et les dispositions de la Constitution à partir desquelles la Cour justifie la recevabilité de la requête. La solution mentionne ensuite les articles du texte (Loi ou règlement) ou la décision de justice dont la constitutionnalité est contestée et les confronte à la Constitution. En outre, conformément à l'article 36 du règlement, les juges en désaccord avec une solution peuvent présenter une opinion séparée.

Jusqu'à présent, la Cour constitutionnelle n'a été que peu saisie par les représentants d'institutions ou par des citoyens. Depuis le début de ses travaux en mai 1997, elle a rendu près de 126 décisions dont les deux tiers constituent des rejets de requêtes formulées en considération de l'ancienne constitution ou manifestement mal fondées. Cependant, l'activité de la Cour en 1998 ainsi que pour une grande partie de l'année 1999 a été largement déterminée par l'examen de la requête du président A. Izetbegovic (7). L'année 2000 aura permis de résoudre cette affaire délicate. La Haute juridiction a rendu quatre décisions partielles pour répondre à toutes les questions posées (8). D'autres décisions, importantes sur le plan politique comme délicates sur le plan juridique dans la mesure où elles ont porté sur certains aspects du « protectorat » en Bosnie-Herzégovine, ont consacré cette Haute juridiction comme une institution centrale de l'État. En 2001, une nouvelle étape est engagée avec l'élection d'un nouveau président serbe (9) de la Cour. Le début de l'année aura également permis de préciser les relations entre l'ordre juridique de Bosnie-Herzégovine soumis à la juridiction de la Cour constitutionnelle et les normes adoptées par les organisations internationales et qui sont insusceptibles de contrôle devant une juridiction locale.

Deux points seront examinés ici :

1) l'interprétation extensive de ses propres compétences par la Cour constitutionnelle,

2) le rôle régulateur de la Cour constitutionnelle dans le fonctionnement de l'État.

I. Une interprétation extensive de ses propres compétences

La Cour constitutionnelle est investie de compétences énumérées à l'article VI de la Constitution. Celles-ci sont précisées par un règlement de procédure adopté le 29 juillet 1997 et amendé à deux reprises les 14 août et 25 septembre 1999. Elle « doit assurer le respect de la Constitution ». La Cour n'a pas interprété cette disposition comme une clause générale de compétences. Sans se reconnaître la possibilité de statuer ex officio, elle a toutefois développé une jurisprudence interprétant de manière extensive ses propres compétences, en particulier dans le domaine de sa juridiction d'appel.

Pour garantir l'efficacité des compétences reconnues à la Cour constitutionnelle, la Constitution de BiH dispose que ses décisions sont « définitives et obligatoires » (art. VI.4.). Cette expression très classique, souvent reprise dans les constitutions d'autres pays pour qualifier l'autorité des décisions des juridictions constitutionnelles a été mal comprise en Bosnie-Herzégovine et a donné lieu à large débat. En effet, les constitutions des entités qualifient les décisions de leur Cour constitutionnelle de « définitive et obligatoire » tandis que plusieurs annexes de l'Accord de Dayton reconnaissent également une autorité « définitive et obligatoire » aux décisions des juridictions ou organes semi-internationaux établis par le Traité. En précisant sa juridiction d'appel, la Cour constitutionnelle a permis de clarifier ce point et de mettre un terme au débat.

A. Vue générale

1) Des compétences exclusives

L'article VI.3.a) précise que la Cour dispose d'une compétence exclusive de juridiction pour trancher tout litige d'ordre constitutionnel survenant entre les entités ou entre l'État et les entités voire entre les institutions de l'État. Cet article ajoute de manière non limitative que la Cour constitutionnelle est compétente pour trancher la question de la constitutionnalité d'accords établissant des relations spéciales entre une entité et un État voisin(10) ainsi que pour contrôler la conformité à la Constitution de l'État des constitutions des deux entités ou d'une loi adoptée par la chambre législative de l'une des entités. Dans ce cadre, la Cour ne peut être saisie que par l'un des membres de la Présidence collégiale ou le président du Conseil des ministres, les président ou vice-présidents de chacune des deux chambres du Parlement de l'État, ou le quart de leurs membres ou bien encore par le quart des membres de chaque assemblée législative des entités.

La Constitution reconnaît ainsi le rôle essentiel de la Cour constitutionnelle en lui attribuant le pouvoir d'être la seule institution de l'État à trancher les différends issus de la division horizontale et verticale du pouvoir. La Cour est chargée de régler les « conflits entre organes » et, pour ce faire, d'interpréter la Constitution quant aux compétences respectives des organes de l'État. En outre et sans doute encore plus crucial, la Cour a en charge de veiller aux équilibres entre l'État et les entités et entre celles-ci tels qu'ils ont été inscrits dans la Constitution. Cette compétence traditionnelle des « Cours suprêmes » dans les États fédéraux est particulièrement importante dans le cas de la BiH qui s'apparente, à bien des égards, à un système confédéral.

En vertu de l'article VI.3. c), la Cour constitutionnelle est aussi compétente pour trancher sur renvoi préjudiciel les questions de constitutionnalité ou d'appréciation de la conformité à la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et ses protocoles de toute loi d'entité qui lui sont transmises par les Cours inférieures. Elle peut étendre son contrôle de conformité en invoquant également les lois de l'État. Dans le cadre de la même procédure, la Constitution l'autorise à rechercher l'applicabilité de règles de droit international public pertinentes pour la solution du cas présenté par la Cour requérante. Cette compétence exclusive de la Cour constitutionnelle est encore peu utilisée sans doute en raison de l'ignorance des juges ordinaires sur le sens de cette procédure. La Cour a reçu sa première question préjudicielle en 2001. Malheureusement, la question formulée par la Cour cantonale de Zenica était mal présentée puisqu'elle demandait à la Cour constitutionnelle de se prononcer sur la validité d'un jugement de la Cour suprême de la République Srpska et les conditions de son exécution. Dans une décision du 4 mai 2001, no 10/01, Cour cantonale de Zenica, la Cour constitutionnelle a dû rejeter la requête pour irrecevabilité.

La Cour constitutionnelle dispose également d'une compétence particulière qui rattache celle-ci au contentieux politique. En effet, l'article IV.f. dispose que dans l'hypothèse où les représentants d'un peuple constituant à la Chambre des peuples opposent leur veto à l'adoption d'une décision, et en cas d'échec après 5 jours de réunion de la commission mixte de conciliation, la question est soumise à la Cour constitutionnelle qui vérifie la régularité de la procédure parlementaire en appliquant une procédure d'urgence. Cette disposition confère en réalité un pouvoir d'arbitrage dans un différend politique entre les représentants de plusieurs peuples constituants. En effet, que peut faire la Cour lorsqu'elle est sollicitée pour évaluer la régularité de la procédure parlementaire ? Soit celle-ci a été clairement violée et la Cour ne peut que constater le non-respect des règles prévues par la Constitution, soit la procédure est régulière et la Cour constitutionnelle ne peut que valider le recours au veto par les représentants d'un peuple constituant. Ce contrôle des formes - le respect de la procédure - implique-t-il également un contrôle au fond -l'appréciation par la Cour du veto ? Et dans une telle situation, la Cour constitutionnelle pourrait-elle sanctionner une « erreur manifeste d'appréciation » ?

2) Des compétences partagées

La Cour est également compétente à titre de juridiction d'appel pour les décisions adoptées par toutes les Cours établies en Bosnie-Herzégovine. Elle partage cependant cette compétence avec la Chambre des droits de l'homme (11).

L'article VI.3.b) consacre la Cour constitutionnelle comme la plus haute juridiction du pays. Jusqu'à une date très récente, elle était la seule juridiction opérant au niveau de l'État. Par une « ordonnance » du 12 novembre 2000, le Haut représentant a imposé la loi créant la Cour de l'État compétente pour trancher des litiges en matière administrative, criminelle et électorale (12). En revanche, chacune des entités dispose d'un système judiciaire complet et totalement autonome (13). En Fédération de Bosnie-Herzégovine, l'article 10 de la constitution de l'entité établit une Cour constitutionnelle et prévoit l'obligation pour les autres juridictions et, en particulier la Cour suprême, de poser la question préjudicielle en cas de doute sur la constitutionnalité d'un texte de loi ou de règlement émanant du parlement de l'entité ou d'un canton. Cependant, la Cour suprême est au sommet de la hiérarchie judiciaire composée de 11 s d'appel cantonales et de 49 Cours municipales (14). En Républika Srpska, l'article 115 de la constitution de l'entité reconnaît la compétence de la Cour constitutionnelle pour trancher un conflit de juridiction entre les juridictions inférieures (15) et l'article 123 consacre la Cour suprême comme la plus haute Cour de l'entité, au sommet de la pyramide judiciaire.

Ainsi aucune des constitutions des deux entités ne reconnaît la possibilité d'un appel contre les arrêts des Cours ordinaires devant la Cour constitutionnelle d'entité. Cette fonction est dévolue explicitement à la Cour constitutionnelle de l'État. Toutefois, pour éviter l'afflux d'un grand nombre de requêtes, la Haute juridiction a fixé comme règle(16) que ne seraient recevables que les requêtes, présentées dans les deux mois de la décision et qui auraient épuisé les voies de recours ouvertes dans les entités. Ainsi selon le cas, la Cour constitutionnelle peut être saisie d'un arrêt d'une Cour d'appel, d'une Cour suprême ou d'une Cour constitutionnelle d'entité.

La juridiction d'appel de la Cour constitutionnelle est partagée avec la Chambre des droits de l'homme. Celle-ci est compétente pour juger, sur saisine d'un citoyen, des décisions des juridictions ordinaires voire des actes de l'administration constitutifs d'une violation des conventions internationales applicables en matière de droits de l'homme. Les requêtes présentées devant la Chambre des droits de l'homme sont recevables si le requérant a épuisé les voies de recours interne, hormis la juridiction de la Cour constitutionnelle. Le délai d'appel devant la Chambre des droits de l'homme est fixé par celle-ci à six mois.

La concurrence entre les deux institutions ne repose pas seulement sur un conflit de compétences en matière de protection des droits fondamentaux. Certes, le problème de la suprématie dans l'ordre juridictionnel s'est posé assez rapidement et les deux juridictions l'ont résolu par un compromis, refusant de se contrôler l'une l'autre. Mais cette concurrence repose également sur la nature même des deux institutions. Bien que chacune d'entre elle soit composée de membres nationaux et étrangers, l'une est clairement une juridiction nationale - la Cour constitutionnelle -, la seconde une juridiction de type international (17) et en arrière plan, se pose la question de savoir si la protection des droits protégés par la CEDH dont elles sont toutes les deux les garantes n'est pas mieux assurée par l'une que par l'autre. Il est, à vrai dire, difficile de répondre tant les compétences (dans le domaine de la protection des droits de l'homme) et les jurisprudences des deux juridictions sont très comparables sur le fond. La fusion envisagée des deux institutions devrait permettre de rationaliser le système juridictionnel et de mettre un terme à une rivalité stérile.

Il est, enfin, un certain nombre de domaines dans lesquels la Cour constitutionnelle n'a pas reçu de compétence. La Cour ne statue pas en matière de contentieux électoral ni sur les questions relatives à l'exercice du mandat parlementaire et à l'organisation des assemblées parlementaires. Les compétences qui lui sont dévolues par la Constitution sont ainsi limitées aux questions essentielles : les rapports de pouvoir entre organes de l'État et des entités et la protection des droits fondamentaux.

B. L'étendue de la compétence d'appel de la Cour constitutionnelle

La Cour constitutionnelle de BiH a rendu plusieurs décisions qui ont grandement contribué à clarifier l'étendue de sa compétence d'appel.

1) Un rôle très actif dans la protection des droits fondamentaux

La reconnaissance d'une compétence d'appel très large permet à la Haute juridiction d'affirmer son rôle de quasi-Cour suprême de l'ordre juridique de Bosnie-Herzégovine. Elle contribue ainsi fortement à une protection uniforme des droits fondamentaux. Sa large utilisation de la Convention européenne des droits de l'homme et en particulier les articles 6, 8, 14 et l'article 1 du protocole no 1 permet d'imposer le respect de standards de protection minima, égaux pour toute la population. La Cour constitutionnelle est, à cet égard, confrontée fréquemment à des arrêts de juridictions inférieures qui refusent de faire prévaloir la CEDH sur les lois d'entités, en dépit de l'obligation qui leur en est faite selon l'article II de la Constitution. Dans les cas où l'affaire est suffisamment grave et susceptible d'avoir des conséquences irréparables pour le requérant, la Cour peut imposer une mesure provisoire de suspension de l'exécution d'une décision. Une telle mesure garantit la totale efficacité de la compétence d'appel de la Cour dès lors qu'un droit fondamental est menacé (18).

La Cour constitutionnelle a jugé recevable deux appels présentés par des personnes expulsées par la force de leur appartement contre des arrêts de la Cour suprême de la République Srpska. Il s'agit d'affaires, hélas trop fréquentes en Bosnie-Herzégovine, de réclamations d'appartements indûment occupés par une autre famille depuis la fin de la guerre (19). Dans les deux cas, les requérants après avoir obtenus gain de cause devant la Cour municipale de Banja Luka (République Srpska) ont vu la solution de première instance annulée par la Cour de district au motif que l'affaire relevait de l'autorité administrative (20). Dans ces deux affaires, la Cour suprême a confirmé le raisonnement de la Cour de district et a débouté les requérants.

Par ces deux décisions du 24 septembre 1999_,_ n° 6/98, Peter Juric (21) et no 2/99, Fatima Kadenic et Aida Mesinovic, la Cour constitutionnelle admet la recevabilité des deux requêtes sur la base de l'article VI.3.b) de la Constitution en considérant que la Cour suprême est bien une juridiction de Bosnie-Herzégovine. Sa qualité de Cour suprême de l'ordre judiciaire de la République Srpska n'exclut pas que les arrêts qu'elle rend puissent faire l'objet d'un appel devant la Cour constitutionnelle de l'État. Elle décide aussi d'accueillir les requêtes et annule les décisions de la Cour suprême de la République Srpska en raison de plusieurs violations de la Convention : violations des articles 6 (droit à un procès équitable) et 8 (droit au respect de sa vie privée et familiale) ainsi que l'article 1 du protocole n° 1 (protection de la propriété). L'annulation des arrêts de la Cour suprême de la République Srpska a également pour conséquence d'annuler ceux de la Cour de district de Banja Luka et de rétablir ainsi l'effet des décisions de première instance.

Deux options se présentaient à la Haute juridiction dans l'interprétation de la compétence d'appel qui lui est reconnue par l'article VI.3.b) de la Constitution. La première possibilité était de considérer qu'elle ne devait pas trancher la question au fond mais seulement apprécier la conformité de la solution de la Cour suprême à la Constitution et à la CEDH et lui renvoyer l'affaire pour décision définitive conformément aux instructions qu'elle aurait données. Dans cette hypothèse, la Haute juridiction se comportait en « Cour de cassation ». Avec la seconde option, elle exerce pleinement les compétences qui lui sont dévolues : elle tranche le litige constitutionnel et propose une solution sur les faits. Elle assure ainsi le rôle de Cour suprême de l'État. Cela a l'avantage évident d'assurer l'unité de l'ordre juridique entre les deux entités ainsi que la rapidité de la solution du litige.

Dans une affaire plus récente, no 14/00, Zeljko Manoljovic du 4 mai 2001, la Cour constitutionnelle éclaire plusieurs points de sa jurisprudence antérieure et affirme le droit au retour des réfugiés et étend la protection de leur droit à l'habitat. La Haute juridiction précise que « sa compétence d'appel pour juger des décisions de toute Cour de Bosnie-Herzégovine [...] limite la juridiction de la Cour à la possibilité de contrôler le respect des droits garantis par la Constitution. Dès lors, la Haute juridiction n'est pas une instance d'appel régulière chargée de veiller à la bonne application de la loi par les juridictions domestiques, ce qui signifie essentiellement que les appels relatifs à des faits matériellement inexacts et/ou une mauvaise application de la loi doivent être considérés comme inadmissibles ratione materiae, à l'exception des cas où la Cour considère que telles erreurs constituent une violation de la Constitution ». Par cette solution, la Cour constitutionnelle refuse d'interférer avec les compétences des juridictions ordinaires des entités et, dès lors, de se comporter systématiquement en juridiction de dernier ressort. Les exceptions sont motivées seulement par une atteinte aux droits garantis par la Constitution.

La Haute juridiction de Bosnie-Herzégovine a également accepté d'examiner la recevabilité d'un appel contre une décision de la Cour constitutionnelle de la Fédération de Bosnie-Herzégovine. Par une décision n° 5/99, Assemblée du canton de Zupanija Posavska du 3 décembre 1999, elle rejette au fond l'appel formulé par le président de l'Assemblée du canton de Posavina parce qu'elle juge la requête non-fondée. En effet, elle se déclare compétente sur le fondement de l'article VI.3.b) de la Constitution pour examiner la conformité à la Constitution de l'État de la décision de la Cour constitutionnelle de la Fédération. La Haute juridiction ne fait pas de distinction entre les juridictions ordinaires et une Cour constitutionnelle d'entité : sa compétence d'appel est générale. Cependant, il est fort probable qu'elle ne se déclarerait compétente que pour les questions directement en rapport avec la Constitution de l'État. Elle serait ainsi amenée à rejeter une requête contre une décision d'une Cour constitutionnelle d'entité portant sur l'interprétation d'une norme relevant de sa sphère autonome de compétence. Avec cette solution, la Haute juridiction « valide » le jugement de la Cour constitutionnelle de la Fédération. Dans une seconde décision, affaire no 39/00, Assemblée du canton de Herzégovine-Neretva du 3 mai 2001, la Haute juridiction confirme sa jurisprudence sur ce point. La Cour constitutionnelle de BiH a rejeté sur le fond la requête puisque la solution de la Cour constitutionnelle de la Fédération ne violait aucune des dispositions de la Constitution de l'État. En dépit d'un précédent (affaire no 5/99, supra), la question de la recevabilité de la requête a toutefois été soulevée. En effet, la Cour constitutionnelle s'est interrogée sur le fondement de la requête puisque celle-ci était formulée de manière assez vague en ne précisant pas quelle section de l'article VI.3 de la Constitution était sollicitée pour motiver le recours. La Cour a présumé que celui-ci était fondé sur l'article VI.3.b). La question était d'autant plus pertinente que la nature de la question posée par l'Assemblée du canton de Herzégovine-Neretva relève en fait davantage du contrôle abstrait (art. VI.3.a)) que de la compétence d'appel de la Haute juridiction destinée essentiellement à garantir une protection uniforme des droits fondamentaux en Bosnie-Herzégovine. Dans l'hypothèse où la Cour aurait considéré que la requête était fondée sur l'article VI.3.a), celle-ci aurait dû être déclarée irrecevable car l'Assemblée du canton de Herzégovine-Neretva ne figure pas parmi les autorités auxquelles est ouvert le recours par voie de contrôle abstrait.

2) Les limites de la compétence d'appel de la Cour constitutionnelle : les compétences réservées des juridictions semi-internationales

La Cour constitutionnelle de BiH a été confrontée à plusieurs reprises à la question du statut des juridictions ou organismes créés par le Traité de Dayton en dehors de l'annexe 4. Bien que n'apparaissant pas comme des institutions nationales de Bosnie-Herzégovine, les décisions adoptées par ces juridictions ou organismes peuvent-elles relever de la compétence d'appel de la Cour constitutionnelle ? La Haute juridiction a dû confronter deux types d'arguments :

- les décisions de ces institutions s'apparentent, pour certaines d'entre elles, à des décisions juridictionnelles susceptibles de violer des dispositions de la Constitution ;

- ces institutions constituent par elles-mêmes des ordres juridiques autonomes de droit international qui peuvent être modifiés par révision du traité de Dayton ou dans les conditions fixées par celui-ci après accord des Parties mentionnées.

La Cour constitutionnelle a adopté la seule position possible en déclinant sa compétence. Ainsi dans cinq décisions jointes (22) du 26 février 1999, n° 7/98, 8/98, 9/98, 11/98, Bureau fédéral du Procureur d'État et 10/98, H. Siladzic, la Cour rejette sa compétence d'appel sur les décisions de la Chambre des droits de l'homme (23). Cette question s'est avérée très délicate dans le contexte de l'application des accords de Dayton-Paris. En effet, l'annexe 6 des Accords prévoit la création d'une Commission des droits de l'homme (24) au sein de laquelle la Chambre des droits de l'homme dispose d'une compétence juridictionnelle de dernier ressort pour sanctionner, en application de la CEDH, les cas de violation des droits de l'homme qui lui sont soumis. Émanation directe du « système de Strasbourg », la Chambre est-elle une juridiction intégrée à l'ordre juridique de Bosnie-Herzégovine ou bien une instance juridictionnelle internationale trouvant sa source exclusive dans les accords de Dayton et le droit conventionnel de Strasbourg ? La Chambre des droits de l'homme est une juridiction mi-nationale, mi-internationale, composée de juges nationaux et d'une majorité de juges étrangers(25) nommés par le comité des ministres du Conseil de l'Europe. Ses décisions sont définitives et obligatoires conformément à l'article XI. 3 de l'annexe 6 du traité de Dayton.

À ce titre, la Cour estime que la Chambre représente une juridiction parallèle dont les compétences sont identiques aux siennes en matière de protection des droits de l'homme. Leurs décisions s'imposent de la même manière et aucune des deux juridictions ne peut annuler une décision de l'autre. La Chambre des droits de l'homme constitue par elle-même un ordre juridique séparé. L'arrêt souligne toutefois que le problème de chevauchement des compétences est de caractère temporaire dès lors que la responsabilité des missions dévolues à la Commission des droits de l'homme devra être confiée aux institutions de Bosnie-Herzégovine après la fin de la période transitoire (26).

Plus récemment, la Cour constitutionnelle devait apprécier la recevabilité d'une requête contre une décision de la Sous-commission d'appel électorale créée en vertu de mesures d'ordre réglementaire adoptées dans le cadre de la compétence dévolue à l'Organisation pour la Sécurité et la Coopération en Europe (OSCE) en application de l'annexe 3 du Traité de Dayton-Paris. Dans cette affaire no 41/00 du 4 mai 2001, Parti radical serbe de Républika Srpska, la Haute juridiction devait décider si elle était compétente pour juger la conformité à la Constitution d'actes adoptés par un organe sui generis créé par une organisation internationale. Les circonstances de l'affaire lui ont permis de rejeter la requête puisque conformément à une jurisprudence maintenant bien établie, le juge constitutionnel se déclare incompétent pour juger d'une affaire qui a été préalablement déposée devant la Chambre des droits de l'homme. Il reste que si la Cour avait été saisie en premier lieu, elle aurait dû, avant de se déclarer compétente, examiner la nature des actes de la Sous-commission d'appel électorale afin de déterminer s'ils correspondaient à des actes d'ordre juridictionnel (27).

II. Le rôle régulateur de la Cour constitutionnelle

Tel qu'imaginé par le Traité de Dayton, la Bosnie-Herzégovine est un État « minimal ». Les institutions centrales sont très peu nombreuses : Parlement, Conseil des ministres, Présidence, Cour constitutionnelle et Banque centrale. Il n'existe que six ministères au niveau de l'État. Deux ministères ont été prévus par la Constitution pour couvrir les domaines des affaires étrangères et du commerce extérieur et de l'industrie. La loi du 24 décembre 1997 crée un ministère des affaires civiles et depuis une loi du 25 avril 2000, trois nouveaux départements ont été institués : intégration européenne, droits de l'homme et réfugiés et Trésor.

Par sa jurisprudence volontariste, la Cour constitutionnelle a fortement contribué à renforcer la légitimité de l'État tant dans le fonctionnement de ses institutions centrales que dans ses relations avec les entités. Sur ce point les juges étrangers ont soutenu avec constance la positions des juges bosniaques défendant une vision « unitaire » et non-ethnique de l'État.

A. La contribution de la Cour constitutionnelle au renforcement des institutions centrales de l'État

La question des relations entre l'État et les entités est l'une des plus importantes que la Cour ait eue à trancher. Elle s'est prononcée sur ce point dans plusieurs décisions rendues au cours de l'année 2000 dans le cadre de la requête no 5/98, Alija Izetbegovic (28). La Cour constitutionnelle de BiH devait en effet déterminer l'étendue du pouvoir constituant des entités. L'article III.3.a.) de la Constitution de l'État dispose que " toutes les compétences qui ne sont pas expressément accordées aux institutions de Bosnie-Herzégovine appartiennent aux entités ". Le paragraphe b) ajoute que « les dispositions de la Constitution de l'État prévalent sur toute disposition contraire des constitutions des entités ». Pour autant, la Constitution de l'État accorde une compétence de principe aux entités ; l'État n'a de compétences que précises et limitées. L'article III.3.a.) n'est pas la seule contrainte à l'autonomie des entités pour s'autoorganiser car la Constitution de BiH constitue une limite générale à l'autonomie constituante des entités conformément à l'article III.3.b).

Selon l'article I.1 de la Constitution, seule la Bosnie-Herzégovine comme État continuateur de la République de Bosnie-Herzégovine dispose de la souveraineté internationale. En outre, seule l'Assemblée parlementaire, organe législatif de l'État dispose du pouvoir de réviser la Constitution à la majorité des deux tiers des membres de la Chambre des Représentants, avec une majorité simple à la Chambre des peuples. Les entités disposent d'importantes compétences reconnues par la Constitution de l'État mais ne sont pas autorisées à étendre celles-ci par l'intermédiaire de leurs propres constitutions.

À cet égard, l'argumentation de la République Srpska consistant à soutenir que l'entité serbe dispose d'une souveraineté partagée(29) avec l'État est problématique. La souveraineté internationale de même que la souveraineté interne - le pouvoir constituant - appartiennent exclusivement à l'État : les entités n'ont aucun pouvoir dans ce domaine et ne peuvent être qualifiées d'État au sens du droit international. Les dispositions du préambule de la constitution de la République Srpska qui reconnaissent les aspirations à l'indépendance du peuple serbe ainsi que la qualité d'État à l'entité serbe ont été jugées inconstitutionnelles dans la décision de la Cour rendue les 18 et 19 août 2000.

La Haute juridiction a également clarifié la question de l'autonomie de compétence des entités en matière de politique étrangère et de défense à l'occasion de deux sessions, l'une tenue les 28 et 29 janvier, la seconde les 18 et 19 août 2000.

La compétence de principe appartient à l'État(30): il ne s'agit nullement d'une compétence partagée avec les entités. Dès lors, la conduite de la diplomatie appartient exclusivement à l'État et, en particulier, à la Présidence (art. V.3.a). Dans le même sens, les entités ne se voient pas reconnaître le droit de légation. En revanche, celles-ci peuvent ouvrir des représentations qui n'auront le statut diplomatique que si l'État décide de leur accorder. En outre, la nomination des ambassadeurs et des représentants de la BiH appartient exclusivement à la Présidence de l'État (art. V.3.b): les entités peuvent seulement faire des propositions qui ne lient pas les membres de la Présidence. La Constitution de l'État précise seulement que deux tiers au maximum des ambassadeurs proviennent du territoire de la Fédération (art. V.3.b).

Les entités peuvent également conclure des accords dans les domaines qui relèvent exclusivement de leurs compétences et sous le contrôle du Parlement de l'État (31). Le non-respect des procédures prévues à cet effet entraîne la nullité des actes autorisant l'entrée en vigueur des accords.

Plus délicat était le problème de l'évaluation de la compétence des entités en matière de défense. En effet, le Haut représentant en vertu des pouvoirs dont il est investi par l'article 5 de l'annexe 10(32) des Accords de Dayton a pris le 19 février 1999 une décision interprétant l'article V.5.a) de la Constitution BiH relatif au commandement civil des forces armées (33). Cette décision témoigne des difficultés pour la Cour constitutionnelle de statuer sur des questions parfois précédemment tranchées par le Haut représentant. Si, en théorie, rien ne lui interdit de prendre une position différente, il lui est cependant en pratique très difficile de ne pas tenir compte de ses décisions car le Haut représentant est l'Autorité civile suprême pour interpréter les Accords de Dayton y compris la Constitution.

La Constitution de BiH ne reconnaît pas comme domaine de compétence de l'État la politique de défense. L'article V.5 de la Constitution de l'État précise cependant que : (a) « en vertu de son mandat, chaque membre de la Présidence est investi de l'autorité civile de commandement des forces armées [...] » ; (b) « les membres de la Présidence constituent une commission permanente aux affaires militaires chargée de coordonner les activités des forces armées en Bosnie-Herzégovine [...] ». Cette disposition est d'une interprétation délicate car il s'agit de déterminer si l'existence de cette commission et sa compétence de coordination suffisent à remettre en cause la compétence de principe dévolue aux entités en matière de défense. De même, la compétence de commandement reconnue aux membres de la Présidence réduit-elle la compétence des entités ?

La décision de la Cour constitutionnelle a été acquise à une faible majorité pour considérer conformes à la Constitution les dispositions des constitutions des deux entités relatives aux pouvoirs de défense. C'est l'une des seules où l'un des juges étrangers a voté avec les juges serbes et croates pour préserver la compétence des entités. Il est vrai que le volontarisme des autres juges soucieux de ne pas affaiblir l'autorité déjà faible de l'État a trouvé sa limite sur ce point puisque même par une interprétation « constructive » de la Constitution, les bases de compétence de l'État étaient réduites.

B. Une interprétation stricte de la répartition des pouvoirs entre les institutions de Bosnie-Herzégovine

Parmi de nombreuses affaires, la Cour constitutionnelle a rendu plusieurs décisions sur la question de la répartition des pouvoirs entre les institutions centrales de Bosnie-Herzégovine. La Cour constitutionnelle a contribué à un meilleur fonctionnement des pouvoirs publics ainsi qu'à leur acceptation par la population. Par son action régulatrice, elle renforce la légitimité de l'État face à l'action du Haut-représentant et des entités.

1) Une des premières décisions d'importance de la Cour constitutionnelle a porté sur l'organisation du « gouvernement central » de BiH(34) . La Cour constitutionnelle de BiH a jugé plusieurs dispositions de la loi du 24 décembre 1997 sur l'organisation du Conseil des ministres inconstitutionnelles. Par une lecture très libre de la Constitution, la loi attribue la Présidence du Conseil des ministres à deux coprésidents et un vice-président alors que l'article V.4 de la Constitution n'envisage qu'une personne nommée par la Présidence collégiale de l'État. En outre, la loi soumet la composition du gouvernement à une procédure d'approbation par la Présidence de l'État que la Constitution n'a pas prévue. En effet, celle-ci dispose que la nomination des ministres et vice-ministres relève de la seule compétence du président du Conseil des ministres. La Chambre des Représentants de l'Assemblée parlementaire doit approuver leur nomination.

Dans son considérant de principe, la Haute juridiction relève que « la Constitution établit clairement la fonction de Premier ministre qui nomme les ministres conformément à l'article V.4 de la Constitution ». Cette interprétation rigoureuse de la Constitution remet en cause un système qui rendait le président du Conseil des ministres et les autres membres du gouvernement étroitement dépendants de la Présidence collégiale. Sanctionnant une grand nombre d'articles de la loi, la Haute juridiction invalide également la disposition selon laquelle les actes du Premier ministre n'ont force obligatoire qu'après approbation par les deux coprésidents et le vice-président. En effet, les pouvoirs dont dispose le président du Conseil ne sont pas soumis à contreseing.

La solution de la Cour constitutionnelle est d'une grande portée politique. En réaction à une pratique contra legem, elle replace les institutions dans la voie du régime parlementaire moniste. La double responsabilité du Premier ministre devant les Chambres et devant les membres de la Présidence est écartée au profit de la seule responsabilité parlementaire. Elle impose également aux représentants des trois peuples constituants de renégocier l'ensemble de l'attribution des postes ministériels. Cependant, elle n'exclut pas le maintien du système antérieur de rotation pour le poste de président du Conseil des ministres, dès lors que le législateur renonce à créer les fonctions de coprésident et vice-président.

Les juges accordent un délai de trois mois à l'Assemblée parlementaire pour adopter de nouvelles dispositions législatives conformes, en se réservant la possibilité au terme de ce délai et, en l'absence d'un nouveau texte, d'annuler les articles incriminés et les décisions qui seraient prises en leur application.

La nouvelle loi sur le Conseil des ministres a été adoptée, non sans mal, par l'Assemblée parlementaire le 25 avril 2000. Elle prend en compte les deux décisions de la Cour constitutionnelle et institue une présidence tournante du Conseil des ministres avec un rythme d'alternance de 8 mois. En outre, la loi crée trois nouveaux ministères (35): Droits de l'homme et réfugiés, Trésor et intégration européenne portant à six leur nombre total (36). Chaque ministre a la possibilité d'assurer la présidence du Conseil en même temps qu'il exerce la charge de son département.

2) La décision du 3 novembre 2000_, no 9/00, Loi sur le service d'État de contrôle aux frontières (37), marque une nouvelle étape dans la jurisprudence de la Cour. La Haute juridiction s'est déclarée compétente pour examiner la conformité à la Constitution de lois imposées par le Haut représentant en vertu des pouvoirs qu'il tient de l'annexe 10 de l'Accord de Dayton et de la déclaration de Bonn du 10 décembre 1997. Le juge-rapporteur, le doyen Favoreu a considéré que le Haut représentant avait été investi de pouvoirs particuliers par la Communauté internationale pour intervenir dans l'ordre juridique de Bosnie Herzégovine. Dans ce cas, le Haut représentant est une autorité de Bosnie Herzégovine et ses actes, qui se substituent aux lois nationales, doivent être considérés comme des lois de l'État. Cette application de la théorie de la substitution suggère que le Haut représentant agissant en lieu et place d'une institution nationale, ses pouvoirs doivent être soumis au contrôle de la Cour constitutionnelle._

Ainsi, selon la Cour, « sans que soit examinée la nature des pouvoirs dont dispose le Haut représentant réglés par l'annexe 10 de l'Accord-cadre pour la paix en Bosnie-Herzégovine, la décision prise par celui-ci d'imposer l'adoption de la Loi sur la police des frontières, à défaut d'un vote par l'Assemblée parlementaire, n'affecte pas la nature législative de la norme mise en cause, tant dans sa forme puisque la dite loi a été publiée comme telle au Journal officiel de Bosnie-Herzégovine le 26 janvier 2000 (OG 2/2000), que dans sa substance, laquelle, sans présumer de sa conformité à la Constitution, se rapporte bien à un domaine susceptible de relever de la compétence du législateur conformément à l'article IV.4.a de la Constitution de BiH ». Cette solution permet de garantir que tous les actes normatifs applicables en Bosnie-Herzégovine sont susceptibles de faire l'objet d'un recours devant la Cour constitutionnelle hormis ceux des actes des organisations internationales qui sont adoptés dans le cadre de leurs pouvoirs propres reconnus par le Traité de Dayton (38). Une décision d'incompétence aurait eu de regrettables conséquences en rendant impossible toute action contre des lois potentiellement inconstitutionnelles.

Conformément à cette jurisprudence, la Haute juridiction a décidé le 23 mars 2001 dans une affaire no 25/00, Loi sur les passeports de Bosnie-Herzégovine (OG 27/2000), qu'elle n'était pas compétente pour apprécier la conformité à la Constitution des actes du Haut représentant pris en application des pouvoirs qui lui sont reconnus par l'annexe 10 de l'Accord de Dayton, sauf à ce que ces actes prennent la forme de loi et dont la matière relèverait de l'article II de la Constitution. Dans cette affaire, la Cour a considéré que la compétence du Haut représentant d'imposer des lois comprend également celle de les amender ou d'amender des lois votées par l'Assemblée parlementaire. Il a aussi été soutenu que le Haut représentant dispose d'un pouvoir législatif plénier lorsqu'il se substitue à l'Assemblée parlementaire. La Cour a décidé d'accueillir la requête alors même qu'à la date où elle a été présentée, elle était dirigée contre des amendements qui n'étaient pas encore publiés à la Gazette officielle. Selon l'article 27 de son règlement, la Cour « ne peut statuer que sur la constitutionnalité des actes de portée générale qui sont en vigueur ». Elle a interprété cette disposition de manière non restrictive en considérant que c'est la date d'adoption des amendements qui est importante et non leur date de publication. Cette solution est d'autant plus justifiée qu'une position contraire pourrait réduire à néant la portée des décisions de la Cour. En effet, il n'est pas rare que ses décisions soient publiées plusieurs semaines après leur adoption. Pour éviter de dépendre des services de la Gazette officielle, il peut même arriver que la Cour finance elle-même la publication d'un bulletin lorsqu'il s'agit de rendre publique une décision importante (39).

3- La décision du 2 février 2001_, no 40/00, M. Ante Jelavic_, a permis de préciser la jurisprudence antérieure tout en résolvant une question politique épineuse. Elle donne également l'occasion de distinguer plus nettement le domaine de compétences de la Cour qui repose sur l'annexe 4 du Traité de Dayton et les compétences accordées à des institutions internationales conformément à d'autres annexes du même Traité. L'affaire no 40/00 était particulièrement sensible car il s'agissait d'examiner une requête du président (croate) de la Présidence collégiale, contre des règlements adoptés par l'OSCE en matière électorale conformément à l'annexe 3 du Traité de Dayton. Le requérant contestait, en sa qualité de membre de la Présidence et conformément à l'article VI.3.a) de la Constitution, la constitutionnalité des articles 606 (40) et 1212 (41) du Règlement électoral de l'Organisation. La Cour ne s'est pas prononcée sur le fond de la requête puisqu'elle a considéré celle-ci comme irrecevable. En effet, bien que le président Jelavic soit une personnalité susceptible d'engager un recours devant la Cour constitutionnelle, celle-ci a considéré que sa requête ne relevait pas d'un différend entre deux institutions de Bosnie-Herzégovine. Malgré les similitudes avec la requête relative au contrôle de la Loi sur le service d'État de contrôle aux frontières, l'OSCE tient exclusivement ses compétences en matière électorale de l'annexe 3 du Traité de Dayton. Dès lors, elle ne se substitue pas à une institution de Bosnie-Herzégovine dans l'exercice de ses compétences. La Haute juridiction devait cependant interpréter l'article III de l'annexe 3 relatif à la création d'une commission électorale provisoire à la lumière de l'article IV.2.a) de la Constitution lequel prévoit qu'après les premières élections organisées par l'OSCE, une loi électorale permanente sera adoptée par l'Assemblée parlementaire. Cette loi n'ayant toujours pas été adoptée, l'OSCE a, de ce fait, continué à organiser les élections. Le Juge a estimé que dans ce contexte, la compétence de celle-ci n'était pas infondée. Il a toutefois précisé par un obiter dictum qui restreint pour l'avenir la capacité de l'Organisation d'organiser les élections que cette compétence étant provisoire, elle devait être remplacée par une solution permanente conformément à l'article IV.2.a) de la Constitution (42).

En quatre ans d'activité, le bilan jurisprudentiel de la Cour est déjà impressionnant. Elle a été amenée à juger d'affaires très diverses mais qui lui ont permis de résoudre des problèmes de droit essentiels touchant à l'équilibre de l'État, aux rapports entre les organes du pouvoir central ou à la protection des communautés et des citoyens.

Toutefois, l'adhésion prochaine de la Bosnie-Herzégovine au Conseil de l'Europe marquera la fin d'une période de transition. En effet, dès la ratification de la Convention européenne des droits de l'homme et des libertés fondamentales et des divers instruments adjoints, la Bosnie-Herzégovine sera sous la juridiction de la Cour européenne des droits de l'homme. La période de cinq ans inaugurée en décembre 1995 par la signature du Traité de Dayton s'est terminée en décembre 2000 sans que le régime de semi-protectorat ne soit remis en cause ou même allégé, bien au contraire. Aussi, dans ce cadre la Chambre des droits de l'homme a-t-elle bénéficié d'une prolongation de son mandat jusqu'en décembre 2003.

Cependant le projet de réaliser à cette date la fusion de la Cour et de la Chambre des droits de l'homme constitue un défi important en opérant le rapprochement entre deux institutions très dissemblables, l'une nationale et majoritairement composée de juges bosniens, la seconde de nature semi-internationale et avec une majorité de membres étrangers. La période à venir va nécessiter un effort considérable d'adaptation de la Cour. Après avoir prouvé qu'elle était un organe essentiel de la régulation des pouvoirs centre-périphérie et qu'elle était sensible à la protection des citoyens, elle doit montrer sa capacité à changer pour faire face à l'augmentation prévisible du contentieux qui n'aura pas été réglé à la date de la fusion. Comme la Bosnie-Herzégovine dont le besoin de se réformer est urgent, la Cour constitutionnelle est « au milieu du gué » et doit être digne de la confiance qu'ont placé en elle les autres juridictions constitutionnelles en l'admettant en octobre 2000 au sein de la Conférence permanente des Cours constitutionnelles européennes.

(1) La Cour constitutionnelle est composée de six membres nationaux : quatre sont désignés par le parlement de la Fédération (dont deux par les représentants bosniaques et deux par les représentants croates) et deux membres sont désignés par le parlement de la République Srpska.
(2) Les juges étrangers sont Hans Danelius, président du Conseil législatif de Suède, ancien juge à la Cour suprême de Suède et ancien membre de la Commission européenne des droits de l'homme, le doyen Louis Favoreu, professeur à l'université d'Aix-Marseille III et Joseph Marko, professeur à l'université de Graz.
(3) L'article VI.3. b) attribue à la Cour constitutionnelle une compétence d'appel sur les décisions de toutes les juridictions de BiH.
(4) La prochaine séance d'audition publique aura lieu les 28 et 29 septembre 2001 : il s'agira de déterminer si la Cour est compétente pour contrôler la conformité à la Constitution d'une loi créant la Cour de l'État imposée par le Haut représentant alors même qu'aucune disposition de la Constitution ne prévoit a priori la création d'une telle juridiction. Voir affaire 26/01, Loi établissant la Cour de l'État.
(5) Dans cette affaire qui a duré près de deux ans, il s'agissait d'examiner la conformité à la Constitution de BIH des constitutions des deux entités, République Srpska et Fédération de BIH.
(6) L'organisation d'une séance d'audition avait pour but de départager la requérante croate désireuse d'obtenir la restitution de sa maison située en zone serbe et qu'elle avait vendue dans des conditions contestables il y a quelques années à un citoyen serbe souhaitant échanger cette maison contre une maisonnette de vacances dont il était propriétaire en Croatie. Après avoir également auditionné un juge de la Cour suprême de République Srpska, la Cour constitutionnelle a cassé l'arrêt de la Haute juridiction de République Srpska et déclaré nul le contrat de vente. Voir affaire no 15/99, Madame Slavka Zec du 15 décembre 2000.
(7) Chef du parti SDA, A. Izetbegovic est le leader de la communauté bosniaque (musulmane).
(8) Les quatre décisions partielles ont été rendues dans le cadre de l'affaire 5/98 dite des « peuples constituants ».
(9) En vertu du principe de rotation inscrit à l'article 83 du règlement de procédure de la Cour. Pour le texte du règlement de la Cour, voir : http://www.ccbh.ba/rules/fr
(10) Les rédacteurs de la Constitution pensaient bien évidemment aux relations spéciales que chacune des entités serait amenée à nouer avec la Croatie (s'agissant de la Fédération BiH) et avec la Serbie-Monténégro (pour la République Srpska). A noter que la Cour constitutionnelle BiH a tranché le 7 juin 1999 le problème de la constitutionnalité des décrets de promulgation d'un traité de commerce et d'un accord douanier signés entre la Croatie et la Fédération BiH.
(11) La Chambre des droits de l'homme est une institution de nature semi-internationale créée par l'annexe 6 du traité de Dayton. Voir point I.B.2
(12) La Cour de l'État est composée d'une Chambre administrative, d'une Chambre criminelle et d'une Section d'appel chargée de juger en deuxième instance les litiges jugés en premier lieu par les deux chambres. Elle dispose également d'une compétence d'appel en matière électorale.
(13) Auquel il faut ajouter 7 cours de première instance et une Cour d'appel pour le District de Brcko.
(14) Le premier degré de juridiction dans la Fédération est composé de 74 cours compétentes pour les délits mineurs.
(15) Sans qu'il soit d'ailleurs précisé dans quels termes, il peut y avoir conflit entre les juridictions inférieures qui ne relève pas de la compétence de la Cour suprême. Le système judiciaire de République Srpska est constitué de 5 cours de districts et de 26 cours de première instance.
(16) Voir article 11 du règlement de procédure de la Cour constitutionnelle (http://www.ccbh.ba/rules/fr).
(17) Voir sur ce point I.B.2.
(18) La Cour constitutionnelle a eu l'occasion d'adopter une mesure intérimaire de suspension de l'application d'une décision de justice conformément à la possibilité qui lui est offerte par l'article 75 de son règlement. Dans l'affaire no 28/01, Krsto Jugovic du 4 mai 2001_,_ la Cour a ordonné la suspension d'une décision de la Cour suprême de République Srpska condamnant à trois ans d'emprisonnement une personne accusée de meurtre.
(19) Très nombreux ont été les cas d'appartements saisis illégalement par des personnes encouragées par les autorités locales au mépris des droits des occupants légitimes. La Commission pour les réclamations de propriété (« Commission for real property claim ») est un organe administratif international chargé de déterminer les titres de propriété et de trouver de solutions amiables. La Chambre des droits de l'homme a reçu un contentieux très lourd lié à des problèmes de restitution d'appartements illégalement occupés.
(20) Dans une affaire similaire du 3 mai 2001 no 6/00, Mme Ruza Dolinic, Mme Ana Trisic, Mme Zdravka Kosic et M. Ivica Kosic, la Cour constitutionnelle a annulé l'ordonnance de la Cour suprême de la République Srpska ainsi que les ordonnances des Cours de district et municipale de Banja Luka et renvoyé l'affaire à la Cour municipale pour décision urgente. La Haute juridiction a constaté une violation de l'article 6 de la CEDH par les trois juridictions de l'entité serbe dès lors qu'elles ont refusé de se prononcer au fond tant que la procédure administrative engagée devant le ministre pour les Réfugiés et les Personnes déplacées ne serait pas terminée. Le droit du requérant à une décision juridictionnelle dans une durée raisonnable a été méconnu.
(21) Voir décision jointe en annexe, à la rubrique « Textes à l'appui », p. 54.
(22) Pour accélérer le cours de la justice et selon les circonstances, la Cour peut, conformément à l'article 25 de son règlement, décider de joindre des affaires similaires.
(23) Voir également sur cette question, P. Neussl, « Background note », Human Rights Law Journal, vol. 20, n° 7-11, 30 nov. 1999, p. 392.
(24) La Commission des droits de l'homme est composée de deux institutions : le bureau du médiateur (Ombudsperson office) et la Chambre des droits de l'homme (Human Rights Chamber).
(25) La Chambre des droits de l'homme comprend 6 juges nationaux et 8 juges étrangers et est présidée par un magistrat français, Mme Michèle Picard.
(26) En prévision de la fin de cette période transitoire le 14 décembre 2000, cinq ans après la signature du Traité de Dayton/Paris, un accord entre les Parties signataires de l'annexe 6 du Traité de Dayton - Bosnie-Herzégovine, Républika Srpska et Fédération croato-musulmane - a été signé le 10 novembre 2000 pour prolonger les activités de la Chambre des droits de l'homme jusqu'au 31 décembre 2003.
(27) Dans le même sens, la Cour constitutionnelle a décidé le 23 juin 2001 qu'elle n'est pas compétente pour contrôler la conformité à la Constitution des décisions de la Commission de réclamation pour la propriété immobilière " CRPC "), en considérant que cette institution créée par l'annexe 7 de l'Accord de Dayton et qui n'est pas une juridiction, rend des décisions finales et obligatoires. La Cour ne s'est pas prononcée directement sur le caractère d'institution semi-internationale de la Commission. Voir affaires 21/01, Mustafa Krivic et 32/01, Central profit Banka du 23 juin 2001.
(28) La décision partielle no III, rendue les 30 juin et 1er juillet 2000, portant sur le statut des peuples constituants et reconnaissant leur égalité sur tout le territoire ne sera pas examinée ici. Pour un commentaire de cette décision, voir : Nicolas Maziau, « Le contrôle de constitutionnalité des constitutions des entités de Bosnie-Herzégovine, Commentaire de décisions de la Cour constitutionnelle, affaire no 5/98, Alija Izetbegovic », RFD const., no 45, 2001.
(29) Cette théorie de la souveraineté partagée a été développée essentiellement dans le cadre du fédéralisme américain : la Cour Suprême l'a consacrée dans plusieurs de ses décisions favorables aux états fédérés. Elle est aussi présente en Allemagne. Cependant, à la différence des états américains ou allemands, les entités ne participent pas au pouvoir constituant dérivé de l'État.
(30) L'article III.1 de la Constitution reconnaît (a) comme domaine de compétence des institutions de Bosnie-Herzégovine la politique étrangère tandis que l'article III.2 consacré aux domaines de compétences des entités (d) accorde à celles-ci la possibilité de « conclure des accords avec des États et des organisations internationales avec le consentement de l'Assemblée parlementaire ».
(31) Cette question a été abordée par la Cour constitutionnelle dans l'arrêt no 12 du 7 juin 1999 relatif au Traité d'union économique et douanière conclu par la Fédération de BiH avec la Croatie.
(32) « Le Haut représentant est l'autorité décisionnaire pour l'interprétation du présent accord de mise en oeuvre civile du règlement de paix. »
(33) Dans cet acte, M. Carlos Westendorp, ancien Haut représentant, affirme que le pouvoir de commandement civil des forces armées est un pouvoir collégial qui appartient aux trois membres de la Présidence. Ceux-ci doivent s'appuyer sur la commission militaire permanente pour coordonner l'activité des forces armées. En outre, il considère que les entités ne peuvent invoquer aucune disposition de leur constitution pour s'opposer au principe établi par cette décision. Celle-ci va cependant directement à l'encontre des dispositions de la constitution de la République Srpska qui reconnaît une compétence en ce domaine au Président de la République et, en particulier, lui accorde le pouvoir de nomination des officiers supérieurs des forces armées. Enfin, l'intervention du Haut représentant fait référence à l'instruction de cette question par la Cour constitutionnelle de BiH. Il est précisé qu'elle examine dans quelle mesure les constitutions des entités devront être modifiées pour rendre celles-ci compatibles avec la Constitution de BiH et semble considérer comme fait acquis que la Cour ne puisse pas trancher différemment.
(34) Décision CC du 13 août 1999, n° 1/99, M. Mirko Banjac, jointe en annexe, à la rubrique « Textes à l'appui », p. 57.
(35) L'article V de la Constitution établit deux ministères : Affaires étrangères et Commerce extérieur. La première loi sur le Conseil des ministres du 24 décembre 1997 crée en sus le ministère des Affaires civiles et de la communication tandis que la nouvelle loi en ajoute trois.
(36) Un nombre aussi restreint de ministères « centraux » signifie que les autres portefeuilles ministériels sont gérés par les entités (justice, intérieur, défense, etc.).
(37) Décision jointe en annexe, à la rubrique « Textes à l'appui », p. 58.
(38) Dans une décision no 7/97 du 22 décembre 1997, Parti croate de la loi 1861, la Cour constitutionnelle a décliné sa compétence pour évaluer la conformité à la Constitution de l'accord-cadre général (Traité de Dayton) dans la mesure où sa mission est de veiller au respect de la seule Constitution. La Cour a également estimé que la Constitution ne pouvait pas être en contradiction avec le Traité de Dayton dont elle forme partie intégrante.
(39) Cela a été le cas pour l'affaire 5/98 : un numéro spécial de la Gazette officielle a été consacré à la publication de la troisième décision partielle rendue les 30 et 1er juillet 1999 et relative à l'égalité des peuples constituants.
(40) L'article 606 dispose que les décisions de la sous-commission d'appel électoral sont définitives et obligatoires et ne peuvent être renversées que par une décision du chef de mission du bureau de représentation de l'OSCE.
(41) L'article 1212 modifie les modalités d'élection des membres de la Chambre des peuples de la Fédération de Bosnie-Herzégovine.
(42) À noter que par une décision du 7 mars 2001, le Haut représentant a révoqué le président Jelavic en considérant que son refus de respecter le résultat de la décision de la Cour constitutionnelle et sa volonté d'organiser un référendum d'autodétermination parmi les Croates de Bosnie Herzégovine remettait en cause l'ordre constitutionnel et constituait une obstruction à la bonne application du Traité de Dayton.