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Présentation de la Cour constitutionnelle d'Ukraine

Petro MARTYNENKO - ancien juge à la Cour constitutionnelle, Professeur de droit constitutionnel comparé à l'Académie diplomatique d'Ukraine

Cahiers du Conseil constitutionnel n° 16 (Dossier : Ukraine) - juin 2004

L'institution en Ukraine d'une Cour constitutionnelle est directement liée à l'adoption de la nouvelle Constitution(1) qui a marqué la fin du processus de constitutionnalisation de l'Ukraine en tant qu'État indépendant. A été ainsi construit un système en accord avec les normes de protection des droits de l'homme en vigueur dans la famille des États européens, en accord aussi avec les normes d'une démocratie pluraliste basée sur le respect de la suprématie du droit. La mise en place de cette juridiction constitutionnelle avait pour objectif de créer un mécanisme efficace assurant la conformité des lois et des autres textes juridiques avec les dispositions de la nouvelle Constitution (art. 147-153). L'application du principe de contrôle de la constitutionnalité des lois par une juridiction spécialisée en Ukraine a été réalisée essentiellement sur la base du modèle connu de contrôle a posteriori des normes.

1. Évolution historique

L'institution d'un contrôle constitutionnel en Ukraine n'a pas été chose facile. Les deux premières tentatives se sont soldées par un échec total.

La première tentative date de l'époque où l'Ukraine faisait encore partie de l'URSS. En conformité avec la réforme constitutionnelle votée en URSS en 1989, la Constitution de la RSS d'Ukraine a été amendée, et a abouti à la création d'une sorte de surveillance constitutionnelle qui s'exprimait sous forme de recommandations. Les compétences en matière de contrôle du respect de la Constitution de la RSS d'Ukraine demeuraient toujours, en principe, entre les mains de l'organe législatif de la République, le Présidium de la Rada suprême de la RSS d'Ukraine (art. 106, par. 6). Toutefois, une nouvelle instance était mise en place : le Comité de surveillance constitutionnelle de la RSS d'Ukraine (Cour constitutionnelle de la RSS d'Ukraine dès 1990), qui était nommé par ledit organe législatif pour une période de 10 ans et qui était composé d'un président, d'un vice-président et de sept membres. Ce comité était chargé de fournir à la Rada suprême ses avis sur la conformité des projets de loi à la Constitution, de contrôler la conformité à la Constitution et aux lois, des arrêtés et décisions du gouvernement, des actes émanant des conseils locaux des députés du peuple, des autres organes publics voire des organisations non gouvernementales. Les décisions du Comité statuant sur la non-constitutionnalité de ces actes devaient être renvoyées aux organismes ou aux agents qui les avaient arrêtés. En vertu de la Constitution, les décisions du Comité n'avaient pas de valeur juridique obligatoire et ne constituaient que des recommandations visant à mettre les actes en question en conformité avec la Constitution (art. 112). À l'époque de la RSS d'Ukraine, toutes ces dispositions constitutionnelles sont restées lettre morte et n'ont jamais été appliquées.

En février 1992, alors que l'Ukraine était déjà un État indépendant, des modifications constitutionnelles ont été adoptées aux termes desquelles le contrôle du respect de la Constitution devait être réalisé selon le modèle de contrôle constitutionnel juridictionnel incluant toutefois des éléments de la juridiction administrative.

La mise en oeuvre des missions d'une juridiction mixte constitutionnelle et administrative était assumée par la « Cour constitutionnelle d'Ukraine ». En vertu de la Constitution et de la loi « sur la Cour constitutionnelle d'Ukraine » adoptée en juin 1992, la Cour constitutionnelle devait être nommée par le Parlement, la Verkhovna Rada de l'Ukraine, pour une période de dix ans. Composée de spécialistes du droit, elle devait comprendre un président, ses deux adjoints et douze membre, les juges étant considérés comme juges indépendants ne relevant que de la Constitution (art. 112, Const.). Les décisions de la Cour constitutionnelle devaient être qualifiées d'obligatoires et s'imposer à tous les pouvoirs publics, les collectivités territoriales, les institutions, organismes, entreprises et leurs agents, les associations et les citoyens (art. 22 de la loi).

La loi sur la Cour définissait un champ étendu de contrôle constitutionnel. La Cour constitutionnelle était compétente pour l'examen de conformité à la Constitution des lois en vigueur et des autres textes votés par le Parlement, des actes juridiques émanant du président, du Présidium de la Verkhovna Rada, du cabinet des ministres, des pouvoirs publics de la République de Crimée, des traités et accords internationaux soumis au Parlement pour ratification. La Cour constitutionnelle se voyait aussi attribuer des compétences pour connaître des cas litigieux liés à la violation des compétences des pouvoirs constitutionnels de l'État, du principe de séparation des pouvoirs, de la régularité de la procédure des élections et des référendums (art. 14).

Dans le même temps, la Cour constitutionnelle bénéficiait des compétences qui sont en fait en dehors du cadre de la juridiction constitutionnelle. Tout d'abord, étant donné l'absence totale dans le jeune État ukrainien (comme dans toute l'ex-URSS) de justice administrative, la Cour constitutionnelle se voyait attribuer compétence pour connaître des dossiers en non-conformité aux lois des oukazes et décisions du président, des arrêtés du Présidium de la Verkhovna Rada (Parlement), des arrêtés et des décisions du cabinet des ministres, des actes juridiques de la République autonome de Crimée, etc. D'autre part, parmi les compétences de la Cour constitutionnelle figurait l'examen des dossiers en non-conformité aux « textes internationaux reconnus par l'Ukraine » de toute loi ou de tout autre texte réglementaire violant les droits constitutionnels et les droits de l'homme (art. 14, par. 5, de la loi).

Cependant, à cette seconde étape encore, la Cour constitutionnelle d'Ukraine n'a pas vu le jour. La raison principale en a été le retard pris pour l'adoption de la nouvelle Constitution de l'Ukraine. Le jeune État vivait toujours sous la Constitution de la RSS d'Ukraine datant du 20 avril 1978 qui était un texte de portée juridique insuffisante, puisqu'à caractère déclaratif, et reflétant la structure quasi fédérale de l'ex-URSS. Pour pouvoir l'adapter au contexte d'un État indépendant, plus de 240 modifications et compléments de toutes sortes y ont été apportés. Ce document se caractérisait par un manque d'unité logique, par une profonde contradiction interne et par son incapacité à servir de loi fondamentale de l'État.

L'élaboration et l'adoption de la nouvelle Constitution ukrainienne devaient s'opérer dans le contexte de vifs conflits politiques. Dès octobre 1990, le Parlement a chargé une Commission spéciale (59 personnes), formée en majorité de députés, d'élaborer le projet de Constitution. Cette Commission a décidé la création d'un groupe de travail restreint constitué de juristes hautement compétents, qui se fondant sur les règles universellement reconnues du constitutionnalisme démocratique, a mis au point une conception de la nouvelle constitution et a rédigé un projet de Constitution qui devait se heurter toutefois à des débats longs et âpres aussi bien au sein de la Commission constitutionnelle elle-même, qu'au Parlement qui avait à voter définitivement la nouvelle Constitution. Finalement le projet approuvé par la Commission constitutionnelle dans sa rédaction du 1er juillet 1992 a été publié dans la presse par décision du Parlement et soumis à la discussion populaire. Cependant même après cette discussion à l'échelle du pays et à la prise en compte de ses résultats, le projet amendé de Constitution ayant fait l'objet de débats multiples (et ayant subi de nouvelles modifications) au Parlement (sept.-oct. 1993) n'a pas été voté et les travaux sur le projet ont été suspendus. Les rapports entre un pouvoir exécutif réformateur, avec à sa tête, le président de l'Ukraine d'une part, et un Parlement conservateur dominé par la majorité des partis de la gauche d'autre part, se sont aggravés jusqu'à se transformer en une crise constitutionnelle profonde.

La crise a pu être résolue par un accord constitutionnel signé entre la Verkhovna Rada (Parlement) et le président de l'Ukraine intitulé « Sur les principes essentiels d'organisation et de fonctionnement des pouvoirs publics et des autorités locales en Ukraine pour la période allant jusqu'à l'adoption de la nouvelle Constitution de l'Ukraine » en date du 8 juin 1995. Les parties s'engageaient à voter la nouvelle Constitution de l'Ukraine (art. 61 de l'accord) « au plus tard un an après la signature du présent accord constitutionnel ». Le président s'est vu attribuer le pouvoir d'organiser le référendum à l'échelle nationale, notamment en ce qui concernait l'approbation de la Constitution (art. 26). Les dispositions de l'accord constitutionnel ont acquis force de norme juridique suprême en Ukraine. L'article 61 de l'accord stipulait qu'avant l'adoption de la nouvelle Constitution de l'Ukraine, les dispositions de la Constitution en vigueur (celle de l'ex-RSS d'Ukraine en fait) n'étaient valables qu'en tant qu'elles étaient conformes à l'accord constitutionnel. L'accord réaffirmait la nécessite d'instituer la « Cour constitutionnelle d'Ukraine » tout en ramenant ses missions uniquement à celles d'une juridiction constitutionnelle (art. 38).

La nouvelle Constitution de l'Ukraine du 28 juin 1996 (toujours en vigueur) votée à la suite de ces difficiles procédures et en application de l'accord constitutionnel se caractérise par les éléments suivants en ce qui concerne la fonction de contrôle constitutionnel en Ukraine :

- en premier lieu, elle a apporté des précisions fondamentales sur le système de répartition des pouvoirs et sur la hiérarchie des normes ;

- en second lieu, elle se fonde, à partir des principes de l'accord constitutionnel, sur une nouvelle conception de la Cour constitutionnelle faisant uniquement fonction de juridiction constitutionnelle ;

- en troisième lieu, elle érige pour la première fois en Ukraine, le statut de la Cour constitutionnelle au rang de règle constitutionnelle en apportant des modifications de fond à la procédure de sa constitution et au contenu de ses compétences.

Ceci a entraîné l'élaboration et l'adoption d'une loi fondamentalement nouvelle sur la Cour constitutionnelle, loi qui est en vigueur aujourd'hui.

La Cour constitutionnelle a été constituée au cours du mois d'octobre 1996. Après avoir réglé les questions d'organisation interne et de réglementation de ses activités, la Cour constitutionnelle a commencé l'examen des dossiers en séance plénière le 17 avril 1997, sa première décision ayant été adoptée le 13 mai 1997.

2. Vocation de la Cour constitutionnelle

Selon la Constitution, la Cour constitutionnelle est l'unique organe de juridiction constitutionnelle en Ukraine (art. 147, 1er al.). Sa mission principale et sa vocation consistent à garantir la suprématie de la Constitution en tant que loi fondamentale de l'État sur tout le territoire de l'Ukraine (art. 2 de la loi).

De façon plus concrète le rôle de la Cour constitutionnelle en Ukraine se définit par trois missions principales :

- le contrôle du respect de la Constitution au moment de l'adoption des lois et des autres actes juridiques prévus par la Constitution. Cette fonction est liée au fait que la nouvelle Constitution se fonde sur des approches conceptuelles nouvelles concernant la garantie d'un État de droit et la suprématie de la Constitution dans le droit ukrainien.

La Constitution dispose que l'Ukraine est un État souverain et indépendant, démocratique, social, un État de droit dans lequel est reconnu et s'applique le principe de la suprématie du droit (art. 1, art. 8, 1er al.). La Constitution possède la valeur juridique suprême. Les lois et les autres textes réglementaires sont adoptés sur la base de la Constitution et doivent être conformes à la Constitution (art. 8, 2e al.). La Cour constitutionnelle statue sur la conformité des lois et des autres actes juridiques à la Constitution (art. 147, 2e al.). Toutefois cette fonction de la Cour constitutionnelle ne couvre pas tous les actes juridiques des pouvoirs publics en Ukraine, mais seulement ceux qui sont définis expressis verbis dans la Constitution elle-même : lois et autres textes juridiques du Parlement, actes du président, actes du cabinet des ministres, actes juridiques de la République autonome de Crimée (art. 150, 1er al., § 1);

- le contrôle du respect des droits et libertés de l'homme et du citoyen, de l'indépendance et de l'intégrité territoriale de l'État en cas de modifications de la Constitution.

Cette fonction se fonde sur les dispositions de la Constitution qui disposent que les droits constitutionnels et les droits de l'homme et du citoyen sont considérés comme ayant une nature préconstitutionnelle et supraconstitutionnelle. Le respect de ces droits et libertés est une obligation directe non seulement pour le législateur mais aussi pour le constituant.

La Constitution stipule que les droits constitutionnels et les libertés sont garantis et ne peuvent être écartés (art. 22, 2e al.), ils ne peuvent être limités que dans les cas prévus par la Constitution (art. 64, 1er al.). La Constitution ne peut être révisée lorsque les modifications proposées visent à l'annulation ou à la restriction desdits droits et libertés (art. 157, 1er al.). Le projet de loi portant modification de la Constitution est soumis au Parlement sous réserve d'un avis de la Cour constitutionnelle concernant la conformité du projet de loi aux dispositions des articles 157 et 158 de la Constitution (art. 159). Outre les droits et libertés de l'homme et du citoyen, le statut de valeur constitutionnelle suprême en Ukraine est attribué à l'indépendance et à l'intégrité territoriale de l'État (art. 157, 1er al.);

- le règlement de questions litigieuses particulières relatives à l'application des dispositions de la Constitution ou d'une loi qui concernent l'activité des pouvoirs publics. Cette fonction est remplie de trois manières :

a) La Cour constitutionnelle connaît des « conflits de compétence » dans les rapports entre les pouvoirs publics légalement constitués. La Constitution dispose que les pouvoirs publics et les autorités locales ainsi que leurs agents sont tenus d'exercer leurs missions uniquement sur la base de leurs compétences respectives et dans les limites de celles-ci, suivant la procédure prévue par la Constitution et les lois ukrainiennes (art. 19, 2e al.).

b) La Cour constitutionnelle est compétente pour « l'interprétation officielle » des dispositions de la Constitution et des lois de l'Ukraine dans deux cas : lorsqu'il y a un « besoin pratique » d'éclaircir ou d'expliciter ces dispositions pour l'exercice des compétences des pouvoirs publics ou bien lorsque l'éventualité d'une application équivoque de ces dispositions par les pouvoirs publics eux-mêmes risque de se traduire ou se traduit par une violation des droits constitutionnels et des libertés (art. 93, 94 de la loi).

c) Dans certains cas prévus par la Constitution, l'avis de la Cour constitutionnelle à propos du respect de la Constitution est la condition préalable d'exercice des attributions d'un organe des pouvoirs publics : en cas de ratification des traités internationaux, en cas de destitution du président de l'Ukraine selon la procédure d'" impeachment " (art. 151), en cas de dissolution anticipée de la Rada suprême de la République autonome de Crimée (art. 85, 1er al., § 28).

3. Bases juridiques

Le chapitre XII de la Constitution est consacré à la Cour constitutionnelle. Les principes constitutionnels fondamentaux et les règles concernant le fonctionnement de la Cour constitutionnelle sont concrétisés dans la loi « sur la Cour constitutionnelle d'Ukraine »(2). Toute une série de questions relatives à l'organisation interne et aux modalités de fonctionnement de la Cour constitutionnelle sont prévues par le « règlement de la Cour constitutionnelle d'Ukraine »(3).

Par sa vocation, la nature de ses missions et de ses activités, la Cour constitutionnelle représente un organe original et unique dans le système d'organisation constitutionnelle du pouvoir en Ukraine où elle occupe une place tout à fait autonome. La Cour constitutionnelle est à la fois un organe constitutionnel et une juridiction. En tant que juridiction elle n'appartient ni au pouvoir judiciaire, ni au pouvoir exécutif, ni au pouvoir législatif. La Cour est indépendante, elle dispose à ce titre d'un budget autonome et elle réglemente elle-même ses activités internes. Les juges de la Cour constitutionnelle bénéficient des garanties d'indépendance et d'inviolabilité prévues par la Constitution et les lois de l'Ukraine. Les pressions sur les juges, quelles qu'elles soient sont interdites (art. 149, art. 26, 1er et 2e al., Const.). Les juges ne peuvent appartenir à des partis politiques ou à des syndicats, participer à des activités politiques, posséder un mandat électif, occuper d'autres postes rémunérés, exercer d'autres activités rémunérées exception faite des recherches scientifiques, de l'enseignement ou des activités artistiques (art. 149, art. 127, 2e al., Const.). Les motifs de révocation des juges sont également définis par la Constitution (art. 126, 5e al., Const.).

La Cour constitutionnelle se compose de dix-huit juges désignés par les pouvoirs législatif, exécutif et judiciaire. Chacune de ces autorités nomme, selon sa propre procédure, six juges pour une période de neuf ans sans possibilité de renouvellement. Le président nomme les juges par un décret contresigné par le Premier ministre et le ministre de la Justice. Le Parlement élit les juges par un vote au scrutin secret. Le pouvoir judiciaire élit les juges au Congrès des juges de l'Ukraine par un vote au scrutin secret des délégués du congrès. Tous les juges de la Cour constitutionnelle prêtent serment à la séance plénière du Parlement en présence du président de la République, du Premier ministre et du président de la Cour suprême.

Un juge rapporteur de la Cour constitutionnelle est chargé d'instruire les dossiers en vue de leur examen en « collège de juges » ou en séance plénière ; il participe à l'examen des dossiers et aux délibérations de la Cour.

Pour statuer sur la recevabilité des requêtes la Cour constitutionnelle constitue, dans le courant du premier mois de l'année civile, des collèges de juges, approuve leur composition et désigne les secrétaires des collèges. Le secrétaire du collège est désigné parmi les juges qui en font partie et c'est lui qui en anime le travail.

La Cour constitutionnelle constitue d'autre part des commissions permanentes et ad hoc. Les commissions permanentes sont des organes de travail auxiliaires chargés des questions d'organisation du fonctionnement interne de la Cour. Elles sont constituées de juges de la Cour volontaires et elles sont présidées par l'un des membres de la commission désigné par le président de la Cour. Pour l'étude approfondie des questions relatives à la procédure constitutionnelle en séance plénière sont constituées des commissions ad hoc en faisant appel à des spécialistes de renom.

La coordination en matière d'organisation du travail, en matière scientifique et d'expertise, en matière d'information et dans d'autres domaines d'activités est assuré par le secrétariat de la Cour constitutionnelle dont le secrétaire général est nommé par la Cour sur proposition du président de la Cour constitutionnelle.

La Cour constitutionnelle est présidée par un président élu par les juges au cours d'une séance plénière spéciale au scrutin secret. Le président est élu pour une période de trois ans non renouvelable. Le président de la Cour constitutionnelle est assisté de deux vice-présidents élus pour la même période au scrutin secret par les juges sur proposition du président de la Cour.

Le président de la Cour constitutionnelle organise le travail des collèges de juges, des commissions et du secrétariat de la Cour constitutionnelle, convoque et anime les séances de la Cour, gère les fonds budgétaires en conformité avec le budget adopté par la Cour constitutionnelle, exerce d'autres compétences prévues par la loi et le règlement de la Cour constitutionnelle. La Cour constitutionnelle est dotée de la personnalité morale.

4. Compétences et procédures

Les compétences de la Cour constitutionnelle d'Ukraine ne sont définies que par la Constitution. Les principales compétences de la Cour constitutionnelle sont visées à l'article 150 de la Constitution et se résument ainsi :

En premier lieu la Cour statue sur la conformité à la Constitution (la constitutionnalité):

- des lois et des autres actes juridiques de la Verkhovna Rada de l'Ukraine (le Parlement);

- des actes émanant du président de l'Ukraine ;

- des actes émanant du cabinet des ministres de l'Ukraine ;

- des actes juridiques de la République autonome de Crimée.

Ces dossiers ne sont examinés par la Cour constitutionnelle que lorsqu'elle est saisie par le président de l'Ukraine, au moins quarante cinq députés du Parlement, la Cour suprême, la Déléguée du Parlement aux droits de l'homme, ou la Rada suprême de la République autonome de Crimée.

En second lieu, la Cour constitutionnelle fournit l'interprétation officielle de la Constitution et des lois de l'Ukraine lorsqu'elle est saisie par les pouvoirs publics, des citoyens et d'autres ressortissants (art. 93, 94 de la loi sur la Cour constitutionnelle).

En vertu de la Constitution (art. 85, 1er al., § 28, art. 151, 159) la Cour constitutionnelle exerce également les compétences suivantes :

- formulation d'avis sur la conformité à la Constitution des traités internationaux en vigueur, ou des traités soumis au Parlement pour ratification (seuls le président de l'Ukraine et le cabinet des ministres de l'Ukraine sont habilités à saisir la Cour de ces questions);

- formulation d'avis sur le respect de la procédure constitutionnelle de l'instruction et de l'examen du dossier sur la révocation du président de l'Ukraine, en cas de procédure de destitution (seule la Verkhovna Rada est habilitée à saisir la Cour pour veiller à la régularité de la destitution);

- formulation d'avis sur la violation par la Rada suprême de la République autonome de Crimée de la Constitution ou des lois de l'Ukraine en cas d'action en dissolution anticipée de la Rada suprême de la République autonome de Crimée (seule la Verkhovna Rada est habilitée à saisir la Cour de cette question);

- formulation d'avis sur la conformité des projets de loi portant modification de la Constitution aux dispositions des articles 157 et 158 de la Constitution (seule la Verkhovna Rada est habilitée à saisir la Cour de cette question).

Les compétences constitutionnelles de la Cour citées ci-dessus méritent d'être précisées :

- lorsque, en statuant sur la conformité d'un texte (ou d'une de ses dispositions) à la Constitution ou sur l'interprétation officielle des dispositions particulières de la Constitution ou d'une loi, la Cour constitutionnelle constate la non-conformité à la Constitution d'autres actes juridiques (ou de certaines de leurs dispositions) que ceux qui font l'objet de la procédure, elle est en droit de statuer de sa propre initiative, dans le cadre de cette même procédure, sur la non-constitutionnalité de l'acte juridique concerné ou de ses dispositions concrètes (art. 61, 3e al., art. 95, 2e al., de la loi « sur la Cour constitutionnelle de l'Ukraine ») ce qui élargit d'une certaine manière le cadre de ses compétences constitutionnelles ;

- lorsqu'en procédant au contrôle constitutionnel et juridique des lois et des autres textes juridiques la Cour constitutionnelle relève des lacunes dans la législation, la Cour refuse de se substituer au législateur et accepte certaines autolimitations de ses compétences sous réserve que les lacunes législatives considérées n'entraînent pas de violations des droits et libertés de l'homme et du citoyen ;

- en surveillant le respect par le législateur du cadre constitutionnel de ses actes, la Cour constitutionnelle admet certaines autolimitations de ses compétences de contrôle relatif à ces actes en pratiquant, depuis février 1998, la doctrine dite de « l'opportunité politique ». D'après cette doctrine la Cour ne contrôle pas la conformité à la Constitution des actes du législateur qui, selon la définition de la Cour constitutionnelle, relèvent des « questions de l'opportunité politique » et doivent être réglées par le législateur en toute liberté (par exemple, le seuil électoral pour qu'un parti puisse avoir des députés, le nombre des députés nécessaire à la constitution d'un groupe parlementaire, etc.).

La Cour constitutionnelle se fonde dans ses activités sur les principes de la suprématie du droit, de l'indépendance, du travail collégial, de la transparence, d'un examen complet et intégral des dossiers et du bien-fondé de ses décisions.

5. Contrôle de conformité aux normes

La Cour constitutionnelle statue sur la non-constitutionnalité partielle ou totale des actes juridiques, sur la base des éléments suivants :

- la non-conformité à la Constitution ;

- le non-respect de la procédure, définie par la Constitution, pour l'examen, l'approbation ou l'entrée en vigueur des textes concernés ;

- l'abus des compétences constitutionnelles au moment de l'adoption des textes concernés.

La Cour constitutionnelle de l'Ukraine exerce trois types de contrôle constitutionnel :

- le contrôle a priori, c'est-à-dire le contrôle exercé avant le vote de la loi portant modification de la Constitution, la ratification par le Parlement d'un traité international de l'Ukraine ou l'application des sanctions constitutionnelles à caractère contraignant dans le cas d'examen de la question de la destitution du président de l'Ukraine ou bien en cas de dissolution anticipée de la Rada suprême de la République autonome de Crimée ;

- le contrôle a posteriori des lois votées et des autres textes juridiques qui est le mode principal de contrôle exercé par la Cour constitutionnelle. La Constitution soumet à ce contrôle de constitutionnalité non seulement les lois en vigueur mais aussi les autres actes juridiques arrêtés par le Parlement, le président, le cabinet des ministres et la Rada suprême de la République autonome de Crimée sans égard à la nature de ces textes. Toutefois la Constitution n'inclut pas dans ce contrôle les actes juridiques des ministères, des administrations centrales et locales, des collectivités locales, les actes des juridictions de droit commun, les référendums nationaux ou locaux ;

- l'interprétation officielle de la Constitution et des lois de l'Ukraine qui est également une activité essentielle de la Cour constitutionnelle. Ce type de contrôle constitutionnel découle des particularités du contrôle effectué par la juridiction constitutionnelle en Ukraine, à savoir l'absence de possibilité pour les citoyens et les autres personnes privées de saisir la Cour constitutionnelle directement de plaintes ; la réforme judiciaire inachevée : un système juridique national qui manque de cohérence et accuse des insuffisances, etc.

6. Effet des décisions de la Cour constitutionnelle

Les décisions relatives à la recevabilité sont adoptées par la Cour constitutionnelle réunie en séance plénière en tenant compte de la position formulée à ce sujet par le collège de juges. Les dossiers examinés par la Cour constitutionnelle font l'objet d'une décision ou d'un avis qui sont également obligatoires.

Les décisions et les avis de la Cour constitutionnelle sont adoptés en séance plénière à la majorité de dix voix au moins. Les décisions et les avis arrêtés sont signés par les juges au plus tard dans les sept jours suivant leur adoption. Les décisions et les avis sont rendus publics officiellement le jour ouvrable suivant leur signature. Les décisions et les avis sont publiés au Bulletin de la Cour constitutionnelle d'Ukraine et dans d'autres publications officielles. L'opinion dissidente d'un juge ayant signé la décision ou l'avis est formulée par le juge concerné par écrit pour être annexée à la décision ou à l'avis de la Cour constitutionnelle.

La Constitution détermine les effets juridiques des décisions de la Cour constitutionnelle. Ainsi, l'article 150 stipule, dans son deuxième alinéa, que les décisions de la Cour constitutionnelle sont obligatoires sur le territoire de l'Ukraine, qu'elles ont un caractère définitif et ne sont pas susceptibles de recours.

Les lois, les autres textes juridiques ou leurs dispositions qui ont été qualifiés de non constitutionnels deviennent caducs dès l'adoption par la Cour constitutionnelle de la décision sur leur inconstitutionnalité.

Le préjudice pécuniaire ou moral causé aux personnes physiques ou morales par les textes ou les actes qualifiés d'inconstitutionnels est réparé par l'État suivant les modalités fixées par la loi (art. 152 de la Constitution, 2e et 3e al.).

Les copies des décisions et des avis de la Cour constitutionnelle sont expédiées, dès le jour suivant leur publication officielle, à l'auteur de la saisine, au ministère de la Justice ainsi qu'à l'autorité ayant adopté le texte dont la Cour constitutionnelle a eu à connaître.

Le cas échéant, la Cour constitutionnelle peut assortir sa décision ou son avis des modalités et des délais de son exécution, ainsi que charger les autorités concernées d'assurer l'exécution de sa décision ou le respect de son avis.

La Cour constitutionnelle peut exiger de toutes ces autorités la confirmation écrite de l'exécution de sa décision ou du respect de son avis.

Le fait de ne pas exécuter les décisions ou de ne pas suivre les avis de la Cour constitutionnelle entraîne la responsabilité en vertu de la loi.

7. Jurisprudence (1997-2003)

Depuis le début de ses activités en avril 1997, la Cour constitutionnelle a rendu 13 avis, 114 décisions au principal et 459 décisions de recevabilité.

Plus de la moitié des avis de la Cour constitutionnelle concernent les requêtes du Parlement relatives aux projets de loi portant modification de la Constitution. Certains avis concernent le caractère constitutionnel des traités internationaux signés par l'Ukraine.

Les décisions de la Cour constitutionnelle concernent les questions portant sur la conformité à la Constitution (la constitutionnalité) des lois et des autres textes juridiques (ou leurs dispositions) de la Verkhovna Rada (Parlement), des actes émanant du président de l'Ukraine, des actes émanant du cabinet des ministres (gouvernement) et des actes de la Rada suprême de la République autonome de Crimée ; la moitié environ des décisions portent sur l'interprétation officielle des dispositions de la Constitution et des lois ukrainiennes.

La majorité écrasante des questions de recevabilité examinées par la Cour constitutionnelle en séance donnent lieu à des arrêts procéduraux sur l'irrecevabilité des requêtes. Un nombre important de ces rejets est dû au caractère non-fondé des requêtes relatives à l'interprétation officielle des dispositions de la Constitution et des lois ukrainiennes ainsi qu'au fait que l'Ukraine n'a pas encore achevé la mise en place de son système de justice administrative.


1. La Constitution (Bulletin de la Verkhovna Rada, 1996, n° 30, p. 141) a été adoptée par le Parlement, la Verkhovna Rada d'Ukraine, à la majorité qualifiée des voix de sa composition constitutionnelle. C'est la première Constitution, tout à fait nouvelle, que l'Ukraine a adoptée en tant qu'État indépendant. À ce jour, aucune modification n'a été apportée au texte de la Constitution.

2. Bulletin de la Verkhovna Rada, 1996, n° 49, p. 272. La loi est entrée en vigueur le 16 octobre 1996. À l'heure actuelle, le Parlement a été saisi de plusieurs projets de loi portant modification de cette loi.

3. Adopté par la Cour constitutionnelle le 5 mars 1997, le Règlement a été publié dans l'organe officiel de la Cour, le Bulletin de la Cour constitutionnelle d'Ukraine, 1997, n° 1, p. 66-96.

(1) La Constitution (Bulletin de la Verkhovna Rada, 1996, n° 30, p. 141) a été adoptée par le Parlement, la Verkhovna Rada d'Ukraine, à la majorité qualifiée des voix de sa composition constitutionnelle. C'est la première Constitution, tout à fait nouvelle, que l'Ukraine a adoptée en tant qu'État indépendant. À ce jour, aucune modification n'a été apportée au texte de la Constitution.
(2) Bulletin de la Verkhovna Rada, 1996, n° 49, p. 272. La loi est entrée en vigueur le 16 octobre 1996. À l'heure actuelle, le Parlement a été saisi de plusieurs projets de loi portant modification de cette loi.
(3) Adopté par la Cour constitutionnelle le 5 mars 1997, le Règlement a été publié dans l'organe officiel de la Cour, le Bulletin de la Cour constitutionnelle d'Ukraine, 1997, n° 1, p. 66-96.