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Les cours constitutionnelles et suprêmes étrangères et les élections présidentielles

Fabrice HOURQUEBIE, Professeur de droit public Université Montesquieu-Bordeaux IV, CERCCLE-GRECCAP,

Wanda MASTOR, Professeur de droit public, Université Toulouse I - Capitole, Institut Maurice Hauriou

Nouveaux Cahiers du Conseil constitutionnel n° 34 (Dossier : l'élection présidentielle) - janvier 2012

Le droit aime les oxymores, les paradoxes, les contradictions et autres subtilités, tant formelles que substantielles, de la langue française. Le droit public aime particulièrement les nuances, le droit constitutionnel les hybrides (les « catégories sui generis » dit-on pour impressionner nos étudiants). Les discriminations peuvent ainsi être positives, la séparation des pouvoirs souple, un régime mi (ou plutôt « ni ») présidentiel, mi parlementaire. La citation de Montesquieu est célèbre mais nul autre n'a su théoriser avec autant de talent ce qui, a priori, relève de l'évidence la plus pure : « Il n'y a point de liberté, si la puissance de juger n'est pas séparée de la puissance législative et de l'exécutrice » (1). Appliquée à notre objet d'étude, cette réflexion engendre un certain malaise interprétatif. Il y aura toujours des contestataires, qui le sont par nature, pour dénigrer au Conseil constitutionnel le statut de juridiction. Les arguments traditionnellement avancés se focalisent sur la désignation des membres par les autorités politiques. Or le droit comparé nous enseigne qu'il en va de même dans la plupart des démocraties ; l'intervention des autorités politiques n'implique pas nécessairement une haute politisation des nominations. Kelsen lui-même, après avoir évoqué les différents modes de recrutement possibles (et notamment l'élection par le Parlement et la nomination par le chef de l'État, ou la combinaison des deux), estime « préférable d'accepter plutôt qu'une influence occulte et par suite incontrôlable des partis politiques, leur participation légitime à la formation du tribunal » (2).

La comparaison de la composition des diverses cours constitutionnelles européennes à l'heure actuelle permet de dégager des éléments communs : les autorités politiques, quelles qu'elles soient, ont désigné des juges proches, ou relevant de leurs tendances politiques. En Allemagne, en Italie, en Espagne, en France, ou en Autriche, les deux ou trois principaux partis politiques se partagent les choix, et ce malgré les précautions prises, comme en Allemagne ou en Espagne, pour éviter un tel phénomène. En outre, les origines des membres sont très semblables, avec une proportion importante (si on exclut avec regrets le Conseil constitutionnel français) de professeurs d'université.

Pour admettre la qualité de cour constitutionnelle, il faut que l'institution soit une véritable juridiction. Cette qualité doit s'apprécier compte tenu des caractéristiques des juridictions constitutionnelles, et non pas au regard des définitions classiques du droit privé ou même du droit administratif. En toute hypothèse, qu'importent les multiples variations sur le thème de la nature politico-juridictionnelle ou juridico-politique des cours constitutionnelles. Dans les autres pays européens, l'attribution du qualificatif de juridiction ne fait pas débat. Refuser cette dénomination à l'une d'entre elles, pour des raisons de composition, de mode de désignation des membres ou de fonctionnement, revient à la refuser à toutes.

Nous partons donc du principe que les cours constitutionnelles sont composées de « véritables » juges, et notre étude englobera également ceux appartenant à des cours suprêmes dotées de compétences similaires. D'où la difficulté de départ : comment accepter la compétence électorale d'un juge constitutionnel, surtout lorsqu'il s'agit de la plus haute des élections, tout en écoutant la mise en garde de Montesquieu ? Tout en la considérant comme le pilier d'un État de droit à l'image de l'article 16 de notre Déclaration des droits de l'homme et du citoyen ? Comment accepter que le juge constitutionnel veille à la régularité des élections présidentielles, se prononce sur des éventuelles contestations, quand les fonctions de juger et d'exécuter doivent être séparées par la cloison la plus étanche ? La proclamation des résultats semble poser moins de difficultés, même si l'image d'un président d'une cour proclamant victorieuse l'autorité qui l'a nommé peut être soumise à débat. Il y a des images, des symboles qui peuvent être plus révélateurs que tous les discours.

Il est classique de dire que la compétence électorale mue le juge constitutionnel en juge ordinaire. Lorsqu'ils veillent à la régularité des élections nationales, les membres de juridictions constitutionnelles ou de cours suprêmes ne contrôlent pas la conformité d'un acte à la Constitution. Ils ne se « dénaturent » pas pour autant, mais exercent une mission différente, une dualité de fonction contentieuse en quelque sorte. En Europe, rares sont les juges constitutionnels qui ne sont pas compétents en matière électorale (les juges espagnols, belges ou bosniaques notamment). Les relations envisagées dans le cadre de cette présente étude entre juges constitutionnels et élections présidentielles n'ont de sens que dans le cadre d'un certain type de régime. Mais existe-t-il véritablement un régime présidentiel, en tant que catégorie autonome ? Pour raisons d'ordre pédagogique, et de manière artificielle, certains régimes sont qualifiés de « semi-présidentiels ». Mais comme souvent, la classification automatique présente des insuffisances scientifiques. Notre étude se basera sur les régimes au sein desquels le chef de l'exécutif est démocratiquement élu. Sont ainsi exclues les juridictions constitutionnelles qui sont compétentes en matière électorale, telles que les cours allemande et italienne, mais qui s'inscrivent dans un régime de type parlementaire. De même sont exclus les régimes dotés de tribunaux spécialement créés pour connaître du contentieux électoral, à l'instar du Brésil. Le très sophistiqué Tribunal supérieur électoral, notamment compétent en matière d'élections présidentielles, chapote un véritable ordre judiciaire électoral.

En Autriche, conformément à l'article 141 de la Constitution autrichienne, la Cour constitutionnelle est également juge électoral (Wahlgerichtsbarkeit). Elle juge en effet du contentieux des principales élections politiques, administratives et professionnelles : élection des députés au Conseil national, membres des assemblées des Länder, des conseils des communes, du président de la Fédération, des exécutifs des Länder, des exécutifs communaux (3). Le Tribunal constitutionnel portugais est susceptible d'enregistrer des recours tendant à faire perdre son mandat à un député à l'Assemblée de la République ou aux assemblées des régions autonomes (4). Il est par ailleurs le juge de l'élection à la présidence de la République. En vertu de l'article 223 c de la Constitution, « il incombe au Tribunal (...) de juger en dernière instance la régularité et la validité des actes de la procédure électorale » (5). En France, seul le contentieux des élections nationales est dévolu au Conseil constitutionnel. Il est juge des élections parlementaires, des mandats parlementaires, veille à la régularité des opérations de référendum et en proclame les résultats. Il est également le juge des élections présidentielles, pour lesquelles il détient également des attributions consultatives et des attributions d'organisation. Jouant un rôle très actif dans la préparation des élections présidentielles, le Conseil est consulté par le gouvernement en vue de l'élaboration des textes relatifs à l'organisation du scrutin. Son rôle ne se limite pas ici à la délivrance d'observations, puisqu'il a également pour mission de recevoir les candidatures et de les publier, après vérification, au Journal officiel. De même contrôle-t-il le bon déroulement des opérations de vote à travers ses délégués et déclare-t-il les résultats, en vertu de l'article 58 de la Constitution. Le droit positif encadrant la compétence du Conseil constitutionnel concernant l'élection présidentielle se situe à chaque niveau de l'échelle normative. Dispositions constitutionnelles, lois organiques, lois ordinaires et dispositions à valeur réglementaire sont relatives à la compétence de la Haute juridiction en la matière, alourdissant sans cesse sa tâche. Que ce soit au stade de la préparation des élections, de celui de son déroulement ou de la proclamation des résultats, le Conseil constitutionnel est omniprésent.

En ce qui concerne leur lien avec l'exécutif, il est à noter que bon nombre de cours constitutionnelles sont également compétentes pour contrôler la constitutionnalité des actes présidentiels et/ou se muent en juge pénal pour se prononcer sur une destitution éventuelle (6). Mais les hypothèses où les membres d'une cour constitutionnelle ou suprême se sont prononcés sur une élection présidentielle sont tout à la fois rares et éclairantes. Cette présente étude ne saurait prétendre à l'exhaustivité ; elle se concentre sur les exemples récents les plus illustratifs de cette compétence qui peut prêter à controverse. Elle cristallise avec une particulière acuité la difficulté pour un juge de se positionner vis-à-vis de l'exécutif dont il est censé être strictement séparé. Lorsqu'ils sont compétents en matière électorale, les juges constitutionnels le sont généralement en amont, pour le contentieux des actes préparatoires, en aval, pour celui des résultats. Ils le sont également pour la phase intermédiaire relative à la campagne. La mise en parallèle des décisions relatives à l'élection présidentielle permet de relever deux principales tendances. Tendances que l'on peut observer dans bien d'autres domaines, mais que les élections de l'exécutif exacerbent peut-être plus que d'autres. Soit le juge demeure ce qu'il doit être, surtout dans le domaine le plus sensible qui soit car aux confins de la faiblesse de la séparation des pouvoirs (I). Soit il se mue, non pas en serviteur de la Constitution, mais du pouvoir en place (II). L'opposition entre activisme et self-restraint trouve ici sans doute l'une de ses plus éclairantes application et nourrit la réflexion sur l'effectivité de la séparation des pouvoirs : « le soutien comme l'opposition à l'activisme ou à l'auto-limitation doit porter sur la relation entre les pouvoirs et non pas sur le résultat de cette relation » (7).

I - Le juge au service de la Constitution

A - Le juge qui ne va pas au-delà de son office

La transition constitutionnelle et politique des années quatre-vingt dix dans les pays d'Europe centrale, orientale et balte a été l'occasion d'un vaste mouvement d'import/export constitutionnel, notamment concernant le nouveau régime politique à mettre en place (8). Au coeur du constitutionalisme, figurait le principe de séparation des pouvoirs destiné à combattre l'unité du pouvoir, idéologie fondatrice des systèmes constitutionnels socialistes. Ne manquait alors qu'un gardien - le juge - à cette recherche de l'équilibre des pouvoirs ; c'est pourquoi le premier réflexe des constituants fut de prévoir dans la Constitution non seulement un catalogue très abouti de droits fondamentaux mais aussi, et surtout, un juge constitutionnel digne de ce nom, c'est-à-dire bien souvent largement inspiré de la Cour constitutionnelle allemande de Karlsruhe (9), doté des compétences adéquates pour protéger les libertés et garantir la séparation des pouvoirs (10). Dans ce contexte porteur, il devenait tout à fait naturel que les cours constitutionnelles de la quatrième vague disposent d'un large spectre d'attributions. Or ce qui est vrai en contentieux des normes ou des actes des pouvoirs publics ne se vérifie pas automatiquement en contentieux des élections. Ainsi, de manière fréquente, il revient classiquement au juge constitutionnel d'assurer le contrôle de constitutionnalité des lois (Bulgarie, Estonie, Lettonie, Lituanie, Pologne, Slovaquie, Slovénie, République tchèque...), des actes du parlement (Bulgarie, Estonie, Hongrie...) ou des engagements internationaux (Bulgarie, Lituanie, Pologne, Roumanie...). De manière régulière, il leur revient de contrôler la constitutionnalité des partis politiques (Bulgarie, Estonie, Pologne, Roumanie, Slovaquie), des actes du gouvernement (Hongrie, Slovénie, Pologne), des actes juridiques de l'administration (Hongrie, Lettonie, Slovaquie...) ou la violation des droits fondamentaux (Hongrie, Pologne, Slovénie, République tchèque). En revanche on retrouve moins fréquemment dans le spectre d'attribution de la Cour le chef de compétence de contrôle des élections et, particulièrement, du contrôle de la régularité de l'élection présidentielle. C'est ainsi que seules les Cours constitutionnelles bulgare (11) (art. C.149-1-6 : « La Cour constitutionnelle se prononce sur les litiges concernant la régularité de l'élection du Président et du Vice-président »), lituanienne (art. C.105-3-1 : « La Cour constitutionnelle donne un avis sur la question de savoir s'il y a eu violation des lois électorales pendant les élections du Président de la République (...) »), roumaine (art. C.144-d : « [La Cour] veille au respect de la procédure d'élection du Président de la Roumanie et confirme les résultats du scrutin ») et slovaque (art. C.101-9 : « La Cour constitutionnelle de la République slovaque décide si l'élection du Président a eu lieu conformément à la Constitution et à la loi ») sont habilitées à se prononcer sur ce contentieux.

L'état du droit et la pratique permettent alors d'avancer deux constats. D'une part, les compétences des Cours constitutionnelles balte et d'Europe centrale et orientale sont limitées en matière de contentieux de l'élection présidentielle, tant au regard du nombre de cours qui en disposent que de l'intensité du contrôle exercé par celles qui en ont la compétence ; et d'autre part, à cet office circonscrit en amont, fait écho un contrôle plus large sur les actes et les actions du Président en aval. C'est certainement le cas lituanien qui illustre le mieux le premier constat. La Cour rend un avis sur l'existence de violations ou non des lois électorales. Bien que définitif et insusceptible de recours, l'avis est juridiquement distinct d'un arrêt. La limitation des compétences de la Cour (elle se prononce uniquement sur les décisions adoptées par la Commission électorale centrale ou sur son refus d'examiner les griefs alléguant une violation des lois électorales (12)) dans ce domaine, ajoutée à une certaine fermeture de la saisine (seuls les organes visés par la Constitution, à savoir le Président de la République et le Seimas - Parlement - peuvent saisir), font de la Cour un arbitre modeste du contentieux électoral présidentiel mais qui, pour autant, épuise sa compétence. Il en va de même des autres Cours pour lesquelles les dernières élections présidentielles (G. Paravnov, en Bulgarie, élu le 29 octobre 2006 avec 75,95 % des suffrages ; D. Grybauskaite, en Lituanie, élue le 17 mai 2009 avec 69,04 % des suffrages ; T. Basescu élu en Roumanie le 6 décembre 2009 avec 50,33 % des suffrages ; ou encore I. Gasparovic élu en Slovaquie le 4 avril 2009, avec 55,53 % des suffrages) (13) n'ont pas conduit à un contentieux spécifique mais bien à une régulation conforme au périmètre de leur office.

La particularité des Cours constitutionnelles est-européennes est en revanche de disposer de compétences plus étendues que leurs modèles de référence ouest-européens (Cours constitutionnelles allemande et autrichienne) sur le terrain du contrôle des actes du Président (Bulgarie, Estonie, Lituanie) ; de la résolution des conflits constitutionnels entre les organes de l'État (ce qui a permis au juge, notamment en Roumanie en 2007, de poser les contours de la fonction présidentielle ; v. aussi Bulgarie, Pologne, Slovaquie) ; des recours en interprétation des dispositions de la Constitution relatives à l'élection présidentielle - durée du mandat, présentation des candidatures - (Bulgarie, Slovaquie...) ; de la vérification de l'incapacité du Président à exercer ses fonctions (Bulgarie, Lituanie, Pologne, Slovaquie, Croatie, Russie...) ; du contrôle de la procédure de mise en accusation (Roumanie, Lituanie...) puis de destitution ou de suspension (Roumanie, Hongrie, Pologne...) du Président ; ou enfin du constat de sa démission (attribution généralisée). L'octroi d'un spectre large de compétences contentieuses en aval de l'élection semble vouloir compenser la faiblesse des compétences en amont. Au moins deux raisons liées à la nature du contentieux de l'élection présidentielle expliquent ce choix du constituant. D'abord, la portée symbolique de ce contentieux. On est en présence d'un contentieux au symbolisme fort, largement imprégné d'idéologie dans les pays socialistes, et qui nécessite une dose d'audace et de témérité que les jeunes cours constitutionnelles n'ont pas forcément acquise étant, au moment de la transition, encore dans leur propre quête de légitimité. Ensuite, la signification politique de ce contentieux. Il s'agit bien du contentieux le plus politique qui soit, en raison de la mobilisation du suffrage universel pour l'élection, même si la mission du juge est uniquement de veiller à sa régularité juridique. Les juges constitutionnels n'osent pas s'attaquer directement à l'élection, contournant ainsi le tabou du suffrage universel direct ou indirect. Mais pour ne pas laisser l'institution présidentielle hors champ de contrôle de la Cour, les juges sont habilités à contrôler les dispositions constitutionnelles qui régissent son statut ou les actes qu'il prend. Derrière cette répartition des compétences se profile l'idée selon laquelle il apparaît plus important, et surtout plus aisé, de surveiller, jusqu'à destituer, un pouvoir en place qui a éventuellement déçu, que d'élire ce pouvoir. Car si le problème de la destitution, par exemple, se pose, c'est que l'idée est déjà plus ou moins accréditée auprès des institutions représentatives, voire auprès de l'opinion. Le juge constitutionnel ne fait alors pas acte révolutionnaire en contrôlant la régularité de cette procédure conformément aux prescriptions constitutionnelles ; au mieux, il surenchérit. Au contraire, dans le contrôle de la régularité de l'élection, il est premier - et seul- à intervenir. Cette confrontation avec la volonté du peuple souverain le place ainsi en arbitre de la volonté du constituant originaire, duquel il tire sa légitimité, et auquel il peut être amené à signifier qu'il a pu se tromper.

De manière typique, l'actualité récente de la Cour constitutionnelle du Niger vient également illustrer ce constat d'un juge constitutionnel au soutien de la Constitution dans le contrôle du mandat présidentiel puis de l'élection. La question du mandat présidentiel a été au centre d'une grave crise politique qui a conduit au coup d'état militaire du 18 février 2010 contre le président Mamadou Tandja qui tentait de se maintenir au pouvoir à l'issue de son second mandat. Or, la Constitution limite le nombre de mandats présidentiels à deux (art. 36) et interdit toute révision de cette limitation. Aussi, le 25 mai 2009, la Cour constitutionnelle rend-elle un avis au terme duquel « le maintien en fonction du Président de la République au-delà du terme de son mandat n'est pas conforme à la Constitution (...). Le Président de la République ne saurait engager ou poursuivre le changement de la Constitution sans violer son serment » (14). Puis dans un arrêt du 12 juin 2009, la Cour, réitérant sa position précédente, en tire les conséquences et annule le décret du 5 juin 2009 portant convocation du corps électoral pour le référendum sur la nouvelle Constitution (celle de la VIe République) (15). Dans les deux espèces, la Cour livre une interprétation tout à fait conforme à l'esprit et au contenu de la Constitution, en abstraction de toute considération politique. Cette attitude empreinte d'orthodoxie constitutionnelle vaut pourtant à la Cour d'être accusée par l'exécutif « d'abus de pouvoir ; [avec] des juges [désignés] pour empêcher le peuple souverain de s'exprimer librement et démocratiquement par un vote oui ou non sur le projet de référendum sur la Constitution de la VIème République » (16). D'où il en ressortira la dissolution de la Cour (29 juin 2009) et son remplacement par une nouvelle juridiction autrement composée. Cette période de crise constitutionnelle va prendre fin, près d'un an plus tard, avec la tenue de l'élection présidentielle (17). En application de l'article 103-2 de la Constitution (« [la Cour] contrôle la régularité, la transparence et la sincérité du référendum, des élections présidentielles, législatives et locales. Elle est juge du contentieux électoral et proclame les résultats définitifs des élections »), le Conseil constitutionnel de transition (institué par l'ordonnance 2010-38 du 12 juin 2010) statuant en matière électorale sur une requête de la Commission électorale nationale indépendante, rend un arrêt le 22 février 2011 à l'issue du premier tour de scrutin (18). Opérant un contrôle rigoureux des pièces fournies afin de constater si les fraudes invoquées par la CENI sont avérées, le Conseil constitutionnel, d'une part, invalide les résultats d'un grand nombre de bureaux de votes dans sept régions pour des motifs aussi divers que la non transmission du procès-verbal de dépouillement, l'absence de signature des assesseurs ou des mentions obligatoires sur le procès-verbal, une rédaction confuse du procès-verbal de dépouillement... ; mais, d'autre part, corrige les erreurs matérielles (19) et réintègre nombre de votes dans le décompte final... En dépit de ces invalidations massives et grâce à une attitude modérée et une méthode pragmatique du juge constitutionnel, les résultats sont proclamés (Issoufou Mahamadou et Seïni Oumarou sont admis au second tour de l'élection) et, surtout, acceptés. Dans son arrêt du 1er avril 2011, rendu à l'issue du second tour de scrutin, le Conseil procédera de la même manière, n'outrepassant pas sa compétence et veillant à restaurer le plus fidèlement possible la sincérité de l'élection (20). La désignation de l'opposant Issoufou Mahamadou vainqueur avec 58,04 % des suffrages clôt cet exercice de démocratie électorale (21) conduit par un Conseil constitutionnel dont l'unique but était la pacification et l'apaisement de la vie politique.

En toutes hypothèses, et les deux séries d'exemples le démontrent, les Cours restent prudentes dans la mise en oeuvre de ces compétences sensibles, directement ou indirectement liées au contentieux de l'élection présidentielle, même si elles n'hésitent pas à les interpréter avec un certain effet utile destiné à servir le droit et la Constitution. La trajectoire constitutionnelle des États d'une part et l'essentialité de l'élection présidentielle dans le contexte post-transitionnel ou post-coup d'état d'autre part, font que, peut-être à l'est et dans certaines régions d'Afrique francophone plus qu'ailleurs, les cours constitutionnelles sont les vrais « gardiens des promesses » (22). La haute conception qu'elles ont de leur rôle, soutenue par une juste interprétation de leurs compétences, les placent véritablement au-dessus du pouvoir politique. D'autres se donnent le même objectif mais en faisant preuve de plus d'activisme.

B - L'activisme au nom du droit

Il est classique de citer la Cour suprême des États-Unis comme l'un des meilleurs exemples d'une juridiction « activiste ». Mais ce qualificatif ne saurait s'apprécier de la même manière dans un pays gouverné par la primauté de la règle écrite et dans celui dominé par la règle jurisprudentielle. Le célèbre arrêt Bush v. Gore rendu par la Cour suprême le 12 décembre 2000 (23) doit-il s'analyser comme un arrêt « activiste », dans le sens où les juges auraient outrepassé leur rôle, seraient allés au-delà de la lettre de la Constitution ? Les commentaires contemporains de la décision sont souvent plus idéologiques que doctrinaux, certains auteurs n'ayant pas supporté que les juges suprêmes entérinent la victoire du candidat républicain, pourtant devancé par son concurrent démocrate de 539 898 suffrages. Ronald Dworkin, dans une contribution à l'intitulé évocateur (« a badly flawed Élection »), a ainsi estimé que cette décision avait « à la fois assuré la victoire de Bush et maintenu un voile de suspicion sur elle » (24), résumant ladite décision à la victoire d'une majorité qualifiée par Michel Rosenfeld d'« excessivement partisane » (25). C'est par une décision aussi complexe sur la forme que sur le fond que la Cour suprême, de l'avis de certains, va se « déshonorer » (26).

Complexe sur la forme, tout d'abord, l'arrêt étant rendu per curiam. Il peut arriver que la majorité des juges constitutionnels coïncident sur le dispositif d'une décision mais non sur ses motifs. Cette situation est assez facilement repérable aux États-Unis, où un cas d'absence de majorité sur les motifs prend la forme soit d'une opinion où se fondent les opinions séparées (les plurality opinions), soit d'une décision per curiam (aucune mention n'étant faite de son rédacteur), non motivée, suivie d'opinions séparées. Le lecteur doit donc rechercher la justification du résultat dans les multiples opinions séparées qui suivent. Les raisons justifiant le fait qu'un arrêt soit rendu per curiam sont fort diverses. En principe, la Cour suprême, renversant ou confirmant un jugement de la juridiction inférieure après procédure sommaire, sans passer par un échange complet de mémoires écrits et de plaidoiries, rend une décision per curiam (27). Mais il ne faut pas en déduire que cette forme n'est réservée qu'à des affaires de peu d'importance ; la Cour décide également d'y recourir lorsqu'elle veut souligner la solidarité des juges, la juridiction collégiale désirant effacer les individualités au profit de l'image d'une Cour unie ne parlant que d'une seule voix. Dans ce cas, les décisions per curiam de la Cour suprême américaine se rapprochent de la tradition continentale. Mais il ne faut pas pour autant assimiler une décision per curiam à une décision prise à l'unanimité, la première se définissant par rapport à son anonymat. Dans la très controversée décision Bush v. Gore, chaque juge dissident a rédigé une opinion dissidente et a adhéré à celles des autres. La décision est ainsi accompagnée de quatre opinions dissidentes solidaires regroupant les mêmes juges (à une exception près, le juge Souter ne s'étant pas rallié à l'opinion du juge Stevens) : Breyer, Stevens, Ginsburg et Souter, chacun en ayant rédigé une. Les adhésions sont partielles et non totales, ce qui rend la compréhension de la décision délicate. Comme à l'accoutumée, ce sont les juges Ginsburg et Kennedy qui ont joué le rôle de « bascule ».

La décision Bush v. Gore est tout aussi complexe sur le fond. Il serait naïf de souligner que les affinités politiques transparaissent à la lecture des opinions des juges, tant ce phénomène est indissociable de l'activité interprétative. Ce d'autant plus quand la juridiction tranche des grands débats de société ou se prononce sur les résultats d'une élection présidentielle. Les détracteurs de la décision Bush v. Gore concèdent eux-mêmes que « compte tenu (...) des imperfections et des lacunes dans les dispositions pertinentes de la Constitution et des lois fédérales applicables en l'espèce, une justice parfaite était probablement impossible dans l'affaire Bush c/ Gore, même en supposant que tous les juges fussent surhumains » (28). Jamais le contexte n'avait été aussi politisé depuis la sulfureuse affaire Nixon sur fond de scandale du Watergate. À travers la voix de son président Burger, la Cour avait rappelé, dans l'arrêt United States v. Nixon du 24 juillet 1974, que « lorsqu'ils conçurent la structure de notre gouvernement, et qu'ils divisèrent, puis repartirent le pouvoir souverain entre trois branches égales, les auteurs de la Constitution cherchèrent à donner au pays un système complet de gouvernement, mais les pouvoirs séparés n'ont pas été conçus pour agir dans une indépendance absolue » (29). Un auteur constate, à propos de la décision du 12 décembre 2000, « le sinistre juridique d'une Cour suprême submergée par un raz-de-marée politique » (30). Mais les juges dissidents sont là pour rappeler à l'ordre une juridiction qui pour certains s'égare : « c'est la confiance en les hommes et les femmes qui administrent le système judiciaire qui est la véritable colonne vertébrale du règne du droit. Le temps guérira un jour la blessure infligée à cette confiance par la décision d'aujourd'hui. Une chose cependant est certaine. Nous ne connaîtrons peut-être jamais avec une complète certitude l'identité du vainqueur de cette élection présidentielle, mais l'identité du perdant est parfaitement claire. C'est la confiance de la Nation dans le juge comme gardien impartial du règne du droit », écrit le juge Stevens dans son opinion dissidente (31). Pour sa part, le juge Steven Breyer considère que « dans un domaine aussi hautement politisé, une décision rendue par une Cour très divisée ne pouvait que préjudicier à la confiance des citoyens dans la Cour elle-même » (32). Pourtant, « manifestations du remarquable prestige et d'une légitimité bien ancrée de la Cour » (33), les craintes des juges dissidents sont restées infondées, seule une minorité de l'opinion publique ayant décrié la décision.

Ce sont pourtant bien des motifs juridiques qui ont justifié la solution. Il peut bien évidemment être rétorqué que lesdits motifs ont été interprétés à la lumière des convictions politiques de chaque juge de la Cour. Mais s'il s'avérait valable, cet argument retirerait toute légitimité à toute personne habilitée à dire le droit, et donc à l'interpréter. Le sempiternel débat relatif à la neutralité totale du juge sera vain tant que ce seront des hommes et non des Dieux ou des machines qui rendront la justice. La première difficulté juridique à laquelle étaient confrontée la Cour suprême était l'absence, dans la Constitution, d'une règle proclamant le droit pour les citoyens de vote pour les élections présidentielles. L'article II, section 1, clause 2 de la Constitution prévoit seulement que « Chaque État nommera, selon les règles déterminées par sa législature, un nombre d'électeurs égal au nombre total de Sénateurs et de Représentants auquel cet État peut avoir droit dans le Congrès ; mais aucun Sénateur, ni Représentant, ni aucun titulaire d'une fonction fédérale rémunérée ou honorifique ne pourra être électeur ». Fédéralisme oblige, ce sont donc les lois des États qui déterminent les modes de désignation des grands électeurs. En Floride, après dépouillement, l'écart des voix entre les candidats républicain et démocrate n'était que de 1784, écart dont la faiblesse obligeait un recomptage automatique dans soixante sept comtés. Les démocrates ayant demandé par la suite un décompte manuel dans certains comtés, le camp adverse riposta en engageant une bataille judiciaire pour empêcher cette démarche. Plusieurs juges furent saisis de l'affaire : le juge du Tribunal de première instance de Floride, la Cour fédérale de District de Miami, la Cour suprême de Floride, et en dernier ressort la Cour suprême des États-Unis. C'est George Bush qui fit appel devant la plus haute juridiction suite à la décision de la Cour suprême de Floride (34) de permettre le décompte manuel. Comme pour répondre à l'étonnement provoqué par l'admission du writ of certiorari, le Chief Justice Rehnquist commence par rappeler dans son opinion concordante que « nous ne sommes pas en train de parler d'élections ordinaires, mais de celle du président des États-Unis » (35). Les Supremes devaient se prononcer essentiellement sur deux points de droit : la violation de l'article II, section 1, clause 2 de la Constitution fédérale par la Cour suprême de Floride (par son interprétation du code électoral) et de la clause d'égale protection des lois protégée par le Quatorzième amendement. En effet, selon le requérant, l'absence d'un standard uniforme de traitement des bulletins entraînait le caractère arbitraire de l'injonction d'un nouveau décompte. À une voix près, les juges ont confirmé ce caractère arbitraire, conjugué à l'impossibilité d'accorder un délai supplémentaire pour le décompte des voix. Seuls deux juges (Breyer et Souter) ont dénoncé avec virulence la violation du principe de l'égale protection des lois.

La Cour n'a donc pas fait preuve d'activisme au sens traditionnellement accordé à cette expression. Michel Rosenfeld lui-même, tout en dénonçant avec dureté les effets de la décision, le concède : « Même si le jugement en matière de protection égale rendu par la majorité au sein de la Cour manque de fondement jurisprudentiel et philosophique, il ne dépasse pas en lui-même les limites de l'interprétation judiciaire légitime » (36). Un activisme au nom du droit en quelque sorte... Mais qui a surtout mis en lumière les dysfonctionnements du système électoral de la plus grande démocratie du monde et la nécessité de modifier une Constitution datant de 1787. Il y a cependant des hypothèses dans lesquelles le service du droit cède la place au service du pouvoir.

II - Le juge au service du pouvoir en place

Le domaine des élections présidentielles est sans aucun doute celui qui permet le mieux de mesurer le degré d'indépendance d'une juridiction qui aurait à connaître de son contentieux. Remarque d'autant plus juste quand elle s'applique à des cours dont les membres sont nommés par des autorités politiques. Au sein d'un régime que certains qualifient, à tort ou à raison, de « présidentialiste », les juges constitutionnels compétents en matière de contentieux des élections présidentielles sont dans une position particulièrement délicate. L'actualité ivoirienne a démontré que les juges constitutionnels avaient assumé cet activisme militant, bien éloigné de celui observé plus haut. Le juge constitutionnel se mue alors en gardien, non de la Constitution, mais du pouvoir en place, n'hésitant pas à rendre des décisions purement politiques aux conséquences dramatiques (A). De manière moins radicale, d'autres juges constitutionnels jouent tout autant la carte de la séduction vis-à-vis du pouvoir en place, mais de façon moins militante, en restant en-deçà de leurs compétences pour ne pas endosser le rôle de contre-pouvoir politique (B).

A - L'activisme pour plaire au pouvoir

Le mandat électoral du juge constitutionnel, quand il concerne l'institution présidentielle, est l'objet de tous les enjeux et de toutes les crispations. L'élection présidentielle étant le temps fort de la vie politique d'un État, la cour constitutionnelle peut rapidement se retrouver, malgré elle ou de sa propre initiative, au coeur de controverses dans lesquelles le sens du droit est détourné pour servir le pouvoir sortant. Le conflit qui a opposé le Conseil constitutionnel ivoirien aux candidats à l'élection présidentielle en est le meilleur exemple. Les compétences élargies qu'octroie la Constitution ivoirienne au juge constitutionnel en matière de contrôle de l'élection présidentielle devaient servir d'appui à une audacieuse interprétation du juge qui s'est transformée en excès de pouvoir. Au terme de l'article 94 de la Constitution du 23 juillet 2000, le Conseil constitutionnel statue sur « l'éligibilité des candidats aux élections présidentielle et législative ; les contestations relatives à l'élection du Président de la République et des députés. [Il] proclame les résultats définitifs des élections présidentielles ». L'article 35 ajoute que « Le candidat à la présidence de la République doit présenter un état complet de bien-être physique et mental dûment constaté par un collège de trois médecins désignés par le Conseil constitutionnel sur une liste proposée par le Conseil de l'Ordre des Médecins. Ces trois médecins doivent prêter serment devant le Conseil constitutionnel ». Découle de cette disposition la compétence du juge constitutionnel ivoirien d'une part, pour contrôler la régularité de la présentation des candidatures, l'éligibilité des candidats, le déroulement du scrutin et le dépouillement des votes ; et d'autre part, pour statuer souverainement sur toutes les réclamations relatives à cette élection sur saisine des candidats. Dans les quarante huit heures de la proclamation définitive des résultats, le Président de la République élu prête alors serment devant le Conseil constitutionnel réuni en audience solennelle (art. 39). Enfin, au terme des articles 37 et 40 notamment (37), le Conseil Constitutionnel a compétence pour constater les cas d'événements graves empêchant le déroulement normal des élections présidentielles, reporter éventuellement celles-ci et fixer un nouveau délai après constat de la fin des événements graves ; de même qu'il constate la vacance de la présidence de la République (par décès, démission, empêchement absolu).

À l'issue du second tour de l'élection présidentielle et en application du droit électoral, la Commission électorale indépendante (certifiée par l'ONU) déclare Alassane Ouattara vainqueur du scrutin du 28 novembre 2010 avec 54,1 % des voix. Quelques heures après cette annonce, le Conseil constitutionnel, présidé par le professeur Paul Yao N'Dré, proche de Laurent Gbagbo, juge ces résultats non valables car proclamés un jour trop tard. Le Conseil dispose alors de sept jours pour proclamer les résultats définitifs après examen des plaintes pour fraude déposées par les candidats, en application de l'article 94 de la Constitution. Laurent Gbagbo soulevait l'existence de graves irrégularités qui auraient entaché la sincérité du scrutin dans huit départements. Dans sa décision du 3 décembre 2010 (38), le Conseil fait droit aux griefs invoqués et constate : l'absence (par empêchement ou expulsion) de représentants ou de délégués du candidat Gbagbo dans certains bureaux de vote ; le bourrage d'urnes, les présidents de bureaux de vote ayant « fait voter des personnes non inscrites » ; le transport de procès-verbaux par des personnes non autorisées conduisant « à la manipulation des documents électoraux » ; l'empêchement de voter de plusieurs militants quand « d'autres ont été contraints, sous la menace des armes, de voter pour le candidat du RDR » ; l'absence d'isoloirs (urne installée en plein air) ; ou encore la majoration des suffrages exprimés dans un département puisqu'« en réalité, le candidat Ouattara Alassane, n'a obtenu que 149598 voix, s'attribuant ainsi frauduleusement, avec la complicité de la Commission électorale régionale, 94873 voix supplémentaires ; qu'un tel agissement est caractéristique d'une volonté manifeste de travestir la vérité (...) ». Relevant au surplus que « ces différents griefs ont été corroborés par les témoignages d'observateurs nationaux et internationaux (...) ; ainsi que par les enquêtes diligentées par le Conseil constitutionnel (...) », le Conseil en tire la conséquence que « ces agissements montrent suffisamment que dans plusieurs bureaux de vote le scrutin ne s'est pas déroulé dans les conditions de liberté, d'égalité et de secret prescrites par la Constitution en son article 32 » et, de là, annule les résultats des différents département concernés. Laurent Gbagbo est alors proclamé vainqueur avec 51,45 % des suffrages plongeant, par la même occasion, la Côte d'Ivoire dans la plus grave crise politique et constitutionnelle de son histoire. Cet activisme politique et militant du juge constitutionnel ivoirien, sera dénoncé par la communauté internationale mais également fustigé par Guillaume Soro (Premier ministre depuis l'accord de paix conclu avec Laurent Gbagbo en 2007) qui rejette « avec la plus grande fermeté cette décision de convenance, frappée du sceau de la partialité » ou par le directeur de campagne d'Alassane Ouattara accusant le président du Conseil constitutionnel de sortir « de son rôle de juge pour porter ses habits de partisan et militant du Front populaire ivoirien [le parti de Laurent Gbagbo] ».

Il faudra attendre le 4 mai 2011, soit près de six mois de crise post électorale, quinze jours de guerre dans Abidjan, près de trois mille morts, selon les autorités, et environ un million de déplacés, une mission diplomatique de la Communauté économique des États de l'Afrique de l'ouest ainsi que l'intervention d'un Groupe de haut niveau, sous l'égide de l'Union africaine, présidé par le chef de l'État mauritanien et composé des présidents de l'Afrique du sud, du Burkina-Faso, de la Tanzanie et du Tchad, avant que le Conseil constitutionnel, composé strictement à l'identique, ne revienne sur sa décision précédente et proclame Alassane Ouattara vainqueur de l'élection présidentielle (39). Ce revirement total de position ne pouvait s'appuyer que sur des éléments nouveaux extérieurs au scrutin et donc non visés dans la première décision. Autrement dit, un nouveau décompte de voix qui aurait conduit à une interprétation contraire de la portée des irrégularités susceptibles d'entacher la sincérité du scrutin ne pouvait, en lui-même, servir de fondement à une seconde décision, sauf à décrédibiliser encore un peu plus un Conseil constitutionnel déjà bien illégitime. Ce changement de circonstance de fait (et de droit) a consisté en la recevabilité des décisions « contraignantes » de l'Union africaine que le Conseil a « fait[es] siennes ». Le Conseil rappelle d'abord que « les normes et dispositions internationales, acceptées par les organes nationaux compétents, ont une autorité supérieure à celle des lois et des décisions juridictionnelles internes, sous réserve de leur application par l'autre partie » ; et relève ensuite que l'Union africaine « dont la Côte d'Ivoire est membre fondateur (...) depuis 1963 » a décidé lors de la 259e réunion du Conseil de Paix et de Sécurité de mettre en place un Groupe de haut niveau chargé de trouver « une solution politique qui sera contraignante pour toutes les parties ivoiriennes [avec lesquelles elles auront été négociées] ». C'est donc la réception par le juge constitutionnel de dispositions politiques résultant de négociations diplomatiques régionales, et dont les parties ont décidé de leur caractère contraignant, qui a permis de régler la crise en Côte d'Ivoire. Le mécanisme de résolution est politique et non juridique ; le juge électoral ne fait ici qu'entériner la solution, creusant encore un peu plus le sillon de sa marginalisation et de son incapacité à apaiser par lui-même, et conformément à ses attributions constitutionnelles, une situation post électorale explosive qu'il a lui-même provoquée.

Par delà l'activisme militant du juge constitutionnel ivoirien au nom d'une certaine fidélité politique, c'est aussi la question de la frontière des compétences entre les cours constitutionnelles et les commissions électorales qui est posée. Ces commissions électorales, adoptées dans la quasi totalité des États africains francophones, sont pensées comme de véritables structures impartiales de gestion des opérations électorales (40). Car le problème de fond de toute élection, et a fortiori présidentielle, est la suspicion qui pèse sur le mode d'organisation. Suspicion parce que, dans la plupart des États, les élections relèvent de la seule compétence de l'administration d'État et du ministère de l'Intérieur (41), avec par conséquent, des possibilités d'inféodation au parti majoritaire qui fausseraient la sincérité du scrutin. Suspicion aussi, face à des cours constitutionnelles qui, quand leur indépendance est insuffisante, peuvent être tentées de soutenir, sous couvert du droit, le pouvoir en place. Pour autant, dans les pays en sortie de crise, ces commissions ne sauraient à elles seules être un gage de sincérité absolue du scrutin ; pas plus, à l'inverse, que le seul juge constitutionnel ne l'est. D'où un certain nombre de critiques. Il peut ainsi sembler excessif de leur confier la responsabilité directe et première de l'ensemble des opérations électorales (de la surveillance des candidatures au contentieux) (42), compte tenu notamment des moyens matériels et logistiques dont elles disposent. Et par ailleurs sur le strict plan du droit, leurs compétences étant souvent définies en termes juridiques imprécis, la question de l'étendue de leurs attributions se pose et, par conséquent, de leur articulation avec des institutions dotées de compétences électorales, comme la Cour constitutionnelle. En l'espèce, conformément à l'article 59 du nouveau Code électoral, la Commission électorale indépendante proclame les résultats provisoires du scrutin ; alors qu'au terme de l'article 94 de la Constitution, il revient au Conseil constitutionnel de proclamer les résultats définitifs. La répartition des attributions peut sembler nette, le juge constitutionnel ayant en réalité un rôle d'authentification des résultats avancés par la Commission électorale. Mais il s'agit d'un trompe l'oeil. Le défaut de clause claire de répartition des compétences ne peut qu'amener des tensions, voire des fraudes à la Constitution ou en tous cas à l'esprit des institutions agissant en matière électorale. La crise ivoirienne en est une illustration éclatante.

Mais le soutien aux institutions en place peut également se manifester par une attitude sensiblement différente du juge ; celle qui consiste, cette fois, en une application mécanique et sans excès manifeste de sa compétence électorale dans le seul but de ne pas gêner le pouvoir.

B - La retenue pour ne pas gêner le pouvoir

L'office du juge électoral-présidentiel est toujours délicat dans la mesure où de la décision dépend l'évolution politique du pays ou l'issue d'un conflit que les acteurs n'ont pas pu, su ou voulu régler (43). Prendre une décision dans le cadre de la mission de surveillance du bon déroulement de l'élection présidentielle est toujours une tâche difficile pour le juge constitutionnel qui connaît les conséquences politiques de la moindre décision (de la constatation de l'irrecevabilité d'une candidature à l'invalidation des résultats du scrutin) dans un contexte démocratique fragilisé. Aussi, ce risque peut-il conduire le juge constitutionnel tantôt à ne pas épuiser sa compétence pour ne pas rentrer en conflit direct avec le Président de la République ; tantôt à exercer classiquement sa compétence, sans l'outrepasser - et donc sans être soupçonné d'activisme-, mais dans un sens éminemment favorable au pouvoir présidentiel. Les cours constitutionnelles des régimes politiques qui connaissent une forte personnalisation du pouvoir ou une dérive présidentialiste voire autoritaire, sont les principales tentées. L'actualité récente en Mauritanie fournit un bon exemple d'un Conseil qui, à travers deux contentieux liés à l'élection présidentielle (ex ante, le constat de la vacance de la présidence de la République ; ex-post, la contestation de la sincérité du scrutin), balise la route de l'élection présidentielle dans un sens favorable au pouvoir en place. Les faits sont les suivants.

Acte un. Le coup d'état militaire d'août 2008 qui a permis de renverser le Président Sidi Mohamed Ould Cheikh Abdallahi, démocratiquement élu en mars 2007, et qui a amené son auteur, le général Abdel Aziz à la présidence du Haut Conseil d'État, a eu pour conséquence la confiscation du pouvoir par la junte militaire (44). Dans la perspective de la tenue de l'élection présidentielle initialement prévue en juin 2009 et reportée au mois de juillet de la même année, le général Abdel Aziz, candidat à l'élection présidentielle, a demandé au gouvernement de faire constater la vacance de la présidence de la République. Le Premier ministre a alors saisi le Président du Conseil constitutionnel pour que ce dernier s'assure de l'existence d'éléments prouvant la vacance effective dans les fonctions de Président de la République. Dans un considérant qui illustre une belle réécriture de l'histoire, mais tout en restant dans le périmètre légal et légitime de l'office électoral que lui attribue la Constitution, le juge relève que « le poste de Président de la République ne peut souffrir de vacance, même pas un instant, étant donné les grands préjudices que cela entraînerait (...) ; que les conditions générales du pays depuis le 6 août 2008 ont un caractère exceptionnel qui exige qu'elles soient traitées avec une grande sagesse et responsabilité ([façon de désamorcer toute forme d'activisme du juge]), en y appliquant la règle appelée à faire prévaloir les avantages et à éviter les méfaits, règle très connue dans la charia islamique qui est [l']unique source de la loi, selon le texte de la Constitution dans son préambule, surtout s'il s'agit de l'apport d'un intérêt et de l'éloignement d'un méfait à caractères publics » (45). Le Conseil conclut à la vacance de la présidence de la République, ouvrant une période d'intérim par le Président du Sénat afin d'expédier les affaires courantes. Sous couvert de son office électoral interprété strictement, le juge rend ici une décision éminemment contestable et totalement pro-Abdel Aziz. Le Conseil élude volontairement dans les visas et dans le reste de la décision le fait que le Président, démis par le coup d'état, est élu pour cinq ans (article 26 de la Constitution), est libre et revendique encore son titre à exercer le pouvoir. C'est d'ailleurs le sens de la lettre que le Président de l'Assemblée nationale, opposé au coup d'état militaire, a adressée au Conseil constitutionnel : « La seule Constitution en vigueur de la République islamique de Mauritanie est celle du 20 juillet 1991 (...) ; il est de notoriété publique que le Président de la République est disponible à exercer la plénitude des charges de sa fonction , qu'il est en plein possession de toutes ses facultés physiques et mentales et qu'il n'est empêché à réintégrer la présidence de la République que par la force militaire abusive qui l'entrave dans l'exercice de sa haute mission » (46). Que se serait-il alors passé si le Conseil constitutionnel avait décidé de s'en tenir à une lecture plus exégétique de la Constitution, en répondant, comme il se devait, que l'article 40 concerne le Président élu et qu'en l'absence de la preuve de son décès, de sa démission ou de sa destitution par la Haute Cour de justice pour haute trahison, il ne peut pas constater la vacance ? (47)...

Acte deux : le contentieux de la sincérité des résultats. À l'issue de l'élection présidentielle de juillet 2009, le Conseil a proclamé Mohamed Abdel Aziz Président de la République islamique de Mauritanie avec 52,47 % des voix, soit la majorité absolue des suffrages telle que la prévoit la Constitution. Trois recours en contestation des résultats ont été introduits devant le Conseil constitutionnel. En exerçant rien que sa compétence électorale, mais toute sa compétence électorale, le juge a estimé qu'après vérification des différents procès-verbaux, aucun élément substantiel ne permettait d'affirmer que l'élection présidentielle avait été entachée de fraudes et que la sincérité du scrutin avait été altérée ; le Président du Conseil, Abdellahi Ely Salem déclarant que « le scrutin s'est déroulé dans des conditions de régularité et de transparence totales » (48).

Avec ce dernier contentieux, et sur la forme, le Conseil parachève son entreprise de soutien au pouvoir en place en utilisant l'intégralité de ses attributions électorales mais sans les excéder, ce qui permet de moins prêter le flan à la critique (en balayant l'argument du gouvernement des juges), en dépit d'un résultat qui peut ne pas satisfaire la plus grande partie des acteurs. Sur le fond, l'élection de l'auteur du coup d'État signifie, rétroactivement, reconnaissance par le juge constitutionnel de la légitimité et de la légalité de cette prise de pouvoir par la force. Valider l'élection n'est-ce pas procéder à une sorte de constitutionnalisation à rebours du coup d'État ? Ou quand l'office électoral du juge constitutionnel permet de faire de lui un allié embusqué du pouvoir en place...


(1) Montesquieu, De l'esprit des lois, livre XI, chap. VI, p. 208 de l'édition d'Amsterdam, 1767.

(2) H. Kelsen, « La garantie juridictionnelle de la Constitution », RDP, 1928, p. 227.

(3) La Cour connaît également du contentieux des élections à des organismes professionnels représentatifs qui ont la faculté d'établir leurs statuts ; de même statue-t-elle sur la régularité des « initiatives populaires » ou des référendums (Constitution, art. 141, al. 2).

(4) En vertu de l'article 223 g de la Constitution, « il incombe au Tribunal constitutionnel (...) de juger, à la demande des députés, et conformément à la loi, les recours relatifs à la perte du mandat et aux élections à l'Assemblée de la République et aux assemblées législatives des régions autonomes ».

(5) Il est également juge de la légalité de l'organisation des référendums nationaux avant leur déroulement et les irrégularités survenues au cours de la votation, et enfin de la légalité des référendums locaux avant leur déroulement et les irrégularités survenues au cours de ces votations (« il incombe au Tribunal (...) de vérifier au préalable la constitutionnalité et la légalité des référendums nationaux, régionaux et locaux, y compris d'apprécier les conditions relatives à leur système électoral », article 223 f de la Constitution).

(6) La Cour constitutionnelle autrichienne a ainsi des attributions qui relèveraient, en France, de la Haute Cour : « La Cour constitutionnelle juge les organes suprêmes de la Fédération et des Länder, qui en raison de leur responsabilité constitutionnelle sont mis en accusation pour violation fautive du droit dans l'exercice de leurs fonctions » (article 142 (1) de la Constitution). Peut ainsi être mis en accusation, entre autres, le président fédéral sur décision de l'assemblée fédérale. La Cour peut condamner la personne mise en accusation, la peine étant la déchéance de la fonction éventuellement assortie d'une privation temporaire des droits politiques (article 142 (4) de la Constitution), voire de condamnations pénales (article 143). La Cour constitutionnelle allemande peut également assumer les fonctions d'une Haute Cour de Justice ou d'un tribunal répressif. D'après l'article 61 de la Loi fondamentale, le Bundestag ou le Bundesrat peut mettre en accusation le Président de la République fédérale pour violation volontaire de la Loi fondamentale ou d'une autre loi fédérale (cette disposition n'ayant jamais été appliquée). Le jugement des accusations portées contre le Président de la République (et, jusqu'en 1989, contre le Président du Conseil des ministres, et les ministres) est une attribution qui fait de la Cour constitutionnelle italienne une Haute Cour exerçant en quelque sorte la justice politique. Dans cette hypothèse, la Cour est complétée par 16 juges élus par le Parlement pour neuf ans (dans les mêmes conditions que les juges de la Cour), parmi les citoyens inscrits sur une liste préétablie et qui remplissent les conditions d'éligibilité pour être sénateurs. La Cour ainsi modifiée est toujours cependant présidée par le président en titre. L'exercice de cette attribution a perturbé le fonctionnement de la Cour pendant quelques années lorsqu'elle a eu à juger un certain nombre de ministres impliqués dans l'affaire Lockeed. Par une révision constitutionnelle intervenue le 16 janvier 1989, modifiant l'alinéa 3 de l'article 134 de la Constitution, la compétence de la Cour à l'égard des ministres a été supprimée et la procédure à l'égard du chef de l'État simplifiée.

(7) A. Barak, « L'exercice de la fonction juridictionnelle vu par un juge : le rôle de la Cour suprême dans une démocratie », RFDC, n° 66, 2006, p. 140.

(8) S. Milacic, « Les ambiguïtés du constitutionnalisme postcommuniste », in Le nouveau constitutionnalisme. Mélanges en l'honneur de Gérard Conac, Paris, Economica, 2001, p. 339-356.

(9) V. notamment L. Garlicki, « La légitimité du contrôle de constitutionnalité : problèmes anciens c. développements récents », RFDC, 2009, p. 229.

(10) Le juge, pendant la transition, se devait alors de reconstruire la légitimité du droit d'un nouveau type ; le juge constitutionnel devait sanctionner un droit politique nouveau d'application, mission d'autant plus délicate que le juge lui-même faisait son apprentissage du nouveau système. X. Boissy, La séparation des pouvoirs, oeuvre jurisprudentielle. Sur la construction de l'État de droit postcommuniste, Bruxelles, Bruylant, 2003, p. 19-23.

(11) Pour une présentation générale, v. Les Cahiers du Conseil constitutionnel, n° 14, « La Cour constitutionnelle de Bulgarie », /$DB_EXP/francais/nouveaux-cahiers-du-conseil/cahier-n-14/presentation-de-la-cour-constitutionnelle-de-bulgarie.52012.html.

(12) E. Jarasiunas, « Présentation de la Cour constitutionnelle de Lituanie », CCC, n° 23, février 2008, /$DB_EXP/francais/nouveaux-cahiers-du-conseil/cahier-n-23/presentation-de-la-cour-constitutionnelle-de-la-republique-de-lituanie.51788.html

(13) Pour davantage de résultats électoraux et de précisions, v. B. Schaeffer, L'institution présidentielle dans les États d'Europe centrale et orientale, thèse de doctorat, dact., Université de Nantes, 2010, p. 583 et s.

(14) Avis n° 02/CC du 25 mai 2009, http://cour-constitutionnelle-niger.org/documents/avis/2009/avis_n_002_cc_2009.pdf.

(15) Arrêt n° 04/CC/ME, http://cour-constitutionnelle-niger.org/documents/arrets/matiere_electorale/ 2009/arret_n_2009_004_cc_me.pdf.

(16) Rapport sur l'état des pratiques de la démocratie, des droits et des libertés dans l'espace francophone. Bamako, dix ans après, 2000-2010, OIF, 2010, p. 26.

(17) Le chef de la junte qui avait renversé le Président, le général Salou Djibo, s'était immédiatement engagé à transférer le pouvoir à un civil le 6 avril 2011.

(18) Arrêt n° 006/11/CCT/ME du 22 février 2011, http://cour-constitutionnelle-niger.org/documents/arrets/matiere_electorale/2011/arret_n_06_11_cct_me.pdf.

(19) V., par exemple : « L'intéressé a obtenu 10 voix au lieu de 1 telles que consignées sur le procès-verbal de dépouillement ; il y a lieu de corriger cette erreur » ; « La CENI locale a minoré le nombre de voix obtenues par le candidat Hama Amadou en lui attribuant 29 voix au lieu de 89 inscrites sur le procès-verbal de dépouillement ; il y a lieu de corriger cette erreur » ; « Au niveau du bureau de vote n° 130 (Débéré), la CENI locale a minoré le nombre des bulletins blancs ou nuls, 25 au lieu de 35 ; il y a lieu de corriger cette erreur ».

(20) Arrêt n° 012/11/CCT/ME du 1er avril 2011, http://cour-constitutionnelle-niger.org/documents/arrets/matiere_electorale/2011/arret_n_12_11_cct_me.pdf.

(21) Que certains observateurs ont jugé « un peu trop calme [ !] », http://observers.france24.com/fr/content/20110201-calme-transition-democratique-niamey-niger-mamadou-tandja-Issoufou-Oumarou-Amadou-Ousmane.

(22) L'expression est d'Antoine Garapon ; A. Garapon, Le gardien des promesses. Justice et démocratie, Paris, Odile Jacob, 1996.

(23) George W. Bush et al., petitioners v. Albert Gore, Jr. et al, 531 US 98 (2000).

(24) R. Dworkin, « A badly flawed election », in A. J. Jacobson et M. Rosenfeld, The longest night, polemics and perspectives on Election 2000, Berkeley, University of California Press, 2002, p. 89.

(25) M. Rosenfeld, « Bush v. Gore : three strikes for the Constitution, the court, and democraty, but there is always next season », in ibid., p. 114. Voir la version en français, « Bush contre Gore : trois mauvais coups portés à la Constitution, à la Cour et à la démocratie », CCC, n° 13, 2003.

(26) J. Rosen, « L'affaire Bush v. Gore ou le déshonneur de la Cour suprême des États-Unis », Revue internationale et stratégique, n° 42, 2001, p. 53-57.

(27) Voir E. Zoller, « La Cour suprême dans le système constitutionnel des États-Unis », introduction aux Grands arrêts de la Cour suprême des États-Unis, Paris, PUF, coll. « Droit fondamental », 2000, p. 31.

(28) M. Rosenfeld, « Bush contre Gore : trois mauvais coups portés à la Constitution, à la Cour et à la démocratie », op. cit., p. 83.

(29) United States v. Nixon, 418 US 683 (1974), cité par E. Zoller, Les grands arrêts de la Cour suprême des États-Unis, Paris, Dalloz, coll. « Grands arrêts », 2010, p. 458.

(30) O. Duhamel, « US Supreme Court, Bush v. Gore (00-949), 12 décembre 2000 », Dalloz, n° 5, 2000, Point de vue, p. 388.

(31) Cité in ibid., p. 368 (souligné par nous).

(32) Cité in S. Gardbaum et G. Scoffoni, « Chronique États-Unis », RFDC, n° 46, 2001, p. 423.

(33) Ibid.

(34) Palm Beach County Canvassing Board v. Harris, 2000 WK 1725434 (S. Ct Florida, Nov. 21, 2000).

(35) Comme la Cour l'avait déjà souligné dans les arrêts Burroughs v. United States (290 US 534 (1934)) et Anderson v. Calabrezza (460 US 780 (1983)).

(36) M. Rosenfeld, « Bush contre Gore : trois mauvais coups portés à la Constitution, à la Cour et à la démocratie », op. cit., p. 87.

(37) Art. 37 : « Si, dans les sept jours précédant la date limite du dépôt de présentation des candidatures, une des personnes ayant, moins de trente jours avant cette date, annoncé publiquement sa décision d'être candidate, décède ou se trouve empêchée, le Conseil constitutionnel peut décider du report de l'élection. Si, avant le premier tour, un des candidats décède ou se trouve empêché, le Conseil constitutionnel prononce le report de l'élection. En cas de décès ou d'empêchement de l'un des deux candidats arrivés en tête à l'issue du premier tour, le Conseil constitutionnel décide de la reprise de l'ensemble des opérations électorales » ; art. 40 : « En cas de vacance de la présidence de la République par décès, démission, empêchement absolu, l'intérim du Président de la République est assuré par le Président de l'Assemblée nationale pour une période de quarante-cinq jours à quatre-vingt-dix jours au cours de laquelle il fait procéder à l'élection du nouveau Président de la République. L'empêchement absolu est constaté sans délai par le Conseil constitutionnel saisi à cette fin par une requête du Gouvernement, approuvée à la majorité de ses membres (...). »

(38) Décision n° CI-20106EP-34/03-12/CC/SG, portant proclamation des résultats définitifs de l'élection présidentielle du 28 novembre 2010, v. http://www.conseil-constitutionnel.ci/pdf/RESULTATS_DEFINITIFS_PRESIDENTIELLE_2010.pdf

(39) Décision n° CI-2011-EP-036/04-05/CC/SG du 4 mai 2011 portant proclamation de M. Alassane Ouattara en qualité de Président de la République de Côte-d'Ivoire, v. http://www.conseil-constitutionnel.ci/pdf/expedition_DECISION__36_portant_proclamation_du_President_%20OUATTARA_Alassane.pdf.

(40) L'esprit de ces institutions est bien rendu dans une décision du 23 décembre 1994 de la Cour constitutionnelle du Bénin aux termes de laquelle : « La création de la commission électorale nationale autonome en tant qu'autorité administrative indépendante est liée à la recherche d'une formule permettant d'isoler, dans l'administration de l'État, un organe disposant d'une réelle autonomie par rapport au gouvernement, aux départements ministériels et au parlement, pour l'exercice d'attributions concernant le domaine sensible des libertés publiques, en particulier des élections honnêtes, libres et transparentes ; (...) elle permet, d'une part, d'instaurer une tradition d'indépendance et d'impartialité en vue d'assurer la transparence des élections, et d'autre part de gagner la confiance des électeurs et des partis et mouvements politiques. »

(41) J. du Bois de Gaudusson, Les élections à l'épreuve de l'Afrique, CCC, n° 13, janvier 2003, La sincérité du scrutin, § 2, /$DB_EXP/francais/nouveaux-cahiers-du-conseil/cahier-n-13/les-Élections-a-l-epreuve-de-l-afrique.52040.html

(42) Ibid., § 2-2.

(43) V. Organisation internationale de la francophonie, Aspects du contentieux électoral en Afrique, 1998 ; A. Fall, « Le juge, le justiciable et les pouvoirs publics : pour une appréciation concrète de la place du juge dans les systèmes politiques en Afrique », in Les défis des droits fondamentaux, sous la dir. de J.-Y. Morin et G. Otis, Bruxelles, AUF-Bruylant, 2000, cité in J. du Bois de Gaudusson, préc.

(44) Une ordonnance constitutionnelle transférant arbitrairement à son chef les attributions du Président de la République.

(45) Délégation à la paix, à la démocratie et aux droits de l'homme, Rapport sur l'état des pratiques de la démocratie, des droits et des libertés dans l'espace francophone. Bamako, dix ans après, OIF, 2010, p. 26.

(46) Ibid.

(47) M. Mahmoud O. Mohamed Saleh, À propos de la décision du Conseil constitutionnel du 15 avril sur la vacance de poste du Président de la République, http://www.ufpweb.org/fr/spip.php ? article2153

(48) La Commission nationale électorale indépendante allait dans le même sens : « Les opérations relatives au fichier électoral à la campagne électorale et au scrutin proprement dit se sont déroulées dans des conditions normales et transparentes », en dépit du constat de quelques anomalies (manque de formation de certains présidents de bureau, emplacement parfois éloigné des bureaux de vote par rapport aux concentrations d'habitants...). Pour autant, la démission de son président laisse planer quelques doutes quant au bon déroulement de l'élection....