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Le Gouvernement dans la procédure de contrôle de constitutionnalité a priori

Mathieu HÉRONDART - Conseiller d'État

Nouveaux cahiers du Conseil constitutionnel 2016, n° 50, p. 7

La pratique a fait du Gouvernement le défenseur de la loi déférée au Conseil constitutionnel dans le cadre de la procédure de contrôle de constitutionnalité a priori.

L'article 61 de la Constitution et l'ordonnance du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel, assez laconiques sur la procédure d'instruction devant le Conseil en matière de contrôle a priori, ne prévoyaient pas cette intervention du Gouvernement.

Mais, à la suite de l'ouverture de la saisine aux députés et aux sénateurs par la révision constitutionnelle du 29 octobre 1974, une organisation de travail a été mise en place entre le Conseil constitutionnel et le Gouvernement pour que ce dernier assure la défense des lois qui sont déférées. Dès cette époque, le secrétariat général du Gouvernement est devenu l'interlocuteur du Conseil. Sous l'impulsion de Marceau Long, alors secrétaire général du Gouvernement, un membre du Conseil d'État fut recruté pour assister le secrétariat général du Gouvernement dans cette tâche. Le premier titulaire de la fonction ne fut autre que Renaud Denoix de Saint Marc.

Robert Badinter, quand il devint président du Conseil constitutionnel, souhaita compléter cette pratique. Il estimait qu'il était étrange que la loi fût défendue par le seul Gouvernement et non par son véritable auteur, le Parlement. Il écrivit le 5 juin 1986 aux présidents des assemblées en leur proposant que le rapporteur de l'affaire au Conseil prenne contact avec le rapporteur de la commission saisie du texte dans chaque assemblée. Les présidents des deux assemblées, Alain Poher et Jacques Chaban-Delmas, déclinèrent cette proposition. Ils considéraient que la mission du rapporteur s'achevait avec l'adoption de la loi. Il ne pouvait plus intervenir dans la procédure d'examen de constitutionnalité de la loi par le Conseil constitutionnel.

Le secrétariat général du Gouvernement a donc continué à être le seul défenseur de la loi devant le Conseil constitutionnel. Cette intervention a été et reste parfois contestée. Certains considèrent qu'elle donnerait une place excessive au Gouvernement et méconnaîtrait les règles du contradictoire. La description de l'organisation de la défense de la loi devant le Conseil constitutionnel montre son utilité.

I. L'organisation de la défense de la loi par le Gouvernement devant le Conseil constitutionnel

A. La réunion de travail avec le Conseil constitutionnel

Dès que le Conseil constitutionnel est saisi d'une loi par soixante députés ou soixante sénateurs, son secrétaire général adresse les recours au secrétaire général du Gouvernement. Une date est arrêtée pour organiser une réunion de travail entre les membres du Conseil constitutionnel et les représentants du secrétariat général du Gouvernement et des ministères concernés.

Des réunions de travail sont également organisées à l'occasion de l'examen de lois organiques lorsque le Conseil estime qu'il doit être éclairé sur certains points avant de se prononcer sur leur constitutionnalité.

La réunion de travail s'organise à partir d'un questionnaire établi par le conseiller rapporteur de l'affaire, à la suite de ses travaux avec le secrétaire général du Conseil constitutionnel et le service juridique de l'institution. Ce questionnaire détaille les griefs soulevés dans la saisine des parlementaires. Il peut également soulever des questions sur des dispositions qui ne figurent pas dans la saisine mais qui suscitent des interrogations de la part du rapporteur.

Ces questions soulevées d'office correspondent à différents cas de figure. Le questionnaire pointe traditionnellement les dispositions qui pourraient être regardées comme des cavaliers ou qui semblent avoir été introduites en méconnaissance de la règle dite « de l'entonnoir ». Des questions peuvent également concerner des dispositions dont la constitutionnalité a été discutée par certains intervenants lors des débats parlementaires même si elles ne sont pas contestées par la saisine. Elles peuvent porter sur des dispositions qui entendent répondre à une censure récente du Conseil constitutionnel.

L'introduction de la question prioritaire de constitutionnalité n'a pas réduit de manière significative le nombre de dispositions examinées d'office. Le Conseil reste attaché à utiliser le contrôle a priori pour éviter que des dispositions qui méconnaissent la Constitution entrent en application. Cela ne veut pas dire qu'une disposition qui n'aura pas été examinée au fond au moment du contrôle a priori ne pourra pas être censurée par le biais d'une question prioritaire de constitutionnalité. Ainsi, la question de la constitutionnalité de la taxe sur les boissons énergisantes, qui avait été censurée dans la décision sur la loi de financement de la sécurité sociale pour 2013, ne fut pas soulevée d'office par le Conseil constitutionnel à l'occasion de sa reprise dans la loi de financement de la sécurité sociale pour 2014. Cette apparente bienveillance n'empêcha pas sa censure quelques mois plus tard à l'occasion de l'examen d'une question prioritaire de constitutionnalité.

Lors de la réunion de travail, la délégation menée par le secrétariat général du Gouvernement répond aux interrogations du Conseil. Alors qu'elle se déroulait à l'origine uniquement avec le conseiller rapporteur et les services du secrétariat général du Conseil, cette réunion est ouverte à l'ensemble des conseillers depuis une quinzaine d'années.

La délégation du Gouvernement doit donc être en état de répondre aux questions les plus diverses tant sur le plan juridique que sur les modalités concrètes d'application de la loi. La taille et la composition de la délégation sont donc variables suivant les textes examinés. Compte tenu du caractère uniquement juridique de cette réunion, la délégation est composée des fonctionnaires des différentes administrations centrales concernées et non de membres de cabinets ministériels. La récente circulaire du Premier ministre du 30 octobre 2015 sur l'organisation du travail interministériel rappelle d'ailleurs que les directeurs d'administration centrale qui ont la charge du projet de loi doivent participer personnellement à la défense du texte devant le Conseil constitutionnel.

La réunion de travail dure, en général, entre une à deux heures. Elle permet au Gouvernement de répondre aux différentes interrogations des membres du Conseil constitutionnel.

Le Gouvernement est fréquemment amené à préciser la manière dont il interprète la portée et l'objectif de certaines dispositions de la loi déférée. Il arrive, en effet, que le sens d'une disposition ou l'intention du législateur soit ambigu. Or ces deux éléments sont évidemment essentiels pour le contrôle exercé par le Conseil constitutionnel. Le Gouvernement ne peut évidemment pas proposer une interprétation contraire à celle qui ressort des travaux parlementaires. Mais quand ces derniers sont peu clairs, le Gouvernement peut donner son interprétation de la loi qui servira, le cas échéant, de fondement à la décision du Conseil(1).

Le Gouvernement est également amené à exposer les modalités d'application de la loi. Le Gouvernement peut ainsi être interrogé sur des aspects factuels. Ces données, qui seront reprises dans les productions écrites, servent, la plupart du temps, d'éléments de contexte au Conseil constitutionnel. Mais elles peuvent également avoir une incidence sur le sens de sa décision. Pour prendre quelques exemples récents, le Conseil s'est ainsi fondé, pour statuer sur la constitutionnalité de certaines dispositions, sur des données transmises par le Gouvernement sur le nombre de conventions conclues pour permettre l'échange automatique d'informations en matière fiscale(2) ou la répartition des sièges entre les arrondissements dans le cadre de l'élection des conseillers de la métropole du Grand Paris(3). Le Gouvernement peut également être interrogé sur les modalités qu'il entend prendre pour assurer l'application de la loi. Là encore, cette réponse peut conditionner la constitutionnalité d'un texte(4).

La réunion de travail permet au Gouvernement de prendre la mesure des interrogations du Conseil sur la constitutionnalité de telle ou telle disposition. Elle permet notamment de comprendre les questions de principe que le Conseil se pose à l'occasion de l'examen de la loi déférée. Le Gouvernement sait que ces points devront faire l'objet de développements dans ces productions écrites.

B. Les productions écrites du Gouvernement

Dans les jours qui suivent la réunion de travail, le Gouvernement adresse au Conseil constitutionnel ses productions. Pour les lois ordinaires, il produit systématiquement des observations qui répondent aux griefs de la saisine. Il produit également des fiches demandées par le Conseil constitutionnel lors de la réunion de travail sur les questions soulevées d'office par ce dernier. Ces productions peuvent s'accompagner d'annexes techniques.

Les observations et les fiches sont rédigées par le secrétariat général du Gouvernement à partir des éléments transmis par les différents ministères. Elles font l'objet d'une relecture lors d'une réunion interministérielle avant leur envoi.

Les observations sur les saisines sont transmises par le Conseil constitutionnel aux députés et aux sénateurs requérants. Dans certains cas, les parlementaires produisent un mémoire en réplique qui est communiqué au Gouvernement. Ce dernier ne produit que très rarement de nouvelles observations(5).

Depuis 1994, les observations du Gouvernement sont publiées au Journal officiel en même temps que la décision du Conseil constitutionnel et les saisines(6).

Le Gouvernement défend toutes les dispositions dont la constitutionnalité est contestée par les auteurs des saisines ou soulevée d'office par le Conseil constitutionnel. Il joue ainsi un rôle de défenseur de la loi y compris lorsqu'un ministre a critiqué l'opportunité ou la constitutionnalité d'une disposition lors des débats parlementaires... Il défend également la loi lorsqu'elle est issue d'une proposition de loi. Les productions du Gouvernement s'efforcent d'être brèves et se situent sur un terrain exclusivement juridique. Là encore, un lecteur averti constatera que les considérations d'opportunité n'apparaissent dans les observations du Gouvernement que lorsqu'une disposition apparaît fragile sur le terrain constitutionnel...

L'ensemble de ce travail s'appuie sur les travaux du Conseil d'État lors de l'examen des projets de loi mais aussi sur ceux des ministères et du secrétariat général du Gouvernement pendant l'examen du texte au Parlement. La récente circulaire du 30 octobre 2015 insiste ainsi sur la nécessité du renforcement du suivi du texte en cours d'examen au Parlement afin d'assurer la sécurisation juridique de la loi. Il charge d'ailleurs le secrétariat général du Gouvernement de procéder à un examen systématique des textes à chaque étape importante de leur parcours parlementaire.

Les observations prennent fréquemment position sur des questions de procédure parlementaire qui sont évidemment essentielles pour le sort du texte soumis à l'examen du Conseil. Le secrétariat général du gouvernement peut s'appuyer, dans ce domaine, sur l'expertise précieuse du cabinet du ministre délégué ou du secrétaire d'État chargé des relations avec le Parlement.

On sait qu'une simple erreur de procédure peut conduire le Conseil constitutionnel à déclarer contraire à la Constitution l'intégralité de la loi, ce qui nécessite de reprendre l'ensemble du processus législatif(7). Mais, au-delà du sort de la loi déférée, ces questions présentent également un enjeu stratégique pour le Gouvernement compte tenu des contraintes qui pèsent sur le calendrier législatif à la suite de la réforme constitutionnelle du 23 juillet 2008. Les observations sont ainsi utilisées pour défendre toutes les marges de manœuvre que donne la Constitution en matière de procédure parlementaire que ce soit pour l'application de la procédure d'urgence(8) , l'application du temps législatif programmé(9), la possibilité d'inscrire à l'ordre du jour pendant les semaines de contrôle l'examen de textes transmis par l'autre assemblée(10)ou l'application de l'article 49-3 de la Constitution(11).

Le Gouvernement doit également répondre aux questionnements juridiques que peut susciter la loi déférée. Au-delà de la défense de telle ou telle disposition, les observations sont l'occasion d'indiquer la position du Gouvernement sur des évolutions de principe de la jurisprudence du Conseil constitutionnel. Si on se limite aux décisions les plus récentes, les observations ont ainsi pris position sur l'application du principe d'égalité en matière fiscale(12) ou en matière de cotisations salariales(13) ou sur l'application du principe de sécurité juridique garanti par l'article 16 de la Déclaration de 1789 en matière fiscale(14). Ces exemples montrent clairement que ces tentatives ne sont pas toujours couronnées de succès. Dans les deux premiers cas, le Conseil constitutionnel n'a pas hésité à faire évoluer ou à préciser sa jurisprudence dans un sens contraire à celui défendu par le Gouvernement. Dans le dernier cas, si les principes posés par la décision rejoignent la position du Gouvernement, le Conseil constitutionnel a déclaré non-conformes les dispositions déférées.

Le Gouvernement suggère, pour certaines dispositions, une interprétation qui permet d'assurer leur pleine conformité à la Constitution. Il s'agit, au vu des difficultés identifiées sur le texte et des questions abordées en réunion de travail, d'expliciter clairement la portée et l'objectif poursuivi par les dispositions contestées. Il va de soi que ces interprétations ne sont pas toutes retenues par le Conseil constitutionnel. Les observations du Gouvernement permettent néanmoins de lever certaines ambiguïtés et peuvent trouver une résonnance dans la décision du Conseil constitutionnel, que ce soit dans la motivation retenue(15) ou bien dans une réserve d'interprétation stricto sensu (16).

II. L'intérêt d'une défense de la loi par le Gouvernement devant le Conseil constitutionnel

L'intervention du Gouvernement dans la procédure de contrôle de constitutionnalité a priori est parfois critiquée sur un double fondement. Sur un plan organique, il n'appartiendrait pas au Gouvernement de défendre la loi puisque cette dernière émane du Parlement. Sur un plan procédural, les modalités de défense de la loi ne respecteraient pas le principe du contradictoire qui doit s'appliquer à une juridiction comme le Conseil constitutionnel. L'intervention du Gouvernement dans la procédure de contrôle de constitutionnalité a priori n'encourt pourtant pas ce double reproche.

A. Le Gouvernement est légitime à défendre la loi

Comme en 1986, il serait probablement difficile d'organiser une défense systématique de la loi par le Parlement.

L'audition de parlementaires par le Conseil constitutionnel ne pose évidemment aucune difficulté de principe. Comme l'a indiqué Marc Guillaume, alors secrétaire général du Conseil constitutionnel, ce dernier répond favorablement aux demandes d'audition des auteurs de la saisine(17). Et il a procédé à l'audition des rapporteurs de la loi organique relative aux lois de finances à l'occasion de son examen.

Mais l'organisation d'une défense systématique des lois déférées nécessiterait de savoir qui, au sein du Parlement, doit défendre la loi. Les groupes parlementaires de la majorité ? L'examen de la loi par le Conseil constitutionnel risquerait de devenir un enjeu de polémique politique. Les présidents des assemblées ? Si la Constitution leur confère un rôle de garant de la constitutionnalité des lois en leur permettant de saisir le Conseil constitutionnel, leur intervention systématique dans la défense des lois déférées par la minorité parlementaire modifierait leur positionnement au sein du Parlement. Les rapporteurs des textes dans les assemblées ? Ils seraient chargés d'un rôle qui n'est actuellement pas le leur et le Conseil constitutionnel serait confronté à nouvel acteur à chaque saisine.

Mais, à supposer même que l'on puisse identifier, au sein du Parlement, un défenseur de la loi, le Gouvernement devrait nécessairement participer à la procédure d'instruction devant le Conseil constitutionnel.

La saisine du Conseil constitutionnel par l'opposition parlementaire à l'occasion d'une loi qui vient d'être adoptée n'est évidemment pas neutre pour le Gouvernement. Toute décision de non-conformité, même partielle, a un impact sur l'exécutif qui est, dans la plupart des cas, à l'origine de la loi. Le Gouvernement doit pouvoir défendre des dispositions qui traduisent les orientations fortes de sa politique et qui font, en général, l'objet des principaux griefs des requérants. Mais le Gouvernement peut également ressentir les effets de la censure de dispositions dont il n'est pas à l'origine et qui pourraient apparaître secondaires. Il suffit, pour s'en convaincre, de constater le retentissement de certaines décisions qui censurent de nombreux cavaliers sans lien avec le projet de loi initial du Gouvernement.

Au-delà du sort de la loi déférée, son examen par le Conseil constitutionnel peut conduire à la fixation de principes qui conditionneront durablement les marges de manœuvre de l'exécutif.

Tel est le cas, comme on l'a vu, des questions de procédure parlementaire. Le Gouvernement ne peut se désintéresser de ces questions qui conditionnent les possibilités de porter des réformes au Parlement.

Tel est également le cas des évolutions de la jurisprudence constitutionnelle. Une décision de non-conformité peut engendrer des contraintes importantes pour mener des réformes, aussi bien dans le domaine concerné que dans d'autres secteurs de l'activité gouvernementale. La centralisation de l'ensemble de la procédure devant le Conseil constitutionnel par le secrétariat général du Gouvernement a d'ailleurs pour objet de prendre en compte l'ensemble des effets potentiels d'une déclaration d'inconstitutionnalité au-delà du sort réservé à telle ou telle disposition.

B. La défense de la loi par le Gouvernement contribue à l'efficacité du contrôle de constitutionnalité

Des critiques isolées ont pu, dans le passé, s'élever sur le déséquilibre entre le Gouvernement et les parlementaires requérants dans la procédure de contrôle a priori. L'idée que le contrôle de constitutionnalité a priori devrait s'inscrire dans une procédure contradictoire classique, comme celle qui s'applique à l'occasion d'un recours pour excès de pouvoir devant l'ordre administratif, méconnaît les spécificités de ce contrôle.

Comme l'a fort bien expliqué le doyen Vedel, le juge constitutionnel n'est, en matière de contrôle a priori, pas juge d'un litige entre parties. La saisine déclenche l'examen de la constitutionnalité de la loi. Mais cet examen échappe ensuite aux requérants. Le Conseil constitutionnel est saisi d'un procès fait à une norme. C'est cette particularité qui justifie que le Conseil constitutionnel puisse se saisir d'office de toute disposition inconstitutionnelle. C'est elle qui justifie qu'il puisse être destinataire d'interventions provenant de différents acteurs en faveur ou à l'encontre de la loi qui lui est déférée.

Comme l'ont indiqué fort justement les secrétaires généraux successifs du Conseil constitutionnel, dans un tel procès fait à la loi, la notion de parties n'a que peu de sens(18).

Il importe, en revanche, que le Conseil constitutionnel puisse disposer de toutes les informations nécessaires à l'examen de la loi qui lui est déférée. Les modalités de défense de la loi par le Gouvernement ont précisément pour but de répondre à cet objectif.

On ne peut ignorer les contraintes fortes qui s'exercent sur le Conseil constitutionnel dans la procédure de contrôle de constitutionnalité a priori.

Ce contrôle s'exerce dans un délai particulièrement bref. La Constitution ne laisse au Conseil constitutionnel qu'un délai d'un mois pour statuer sur la loi qui lui est déférée. Et, dans la pratique, ce délai est souvent plus court. Chaque année, les lois de finances sont jugées en quelques jours.

Ce contrôle s'exerce de manière préventive et in abstracto. Le Conseil constitutionnel ne peut s'appuyer sur un litige concret, comme c'est le plus souvent le cas en matière de question prioritaire de constitutionnalité, pour se prononcer sur la conformité à la Constitution d'une loi.

Ces contraintes justifient que le Conseil constitutionnel puisse, dans le cadre de son pouvoir d'instruction, obtenir des réponses rapides et circonstanciées à l'ensemble de ses interrogations, que ce soit sur les griefs soulevés par les auteurs des saisines ou sur les griefs qu'il entend soulever d'office.

Elles justifient également que le Conseil constitutionnel puisse être éclairé par le Gouvernement sur la manière dont il entend appliquer la loi puisque c'est à lui qu'il appartiendra de prendre les décrets nécessaires ainsi que les lignes directrices qui guideront le travail des administrations. Ces éléments confortent le contrôle abstrait du Conseil constitutionnel et pourront justifier, le cas échéant, des réserves d'interprétation.

L'organisation de la réunion de travail permet des échanges efficaces et techniques entre les membres du Conseil constitutionnel et les administrations qui ont suivi l'évolution du texte. Elle permet ensuite au Gouvernement de répondre au mieux, dans les observations et les fiches, aux interrogations du Conseil constitutionnel pour lui permettre de prendre une décision totalement éclairée.

Cette procédure ne méconnaît pas la contradiction. En effet, comme on l'a indiqué, les observations sont communiquées aux requérants qui peuvent répliquer aux arguments du Gouvernement.

  • * *

C'est la pratique qui a fait du Gouvernement un avocat commis d'office chargé de défendre la loi dans la procédure de contrôle a priori. Mais cette défense contribue sans aucun doute à l'efficacité à la procédure d'instruction devant le Conseil constitutionnel dans le délai très contraint qui s'impose à lui. On peut d'ailleurs constater que cette faculté a été transposée par le législateur organique dans la procédure de contrôle a posteriori en prévoyant la possibilité pour le Premier ministre de produire des observations à l'occasion de l'examen des questions prioritaires de constitutionnalité. Cette reconnaissance tend à montrer que la procédure mise en œuvre de manière empirique il y a quarante ans, s'avère robuste.

(1) Décision n° 2014-696 DC du 7 août 2014, Loi relative à l'individualisation des peines et renforçant des sanctions pénales.
(2) Décision n° 2013-679 DC du 4 décembre 2013, Loi relative à la lutte contre la fraude fiscale et la grande délinquance économique et financière.
(3) Décision n° 2015-717 DC du 6 août 2015, Loi portant nouvelle organisation territoriale de la République.
(4) Décision n° 2007-555 DC du 16 août 2007, Loi en faveur du travail, de l'emploi et du pouvoir d'achat.
(5) Voir, pour un exemple, décision n° 2013-673 DC du 18 juillet 2013, Loi relative à la représentation des Français établis hors de France.
(6) Décision n° 94-350 DC, Loi relative au statut fiscal de la Corse. Depuis 2011, le Conseil constitutionnel publie également sur son site certaines fiches lorsque les dispositions concernées sont déclarées non-conformes au fond.
(7) Voir décision n° 2012-665 DC du 24 octobre 2012, Loi relative à la mobilisation du foncier public en faveur du logement et au renforcement des obligations de production de logement social.
(8) Décision n° 2012-649 DC du 15 mars 2012, Loi relative à la simplification du droit et à l'allègement des démarches administratives.
(9) Décision n° 2013-669 DC du 17 mai 2013, Loi ouvrant le mariage aux couples de personnes de même sexe.
(10) Décision n° 2013-677 DC du 14 novembre 2013, Loi organique relative à l'indépendance de l'audiovisuel public.
(11) Décision n° 2015-715 DC du 5 août 2015, Loi pour la croissance, l'activité et l'égalité des chances économiques.
(12) Décision n° 2012-662 DC du 29 décembre 2012, Loi de finances pour 2013.
(13) Décision n° 2014-698 DC du 6 août 2014, Loi de financement rectificatif de la sécurité sociale pour 2014.
(14) Décision n° 2103-682 DC du 19 décembre 2013, Loi de financement de la sécurité sociale pour 2014.
(15) Voir pour un exemple très récent, décision n° 2015-718 DC du 13 août 2015, Loi relative à la transition énergétique pour la croissance verte sur la possibilité pour le titulaire de création d'une autorisation de création d'installation nucléaire de base de prétendre à une indemnisation s'il était privé de demander une autorisation d'exploiter une installation en raison du plafonnement de la capacité de production d'électricité d'origine nucléaire.
(16) Voir pour un exemple très récent, décision n° 2015-711 DC du 5 mars 2015, Loi autorisant l'accord local de répartition des sièges de conseiller sur l'impossibilité pour une commune de bénéficier d'un second siège de conseiller communautaire en application d'un accord local de répartition.
(17) Marc Guillaume, « La procédure au Conseil constitutionnel : permanence et innovations », Mélanges Bruno Genevois, 2009.
(18) Olivier Schrameck, Les aspectes procéduraux des saisines, 20 ans de saisine parlementaire, Economica, 1994, Jean-Éric Schoettl, « Jusqu'où formaliser la procédure suivie devant le Conseil constitutionnel ? », Mélanges J. Gicquel, 2008. Marc Guillaume, « La procédure au Conseil constitutionnel : permanence et innovations », Mélanges Bruno Genevois, 2009.