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Le contrôle de constitutionnalité des lois au Danemark

André LEGRAND - Président honoraire de l'université de Paris X Nanterre

Cahier du Conseil constitutionnel n° 22 (Dossier : Cour suprême du Danemark)- juin 2007

(1) En 1958, dans son livre classique sur le droit comparé des pays nordiques, le professeur suédois Nils Herlitz soulignait qu'au Danemark, plus que dans les pays voisins, la question du contrôle de constitutionnalité des lois constitue un sujet de controverse politique(2). Même si, ajoutait-il, les tribunaux n'ont guère éprouvé d'états d'âme sur le principe même de ce contrôle. Car deux particularités du droit constitutionnel danois plaidaient en faveur de son instauration : l'existence, dans le texte même de la Constitution(3), de nombreuses dispositions affirmant les droits et libertés des citoyens(4); et la forte rigidité de la Constitution(5).

En matière de contrôle de constitutionnalité, le Danemark apporte une expérience originale et intéressante. Le principe selon lequel les juges, en l'espèce ordinaires, peuvent écarter l'application d'une loi inconstitutionnelle a été reconnu très tôt : il figurait expressément dans des décisions rendues en 1921 par la Cour suprême, qui ne faisait, après quelques fluctuations, que confirmer d'ailleurs une position prise antérieurement par des juridictions inférieures. Mais il ne trouvait qu'une application très limitée, dans le seul domaine de l'expropriation. Sur les autres questions, la Cour faisait preuve d'une très grande réserve dans l'utilisation de ce pouvoir. Il faudra attendre 1999 pour voir le principe trouver une réalité concrète et aboutir à la mise effective à l'écart d'une loi pour inconstitutionnalité.

Le principe du contrôle de la constitutionnalité des lois est reconnu depuis le début du xxe siècle : c'est surtout en matière d'expropriation que la question avait été soulevée, en application de dispositions constitutionnelles expresses(6). Certains précédents remontaient aux années 1910(7). Mais c'est à l'occasion d'un train de mesures législatives prises dans le cadre d'une réforme du droit foncier, décidée en 1918-1919, à l'instigation du gouvernement radical-socialiste, que la question trouva sa réponse la plus claire. Plusieurs lois modifiaient le régime de la propriété de terres agricoles appartenant à des familles nobiliaires et supprimaient des institutions archaïques limitant leur disponibilité, telles que les fiefs, les majorats ou les fidéicommis ; ou elles mettaient fin à l'existence de certaines servitudes liées à l'utilisation des terres. Des propriétaires avaient vu dans ces mesures une forme d'expropriation et ils reprochaient à ces lois de ne pas respecter les règles constitutionnelles en la matière (l'existence d'une utilité publique, ou le droit à une indemnisation intégrale). « Les dispositions de la loi mise en cause, répond un arrêt de 1920(8), ne peuvent pas être considérées comme contraires à la Constitution. »

C'était reconnaître la recevabilité d'un argument fondé sur l'inconstitutionnalité de la loi. Mais ce fut aussi consacrer les limites du principe ; car, dans ce cas, la Cour suprême s'est inclinée devant l'appréciation que le législateur faisait de l'étendue de ses pouvoirs constitutionnels et elle a très longtemps maintenu cette attitude. « Selon les explications données à la Cour, disait un autre arrêt de la même époque, on ne peut admettre, avec la certitude qu'exigerait la non application, par les tribunaux, de dispositions législatives votées selon la procédure prévue par la Constitution, que le propriétaire n'a pas obtenu une indemnisation intégrale(9). »

La tradition juridique danoise était fortement imprégnée de positivisme. Elle était en grande partie hostile à toute reconnaissance d'une fonction créatrice de droit au profit des juridictions. D'où sa défiance à l'égard de toute utilisation de principes généraux du droit non écrits, une prédilection pour une interprétation aussi littérale que possible de la Constitution et une certaine déférence à l'égard de la souveraineté du Parlement. « Dans les cas où une interprétation constitutionnelle dépend d'une appréciation, écrivaient les auteurs classiques, la Cour suprême ne placera pas son appréciation au-dessus de celle du législateur, mais elle n'écartera l'application de la loi que si l'inconstitutionnalité est manifeste(10) ». La crainte du gouvernement des juges était évidente. « Le Folketing, écrit Jens Ole Rytter, a··· un mandat populaire dont les tribunaux sont dépourvus et “il en faudra beaucoup” avant que les tribunaux ne se décident à invalider le pouvoir législatif(11). » Certes, reprenant une argumentation bien connue, les auteurs classiques ajoutaient que, même timide, le contrôle des tribunaux ne perdait pas toute utilité, la menace permanente qu'il fait peser sur le législateur exerçant une influence préventive. Et on sait qu'en matière d'interprétation, la possibilité de confronter la loi à la Constitution permet souvent un certain infléchissement du sens de la loi et donne aux tribunaux, lorsqu'une certaine marge existe, des pouvoirs non négligeables. Mais les auteurs classiques n'accordaient guère plus qu'un caractère très théorique au contrôle de constitutionnalité. Pour reprendre le résumé très imagé d'Henrik Zahle, « le contrôle pouvait, à l'époque, être comparé à une épée que la rouille collait au fourreau(12) ».

Cela n'empêchait pas les querelles doctrinales. Le débat constitutionnel s'est un temps déplacé sur un autre terrain : celui du fondement, et donc de la valeur juridique du droit de contrôle. La question du contrôle de constitutionnalité des lois avait été abordée lors des débats de l'Assemblée constituante de 1848-1849. Un projet d'article constitutionnel y avait même été présenté pour en reconnaître l'existence : « Toutes les lois et ordonnances qui sont en contradiction avec la Constitution sont non valables. » Mais il avait été repoussé et, selon les constitutionnalistes classiques, l'analyse des débats constitutionnels montrait que l'Assemblée constituante n'avait pas seulement été hostile à l'inscription du droit de contrôle dans le texte de la Constitution, mais qu'elle avait rejeté le principe même du droit de contrôle(13). Les tentatives ultérieures de justifier l'existence du droit de contrôle par le § 88 de la Constitution (qui définit la procédure de révision constitutionnelle), ou son § 3 (qui affirme le principe de séparation des pouvoirs), ont toutes été jugées non convaincantes, car trop indirectes(14).
Les tribunaux danois ont décidé de l'existence d'un contrôle de la constitutionnalité des lois « d'une manière autonome et créatrice de droit, dans le silence conscient et exprès de la Constitution(15) ». C'est ce qui explique la discussion constitutionnelle sur les conditions dans lesquelles ce droit de contrôle pourrait être, le cas échéant, supprimé.
La thèse d'Alf Ross était sur ce point très simple : ne pouvant se fonder sur une disposition constitutionnelle expresse, la reconnaissance du principe du contrôle de la constitutionnalité des lois ne résultait que d'une règle jurisprudentielle, qui n'avait pu trouver place dans l'ordonnancement juridique qu'en raison du silence de la Constitution. Les juges ne pouvant avoir le droit de se dresser contre l'autorité du pouvoir législatif, le contrôle de constitutionnalité pouvait donc être écarté par une simple disposition législative(16). Cette thèse était cependant rejetée par la doctrine majoritaire(17).
La fin des années 1990 va être marquée par un renversement complet des perspectives. Pour plusieurs raisons : d'abord les recours se sont multipliés et la question de la conformité des lois aux normes supérieures a été soulevée de plus en plus souvent devant les tribunaux. Henning Koch note que, pour écrire la seconde édition de son Droit constitutionnel danois, en 1968, Alf Ross ne disposait que de 35 décisions de la Cour suprême prononcées depuis le tournant du siècle et concernant une question de droit constitutionnel. En 1997, Henrik Zahle pouvait utiliser 192 décisions pour élaborer son manuel de droit constitutionnel(18).

Le contexte politique et juridique avait aussi changé. La conception des relations entre les pouvoirs a évolué. On est passé, indique Henrik Zahle, « d'une démocratie où personne n'est au-dessus ni à côté du Folketing··· à une démocratie qui garantit une protection de la minorité et des droits de l'homme(19) ». La doctrine juridique s'est transformée. Auparavant, note Gorm Toftegaard Nielsen, « presque tous les chercheurs étaient des partisans de Ross, et méprisaient le droit naturel, ils virevoltent aujourd'hui sur un point de vue diamétralement opposé··· qui place les juristes sur un piédestal élevé par rapport à la foule(20) ».

C'est dans le cadre de cette évolution qu'en 1996, renversant sa jurisprudence sur l'intérêt à agir, la Cour suprême danoise va admettre la recevabilité d'un recours présenté par onze citoyens danois contre la loi d'adhésion au traité de Maastricht(21). Et surtout, en 1999, dans l'affaire Tvind, elle va écarter, pour la première fois au terme d'un examen au fond, l'application d'une loi jugée inconstitutionnelle(22). Cet arrêt, rendu à l'unanimité, a frappé de stupeur une doctrine qui ne s'y attendait pas. Ses premiers commentateurs y virent une rupture brutale avec la jurisprudence antérieure et l'affirmation d'un rôle politique nouveau au profit des juridictions.

« L'audace » nouvelle de la Cour a trouvé pour l'essentiel son origine dans l'influence que les traités conclus au niveau européen, et en particulier la Convention européenne des droits de l'homme, exercent sur le droit national. Comme le souligne Gorm Toftegaard Nielsen, « l'adhésion danoise à la Convention, en 1953, n'a pas vraiment été considérée comme une chose susceptible d'avoir une grande importance pour le droit danois. Dans la plus parfaite tradition danoise, on pensait vraisemblablement qu'on aiderait les autres pays ayant des difficultés avec les droits de l'homme ». Et personne n'imaginait que le Danemark puisse être en contradiction avec les principes de la Convention(23). Les deux désaveux infligés à la Cour suprême dans les affaires Hauschildt(24) et Jersild(25) en 1989 et 1994 provoquèrent à la fois surprise et émotion dans l'opinion publique. La Convention, à la suite de son incorporation dans le droit danois en 1992, fut de plus en plus souvent invoquée devant les tribunaux danois(26); une grande partie de la doctrine insistait sur la contradiction de plus en plus évidente entre la tradition constitutionnelle danoise et le développement européen des droits de l'homme(27).
Tout en traduisant bien l'inquiétude devant la novation, le rapport présenté au ministère de la Justice en 1991 sur les relations entre la CEDH et le droit danois et les conséquences de l'incorporation de la Convention cherchait à rassurer ; il affirmait ainsi que l'incorporation de la Convention en droit danois n'impliquait pas automatiquement que les juridictions danoises jouent un rôle créateur et abandonnent leur réserve traditionnelle(28). La Cour suprême vacillait cependant sur ses bases dans un arrêt de 1994. Elle maintenait ses principes traditionnels par une affirmation de principe : en raison du caractère traditionnel de cette pratique, « il n'existait pas de fondement suffisant » pour considérer comme contraire à l'article 6 de la CEDH la participation aux fonctions judiciaires de juges stagiaires(29) ne jouissant pas de l'inamovibilité. Mais elle pressentait l'évolution à venir ; d'une part elle incitait le législateur à rechercher rapidement une solution satisfaisante à cette question ; de l'autre, elle admettait l'existence d'une violation de la Convention compte tenu des circonstances particulières de l'affaire. Le juge stagiaire chargé de la conduite de l'action pénale avait, à un moment de la procédure, exercé simultanément des fonctions au bureau de la police du ministère de la Justice ; l'inculpé était donc fondé à contester le caractère « indépendant » du tribunal.

Cette dimension internationale ou transnationale contribue au caractère parfois passionné des controverses juridiques que cette rupture a déclenchées entre la jurisprudence nouvelle et le « modèle danois » traditionnel(30). C'est que l'évolution des positions du juge danois ne représente pas seulement une nouvelle interprétation de ses pouvoirs influant sur son organisation et son fonctionnement. Elle le confronte aussi à des questions juridiques nouvelles.

I. L'organisation et le fonctionnement du contrôle de constitutionnalité

L'irruption des préoccupations internationales était déjà révélée par les discussions sur la réorganisation du système juridictionnel danois au cours des années 1990. C'est elle qui a suscité une importante discussion publique, à la fin des années 1990, sur l'indépendance du pouvoir judiciaire. Un comité d'experts, présidé par le président de la Cour suprême et composé de magistrats, d'avocats et d'universitaires, s'est longuement penché sur la question. Et son rapport(31) servira largement de base à la réforme de l'organisation judiciaire du 26 juin 1998.

La protection traditionnelle de l'indépendance judiciaire était assurée par le principe de l'inamovibilité. Les juges sont nommés sans limitation de durée, jusqu'à ce qu'ils atteignent l'âge de 70 ans. Ils ne peuvent, selon le § 64 de la Constitution, « être révoqués qu'en vertu d'un jugement, ni être déplacés contre leur gré, sauf dans le cas d'une réorganisation des tribunaux ». Mais cette protection ne répondait pas à certaines questions auxquelles des événements récents donnaient une actualité particulière. Que signifie l'affirmation constitutionnelle selon laquelle le pouvoir judiciaire constitue le troisième pouvoir de l'État ? Comment renforcer la confiance de la population envers l'institution judiciaire ? Pour répondre à ces questions, le comité proposa d'abord de retirer la gestion des juridictions au ministre de la Justice. C'est donc désormais un service particulier, soustrait à l'autorité hiérarchique du ministre, le service des tribunaux (domstolsstyrelse), qui est chargé de la gestion des questions administratives et financières relatives au fonctionnement des juridictions (crédits, personnels, immeubles). Il est dirigé par un bureau composé de huit membres nommés par le ministre de la Justice sur proposition(32).

La loi de 1998 a aussi modifié les conditions de nomination des magistrats. Après avoir refusé une proposition de cooptation par les tribunaux eux-mêmes, le comité a proposé de maintenir le pouvoir de nomination au ministre de la Justice, mais sur proposition d'une sorte de conseil de la magistrature (dommerudnævnelsesråd), composé de trois magistrats, d'un avocat et de deux représentants de la société civile. Les membres en sont nommés pour quatre ans par le ministre de la Justice sur proposition(33). Ils ne peuvent être révoqués pendant la durée de leur mandat. La compétence du comité s'étend à toutes les nominations, sauf celle du président de la Cour suprême, qui, bien qu'il soit formellement nommé par le ministre, est en fait élu par ses pairs.

Le fonctionnement de l'institution judiciaire a été simplifié et réorganisé par une loi du 27 septembre 2005, modifiée le 8 juin 2006. Il est caractérisé par le principe d'unité de juridiction ; le Danemark n'a donc ni juridiction administrative spécialisée(34), ni juridiction constitutionnelle. Les trois niveaux traditionnels [24 tribunaux locaux(35) (byret), deux cours d'appel(36) (Landsret) et une Cour suprême(37) (Højesteret)] sont donc compétents pour trancher à la fois les contentieux civils, pénaux et administratifs(38). Ils le sont aussi pour se prononcer, le cas échéant, sur la contradiction éventuelle d'une loi avec une norme supérieure.

L'objectif de la réforme de 2006 a été la constitution de tribunaux locaux de taille suffisante. On a donc réduit de façon drastique le nombre des circonscriptions judiciaires (de 82 à 24). De ce fait, on a généralisé la compétence de premier ressort des tribunaux locaux. Alors qu'auparavant, les affaires pénales importantes (celles impliquant la réunion d'un jury) relevaient de la compétence de la cour d'appel en première instance, elles suivent désormais le régime commun.

La loi conserve cependant, dans son § 371, le principe selon lequel une affaire ne peut normalement être jugée que par deux juridictions successives. En matière civile, comme en matière pénale, elle s'arrête donc en principe au niveau de la cour d'appel. Cependant, lorsqu'une affaire soulève une question de principe ou qu'elle le justifie pour des motifs particuliers, le tribunal local peut s'en dessaisir à la demande d'une partie et décider son renvoi à une cour d'appel (§ 226). Dans ce cas, comme dans les cas, devenus rares, où elle est juge en premier ressort, l'arrêt de la cour sera toujours susceptible de recours en appel devant la Cour suprême. Dans certaines affaires importantes, la procédure peut même, exceptionnellement, parcourir les trois niveaux de juridiction : une sorte de Chambre des requêtes (le Procesbevillingsnævnet(39)) accordera l'autorisation de soumettre à la Cour suprême une question qui a déjà fait l'objet de deux décisions des juridictions inférieures ; cette instance a aussi compétence pour apporter des dérogations aux hypothèses où la loi limite la possibilité d'appel. En matière civile, la Cour suprême est juge d'appel ; elle peut en particulier accepter des éléments nouveaux. En matière pénale, ses pouvoirs sont plus limités et ils ne s'étendent pas au contrôle de l'appréciation des faits. La Cour peut confirmer l'arrêt attaqué. Dans le cas contraire, elle substitue sa décision à celle de la juridiction inférieure(40).

Il résulte du principe d'unité de juridiction d'une part, que n'importe quel degré de juridiction a compétence pour se prononcer sur une question de conformité d'une loi ou d'une disposition administrative à la Constitution, au droit communautaire ou à la Convention européenne des droits de l'homme, d'autre part que le recours s'exerce en principe par la voie de l'exception. Tout litige impliquant une telle appréciation peut, de droit, faire l'objet d'un recours devant la Cour suprême.

La Cour suprême peut être saisie de deux sortes d'appels ; certains concernent l'ensemble du litige à trancher : on parle alors d'une ankesag. Mais il peut arriver que la Cour ne soit saisie que d'une question préalable ou préjudicielle (kæresag). Dans l'affaire concernant le traité de Maastricht, par exemple, la Cour s'était d'abord prononcée sur la recevabilité du recours (Maastricht I) avant de trancher, deux ans après, l'affaire au fond (Maastricht II). La Cour peut aussi avoir à trancher des questions préalables de procédure ou des questions relatives à l'instruction(41). L'examen des kæresager se fait presque toujours exclusivement par écrit. Celui des ankesager est en principe oral, mais il peut être exclusivement écrit pour les affaires civiles de moindre importance.

L'instruction est menée par une commission de trois membres dans le cadre d'une procédure essentiellement écrite. Les parties sont représentées par un avocat. Ne peuvent plaider devant la Cour suprême que des avocats habilités à cet effet après au moins cinq ans d'exercice de la profession devant les juridictions inférieures. La formation normale de jugement pour les ankesager comporte au moins cinq membres. Les kæresager peuvent être tranchées en formation restreinte à trois membres. La Cour peut aussi toujours décider d'augmenter le nombre de juges si l'importance de l'affaire le justifie. Pour éviter les partages, le nombre de juges est en général impair. En matière de contrôle de constitutionnalité des lois, l'arrêt est souvent prononcé par la formation plénière. Le délibéré a lieu à huis clos : les juges expriment chacun leur vote dans l'ordre inverse de leur ancienneté ; le dernier vote émis est celui du président de la formation de jugement. Des opinions dissidentes peuvent figurer dans l'arrêt. Mais elles y sont incorporées ; la présentation de l'opinion dissidente étant mêlée avec les arguments de la majorité, celle-ci fait en quelque sorte partie du raisonnement juridique qui conduit à la décision finale.

Les questions de constitutionnalité ont été soulevées à l'occasion de sujets très divers, pour demander la non application d'une loi à l'occasion d'un litige. Le requérant peut invoquer une inconstitutionnalité formelle, par exemple le non respect des exigences procédurales à l'occasion du vote de la loi(42); ou une inconstitutionnalité matérielle, qu'il s'agisse d'une matière civile (contestation d'une saisie), pénale (pour obtenir la levée d'une accusation(43)) ou administrative (contestation d'une expropriation(44)).

Pourtant, exercé dans le cadre de la fonction juridictionnelle ordinaire, le contrôle de constitutionnalité ne vise pas nécessairement à éviter l'application de la loi. Il a pu être aussi exercé à l'appui de la mise en jeu de la responsabilité du fait des lois, comme ce fut le cas, par exemple, en 1980, dans l'affaire Greendane(45). Abrogé en 1951, le monopole de l'État danois sur le transport maritime à destination du Groenland a été rétabli en 1973. Une société privée assurant cette liaison, la société Greendane, s'est donc trouvée dans l'impossibilité de poursuivre ses activités entamées l'année précédente. La majorité de la Cour suprême a considéré que, même si elle était en grande partie inspirée par des considérations sociales (assurer l'égalité de tarifs quelle que soit la région du Groenland desservie), la loi visait aussi des objectifs économiques et qu'elle constituait bien une loi d'expropriation. Greendane avait donc droit à une indemnisation intégrale du manque à gagner, même si son activité était récente, même si elle avait eu connaissance du risque encouru lors de l'ouverture de son activité, d'autant plus qu'étant la seule entreprise touchée par les conséquences du rétablissement du monopole, elle subissait un préjudice spécial. En 1981, en revanche, deux laiteries se sont vu refuser une indemnisation. Selon elles, l'adhésion du Danemark à la CEE avait entraîné des limitations du monopole des laiteries pour le commerce du lait dans certaines zones(46); la Cour estimera que les conditions de l'indemnisation n'étaient pas remplies.

L'arrêt rendu n'a en principe qu'une autorité relative de chose jugée, d'autant que sa solution dépend parfois des circonstances de l'affaire. Mais une déclaration d'inconstitutionnalité ou d'inconventionnalité constitue bien sûr un précédent susceptible d'être évoqué dans toute affaire ou le même texte est invoqué. À condition que le requérant justifie d'un intérêt à agir. C'est sur ce point que le nouveau cours de la jurisprudence danoise a aussi permis des évolutions significatives.

II. Les conséquences du contrôle de constitutionnalité

L'évolution de la jurisprudence danoise soulève deux questions essentielles et en partie liées : celle de l'étendue du contrôle des tribunaux et celle des conditions de recevabilité des recours.

A. L'étendue du contrôle

Comme le note Pernille Boye Koch(47), la question de l'intensité du contrôle dans les questions de contrôle de la constitutionnalité des lois a été un thème prédominant dans la discussion doctrinale ces dernières années. L'arrêt Tvind(48) a été largement compris comme une évolution significative de la lecture que les tribunaux danois faisaient du principe de séparation des pouvoirs(49), en y intégrant une dimension de sécurité juridique bénéficiant aux individus.
Les normes de référence sont larges : le recours peut être fondé, comme dans l'affaire précédente, sur une violation directe de la Constitution ; il peut l'être aussi sur une violation, réelle ou prétendue, de la Convention européenne des droits de l'homme, même dans le cadre de rapports interindividuels : violation des articles 10 et 17 par la condamnation d'un candidat aux élections locales diffusant, dans le cadre de sa campagne électorale, des propos insultants et dégradants à l'égard des musulmans installés au Danemark (non)(50); de l'article 10, par la condamnation du rédacteur en chef d'un journal qui rapporte les réactions verbales, parfois violentes, des parents d'enfants se prétendant victimes d'actes de pédophilie, à la suite de l'acquittement de l'auteur présumé (oui)(51); de l'article 9 de la CEDH, en cas d'interdiction faite par une entreprise à ses employées de porter un foulard islamique lorsqu'ils sont en contact avec le public (non)(52). Il peut aussi être fondé sur d'autres conventions internationales(53).

Comme le souligne Jens Ole Rytter, les autorités font des droits fondamentaux reconnus par la CEDH des principes de plus en plus importants qu'elles utilisent tant pour l'interprétation des règles de droit public que des règles de droit privé(54), et donc des règles constitutionnelles. L'une des illustrations les plus caractéristiques de cette proposition se trouve dans l'arrêt Rocker(55). L'interprétation du § 77 de la Constitution, relatif à la liberté de réunion, est ainsi faite à la lumière des dispositions de l'article 11 de la CEDH.

L'audace des tribunaux s'est accentuée ces dernières années. Elle reste néanmoins relative. Qu'elle se soit accrue résulte clairement de l'arrêt Maastricht II. En 1953, on a introduit dans la Constitution un § 20 destiné à faciliter les transferts de souveraineté à une organisation internationale, sans avoir à recourir à la lourde procédure de révision constitutionnelle du § 88. Les requérants, contestaient le recours à ce paragraphe pour décider de l'adhésion au traité de Maastricht ; ils estimaient que les transferts prévus étaient trop importants pour rentrer dans son cadre et auraient exigé l'utilisation du § 88(56). La Cour valide la procédure constitutionnelle retenue, mais elle pose un grand nombre de réserves d'interprétation, en définissant de façon détaillée ce qu'implique la disposition du § 20, lorsqu'elle n'autorise un transfert de compétences que « dans une étendue précisément déterminée ».

Pourtant, comme le souligne Pernille Boye Koch, « les représentations élargies, selon lesquelles les tribunaux danois auraient abandonné leur ligne traditionnelle de réserve dans les affaires touchant au contrôle de constitutionnalité des lois, reposent sur une base assez fragile. Il est probablement plus exact de souligner que le contrôle matériel a longtemps été et doit toujours pour l'instant être considéré comme relativement timide(57) ». Si, compte tenu des bases textuelles dont elle dispose, la Cour suprême n'hésite plus à écarter l'application de certaines lois dans le domaine de la protection des droits civils et politiques, elle reste par exemple plus prudente dans celui des droits économiques et sociaux, et très réticente à l'utilisation de standards trop généraux et imprécis.

B. L'intérêt à agir

En revanche, elle n'a pas hésité à faire évoluer sa jurisprudence sur la question de l'intérêt à agir. En principe, pour intenter un recours devant les tribunaux, le requérant doit justifier d'un intérêt individuel. Les particularités du contrôle par voie d'exception devant les tribunaux ordinaires confèrent à la procédure un caractère accusatoire prononcé : les parties sont largement maîtresses du contenu de la demande et de la production des preuves. Et l'unité de juridiction implique l'application des règles de la procédure civile dans tous les litiges examinés par les tribunaux, même lorsqu'ils opposent un administré à la puissance publique(58). Certes, souligne Gorm Toftegaard Nielsen, « il existe au Danemark des litiges juridiques qui ne sont pas totalement dirigés par les parties. Cela ne concerne pas seulement les affaires pénales, mais aussi des affaires civiles où le législateur pense que la société a une responsabilité particulière··· par exemple celles qui concernent la paternité ou les privations administratives de liberté. À ma connaissance, il n'y a pas eu de proposition pour que les affaires mettant en cause une éventuelle inconstitutionnalité de la loi soient examinées selon d'autres règles que celles qui s'appliquent aux réclamations d'économie privée(59) ».

Les règles traditionnelles sur l'intérêt à agir ne soulèvent pas de difficultés chaque fois qu'un droit subjectif ou une liberté publique sont menacés par une décision individuelle. Leur application pose en revanche problème dans les cas où les intérêts en cause ne sont pas propres à un individu ou à un groupe. « Quand les tribunaux sont saisis d'une question où aucun citoyen individuel n'est concerné, écrit Pernille Boye Koch, on peut imaginer résoudre la question de la recevabilité du recours de trois manières différentes : 1) personne n'a intérêt à agir ; 2) tout le monde a intérêt à agir ; 3) certains groupes d'intérêts ou associations ont intérêt à agir. Jusqu'ici le modèle 1 a été, pour ainsi dire, exclusif au Danemark··· Il ne l'est plus··· La pratique actuelle peut être caractérisée comme une forme mixte entre les modèles 2 et 3(60). »

En 1973, la Cour suprême avait déclaré irrecevable un recours contre l'adhésion du Danemark à la Communauté européenne(61). Elle confirmait l'appréciation de la cour d'appel selon laquelle le requérant ne tirait de sa qualité de citoyen danois aucun « intérêt concret et actuel » à présenter le recours. C'était l'application pur et simple des principes traditionnels en matière d'intérêt à agir. Pour être actuel, le litige doit en principe conserver un enjeu au moment où il est jugé. Les tribunaux danois se sont éloignés de cette exigence dans plusieurs cas où le litige mettait en cause une autorité publique. En revanche, ils étaient en général restés très stricts sur celle du caractère concret de l'intérêt à agir. Celui-ci nécessite l'existence d'un rapport effectif, et pas seulement théorique, entre le requérant et le litige. Le droit danois n'admet pas le principe d'un « contrôle abstrait des normes », dans la mesure où la validité des règles ne peut être mise en cause que par voie d'exception.

Les choses ont en partie évolué lorsqu'en 1994, la Cour suprême a reconnu à deux députés de l'opposition un intérêt à contester devant les tribunaux la décision par laquelle le Folketing autorisait une privatisation (la vente d'une compagnie d'assurance vie à une société privée)(62). Certes, par précaution, les deux parlementaires en cause invoquaient aussi leur qualité d'assurés de cette compagnie. Mais ils présentaient d'abord le recours en leur qualité de parlementaires et on peut penser que celle-ci n'a pas constitué un obstacle en termes de recevabilité. La Cour n'a pas seulement élargi les conditions de recevabilité ; elle s'est aussi immiscée dans un conflit politique sensible et elle apparaissait dans un rôle nouveau, l'amenant à intervenir au cœur d'un différend opposant deux fractions parlementaires et à se présenter comme la protectrice des droits de la minorité.

En 1996, la Cour ira plus loin, et elle renversera sa jurisprudence antérieure, en acceptant l'examen au fond du recours de onze citoyens danois contre l'adhésion au traité de Maastricht(63). Leur intérêt individuel n'apparaissait guère plus évident que celui du requérant de 1973. D'où la précaution qu'elle prend, en présentant cette solution comme un cas particulier, lié à l'ampleur des transferts de compétence de l'État danois à l'Union européenne et à l'importance des incidences du traité sur la population danoise dans son ensemble.

Pernille Boye Koch relève soigneusement les autres précautions prises par la Cour pour rattacher sa décision aux principes traditionnels. Certes indique-t-elle, la Cour relève l'importance que l'adhésion a pour la population danoise en général ; mais c'est pour en déduire que les auteurs de l'appel ont « un intérêt essentiel à voir leur demande examinée » ; et que cela leur confère « l'intérêt juridique requis pour la voir examiner ». Il n'y a donc actio popularis que parce que chaque Danois a un intérêt juridique dans l'affaire. L'exigence de l'intérêt est maintenue et « l'arrêt avant dire droit de la Cour est plutôt l'expression d'une redéfinition et d'une précision plus nuancée de la notion d'intérêt juridique qu'une prise de distance à l'égard de son exigence(64) ». Et, il est vrai qu'elle reviendra aux principes antérieurs à propos d'un autre recours, présenté contre la loi de ratification des accords de Schengen(65), et déclaré irrecevable dans la mesure où ces accords n'ont pas la même incidence directe sur la vie quotidienne de l'ensemble de la population.

Il n'en reste pas moins que la notion d'intérêt à agir s'élargit et les cours d'appel agrandissent la brèche. Dans un arrêt de 1994, la cour d'appel de l'Est a admis la recevabilité du recours de l'association Greenpeace contre la loi autorisant la construction du pont sur l'Øresund reliant le Danemark à la Suède. Était en cause le non respect des dispositions d'une directive concernant les études préalables d'impact. « Ni l'organisation écologique, écrit Pernille Boye Koch, ni ses membres n'ont d'intérêt individuel à l'issue de cette affaire··· L'intérêt de l'association écologique a donc manifestement un caractère moral··· Cet écart par rapport à l'exigence traditionnelle du caractère concret a pour conséquence de conférer aux tribunaux, dans l'examen de l'affaire au fond, la mission d'exercer un contrôle de normes abstrait. La loi concernant le pont sur l'Øresund doit être confrontée avec la directive pour décider si la directive est respectée. C'est la question principale du recours et pas seulement une manœuvre judiciaire (qu'on aurait rencontrée) si, par exemple, la validité de la loi était contestée par un citoyen ayant subi, du fait de la construction du pont, des limitations dans sa possibilité de disposer de sa propriété ou par un pêcheur pensant que sa possibilité de faire du profit était diminuée du fait de la loi elle-même(66). »
L'arrêt n'est pas simple à interpréter. Pour admettre le recours, la cour d'appel semble avoir attaché une certaine importance au fait que Greenpeace s'était vu reconnaître un droit de recours devant divers organes administratifs sur toutes les questions traitées dans la loi sur la protection de l'environnement ; d'autre part, la Cour insiste aussi sur le fait que cet objet figure expressément dans les statuts de l'association.

En 2000, cependant, la même cour d'appel franchira un pas supplémentaire en reconnaissant au mouvement populaire contre l'UE un intérêt à agir dans l'affaire de la Neutralité des fonctionnaires. À l'occasion du référendum sur le traité d'Amsterdam, le gouvernement avait mis en place une cellule d'information ; elle était chargée de réagir à toute déclaration hostile à l'Europe et, de façon plus générale, de diffuser systématiquement une information positive sur la coopération européenne. Des requérants individuels et une association avaient contesté cette décision, en considérant que la création de cette cellule et sa mise au service exclusif du point de vue gouvernemental amenaient les fonctionnaires qui en faisaient partie à violer leur obligation constitutionnelle de neutralité politique. La Cour rejettera le recours des individus ; les activités (de la cellule), indiquera-t-elle, « ne touchent pas directement la situation juridique ou les conditions de vie de personnes privées », puisqu'elle ne sont pas dirigées contre de telles personnes. Les requérants n'ont donc aucun « intérêt essentiel et individuel » à voir leur demande examinée. En revanche, la Cour admettra, à la majorité, l'intérêt à agir de l'association. Il n'y avait pas, contrairement au cas de Greenpeace, un fondement textuel sur lequel s'appuyer. Mais la Cour estimera important que, « suite à la loi sur l'élection du Parlement européen, l'association soit habilitée à se présenter à cette élection et qu'elle soit reconnue à d'autres égards comme un des nombreux porte-paroles des opposants à l'UE(67) ». La Cour suprême confirmera cette décision(68).

Cette évolution des conditions de recevabilité traduit un changement progressif du contrôle des tribunaux danois et marque l'entrée en scène d'une forme de « contrôle abstrait des normes ». Elle favorise aussi l'irruption sur la scène judiciaire de groupes divers et leur capacité à exercer des pressions sur la Cour suprême pour qu'elle élargisse le contrôle exercé par les juridictions. Un recours contestant l'engagement des troupes danoises en Irak est actuellement pendant devant une cour d'appel. Il viendra sans doute en examen devant la Cour suprême. Et l'important sera moins la décision sur le fond, s'il y en a une ; car elle aura toutes chances d'être négative. La question essentielle sera celle de la recevabilité ; si une réponse positive lui était apportée, elle confirmerait clairement qu'il y a bien quelque chose de profondément changé au royaume du Danemark.

(1) Les Cahiers adressent leurs remerciements à la Cour suprême du Danemark pour son accueil et l'aide précieuse apportée à la réalisation de ce dossier, ainsi qu'à Henning Koch, professeur à l'Université de Copenhague, pour son analyse du contrôle de constitutionnalité et ses conseils bibliographiques.
(2) Herlitz (Nils), Nordisk offentlig rätt, Norstedt och söners, Stockholm, 1958, tome II, p. 82.
3. Le texte actuel de la Constitution résulte d'une évolution qui s'est déroulée en quatre étapes. Le texte originel, issu du mouvement révolutionnaire qui agita l'Europe de 1848, date du 5 juin 1849 : il met fin à l'absolutisme, établit une monarchie constitutionnelle fondée sur le suffrage universel masculin et consacre une affirmation constitutionnelle de nombreuses libertés ; une première révision constitutionnelle, le 28 juin 1866, marque une certaine réaction politique, en restreignant en particulier le suffrage pour l'élection de la seconde Chambre, dont elle renforce les pouvoirs. La deuxième, le 5 juin 1915, rétablit le suffrage universel intégral, et en étend le bénéfice aux femmes. Elle introduit aussi l'exigence du référendum dans la procédure de révision constitutionnelle. Le texte actuel date du 5 juin 1953 : il consacre dans le texte de la Constitution le principe parlementaire, qui était certes appliqué depuis 1901, mais ne constituait qu'une règle non écrite ; et il instaure le monocaméralisme, en substituant une chambre unique, appelée Folketing, à l'ancien Rigsdag bicaméral.
(3) Le texte actuel de la Constitution résulte d'une évolution qui s'est déroulée en quatre étapes. Le texte originel, issu du mouvement révolutionnaire qui agita l'Europe de 1848, date du 5 juin 1849 : il met fin à l'absolutisme, établit une monarchie constitutionnelle fondée sur le suffrage universel masculin et consacre une affirmation constitutionnelle de nombreuses libertés ; une première révision constitutionnelle, le 28 juin 1866, marque une certaine réaction politique, en restreignant en particulier le suffrage pour l'élection de la seconde Chambre, dont elle renforce les pouvoirs. La deuxième, le 5 juin 1915, rétablit le suffrage universel intégral, et en étend le bénéfice aux femmes. Elle introduit aussi l'exigence du référendum dans la procédure de révision constitutionnelle. Le texte actuel date du 5 juin 1953 : il consacre dans le texte de la Constitution le principe parlementaire, qui était certes appliqué depuis 1901, mais ne constituait qu'une règle non écrite ; et il instaure le monocaméralisme, en substituant une chambre unique, appelée Folketing, à l'ancien Rigsdag bicaméral.
(4) Liberté personnelle (§ 71), inviolabilité du domicile (§ 72), droit de propriété (§ 73), liberté du commerce et de l'industrie (§ 74), droit à l'éducation (§ 76), liberté d'expression (§ 77), d'association (§ 78), de réunion (§ 79)···
(5) La procédure de révision constitutionnelle est désormais prévue par le § 88 de la Constitution. L'adoption d'un projet de révision constitutionnelle suppose la tenue préalable d'élections générales. Le projet doit d'abord être adopté par le Folketing nouvellement élu. Il est ensuite soumis au référendum dans un délai de six mois ; son adoption définitive suppose la réunion d'une majorité de votants représentant au moins 40 % des électeurs inscrits.
(6) Dans le texte constitutionnel actuel, il s'agit du § 73 :
« al. 1 : La propriété est inviolable. Nul ne peut être contraint de se dessaisir de sa propriété si ce n'est pour cause d'utilité publique. L'expropriation ne peut avoir lieu qu'en vertu d'une loi et moyennant indemnité complète.
al. 2 : Lorsqu'un projet de loi portant expropriation a été adopté, un tiers des membres du Folketing peuvent exiger, dans les trois jours ouvrables qui suivent le vote définitif du projet, que celui-ci ne soit pas présenté à la sanction royale avant que de nouvelles élections au Folketing n'aient eu lieu et que le projet n'ait été adopté de nouveau par le Folketing ainsi constitué.
al. 3 : Les tribunaux peuvent être saisis de toute question relative à la légalité de l'acte d'expropriation et au montant de l'indemnité. La vérification du montant de l'indemnité peut être déférée par une loi à des tribunaux institués à cet effet. »
(7) Après avoir semblé admettre le principe du contrôle en 1912 (UfR 1912.545 H), à propos des droits de certains pasteurs sur les dîmes ecclésiastiques, la Cour suprême avait refusé d'examiner la question l'année suivante, dans une affaire d'expropriation. L'existence de l'utilité publique, indiqua-t-elle, résulte de l'appréciation du législateur, dont le caractère souverain dispense les tribunaux de s'interroger sur l'étendue de leur pouvoir (UfR 1913.457 H). V. Zahle (Henrik), Dansk Statsforfatningsret, 3e éd., 2004, Christian Ejlers'Forlag, København, p. 158. Il faut néanmoins, dans la comparaison internationale, souligner l'existence d'un biais : l'importance, au Danemark, de ce qu'on pourrait appeler, à l'anglaise, la « législation privée », la loi réglant elle-même certaines questions particulières. Dans le dernier arrêt cité, c'était ainsi la loi elle-même qui décidait des expropriations nécessaires à l'agrandissement d'un port.
(8) UfR 1921.153 H (arrêt Conversion des fiefs). V. aussi UfR 1921.644. H (arrêt Rachat du cens). Dans ce dernier arrêt, on a frôlé la déclaration d'inconstitutionnalité, six juges sur onze ayant d'abord voté pour l'impossibilité d'appliquer la loi. Ce résultat fut inversé quelques jours plus tard, au cours d'un second vote, avec le ralliement d'un juge de la majorité au point de vue des minoritaires. V. Andersen (Poul), Rigsdagen og Domstolene, in Den danske Rigsdag, 1849-1949, vol. 5, 1953, p. 546 et s.
(9) UfR 1921.168 H et 169 H (arrêt Succession des charges réelles).
(10) Ross (Alf), Dansk Statsforfatningsret, 2e éd., tome I, Arnold Busck, København, 1966, p. 194-195.
(11) Grunrettigheder. Domstolenes fortolkning og kontrol med lovgivningsmagten, Thomson Gadjura, 2000, p. 45. Il ajoute aussi à cette explication la “culture” des juges imprégnée par la crainte du conflit. « Il est assez dans la nature des juges, écrivait un membre de la Cour suprême, de préférer une existence tranquille à l'ombre des arbres plutôt qu'une vie exposée, à la voile avant de la frégate, au soleil, sous la pluie et dans la tempête – et peut-être sous la canonnade » [Munch (Mogens), Grænser for domstolenes virksomhed i civile sager, Juristen 1989, p. 45].
(12) H. Zahle, op. cit., p. 169.
(13) En ce sens, Andersen (P.), op. cit., p. 463 ; Ross (Alf), op. cit., p. 188. Plus hésitant, Christensen (Bent), Højesteret 1661-1961, København, 1961, vol. 1, p. 402.
(14) Andersen (Poul), Dansk Statsforfatningsret, 2e éd., 1964, Gyldendal, København, 1964, p. 464 ; Ross, op. cit., p. 190. À l'époque récente, Zahle, op. cit., tome II, p. 156. Koch (Henning), Rettens prøvelse – et sædekorn til splid, in Blume (Peter) et al., Liv, arbejde og førvaltning, Festsskrift til Ole Krarup, Gad Jura, København, 1995, p. 233 affirme au contraire que l'existence du droit de contrôle résulte de la combinaison de ces deux dispositions constitutionnelles.
(15) Koch (Henning), Dansk forfatningsret i transnational belysning, Juristen 1999, p. 216.
(16) Ross (Alf), op. cit., p. 196. V. aussi Ross, Kan domstolenes Kompetence til at prøve Loves Grundlovsmæssighed berøves dem ved Lov ?, in Festsskrift til Andersen (Poul), 1958, p. 356 ; et Andersen (Poul), Kan domstolenes Kompetence til at prøve Loves Grundlovsmæssighed frakendes dem ved Lov ?, Juristen 1960, p. 115.
(17) Sørensen (Max), Statsforfatningsret, DØGF, København, 1re éd., 1972, p. 306 ; Gomard (Bernhard), Civilprocessen, Forlaget Thomson, 2e éd., 2000, p. 33 ; Zahle, op. cit., p. 172.
(18) Dansk forfatningsret i transnational belysning, op. cit., p. 217.
(19) Op. cit., p. 169. Toftegaard Nielsen (Gorm) (Domstolene som den tredje statsmagt, in Parlamentarismen – hvem tog magten ?, Århus universitetsforlag, 2001, p. 152) cite, pour illustrer le changement, la dernière affaire jugée par la Haute Cour (Rigsret) (U. 1995.672). Cette juridiction, prévue par le § 59 de la Constitution, et composée à parité de membres de la Cour suprême et de parlementaires élus par le Folketing, est chargée en particulier de mettre en jeu la responsabilité pénale des ministres en cas de manquement à leurs obligations. En 1995, le ministre de la Justice fut condamné à quatre mois de prison avec sursis pour avoir refusé aux membres de la famille d'un réfugié sri-lankais le bénéfice du droit au regroupement familial qu'ils tiraient des dispositions législatives en vigueur. Une minorité de juges votèrent pour l'acquittement, au nom de l'idée ancienne que le ministre n'avait fait qu'appliquer une pratique ministérielle connue de tous les acteurs politiques et approuvée par la majorité d'entre eux. Mais la majorité des membres de la Haute Cour se prononça pour la condamnation, l'assentiment donné par le gouvernement et la majorité du Folketing « ne pouvant légitimer une conduite illégale ». C'est, conclut-il, toute la différence entre une doctrine de la séparation des pouvoirs, fondée sur la sécurité juridique et préoccupée par la seule souveraineté de la loi, et une doctrine de la répartition des pouvoirs, uniquement préoccupée de la souveraineté du Parlement.
(20) Op. cit., p. 178.
(21) U. 1996.1300 H. V. un extrait de l'arrêt ci-dessous p. 119.
(22) U. 1999.841 H. V. un extrait de l'arrêt ci-dessous p. 121.
(23) Op. cit., p. 170.
(24) CEDH, 24 mai 1989 (v. Coussirat-Coustère, AFDI 1991.585). La Cour européenne a considéré que la présence, dans la formation de jugement, d'un juge qui avait par neuf fois renouvelé une mesure de détention provisoire à l'égard d'un inculpé en invoquant, à ces occasions, le caractère sérieux des soupçons pesant à son encontre, violait l'article 6 de la Convention. Cette décision de la Cour imposa deux changements successifs de la législation danoise sur la détention provisoire.
(25) CEDH, 23 sept. 1994 (v. Coussirat-Coustère, AFDI 1994.658). La Cour a estimé que la condamnation d'un journaliste de la télévision qui avait réalisé et diffusé l'interview de personnes tenant des propos ouvertement racistes violait l'article 10 de la Convention.
(26) Ex.: U 1994.953 (est contraire à l'art. 6, la disposition d'une convention collective refusant aux travailleurs individuels la possibilité de contester leur licenciement devant un tribunal ordinaire dans la mesure où elle réserve aux seuls syndicats l'action en la matière devant une cour d'arbitrage); U 1999.1316 (confrontation d'une pratique de closed shop avec l'art. 11 CEDH); U 2000.546 (contrôle du respect du droit à une vie familiale normale dans une affaire d'expulsion d'étranger); U 2003.2031 H (violation de l'art. 6 par une procédure judiciaire de durée excessive : la Cour suprême décide, en conséquence, un allègement de la peine prononcée); U 2004.734 H (conformité à l'art. 10 de la condamnation d'un candidat aux élections municipales ayant publié des propos racistes dans le cadre de sa campagne).
(27) Rytter, op. cit., p. 47. V. aussi Rasmussen (Hjalte), Folkestyret, Grundlov og Højesteret : Grundlovens § 20 på prøve, Christien Ejlers, København, 1996.
(28) Justisministeriet, Betænkning Nr 1220 om Den europæiske Menneskerettighedskonvention og dansk ret, København, 1996.
(29) U. 1994.536 H. La nomination de ces juges, qui sont en quelque sorte en situation probatoire, est en effet limitée dans le temps.
(30) Bien illustré quand Eva Smith parle « du zèle » de la Cour suprême à l'égard de la Cour européenne, dû à sa crainte du désaveu et qui l'amène parfois à « être plus catholique que le pape » (Foretager Højesteret en selvstændig fortolkning af Den Europæiske Menneskerettighedskonvention og Strasbourg-domstolens praksis, Juristen 2001, p. 58).
(31) Justisministeriet, Betænkning Nr 1319. Cf. 19 juni 1996 (Domstolfudvalgets Betœnkning).
(32) Un membre de la Cour suprême choisi par elle, deux magistrats désignés par chacune des deux cours d'appel en leur sein, deux juges des tribunaux locaux désignés par l'association des juges danois, un juge suppléant désigné par leur association, deux représentants des personnels des tribunaux proposés par leurs organisations représentatives, un avocat proposé par le Conseil de l'ordre et deux personnalités indépendantes choisies pour leurs compétences particulières sur la proposition de grands organismes.
(33) Un membre de la Cour suprême choisi par elle, président, un magistrat désigné en commun par les deux cours d'appel, un juge d'un tribunal local désigné par l'association des juges danois, un avocat proposé par le Conseil de l'ordre et deux personnalités représentant la société civile, proposées en particulier par les unions de collectivités territoriales.
(34) La compétence des tribunaux ordinaires pour connaître des litiges administratifs est affirmée par le § 63 de la Constitution. Le même article autorise cependant la loi à créer « un ou plusieurs tribunaux administratifs auxquels « le jugement des questions relatives aux limites des attributions des autorités publiques peut être déféré ». Leurs décisions seront toutefois susceptibles de recours devant la Cour suprême ». Cette invite n'a pas été suivie d'effet. Il existe cependant, dans certains domaines, des organismes quasi-juridictionnels (nævn ou råd), qui doivent être saisis au départ d'un litige.
(35) D'importance très inégale (entre six et quarante membres).
(36) Celle de l'Est est la plus importante (61 membres); celle de l'Ouest comprend 39 membres.
(37) Composée de 19 membres, assistés de 12 juges suppléants essentiellement chargés de missions d'instruction ; il existe aussi, à Copenhague, un tribunal maritime et de commerce ainsi qu'un tribunal cadastral, compétents sur l'ensemble du territoire.
(38) La terminologie danoise ne connaît que la distinction entre matières civile et pénale. Les litiges entre particuliers et autorités administratives sont considérés comme des affaires « civiles ». La Cour suprême rend des arrêts sur le fond dans environ 50 affaires pénales et 300 affaires civiles (dont 100 concernent un litige administratif) par an.
(39) Composé de cinq membres : un juge à la Cour suprême, président ; un juge de cour d'appel ; un juge de tribunal local ; un avocat autorisé à plaider devant la Cour suprême ; et un professeur d'université ou un expert ayant reçu une formation juridique de haut niveau.
(40) En matière pénale, il arrive que, compte tenu des limitations de ses pouvoirs, qui ne s'étendent pas à l'appréciation des faits ni à la question de la culpabilité, la Cour se contente de casser et qu'elle renvoie aux juridictions inférieures. Ainsi, dans l'affaire U. 1996.234, une personne inculpée de viol avait été placée en détention provisoire. Cette ordonnance, initialement fondée sur l'argument de risque d'entrave au déroulement de la procédure, est prolongée par le tribunal local, au cours du procès, au milieu de l'audition des témoins et avant la plaidoirie de l'avocat de l'inculpé. La prolongation est fondée sur le caractère « particulièrement renforcé » des soupçons pesant sur l'accusé. La Cour, à la majorité, cassera les décisions des juridictions inférieures en indiquant que les circonstances de l'affaire avaient pu faire croire à l'accusé que le tribunal avait préjugé de sa culpabilité avant la fin des débats et que cela pouvait faire douter de son impartialité dans la suite du procès. Elle a renvoyé l'affaire devant le tribunal local.
(41) Par exemple, dans cette même affaire concernant la ratification du traité de Maastricht, il y a eu plusieurs allers et retours entre cour d'appel, commission d'admission des requêtes et Cour suprême en raison du refus du Premier ministre de communiquer divers documents réclamés par les requérants qui en attendaient une aide précieuse dans la confection de leur dossier juridictionnel et l'administration des preuves apportées à son appui.
(42) Voir l'affaire des Manuscrits de la Fondation Arne Magnussen, citée ci-dessous.
(43) U 1966.194 Ø : le meneur d'une manifestation contre la guerre du Vietnam devant l'ambassade américaine invoquait les dispositions constitutionnelles sur les libertés d'expression et de réunion pour contester son inculpation. Dans le cadre de la jurisprudence de l'époque, les juridictions saisies n'ont pas considéré ces dispositions constitutionnelles comme directement applicables. Dans le même sens, l'affaire Jersild, U.1989.399. Un journaliste de la radio et son rédacteur en chef sont poursuivis pour avoir réalisé et diffusé, en connaissance de cause, un interview d'un groupe de jeunes, les Greenjackets, comportant des propos ouvertement racistes comparant certains groupes d'étrangers à des animaux. Ils invoquent en défense le principe constitutionnel de la liberté d'expression. La majorité de la Cour suprême refuse de faire prévaloir ce principe sur les dispositions du code pénal réprimant la discrimination raciale et elle confirme les condamnations prononcées. À la suite du désaveu de la Cour européenne dans cette affaire, la Cour modifiera sa jurisprudence en 1994 (U. 1994.988) Elle substitue une décision d'acquittement aux condamnations prononcées antérieurement par les tribunaux inférieurs dans le cas suivant : un journaliste de télévision, couvrant une manifestation qui se déroulait dans les jardins de la résidence d'un parlementaire, y réalise une interview des manifestants. Il est condamné pour violation d'une propriété privée. La Cour estimera qu'en l'espèce, la liberté de l'information primait sur la protection de la propriété privée.
(44) U. 1967.22 H : une loi avait prévu la restitution à l'Islande de manuscrits et de documents islandais anciens. La Fondation Arne Magnussen, qui détenait un certain nombre de ces manuscrits, a contesté la constitutionnalité de la loi et invoqué le droit à la protection de sa propriété fondé sur le § 73 de la Constitution. À la majorité, la Cour suprême a admis qu'on était en face d'une expropriation. Constatant que les dispositions constitutionnelles concernant la procédure avaient été respectées et qu'en particulier (v. note 5) le projet de loi avait fait l'objet de deux discussions successives par deux Parlements successifs, la Cour a estimé que l'appréciation portée par le Parlement sur l'existence de l'utilité publique ne pouvait être remise en cause et que l'absence de dispositions concernant l'indemnisation ne faisait pas perdre sa validité à la loi.
(45) U. 1980.955 Ø.
(46) U. 1981.394 H. (47) Forfatningskontrol – fremtidige perspektiver og udfordringer, Jurist- og Økonoforbundets Forlag, København, 2002, p. 68.
(48) À l'occasion d'une modification législative concernant la situation des écoles privées, le ministre de l'Éducation fait introduire dans la loi un article supprimant l'aide publique à plusieurs écoles organisées en réseau, auxquelles un litige l'opposait depuis plusieurs mois. La Cour déclare cet article inconstitutionnel, pour deux motifs : en prenant une décision définitive dans un litige concret, il constitue une intrusion du pouvoir législatif dans la compétence du pouvoir judiciaire et viole le § 3 de la Constitution ; il prive par ailleurs le requérant de son droit au recours devant les tribunaux. (U. 1999. 841 H). V. un extrait de l'arrêt ci-dessous p. 121.
(49) Boye Koch (Pernille), ibid. p. 69 ; c'est l'essentiel de la thèse défendue par Gorm Toftegaard Nielsen dans son article (op. cit.) où il oppose la doctrine de la séparation des pouvoirs à celle de la répartition des pouvoirs.
(50) U. 2004.734 H.
(51) U. 2004.1773.
(52) U. 2005.1265.
(53) V. U 2002.1789 : soumettre la délivrance d'une licence de chauffeur de taxi à une condition de nationalité n'est contraire ni à la CEDH, ni au Pacte des Nations unies sur les droits civils et politiques, ni à la Convention internationale sur l'élimination de toutes les formes de discrimination raciale.
(54) Op. cit., p. 227.
(55) U. 1999.1798 H. V. un extrait de l'arrêt ci-dessous p. 122.
(56) U 1998.800 H. V. un extrait de l'arrêt ci-dessous p. 119. V. aussi le texte du § 20, ibid.
(58) Boye Koch (Pernille), Retlig interesse – et begreb i forvandling, UfR 2001 B 283, p. 1.
(59) Op. cit., p. 167-168.
(60) Retlig interesse, op. cit., p. 1 et 5.
(61) U. 1973.649 H. V. un extrait de l'arrêt ci-dessous p. 118.
(62) U. 1994.29 H. Le gouvernement avait refusé tout caractère d'expropriation à cette opération, pour éviter le recours à la procédure du § 73 de la Constitution et l'obligation de surseoir à l'opération jusqu'aux élections suivantes. La Cour suprême lui donne raison sur le fond, mais elle admet le recours, en l'absence d'intérêt personnel.
(63) U. 1996.1300 H. V. un extrait de l'arrêt ci-dessous p. 119.
(64) Retlig interesse, op. cit., p. 3.
(65) U. 2001.2065.
(66) Ibid., p. 2.
(67) Arrêt non publié, cité par Pernille Koch, op. cit., p. 4-5.
(68) U. 2002.418 H.