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Juger le terrorisme ?

Thierry S. RENOUX - Agrégé des Facultés de droit, professeur à l'Université d'Aix-Marseille, Faculté de droit, directeur du LERIJ - GERJC-CNRS UMR

Cahiers du Conseil constitutionnel n° 14 (Dossier : La justice dans la constitution) - mai 2003

(1)

Le constat est dénué d'ambiguïté : si l'article 29 du traité sur l'Union européenne mentionne expressément le terrorisme comme l'une des formes graves de criminalité à prévenir et à combattre au niveau de l'Union(2), la Constitution française du 4 octobre 1958 ne contient quant à elle aucune disposition formelle relative à la lutte contre le terrorisme. Et le code pénal pas davantage que le code de procédure pénale ne sauraient suppléer les lacunes de la Constitution française.

Pourtant, le paradoxe n'est qu'apparent. Si la Constitution de 1958, adoptée au moment de la Guerre d'indépendance de l'Algérie ignore le terrorisme, c'est tout simplement parce que les dispositifs juridiques adoptés pour le combattre (certains faits de guerre peuvent en effet constituer des actes terroristes, v. infra) ont pu l'être, dans ce contexte très particulier, sur le fondement des pouvoirs exceptionnels attribués de manière temporaire au chef de l'État, par application de l'article 16 de la Constitution, dont le Conseil constitutionnel a eu à connaître. Mais tout acte de terrorisme ne répond pas nécessairement aux conditions exigées par ce dispositif d'exception, même si, lors de l'unique mise en oeuvre de cet article du 23 avril au 29 septembre 1961, le Conseil constitutionnel semble avoir privilégié une conception réaliste de son champ d'application(3).

Si, en dehors du cas tout aussi particulier de « l'état de siège » décrété en Conseil des ministres selon son article 36(4) et permettant le dessaisissement du pouvoir de police générale des autorités civiles au bénéfice des autorités militaires, en cas de péril imminent résultant d'une guerre étrangère ou d'une insurrection à main armée, la Constitution française ne détermine aucune disposition propre à la lutte antiterroriste, ce que l'on ne peut que regretter, elle comporte toutefois en germe les ferments d'un tel dispositif, tant sur le plan interne que sur le plan international.

Sur le plan interne, il sera remarqué que l'existence d'une « force publique » est définie par l'article 12 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen du 26 août 1789, comme une « garantie nécessaire des droits de l'homme et du citoyen [...], instituée pour l'avantage de tous et non pour l'utilité particulière de ceux auxquels elle est confiée ». C'est dans cet esprit qu'a été instituée par la loi du 6 juin 2000, une Commission nationale de déontologie de la sécurité, chargée de veiller au respect de la déontologie par les personnes exerçant des activités de sécurité sur le territoire de la République et donc d'une mission de surveillance à l'égard des personnels de sécurité privés, désormais investis de pouvoir d'investigation dans le cadre de la lutte antiterroriste par la loi du 15 novembre 2001 relative à la sécurité quotidienne.

Or l'article premier de cette loi, complétant la loi d'orientation et de programmation relative à la sécurité du 21 janvier 1995, précise que « la sécurité est un droit fondamental. Elle est une condition de l'exercice des libertés et de la réduction des inégalités. À ce titre, elle est un devoir pour l'État qui veille, sur l'ensemble du territoire de la République, à la protection des personnes, de leurs biens et des prérogatives de leur citoyenneté, à la défense de leurs institutions et des intérêts nationaux, au respect des lois, au maintien de la paix et de l'ordre publics »(5).

La sécurité figure ainsi désormais de manière explicite au rang des droits fondamentaux. Si l'on rapproche cette qualification législative de la jurisprudence du Conseil constitutionnel, force est de constater, au regard de l'article 12 de la Déclaration des droits, que se trouvent réunis tous les éléments permettant sa consécration avec valeur constitutionnelle, le Conseil constitutionnel qualifiant « d'objectif de valeur constitutionnelle », « la sauvegarde de l'ordre public, la sécurité des personnes et des biens ainsi que la recherche des auteurs d'infractions »(6).

Sur le plan international, une observation voisine peut être opérée. Tout d'abord, la mise en oeuvre des conventions internationales de lutte contre le terrorisme s'effectue, sous le contrôle du juge, par application de l'article 55 de la Constitution, aux termes duquel « les traités ou accords régulièrement ratifiés ou approuvés ont dès leur publication, une autorité supérieure à celle des lois ». D'autre part, les articles 14 et 15 du préambule de la Constitution du 27 octobre 1946, texte incorporé dans notre Constitution(7), disposent respectivement que « la République française, fidèle à ses traditions, se conforme aux règles du droit public international » et que « sous réserve de réciprocité, la France consent aux limitations de souveraineté nécessaires à l'organisation et à la défense de la paix », ce qui définit un support assez large à toute participation à une institution ou une organisation internationale de lutte contre le terrorisme. On sait pourtant que ces dispositions et en particulier le second de ces articles, ont été invoquées pour justifier l'application de la coutume internationale(8) qui, selon la chambre criminelle de la Cour de cassation, a pu s'opposer « à ce que les chefs d'État en exercice puissent, en l'absence de dispositions internationales contraires s'imposant aux parties concernées, faire l'objet de poursuites devant les juridictions pénales d'un État étranger »(9). L'application de cette règle du droit international pénal, perçue comme liée à la souveraineté de l'État, conduit par conséquent à privilégier les juridictions internationales (lorsqu'elles existent !) et à écarter simultanément celle de la compétence universelle, formulée en droit pénal international, en ce qui concerne le terrorisme, par les articles 689-1 et 689-9 du code de procédure pénale à propos de la Convention de New York sur la répression du terrorisme, permettant aux juridictions répressives françaises de poursuivre et de juger toute personne qui s'est rendue coupable hors du territoire de la République d'une infraction de terrorisme, à condition qu'elle se trouve en France(10).

Le phénomène terroriste se prête difficilement, il est vrai, à l'analyse juridique.

Quelle comparaison juridique établir en effet, entre la destruction par substances explosives d'un centre des impôts lors d'une « nuit bleue » corse, la tentative d'assassinat du général de Gaulle au Petit Clamart le 22 août 1962 ou, pour remonter à une époque plus ancienne, l'attaque de Caserio tuant le président Sadi Carnot, sous la IIIe République ? Quels points communs relever entre la destruction, lors d'une opération de commando, d'une Caravelle d'Air France stationnée sur un aéroport breton, la fusillade aveugle des consommateurs d'un restaurant israélien, l'incendie criminel d'un grand magasin à Paris, l'explosion d'engins meurtriers dans les wagons du réseau express régional parisien, aux stations Saint-Michel et Port Royal ou bien les événements du 11 septembre 2001 aux États-Unis, qui ont entraîné la mort de milliers de civils à New York, à Washington et celle de tous les passagers qui se trouvaient à bord des quatre avions de ligne détournés par un groupe organisé de terroristes ?

Ce caractère protéiforme est sans doute à l'origine de l'absence de définition unitaire du terrorisme.

Trois éléments structurels cumulatifs paraissent cependant devoir être pris en compte lors de la qualification d'acte de terrorisme.

1) Une violence d'une exceptionnelle gravité

L'image qui vient immédiatement à notre esprit lorsque l'on parle de terrorisme est celle d'un crime particulièrement odieux mettant en définitive en péril l'ensemble de la collectivité.

Les conventions internationales réprimant le terrorisme ainsi que les auteurs qui ont abordé sa définition insistent toujours sur son caractère de violence exceptionnelle. On parle d'acte de « particulière gravité », de « moyens cruels et perfides », de « danger commun »(11). Et c'est précisément l'image récurrente que les terroristes veulent accréditer. Cette intensité est même nécessaire pour créer un vive émotion dans le public et diviser gouvernés et gouvernants quant à l'attitude à adopter en réponse à pareille situation. Le terrorisme n'est sous cet aspect que l'extraordinaire moyen de promotion et de propagation d'idéologies, ce qui lui confère un caractère hétérogène. Ainsi, le terrorisme peut être un moyen de gouvernement, sous la forme du terrorisme d'État. Tel était le cas précisément en France à l'époque de la Terreur (10 août 1792 au 9 thermidor - 27 juill. 1794) d'où il tire son nom. Mais cette violence organisée peut tout aussi bien soutenir l'expression de manifestations indépendantistes sous la forme d'un terrorisme régional. Enfin, dans sa forme achevée, la plus commentée et la plus délicate à combattre, il traduit les tensions et les affrontements de la communauté internationale, en prétendant servir la cause de courants ethniques, politiques ou religieux, sous la forme du terrorisme international, substitut moderne de la guerre idéologique.

2) L'objectif de l'acte

Le choix des victimes de l'acte terroriste n'est nullement effectué en considération de la personne mais exclusivement à raison de la fonction sociale ou des lieux occupés, du message que l'attentat entend ainsi suggérer. Ainsi, la victime, comme l'attentat lui-même, n'est hélas qu'un horrible support médiatique. Ceci explique, d'une part, que la presse se soit longtemps désintéressée du devenir des victimes autrement que sous couvert d'images spectaculaires le jour du drame, pour se consacrer principalement aux revendications et aux mobiles, déclarés ou non, des auteurs d'actes terroristes. Ceci explique encore que le terrorisme se développe plus aisément dans le cadre constitutionnel d'un gouvernement d'opinion, au sein duquel il entend même au contraire tenter de puiser légitimité et justification. C'est à cet égard que, de manière paradoxale, les médias et en particulier la presse, la liberté d'expression, peuvent devenir les alliés objectifs et involontaires de la propagation du terrorisme. Celui-ci ne peut en effet se développer pleinement que dans une démocratie pluraliste, supposant le respect de la liberté d'opinion. C'est ce qui permet de distinguer précisément, comme l'écrit Maurice Duverger, le résistant du terroriste: « La différence fondamentale entre la résistance et le terrorisme est fondée sur la nature du régime où ils se manifestent. Il y a résistance quand la violence est exercée contre un régime fondée sur elle [...]. Il y a terrorisme quand la violence est dirigée contre un régime démocratique où les citoyens ont les moyens de résister paisiblement »(12).

En ce sens, participe selon nous de la définition même du terrorisme, la poursuite d'une idéologie politique, philosophique ou religieuse, destinée à saper les fondements même d'une démocratie pluraliste dont elle refuse par principe d'utiliser les moyens légaux d'expression.

Un attentat, en dehors de la simple acception pénale du terme(13), peut être isolé, sans support idéologique, le terrorisme non. Le terrorisme a pour objet de remplacer le pouvoir en place par une autre forme d'autorité, une structure de direction par une autre forme d'organisation, fortement négatrice des droits fondamentaux.

Mais à la différence de la criminalité organisée, qui peut néanmoins servir ses intérêts, il n'est pas principalement animé par l'esprit de lucre. À l'inverse, le terrorisme partage avec la perpétration d'attentats (par exemple, par des salariés ou des viticulteurs mécontents) une modalité d'expression commune : l'utilisation médiatique du symbole. L'objectif étant de déstabiliser une société, ses infrastructures, le choix de la cible n'a qu'un seul but : amplifier la portée de l'événement, vecteur d'un message exclusivement idéologique, faire pression sur l'opinion publique en utilisant le langage du symbole. Et ce symbole peut être un édifice public, témoin quotidien de la présence jugée illégitime ou indésirable d'une autorité politique, une personne physique, jouissant d'une autorité morale ou religieuse ou investie d'une fonction publique. En chaque hypothèse, ce n'est pas l'individu en tant que tel qui est visé, mais le pouvoir contesté qu'il incarne.

Tel est le contenu de l'idée de « mobile » ou de « finalité » de l'acte terroriste : troubler gravement l'ordre public par l'intimidation ou la terreur (14). Cette prise en considération du mobile général des auteurs de l'acte, n'est surtout pas à confondre avec l'élément intentionnel de l'infraction, introduit dans le code pénal, conformément aux principes régissant le nouveau code pénal, par la loi du 22 juillet 1996. Même si ses conséquences jurisprudentielles peuvent être critiquées, notamment dans la lutte contre le terrorisme international(15), la prise en compte de la finalité par la loi n° 86-1020 du 9 septembre 1986 « relative à la lutte contre le terrorisme et aux atteintes à la sûreté de l'État » (l'intitulé est explicite), est loin d'être une solution originale, puisqu'elle est déjà intervenue dans la définition de la notion de crime contre l'humanité. En outre et surtout, on retrouve cette même référence au mobile (ou plus exactement à la finalité) de l'acte terroriste dans les définitions retenues par les conventions internationales les plus récentes, tenant compte des hypothèses de conflits armés, entrées en vigueur en France et permettant le jugement d'actes de terrorisme par des juridictions françaises. Ainsi, la Convention internationale de New York du 10 janvier 2000 pour la répression du financement du terrorisme, qui vient d'entrer en vigueur, tout en se référant à des traités déjà existants et énumérés en annexe, formule la définition suivante : est considérée comme une infraction relevant de la Convention « tout acte destiné à tuer ou à blesser grièvement un civil ou toute autre personne qui ne participe pas directement aux hostilités dans une situation de conflit armé, lorsque, par sa nature ou son contexte, cet acte vise à intimider une population ou à contraindre un gouvernement ou une organisation internationale à accomplir ou à s'abstenir d'accomplir un acte quelconque ».

3) L'organisation terroriste

C'est sous cet aspect majeur que la répression du terrorisme rejoint la lutte contre la délinquance et la criminalité organisées et exige un renforcement de la coopération judiciaire européenne et internationale. La qualification d'acte de terrorisme suppose en effet, selon la loi française, une organisation. Ainsi, le code pénal(16), reprenant la définition fixée par la loi fondatrice du 9 septembre 1986, se réfère d'abord à ce critère avant d'énoncer les infractions susceptibles d'être qualifiées d'actes terroristes : « Constituent des actes de terrorisme, lorsqu'elles sont intentionnellement en relation avec une entreprise individuelle ou collective ayant pour but de troubler gravement l'ordre public par l'intimidation ou la terreur, les infractions suivantes [...] ». La référence à la notion « d'entreprise », éclairée par les débats devant le Parlement ainsi que les circulaires d'application, implique que l'infraction constatée ait été commise dans un cadre plus général. « La notion d'entreprise est exclusive de toute idée d'improvisation », elle suppose « des préparatifs et un minimum d'organisation, une certaine préméditation [...] une organisation d'où le hasard est exclu »(17).

Cette formule a ainsi commencé par figurer en 1986 dans l'article 706-16 du code de procédure pénale avant d'être introduite également par la loi n° 92-686 du 22 juillet 1992 dans les articles 421-1 et suivants du nouveau code pénal sous le chapitre premier « Des actes de terrorisme » du titre II « Du terrorisme », au sein du livre IV relatif aux « Crimes et délits contre la nation, l'État et la paix publique ». Si elle est reprise à l'identique, la portée de la formule est cependant différente, puisqu'elle permet d'établir une définition d'infractions terroristes désormais autonomes, alors que précédemment elles n'étaient qu'un critère permettant de mieux fixer l'étendue des dispositions procédurales dérogatoires issues de la loi du 9 septembre 1986 ainsi que les peines renforcées applicables. C'est, ainsi qu'on le verra, l'une des grandes avancées du nouveau code pénal initié par le Garde des sceaux, ministre de la justice, Robert Badinter, que d'avoir érigé les agissements terroristes en infractions de nature autonome, désormais directement visées par le code pénal(18), associant à une incrimination spécifique (I) une répression judiciaire renouvelée (II).

I. L'incrimination d'acte de terrorisme

Il importe de distinguer le contexte commun (A) à toute qualification d'actes de terrorisme, directe ou liée à la participation à une association de malfaiteur, et les infractions associées qui en servent de support (B).

A. Le contexte commun : l'entreprise terroriste

Spécifique à la qualification pénale d'actes de terrorisme, la notion « d'entreprise terroriste » n'a pas été déclarée non conforme à la Constitution par le Conseil constitutionnel dans sa décision n° 86-213 DC du 3 septembre 1986, nonobstant les critiques des sénateurs requérants qui estimaient que la référence « à l'élément purement subjectif que constitue le but poursuivi » serait contraire au principe constitutionnel de la légalité des délits et des peines formulé par l'article 8 de la Déclaration des droits de 1789. Le Conseil juge en effet (consid. n° 5) que « la première condition fixée par la loi » contestée « qui renvoie à des infractions qui sont elles-mêmes définies par le code pénal ou par des lois spéciales en termes suffisamment clairs et précis, satisfait aux exigences du principe de la légalité des délits et des peines ; que, de même, la seconde condition est énoncée en des termes d'une précision suffisante pour qu'il n'y ait pas méconnaissance de ce principe »(19).

Par suite, pour qualifier pénalement un acte de terroriste, il est désormais nécessaire d'établir d'une part, l'existence d'un lien entre l'acte commis et une entreprise plus vaste à stratégie terroriste (Cass. crim., 7 mai 1987, Bull. crim., n° 186), d'autre part, une finalité propre à cet acte, ayant pour but de troubler gravement l'ordre public par l'intimidation ou la terreur, enfin, depuis l'intervention de la loi du 22 juillet 1996, le caractère intentionnel de cet acte, qui il est vrai, peut se déduire de sa perpétration.

B. Les infractions associées

Dès l'instant où le contexte terroriste est établi, quatre types d'actes de terrorisme sont érigés en catégories d'infractions autonomes par le code pénal, tel qu'il résulte de la modification apportée par la loi n° 2001-1062 du 15 novembre 2001 relative à la sécurité quotidienne(20) :

1) Le premier type d'actes de terrorisme est défini par l'article 421-1 du code pénal : il inclut ce que nous appellerons, par commodité de langage, le « terrorisme classique », à violence caractérisée, désignant les atteintes volontaires aux personnes et aux biens, à la vie, à l'intégrité physique telles que, par exemple, l'enlèvement, la séquestration, le détournement d'aéronef, de navire, de tout moyen de transport, les vols, destructions, dégradations, les infractions en matière d'informatique, les faux et usages de faux mais aussi en matière de groupes de combat et de mouvements dissous, la fabrication, la détention, ou le transport illégaux d'armes, d'engins meurtriers, explosifs, matériels de guerre, munitions, armes chimiques ou à base de toxines ainsi que le recel du produit de ces infractions.

Comme on peut le constater, il s'agit encore d'un terrorisme d'emprunt (on parle parfois de « terrorisme dérivé ») puisque cette liste de l'article 421-1, d'énumération limitative et désormais enrichie et ouverte à des infractions de nature délictuelle, se réfère à la commission d'infractions déjà existantes et sanctionnées par ailleurs par le code pénal ou des lois particulières(21). Mais on remarquera que la méthode choisie par le législateur est d'opérer par renvoi, certes, mais moins à des qualifications qu'à des catégories d'infractions définies par le code pénal ou des lois particulières. « Bien que le législateur n'ait pas jugé nécessaire d'indiquer les articles d'incrimination, il n'en résulte [...] eu égard à la précision des intitulés retenus, aucune incertitude juridique quant aux infractions concernées » souligne en ce sens l'auteur de la circulaire d'application du 14 mai 1993(22). Le Conseil constitutionnel français n'ayant pas été saisi du nouveau code pénal, aucune affirmation constitutionnelle ne peut toutefois être opérée de ce chef, en particulier en matière d'extorsion de fonds(23).

2) Le deuxième type d'actes de terrorisme, défini par l'article 421-2 du code pénal, correspond à ce que l'on peut dénommer « le terrorisme écologique » ou plus largement le « bio-terrorisme » (24). Moins fréquemment évoqué(25), il procède d'une infraction nouvelle et générique, qui à la différence des actes de terrorisme précédents, érigés en infractions spécifiques, incrimine des comportements qui n'ont pas d'équivalent en droit commun. L'infraction générale et autonome crée par l'article 421-2 du nouveau code pénal n'est donc en aucun cas une infraction dérivée de crimes ou délits existants, même si les faits de pollution volontaire sont pourtant déjà sanctionnés en droit français par des textes auxquels il n'est pas ici renvoyé. Ainsi, désormais, selon le code pénal, dès l'instant où le contexte terroriste intentionnel est établi, « constitue également un acte de terrorisme [...] le fait d'introduire dans l'atmosphère, sur le sol, dans le sous-sol, ou dans les eaux, y compris celles de la mer territoriale, une substance de nature à mettre en péril la santé de l'homme ou des animaux ou le milieu naturel ».

Cette incrimination extensive présente un champ d'application suffisamment large eu égard non seulement aux termes employés mais aussi au comportement réprimé, la mise en péril du droit constitutionnel à la protection de la santé, l'incrimination incluant tout ce qui est susceptible d'altérer physiquement ou biologiquement l'organisme, sans pour autant que la vie en soit directement menacée. Mais, comme le note fort opportunément le professeur Yves Mayaud, « cette référence écologique rejoint les intérêts fondamentaux de la nation, tels qu'ils sont par ailleurs définis dans le nouveau code pénal au titre des crimes et délits contre la nation et la paix publique (art. 410-1), qui outre les enjeux traditionnels de défense nationale et de sauvegarde des institutions, intègrent désormais l'équilibre naturel et son environnement ».(26) Les récentes attaques terroristes au gaz Sarin dans le réseau ferroviaire souterrain du métro de Tokyo ou l'envoi par la poste de lettres contaminées à l'anthrax en constituent hélas d'éloquents exemples.

3) Un troisième et un quatrième type d'actes de terrorisme, au sens du code pénal français, sont définis par ses articles 421-2-1 et 422-2, tels qu'ils sont issus des lois n° 96-647 du 22 juillet 1996 et 15 novembre 2001, réprimant le « terrorisme associatif » (ou plutôt par association de malfaiteurs) et le « terrorisme financier » (ou plutôt par aide au financement du terrorisme)

Ainsi, tout d'abord, « constitue également un acte de terrorisme, le fait de participer à un groupement formé ou à une entente établie en vue de la préparation, caractérisée par un ou plusieurs faits matériels, d'un des actes de terrorisme mentionnés aux articles précédents ». Le rapporteur du projet de loi devant l'Assemblée nationale n'a pas caché que cette qualification est « d'un intérêt symbolique »(27) en marquant que la seule préparation suffit à consommer le fait de participation punissable. Depuis la réforme du code pénal, tout crime ou délit puni de dix ans d'emprisonnement (ce qui est le cas des actes de terrorisme) n'a nul besoin d'une énumération prédéterminée afin, le cas échéant, de pouvoir être retenu comme étant en relation avec une association de malfaiteurs au sens du droit commun. L'association de terroristes, qui échappe à l'échelle d'élévation des peines propre aux actes de terrorisme (v. infra) demeure punie, comme en droit commun, de dix ans de prison, ce qui préserve à son égard la compétence du tribunal correctionnel, tout en restant soumise, que ce soit en matière de poursuite, d'instruction ou de jugement, aux règles procédurales dérogatoires (v. infra) fixées par l'article 706-16 du code pénal, lequel vise en toute hypothèse l'ensemble des actes de terrorisme.

Il en va toutefois très différemment de la répression du « terrorisme financier », commodité de langage par lequel nous entendons désigner ici les infractions de blanchiment et de délit d'initié en relation avec une entreprise terroriste(28). La constitution d'avoirs illicites et le blanchiment d'argent, notamment issu du trafic de stupéfiant et du produit de la prostitution, étant à la source du financement même des réseaux terroristes internationaux(29), cette mesure s'avérait indispensable. Désormais « constitue également un acte de terrorisme, le fait de financer une entreprise terroriste en fournissant, en réunissant ou en gérant des fonds, des valeurs ou des biens quelconques ou en donnant des conseils à cette fin, dans l'intention de voir ces fonds, valeurs ou biens utilisés ou en sachant qu'ils sont destinés à être utilisés, en tout ou partie, en vue de commettre l'un quelconque des actes de terrorisme prévus au présent chapitre, indépendamment de la survenance d'un tel acte ».

Est ainsi établi un lien précieux et complémentaire entre le code pénal, le code de procédure pénale français et l'application tant de ces nouvelles dispositions que de celles issues de la Convention internationale de New York pour la répression du financement du terrorisme, ouverte à la signature le 10 janvier 2000 et entrée en vigueur le 10 avril 2002(30).

II. La répression du terrorisme

En France, la répression du terrorisme a jusqu'à présent été conçue comme devant venir se « greffer » sur le droit pénal et la procédure pénale de droit commun, en instituant un régime juridique dérogatoire, alors même, ainsi qu'il l'a été démontré, que l'acte terroriste est devenu une qualification autonome.

Le caractère dérogatoire de cette matière nouvelle que nous qualifions de « droit du terrorisme » n'a pas été l'objet de critiques fondamentales du Conseil constitutionnel qui a cependant tenu à souligner dans sa décision du 3 septembre 1986 (précitée) qu'il « trouve sa justification dans le caractère spécifique du terrorisme » et ne saurait en aucun cas être étendu « à des infractions qui ne présentent pas les mêmes caractéristiques et qui ne sont pas en relation avec celles visées à l'article 706-16 du code de procédure pénale »(31). Pendant longtemps, il est vrai, ce caractère dérogatoire a été fondé sur la circonstance que toute tentative de définition du terrorisme, à un moment où celle-ci était très incertaine, risquait de déboucher sur une incrimination de nature politique, à une époque où le terrorisme prenait essentiellement la forme de revendications d'autonomies régionales ou de mouvements indépendantistes territoriaux(32).

Il nous semble aujourd'hui que cette appréciation doit être révisée. L'hypothèque est levée. Les procès d'intention sont non fondés.

Sur le plan interne, l'entrée en vigueur du nouveau code pénal et de son titre II, livre IV, confirme clairement la volonté du législateur de ne pas incriminer une quelconque revendication de nature politique.

Sur le plan international, l'application en France de la Convention européenne de Strasbourg depuis le 22 décembre 1987 traduit une tendance lourde de dépolitisation des infractions terroristes. Il est possible d'en prendre la mesure en observant l'exclusion de la délinquance politique non seulement de la définition même des actes terroristes, mais de surcroît de l'ensemble des actes de violence contre la vie, l'intégrité corporelle ou les libertés des personnes, même d'une extrême gravité. C'est donc un mauvais procès que de qualifier de jugement politique la sanction judiciaire d'actes terroristes.

Cette même nouvelle nature de l'infraction terroriste transparaît d'ailleurs également dans les conventions issues du droit communautaire. La meilleure illustration en est sans aucun doute la Convention du 27 septembre 1996 relative à l'extradition entre les États membres de l'Union européenne, qui en écartant le terrorisme comme motif de refus d'extradition (33), lui ôte par nature tout caractère politique.

Ce sont donc dans la seule perspective de ces considérations objectives, qui n'enlèvent en rien compétence à la France pour accorder le droit d'asile à la stricte condition qu'il réponde à ses définitions constitutionnelle et conventionnelle, que seront successivement évoqués les procédures de poursuites judiciaires du terrorisme (A) ainsi que les moyens de sa sanction (B).

A. Les procédures de poursuites judiciaires du terrorisme

Ces procédures ne seront ici l'objet que de développements succincts, d'une part en raison de ce qui a déjà été évoqué à propos des règles constitutionnelles régissant la garde à vue, les perquisitions de nuit, l'intervention obligatoire de l'autorité judiciaire et de l'avocat sous la plume de contributeurs qualifiés dans le présent dossier des Cahiers du Conseil constitutionnel (34); d'autre part en ce qu'elles intéressent surtout la procédure pénale et donc au premier chef les droits fondamentaux, mais n'ont pas toujours été soumises au Conseil constitutionnel ou ont fait l'objet de réserves circonstanciées de sa part.

Si le traité de Maastricht incorpore la coopération politique dans les objectifs de l'Union, en l'élargissant à la sécurité, il y ajoute également un titre concernant des « dispositions sur la coopération dans les domaines de la justice et des affaires intérieures ». Ces dispositions sont, elles aussi, la consécration d'une extension communautaire au domaine de la sécurité intérieure. Cette coopération, née d'un réflexe de défense contre le terrorisme international, a prospéré discrètement sous la forme d'une coopération policière. Elle n'a en revanche encore connu jusqu'à ce jour que des manifestations épisodiques en ce qui concerne la coopération judiciaire.

1) La coopération policière

Le dispositif de coopération policière retenu par la Convention du 19 juin 1990 d'application de l'accord de Schengen du 14 juin 1985 entrée en vigueur le 26 mars 1995, repose sur un devoir, l'assistance mutuelle, et l'exercice de deux droits_,_ le droit d'observation d'une part, le droit de poursuite d'autre part.

a) Devoir d'assistance mutuelle

Ainsi, les États parties s'engagent-ils à ce que leurs services de police s'accordent, dans le respect de leur législation nationale et dans les limites de leurs compétences, une assistance mutuelle aux fins de la recherche et de la prévention de faits punissables. Cette coopération s'effectue en liaison avec l'organisation à l'échelle de l'Union d'un système d'échanges d'informations au sein d'un office européen de police (EUROPOL)(35). Dans ce but, l'utilisation de policiers agents de liaison se diffuse assez largement et se révèle très efficace. Ce principe d'assistance mutuelle est toutefois limité par un élément : il faut que le droit national réserve la demande d'assistance aux autorités judiciaires et que l'exécution de cette demande n'implique pas des mesures de contrainte. On retrouve ici une limite déjà posée par le Conseil constitutionnel dans sa décision (antérieure) du 17 juillet 1980 à propos de la Convention d'entraide franco-allemande (36).

b) Droit d'observation

Ainsi, « les agents d'une des parties contractantes qui, dans le cadre d'une enquête judiciaire, observent dans leur pays une personne présumée avoir participé à un fait punissable pouvant donner lieu à extradition sont autorisés à continuer cette observation sur le territoire d'une autre partie contractante lorsque celle-ci a autorisé l'observation transfrontalière sur la base d'une demande d'entraide judiciaire présentée au préalable »(37). Certes, un droit d'observation sans autorisation préalable peut s'exercer. Mais comme le relève le Conseil constitutionnel dans sa décision du 25 juillet 1991 statuant sur la conformité à la Constitution de l'Accord de Schengen(38), ce droit ne peut s'exercer qu'en cas d'urgence et uniquement pour certaines catégories d'infractions limitativement énumérées, correspondant à la criminalité organisée et au terrorisme.

c) Droit de poursuite

Ce dernier permet aux agents de police d'un État partie, de poursuivre une personne sur le territoire d'un autre État membre, dès lors que cette personne vient de commettre sur le territoire concerné une infraction flagrante grave, comme il vient d'être indiqué ou, se trouvant en détention, s'est évadée. Le droit de poursuite est donc intimement lié à la notion d'urgence et comme le souligne également le Conseil constitutionnel (consid. nos 35 et 36), pas davantage que le droit d'observation, il ne réalise aucun transfert de « souveraineté » ni « ne porte atteinte aux conditions essentielles » de son exercice(39). Enfin, s'agissant des ressortissants étrangers, la procédure pourra aboutir, toujours pour ce qui concerne la France, à une application de l'article 11 de la loi du 10 mars 1927 relative à l'extradition.

2) La coopération judiciaire

S'agissant de la répression des actes de terrorisme, il importe tout particulièrement de rappeler qu'à l'issue du Conseil européen de Tampere des 15 et 16 octobre 1999, les États membres de l'Union ont décidé de supprimer entre eux la procédure formelle d'extradition (déjà allégée pour certaines infractions par les conventions du 10 mars 1995 relative à la procédure d'extradition simplifiée et du 27 septembre 1996 relative à l'extradition entre les États membres de l'Union européenne) pour les personnes qui tentent d'échapper à la justice après avoir fait l'objet d'une condamnation et d'accélérer les procédures d'extradition relatives aux personnes soupçonnées d'avoir commis une infraction.

La condamnation de la France par la Cour européenne des droits de l'homme le 22 mars 1995, à l'occasion de l'examen de l'affaire Quinn, a parfaitement montré que, dans notre pays, la durée de la détention, dans l'attente d'une extradition, peut très bien, par son excessive longueur, contrevenir aux dispositions de l'article 5 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Dans le souci d'accélérer le déroulement de la procédure et pour satisfaire notamment aux exigences de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés, fondamentales, M. Dominique Perben, garde des Sceaux, ministre de la Justice a par conséquent présenté en Conseil des ministres, le 29 juillet 2002, un projet de loi modifiant la loi du 10 mars 1927 relative à l'extradition des étrangers et certaines dispositions du code pénal et du code de procédure pénale (40). Ce projet de loi distingue, en ce qui concerne le processus de prise de décision étatique général selon que la procédure d'extradition suivie est celle dite de « droit commun » ou celle relative à la convention précitée du 10 mars 1995 (41).

Néanmoins, antérieurement à ce texte, le Conseil de l'Union européenne a adopté une « décision-cadre » en date du 13 juin 2002(42) relative au mandat d'arrêt européen et aux procédures de remises entre États membres, décision qui conduit à réviser notre Constitution en lui ajoutant un article 88-2 (43). Le mandat d'arrêt européen simplifie encore la procédure d'extradition au sein de l'Union et procède désormais directement de l'autorité judiciaire. Il devrait remplacer à terme, dans les relations entre États membres, tous les instruments antérieurs relatifs à l'extradition, y compris les dispositions de la convention d'application de l'accord de Schengen ayant trait à cette matière. Il intéresse tout particulièrement notre propos, car au titre des infractions énumérées par son article 2 et punies dans l'État d'émission du mandat d'arrêt d'une peine ou d'une mesure de sûreté privative de liberté dans ce même État d'au moins trois ans, figure expressément l'infraction d'acte de terrorisme (44). Ses décisions d'exécution devront « faire l'objet de contrôles suffisants » ; c'est en ce sens « que l'autorité judiciaire de l'État membre où la personne est recherchée devra prendre la décision de remise de cette dernière » (point n° 8 de l'exposé des motifs)(45).

Ainsi donc, quel que soit le fondement adopté, aucun crime ou délit terroriste ne devrait désormais demeurer impuni au sein de l'Union européenne, aucun État de l'Union européenne n'étant susceptible de servir de « refuge » durable (46).

Même s'il est exact que la décision-cadre relative au mandat d'arrêt européen admet notamment comme motif de non-exécution, d'une part, la circonstance que la personne qui fait l'objet du mandat d'arrêt européen est poursuivie dans l'État d'exécution pour le même fait que celui qui est à la base du mandat d'arrêt européen, d'autre part, qu'elle demeure dans l'État membre d'exécution, en est ressortissante ou y réside et que cet État membre s'engage à exécuter cette peine ou mesure de sûreté conformément à son droit interne, cette confrontation de l'exercice constitutionnel des souverainetés des États, prélude à un parquet européen, sera peut-être, si l'on envisage la situation avec un certain optimisme, le prix à payer pour qu'aucune menée terroriste, quelle qu'elle soit, demeure sans sanction.

B. Les moyens de sanctions judiciaires du terrorisme

Que ce soit à l'égard des règles de poursuites (1) de jugement (2) ou d'échelle des peines la sanction des actes terroristes affirme un caractère dérogatoire très marqué qui à première vue, même s'il est respectueux des droits de la défense, peut éveiller le doute quant à sa constitutionnalité (3), l'indemnisation des victimes (4) contribuant à cette nécessaire conciliation entre lutte contre le terrorisme et protection des droits fondamentaux.

1) Les règles de poursuites

Aux termes de l'article 706-17 du code de procédure pénale, « pour la poursuite, l'instruction et le jugement des infractions » de nature terroriste, « le procureur de la République, le juge d'instruction, le tribunal correctionnel et la Cour d'assises de Paris exercent une compétence concurrente » à celle qui résulte des règles du droit commun, de telle sorte qu'une affaire relative à un attentat terroriste commis dans le Sud de la France peut très bien relever de la compétence des autorités judiciaires de la section antiterroriste du parquet de Paris. Cette compétence est concurrente, ce qui signifie qu'elle n'est pas automatique et que les instances judiciaires locales territorialement compétentes pour effectuer toute mesure d'investigation et de jugement continuent de l'être tant qu'elles ne sont pas l'objet d'une procédure de dessaisissement par le procureur de la République de Paris(47).

2) Les règles de jugement

Le jugement des accusés majeurs poursuivis pour acte de terrorisme s'effectue, selon l'article 706-25 du code de procédure pénale, suivant « les règles relatives à la composition et au fonctionnement de la Cour d'assises [...] fixées par l'article 698-6 » de ce même code. La référence aux dispositions de ce dernier article confirme l'assimilation de la violence terroriste à un acte de guerre commis en temps de paix. En effet, cet article, énoncé au sein du code de procédure pénale parmi les dispositions relatives à la poursuite, à l'instruction et au jugement des crimes et délits en matière militaire en temps de paix, apporte une importante dérogation aux règles habituelles de composition et de fonctionnement des Cours d'assises. Ainsi, par dérogation aux règles habituelles, en matière de répression du terrorisme, la Cour d'assises « est composée d'un président et, lorsqu'elle statue en premier ressort, de six assesseurs, ou lorsqu'elle statue en appel, de huit assesseurs ». Ces assesseurs, tous magistrats de carrière, sont désignés par le premier président de la cour d'appel pour la durée d'un trimestre et pour chaque cour d'assises, dans les mêmes formes que le président(48). Par conséquent, à la différence des Cours d'assises jugeant les infractions de droit commun, la Cour d'assises compétente à l'égard de la criminalité terroriste siège toujours sans jury populaire et les décisions de condamnation y sont adoptées non pas à la majorité qualifiée, mais à la majorité simple.

Instaurer une Cour d'assise spéciale, siégeant sans jury populaire, statuant de surcroît à la majorité simple pour les mesures défavorables à l'accusé, est-il contraire à la Constitution ? Pourrait-on par exemple invoquer un principe reconnu par les lois de la République faisant du jury populaire une composante obligatoire de la Cour d'assises? La réponse ne peut être que négative à plusieurs titres. Non seulement des lois particulières ont déjà pu, de longue date, confier la répression de certains crimes contre la sûreté de l'État à des juridictions (tribunaux militaires ou Haute Cour) ne comportant la participation d'aucun juré. Mais également et surtout, même sous le régime constitutionnel de 1875, la Haute Cour de justice (à l'époque le Sénat) avait reçu compétence pour juger sans juré les crimes et délits commis par certains titulaires de fonctions politiques (président de la République et ministres) ainsi que pour réprimer les complots contre la sûreté de l'État, quels qu'en étaient les auteurs. Ceci permet d'expliquer que le jury, institution fille de la Révolution(49), objet d'une tradition ininterrompue, a pu être en l'espèce écarté, alors qu'il a été maintenu pour le droit commun par la loi du 15 juin 2000 modifiée organisant une procédure d'appel des arrêts des Cours d'assises.

Saisi de cette question à l'occasion de l'examen de la conformité à la Constitution de la loi du 3 septembre 1986 instituant cette Cour d'assises sans jurés pour juger les crimes terroristes, le Conseil constitutionnel a souligné l'intérêt constitutionnel que présentait au contraire, pour une bonne administration de la justice, l'absence de jury populaire :

« Considérant qu'il est loisible au législateur, compétent pour fixer les règles de la procédure pénale en vertu de l'article 34 de la Constitution, de prévoir des règles de procédure différentes selon les faits, les situations et les personnes auxquelles elles s'appliquent, pourvu que ces différences ne procèdent pas de discriminations injustifiées et que soient assurées aux justiciables des garanties égales, notamment quant au respect du principe des droits de la défense ; Considérant que la différence de traitement établie par l'article 706-25 nouveau du code de procédure pénale (à l'égard de tous les auteurs d'infractions terroristes) tend, selon l'intention du législateur, à déjouer l'effet des pressions ou des menaces pouvant altérer la sérénité de la juridiction de jugement ; que cette différence de traitement ne procède donc pas d'une discrimination injustifiée ; qu'en outre, par sa composition, la Cour d'assises instituée par l'article 698-6 du code de procédure pénale présente les garanties requises d'indépendance et d'impartialité ; que devant cette juridiction les droits de la défense sont sauvegardés ; que, dans ces conditions, le moyen tiré de la méconnaissance du principe d'égalité devant la justice doit être écarté »(50).

Les craintes pressenties par le Conseil constitutionnel étaient d'ailleurs loin d'être infondées, puisque dès le 8 septembre 1986, soit pratiquement au lendemain du prononcé de sa décision, un attentat perpétré à l'hôtel de ville de Paris causait la mort d'un passant et blessait grièvement seize autres personnes. Le législateur dut intervenir une nouvelle fois pour rendre la loi nouvelle immédiatement applicable aux procédures en cours, ce qu'il fit par l'adoption d'un loi modificatrice n° 86-1322 du 30 décembre 1986. Cette seconde loi, qui pouvait sembler contraire au principe constitutionnel de l'autorité de chose jugée, l'accusé ayant déjà été renvoyé devant la Cour d'assises de droit commun par un arrêt devenu définitif, ainsi qu'au principe d'égalité, s'agissant d'une situation antérieure à la promulgation de la loi nouvelle, n'a pas été déférée au Conseil constitutionnel. Toutefois, la Chambre criminelle de la Cour de cassation, saisie de la question, a pu juger, d'une part, que l'autorité de chose jugée ne s'attache pas aux arrêts de renvoi devant la Cour d'assises, d'autre part, que l'égalité est préservée dès lors que l'attribution de compétence au profit de la Cour d'assises concerne toutes les infractions terroristes, sans distinction entre les accusés « et que les droits de la défense peuvent s'exercer sans discrimination » formule fortement inspirée de la décision du Conseil constitutionnel du 3 septembre 1986(51).

Cette même préoccupation de sécurité, a incité le législateur(52) a prévoir que pour le jugement des délits et des crimes de nature terroriste, le premier président de la cour d'appel de Paris peut, sur les réquisitions du procureur général, après avis des chefs des tribunaux de grande instance intéressés, du bâtonnier de Paris et, le cas échéant, du président de la Cour d'assises de Paris, décider que l'audience du tribunal correctionnel, de la chambre des appels correctionnels de Paris ou de la Cour d'assises de Paris se tiendra, à titre exceptionnel et pour des motifs de sécurité , dans tout autre lieu du ressort de la cour d'appel que celui où ces juridictions tiennent habituellement leurs audiences. Ainsi, en France, les terroristes peuvent-ils être jugés légalement en dehors de l'enceinte des Palais de justice et s'il faut, sans publicité des débats, sans heurter le principe fondamental du « juge naturel », préconstitué(53), illustré principalement en France par application du principe d'égalité devant la justice, composante du principe d'égalité devant la loi (54).

L'arrêt de la Cour d'assises ainsi constituée, qu'il soit de condamnation ou d'acquittement est, conformément au droit commun depuis la loi du 15 juin 2000 modifiée relative à la présomption d'innocence, susceptible d'être frappé d'appel(55) puis, si les conditions en sont réunies, d'être l'objet d'un pourvoi devant la Cour de cassation.

3) L'échelle des peines

L'échelle des peines applicables aux infractions terroristes a ceci de particulier d'être relevée d'un degré par rapport au droit commun. Seule, l'infraction commise par le fait de participer sciemment à un groupement formé ou à une entente établie en vue de la préparation d'un acte de terrorisme, tout en étant qualifié d'acte de terrorisme, échappe à cette élévation de peine, afin d'éviter l'incompétence du tribunal correctionnel lorsque divers malfaiteurs sont poursuivis(56). Cette règle de l'élévation des peines institue ainsi un mécanisme dérogatoire, surprenant au regard des termes de l'article 131-4 du code pénal qui ne ménage aucune possibilité de dérogation à l'échelle des peines de prison qu'il institue. Il reste qu'une simple disposition législative antérieure ne saurait évidemment lier le Parlement. En toute hypothèse, le montant de la peine encourue en matière de terrorisme ne souffre d'aucune incertitude contraire à l'exigence de légalité formulée à l'article 8 de la Déclaration de 1789, ainsi que le Conseil constitutionnel, dans sa décision du 3 septembre 1986, a pris d'ailleurs soin sur ce point précis de le relever.

Un constat identique s'impose en ce qui concerne l'exemption de la peine encourue ou d'une diminution de moitié de celle-ci, lorsque, ayant averti les autorités administratives ou judiciaires, l'auteur ou le complice d'un acte de terrorisme a permis de faire cesser les agissements incriminés ou d'éviter que l'infraction n'entraîne mort d'homme ou infirmité permanente et d'identifier, le cas échéant, les autres coupables.

Contrairement à une opinion largement répandue, le droit pénal français connaît ainsi en matière de répression du terrorisme(57) de ce marchandage pratique consistant à recourir aux « repentis », qui permet d'échapper à la sanction d'une façon juridiquement douteuse au regard du principe d'égalité devant la justice. Mais ce procédé, d'une part, est utilisé tout aussi bien pour le trafic de stupéfiant (c. pén., art. 222-43), la plupart des atteintes aux intérêts fondamentaux de la nation (trahison, espionnage : art. 411 et s.), l'évasion (c. pén., art. 434-37) ou le faux monnayage (c. pén., art. 442-9 et 442-10) qui, toutefois, donnent un énoncé limitatif des infractions déterminées à révéler, d'autre part, pourrait trouver une certaine justification juridique dans le droit constitutionnel à la sécurité, résultant notamment de l'objectif de valeur constitutionnelle que sont la sauvegarde de l'ordre public, des personnes et des biens ainsi que la recherche des auteurs d'infractions(58).

Enfin l'acte de terrorisme peut être sanctionné de peines complémentaires facultatives, donc prévues par le code pénal et que le juge peut prononcer(59), l'interdiction de séjour à titre définitif sur le territoire français, prévue par l'article 422-4 du code pénal, posant à notre sens la question de sa compatibilité avec la jurisprudence de la Cour de justice des Communautés européennes, élaborée, il est vrai, en matière d'expulsion. Celles-ci peuvent être assorties de sanctions accessoires, qui ne sont pas à proprement parler des peines car prononcées non par le juge mais par l'autorité administrative. Il en va ainsi de la déchéance de la nationalité française qui, en application de l'article 25 du code civil, peut être prononcée par décret, pris après avis conforme du Conseil d'État, à l'encontre de « l'individu qui a acquis la nationalité française, sauf si la déchéance a pour résultat de le rendre apatride, s'il est condamné [...] pour un crime ou un délit constituant un acte de terrorisme » dès l'instant où les faits reprochés à l'intéressé se sont produits dans le délai de dix ans à compter de la date de l'acquisition de la nationalité française, étant précisé qu'elle ne peut être prononcée que dans le délai de dix ans à compter de la perpétration desdits faits.

Cette mesure sévère a été introduite dans le code civil par l'article 12 de la loi n° 96-647 du 22 juillet 1996 tendant à renforcer la répression du terrorisme et contestée, avant la promulgation de la loi, devant le Conseil constitutionnel, au regard du principe constitutionnel d'égalité, puisqu'elle conduit à opérer une discrimination entre les Français, selon qu'ils ont acquis la nationalité française en application des dispositions des articles 21 et suivants du code civil (acquisition de la nationalité française en raison d'une adoption plénière, par mariage, par la naissance et la résidence en France, par voie de déclaration de nationalité ou par décision de l'autorité publique), ou bien selon qu'ils sont français « de souche », soit en raison de leur filiation, soit en raison de leur naissance en France. Seuls les Français de la première catégorie peuvent en effet être l'objet de cette déchéance de la nationalité attachée à une condamnation pénale dont le quantum minimum n'est pas déterminé par loi.

Critiquées à juste titre par la doctrine(60), ces dispositions législatives n'en ont pas moins été déclarées conformes à la Constitution par le Conseil constitutionnel, et non contraires au principe d'égalité des citoyens devant la loi, le juge constitutionnel estimant que « le principe d'égalité ne s'oppose ni à ce que le législateur règle de façon différente des situations différentes ni à ce qu'il déroge à l'égalité pour des raisons d'intérêt général, pourvu que, dans l'un et l'autre cas, la différence de traitement qui en résulte soit en rapport avec l'objet de la loi qui l'établit ; qu'au regard du droit de la nationalité, les personnes ayant acquis la nationalité française et celles auxquelles la nationalité française a été attribuée à leur naissance sont dans la même situation ; que, toutefois, le législateur a pu, compte tenu de l'objectif tendant à renforcer la lutte contre le terrorisme, prévoir la possibilité, pendant une durée limitée, pour l'autorité administrative de déchoir de la nationalité française ceux qui l'ont acquise, sans que la différence de traitement qui en résulte viole le principe d'égalité [...] »(61).

4) L'indemnisation en France des victimes du terrorisme

Toute sanction ne règle pas pour autant la question de la réparation. Longtemps, l'État français a refusé aux victimes du terrorisme un quelconque régime juridique d'indemnisation. S'agissant de flambées de terrorisme aussi soudaines qu'imprévisibles, aucune faute lourde ne pouvait être reprochée aux services de polices et le Conseil d'État de manière constante rejetait tout recours tendant à engager la responsabilité de l'État, que ce fut sur ce fondement ou sur celui du risque(62).

Aussi, l'adoption d'un régime législatif d'indemnisation des victimes du terrorisme, sous l'impulsion constante de l'association « SOS Attentats », a certainement constitué l'un des apports les plus marquants de la loi du 9 septembre 1986 relative à la lutte contre le terrorisme. Depuis lors, plusieurs textes sont venus en compléter les termes, avant que l'ensemble ne soit finalement introduit dans le code des assurances par deux décrets n° 88-260 et 88-261 du 18 mars 1988, de telle sorte que, finalement, le principe de cette indemnisation est désormais fixé par les articles L. 126-1 et L. 126-2, et L. 422-1 à L. 422-3 du code des assurances.

Avec l'adoption de la loi n° 90-589 du 6 juillet 1990 et le décret n° 90-1211 du 21 décembre 1990 qui ont modifié respectivement dans leur partie législative et dans leur partie réglementaire les dispositions du code de procédure pénale et du code des assurances relatives aux victimes d'infractions, le Fonds de garantie des victimes du terrorisme, installé pour assurer la réparation des dommages corporels d'attentats à caractères terroristes, a été l'objet d'une mutation, le transformant en « Fonds de garantie des victimes des actes de terrorisme et d'autres infractions »(63). Pour autant, ce rapprochement est loin de faire perdre son identité originelle au Fonds de garantie des victimes des actes de terrorisme, notamment en ce qu'il détient, s'agissant des dommages corporels en ce domaine, une pleine compétence pour décider du montant des indemnités, mais non exclusive de toute contestation auprès des tribunaux(64) de la proposition d'indemnisation qu'il effectue, et pour procéder à son règlement. Sans compétence en matière de réparation des dommages causés par l'acte terroriste aux biens; il n'intervient à l'égard des victimes d'autres infractions, qu'à titre d'organisme payeur des indemnités qu'elles perçoivent, le Fonds se substituant ainsi sur ce point à l'État, mais sans aucunement remettre en cause la fonction primordiale des Commissions d'indemnisation des victimes d'infractions (CIVI), instituées auprès de chaque tribunal de grande instance, qui continuent de décider du principe ainsi que du montant de leurs allocations.

Symptomatique de la nature très particulière de l'acte de terrorisme se trouve être, depuis l'adoption de la loi n° 90-86 du 23 janvier 1990, l'application par le Fonds à toutes les victimes du terrorisme de la législation spécifique aux dommages de guerre. Concrètement, l'application de ce régime juridique se traduit notamment par un droit à pension civile (mais non cumulable avec l'indemnité de réparation du préjudice), un droit aux soins gratuits, ou à des emplois réservés, le Fonds étant surtout en mesure, en cas d'urgence, d'apporter aux victimes réconfort physique et psychologique, prise en charge des démarches administratives, engagement des procédures devant les tribunaux, aides individualisées, prêts sociaux ou secours financiers(65).

Une telle progression dans le sens d'une amélioration de la situation juridique des victimes du terrorisme traduit non seulement l'expression d'une solidarité nationale que nous appelions de nos voeux voici déjà quinze ans, mais encore la ferme volonté d'une politique européenne à laquelle la France a adhéré, consistant à ne pas céder face au terrorisme et dont l'une des formes les plus remarquables est sans aucun doute l'entrée en vigueur en France de la Convention européenne relative au dédommagement des victimes d'infractions violentes, soutien juridique essentiel pour celles et ceux qui ont subi ou souffrent encore des séquelles de graves atteintes à l'intégrité de leur corps ou à leur santé, résultant directement d'actes de terrorismes d'une extrême violence et cependant purement intentionnels.

Cette perception, constitutionnelle, communautaire, européenne et internationale de l'acte terroriste révèle en définitive les difficultés davantage politiques que juridiques à en organiser la sanction judiciaire, certains États craignant que celle-ci ne puisse en réalité servir de justification pour nier aux peuples leur droit légitime à l'autodétermination et à l'indépendance alors même que d'autres États, à l'inverse, ne redoutent de voir indirectement légitimé des mouvements de libération nationale. Comme le souligne à juste titre, dès 2002, Philippe Kirsch, président de la Cour pénale internationale, « même actuellement, alors que certains de ces problèmes sont sensiblement atténués et que le consensus international sur la nécessité de combattre le terrorisme n'a jamais été plus fort en raison des événements du 11 septembre » aux États-Unis, « des difficultés ont ressurgi aux Nations Unies dans le contexte de la négociation d'une Convention globale contre le terrorisme et plus précisément en ce qui concerne sa définition. Alors que les dispositions juridiques du projet de Convention étaient à peu près terminées et en dépit de l'intervention personnelle du secrétaire général de l'ONU, le projet n'a pu être adopté en raison de divergences irréconciliables à propos d'une référence aux mouvements de libération nationale et de l'exclusion des forces armées des États du champ d'application de la Convention »(66).

Certes, même si à la demande de certains États il a été annexé à l'Acte final de la conférence sur le statut de Rome relatif à la Cour pénale internationale une résolution recommandant de dégager une définition « acceptable du terrorisme » et des crimes liés à la drogue afin, dans le futur, de les inscrire dans le champ de compétence matérielle de la Cour, il apparaît clairement que l'exclusion de la lutte contre le terrorisme du Statut de la Cour pénale internationale, aujourd'hui entré en vigueur et dont les dix-huit juges ont été désignés(67), résulte d'une décision délibérée et mûrement réfléchie.

Pour autant, cette exclusion volontaire actuelle ne signifie pas une totale absence de compétence de la Cour pénale internationale à l'égard des actes de terrorisme dès l'instant où ils prennent la forme de certains crimes de guerre inclus dans le statut de Rome régissant la Cour(68) ou bien répondent à une acception suffisamment large de la notion de crime contre l'humanité(69), solution cependant critiquée par certains juristes(70).

En dehors de ces cas, somme toute limités (et qui ne sauraient s'appliquer aux événements du 11 septembre notamment en raison de la non rétroactivité du statut de Rome définissant la compétence de la Cour pénale internationale), l'influence du droit constitutionnel demeure encore très perceptible.

En effet, sans douter de son opportunité et quand bien même un consensus se formerait au sein de la Communauté internationale sur une définition minimale, ajouter l'infraction de terrorisme à la compétence de la Cour pénale internationale imposerait de nouvelles modifications constitutionnelles ne pouvant s'effectuer qu'au plus tôt sept ans après l'entrée en vigueur (le 1er juill. 2002) du Statut de Rome (art. 121). Enfin, il convient de rappeler avec insistance qu'à la différence des tribunaux internationaux ad hoc qui ont primauté sur les juridictions nationales de tous les États, la compétence de la Cour pénale internationale est complémentaire des juridictions criminelles nationales, dès l'instant où l'État qui a compétence en l'espèce n'a pas la volonté ou est dans l'incapacité de mener l'enquête ou les poursuites(71). D'où la grande variété des réponses apportées par les conventions internationales à la lutte contre le terrorisme, conduisant à inclure, y compris, dans les conventions internationales les plus récentes, une clause de sauvegarde de l'intégrité territoriale et de l'indépendance politique d'un État(72).

Ainsi qu'on peut le constater, le droit constitutionnel est donc d'ores et déjà un point de passage obligé dans l'élaboration d'un droit national et, indirectement, transnational commun permettant d'assurer une juste et légitime conciliation entre les exigences de la lutte contre le terrorisme et la garantie par la justice des droits fondamentaux constitutionnellement reconnus.

(1) ette étude reprend pour partie notre communication à la Table ronde internationale des 13 et 14 septembre 2002, « Lutte contre le terrorisme et protection des droits fondamentaux », à paraître in Annuaire International de justice constitutionnelle, Puam-Economica, vol. XVIII. Cette étude n'a pas pour objet d'appréhender la question sous l'aspect du droit international public, en ce qui concerne les conflits inter-étatiques.
(2) La Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne signée le 7 décembre 2000, tout en se référant au respect de la dignité humaine, au droit à la vie, à l'interdiction de la torture, ne condamne pas directement le terrorisme, bien que cette question ait été abordée lors les débats de la Convention.
(3) « Lorsque les institutions de la République, l'indépendance de la nation, l'intégrité de son territoire ou l'exécution de ses engagements internationaux sont menacées d'une manière grave et immédiate et que le fonctionnement régulier des pouvoirs publics constitutionnels est interrompu, le président de la République prend les mesures exigées par ces circonstances, après consultation officielle du Premier ministre, des présidents des assemblées ainsi que du Conseil constitutionnel. Il en informe la nation par un message. Ces mesures doivent être inspirées par la volonté d'assurer aux pouvoirs publics constitutionnels, dans les moindres délais, les moyens d'accomplir leur mission. Le Conseil constitutionnel est consulté à leur sujet. Le Parlement se réunit de plein droit. L'Assemblée nationale ne peut être dissoute pendant l'exercice des pouvoirs exceptionnels. » On notera que la décision présidentielle de recourir à l'article 16 présente le caractère d'un acte de gouvernement dont il n'appartient au Conseil d'État « ni d'apprécier la légalité, ni de contrôler la durée d'application » (CE, Ass., 2 mars 1962, Rubin de Servens, Rec. Leb. p. 143, Gaja, n° 87). Mais le Conseil d'État accepte de contrôler les décisions prises par le président de la République sur ce fondement, pour autant qu'il s'agisse de mesures intervenant dans le domaine réglementaire (id.). Quant au Conseil constitutionnel, si l'avis relatif à la réunion des conditions d'application est rendu public, il n'en va pas de même des avis qu'il prononce lorsqu'il est saisi de chacune des mesures prises au titre de l'article 16, ce qui paraît aujourd'hui relativement désuet. Sur l'ensemble de l'application de l'article 16 de la Constitution de 1958, v. Th. Renoux et M. de Villiers, Code constitutionnel , commenté et annoté, Litec.
(4) L'état de siège visé par la Constitution désigne ce que l'on dénomme l'état de siège « fictif », ou « politique », applicable en cas de guerre ou d'insurrection armée sur tout ou partie du territoire. Si la proclamation de l'état de siège s'opère par décret en Conseil des ministres, décret susceptible d'être déféré au contrôle de la légalité du Conseil d'État (CE, Ass., 23 oct. 1953, Huckel, Rec. Leb. p. 452, Rev. jur. et pol. Union française, 1954, p. 279, concl. J. Donnedieu de Vabres), « sa prolongation au-delà de douze jours ne peut être autorisée que par le Parlement », selon ce même article 36 de la Constitution française. Cet article opère ainsi une référence implicite au régime juridique défini par les lois des 9 août 1849, 3 avril 1878 et 27 avril 1916. Ces textes « datés » permettent des restrictions par l'autorité militaire, « à l'exercice des libertés publiques » (perquisitions de jour comme de nuit, mesures d'éloignement, d'interdiction de réunions, réquisitions...) sous le contrôle du juge administratif.
(5) Cette même loi souligne que l'État associe les collectivité territoriales et leurs établissements publics qui participent également à la politique de sécurité, à l'élaboration de contrats locaux de sécurité ainsi que les associations, les entreprises de transports et toute autre personne publique ou privée chargées de leur mise en oeuvre.
(6) Cons. const., décis. n° 94-352 DC, 18 janv. 1995, Rec. p. 170_,_ consid. nos 2, 8 et 16.
(7) Ce qui explique l'architecture du « Code constitutionnel », premier ouvrage à insérer ce texte, comme celui de la Déclaration des droits de l'homme de 1789, immédiatement après le préambule de la Constitution de 1958, soulignant ainsi pour chacun leur effet actualisé de droit positif, à la différence des publications officielles qui se bornent à les reproduire comme de simples documents annexes de la Constitution.
(8) À propos de la possibilité d'instruire contre un chef de l'État libyen en exercice, dans l'affaire de l'attentat terroriste du DC 10 de la compagnie UTA, commis le 19 septembre 1989, acte de terrorisme ayant entraîné la mort de 170 personnes parmi lesquelles plusieurs ressortissants français.
(9) Cass. crim., 13 mars 2001, D. 2001, jur. p. 2631, comm. J.-F. Roulot. V. notamment, Chérif Bassiouni, « La responsabilité pénale des chefs d'États pour la commission des crimes internationaux qui relèvent du droit international général », Livre noir, Recueil préparatoire des contributions , Colloque organisé par l'association SOS Attentats, Assemblée nationale, 5 févr. 2002.
(10) Compétence universelle cependant admise, comme on le sait, par la Cour de cassation de Belgique depuis l'adoption des lois de 1993 et 1999, aux fins de juger les auteurs de crimes de guerre, génocide, crimes contre l'humanité, quels que soient le lieu de l'infraction, la nationalité de l'auteur ou celles des victimes, sans que l'immunité pénale des chefs d'États, Premiers ministres ou ministres des affaires étrangères en exercice ne puisse lui être opposée. Cette règle de « compétence universelle » dont la Belgique s'est faite un pionnier, a été remise en cause par un arrêt rendu le 14 février 2002 par la Cour internationale de justice (CIJ), reconnaissant l'immunité à un ex-ministre des affaires étrangères du Congo-Kinshasa, visé par une plainte déposée auprès des autorités judiciaires belges par plusieurs Tutsis rwandais. Cet arrêt peut sembler à certains égards en contradiction avec le statut fondateur de la Cour pénale internationale (v. infra) qui écarte cependant explicitement l'immunité résultant d'une « qualité officielle ».
(11) Convention européenne sur la répression du terrorisme signée le 27 janvier 1977, à une époque où l'Allemagne et l'Italie étaient en proie au terrorisme de la « bande à Baader » et des « Brigades rouges » et ratifiée par la France le 16 juill. 1987.
(12) M. Duverger, « Ce que prévoit la Constitution », in Le Monde, 18 oct. 1984.
(13) En France, le Code pénal distingue l'attentat du complot (c. pén., art. 412-1 et 412-2) au titre des atteintes aux institutions de la République ou à l'intégrité du territoire national.
(14) Th. Renoux, L'indemnisation publique des victimes d'attentats, Economica-Puam, 1988, 318 p. (sp. p. 21).
(15) F. Szpiner, « Définir le terrorisme », Livre noir, Recueil préparatoire des contributions, Colloque organisé par l'association SOS Attentats, Ass. nat., 5 févr. 2002, p. 21.
(16) C. pén., art. 421-1, 421-2, 421-2-1 et 422-2.
(17) Déclarations du garde des Sceaux, Albin Chalandon, à l'Assemblée nationale et au Sénat (JO Déb., 8 août 1986, p. 4125 et p. 3795). Circulaires du garde des Sceaux, ministre de la justice, en date des 10 oct. 1986 et 27 mars 1987. V. Th. Renoux, L'indemnisation publique des victimes d'attentats, préc., p. 21 et s.
(18) Entré en vigueur le 1er mars 1994.
(19) Rec. Cons. const., p. 122, RD publ. 1989, n° 2, p. 399, comm. L. Favoreu ; Rev. sc. crim., 1987, p. 565, note F. Loloum et P. Nguyen Huu.
(20) JO du 16 nov. 2001, p. 18215.
(21) La qualification d'acte de terrorisme procède de ce renvoi à des critères substantiels, l'échelle des peines privatives de libertés, établie par l'article 421-3 du code pénal ne participant aucunement de sa définition.
(22) Circ. générale n° 93.9/F1, éd. Journal officiel, sept. 1993, p. 236.
(23) Y. Mayaud, Le terrorisme, Dalloz, 1997, 146 p.
(24) Th. S. Renoux, Quelles réponses juridiques au bio-terrorisme ?, IIe Colloque national « Droit, Histoire, Médecine et Pharmacie », Universités d'Aix Marseille-III et de Montpellier-I, 28 et 29 nov. 2002 (sous presse).
(25) V. cependant, E. Cartier, Rev. Sc. crim. 1995, p. 225 et s.; J. Borricand, Problèmes actuels de science criminelle, vol. VIII, Puam, 1995.
(26) « Terrorisme », Rép. pén. , Dalloz, § 51.
(27) A. Marsaud, Doc. Ass. nat. 1995, n° 2046, p. 16.
(28) C. pén., art. 421-2-2, tel qu'il résulte de l'art. 33 de la loi du 15 nov. 2001 relative à la sécurité quotidienne.
(29) V. Ch. Cutajar, Le blanchiment des profits illicites , Presses Universitaires de Strasbourg, Centre de droit des affaires, 2000. V. également la « liste noire » des États favorisant le blanchiment des capitaux dans le rapport annuel (2001, en anglais) du Groupe d'action financière sur le blanchiment des capitaux (GAFI).
(30) Décr. n° 2002-935 du 14 juin 2002, portant publication de la Convention internationale pour la répression du financement du terrorisme, JO du 16 juin 2002, p. 10636 ; JCP , éd. G, 2002, act. n° 27.
(31) Cons. const., décis. no 86-213 DC, 3 sept. 1986, Rec. Cons. const. p. 122, consid. n° 24.
(32) En ce sens : F. Loloum et P. Nguyen Huu, Rev. Sc. crim. 1987, p. 565.
(33) Quelles que soient les « réserves » dont a été assorti le décret de publication du 21 décembre 1987, apparemment peu compatibles avec l'article 5.4 de la Convention régissant les relations entre États membres.
(34) On peut également se reporter, pour une étude détaillée exclusivement consacrée à la procédure préventive et répressive applicable en matière de terrorisme, à notre étude « Lutte contre le terrorisme et protection des droits fondamentaux » (à paraître in Annuaire international de justice constitutionnelle, Puam, Economica, vol. XVIII).
(35) Comp. avec la compétence internationale d'Interpol telle qu'elle résulte de la Convention de Paris du 12 mai 1972 (décr. n° 74-992, 22 nov. 1974) et de l'accord de Paris du 3 nov. 1982 (décr. n° 84-172, 6 mars 1984).
(36) Cons. const., décis. no 80-116 DC, 17 juill. 1980, Rec. Cons. const. p. 36. La circulaire du 23 juin 1995 commentant les dispositions des articles 39, 40 et 41 de la Convention signée à Schengen, le 19 juin 1990 (JO, 1er juill. 1995, p. 9849) est venue à ce sujet préciser les modalités de mise en œuvre de ces échanges d'informations. L'objet du système d'information Schengen (SIS) est déjà très clairement défini à l'article 93 de la Convention. Il s'agit, précise cette disposition, de « préserver l'ordre et la sécurité publics, y compris la sûreté de l'État, et l'application des dispositions sur la circulation des personnes de la présente convention, sur les territoires des parties contractantes à l'aide des informations transmises par ce système ». En France, c'est un décret n° 95-577 du 6 mai 1995 « relatif au système informatique national du système d'information Schengen » (JO, 7 mai 1995, p. 7420) qui régit le fonctionnement de la partie nationale du SIS. Le N-SIS a été institué par un décret n° 95-315 du 23 mars 1995 (JO, 24 mars 1995, p. 4672).
(37) Lorsqu'il y a urgence, le droit d'observation peut s'exercer même si aucune demande d'entraide judiciaire n'a été préalablement déposée de telle sorte qu'en pareil cas, le franchissement de la frontière devra toutefois obligatoirement être notifié aux autorités compétentes et une demande d'entraide judiciaire, déposée sans délai. Si l'autorité territorialement compétente le demande, ou si cinq heures après le dépôt de la demande, l'autorisation n'est pas obtenue, l'observation doit cesser. Enfin, il est précisé qu'en aucune manière, les agents observateurs ne pourront interpeller ou arrêter la personne observée.
(38) Cons. const., décis. no 91-294 DC, 25 juill. 1991, Rec. Cons. const. p. 91.
(39) En application de l'article 41, § 5 b), la poursuite ne peut se faire que par les frontières terrestres. En conséquence, le droit de poursuite ne peut intéresser, pour ce qui concerne la France, que l'Allemagne, la Belgique, le Luxembourg, l'Espagne et l'Italie. Au plus tard lors du franchissement de la frontière, les agents poursuivants doivent faire appel aux autorités compétentes sur le territoire desquelles la poursuite va avoir lieu. Si ces dernières le demandent, la poursuite doit aussitôt cesser. En France, c'est le procureur de la République territorialement compétent qui est habilité à recueillir de telles informations et éventuellement à s'opposer à la poursuite (v. Circ. 23 juin 1995, préc., pt 3.2.1). Les motifs du signalement de la personne sont limitativement énumérés. Il s'agit des personnes recherchées en vue d'une arrestation aux fins d'une extradition. La catégorie des personnes faisant l'objet de mesures de surveillance discrète ou d'un contrôle spécifique doit retenir l'attention dans notre domaine. La convention précise de manière explicite en effet, qu'un tel signalement peut être effectué pour la répression d'infractions pénales et pour la prévention de menaces pour la sécurité publique.
(40) Ce projet de loi fixe des délais de procédure devant les deux ordres de juridiction concernés. Ainsi, lorsque la personne réclamée déclare consentir à sa remise, la chambre de l'instruction se verrait impartir, quelle que soit la procédure d'extradition suivie, un délai de sept jours pour statuer. De même, lorsque la personne réclamée déclare s'opposer à son extradition, la chambre de l'instruction devrait rendre son avis dans un délai de trente jours à compter de la comparution devant elle de l'intéressé. De même, dans le souci d'une plus grande célérité, le projet de loi prévoit que le délai de recours pour excès de pouvoir contre le décret du Premier ministre autorisant l'extradition , est fixé à un mois , au lieu de deux mois en droit commun.
(41) V. ainsi, dans l'attente de l'entrée en vigueur du mandat d'arrêt européen, le projet de loi adopté sans modification par le Sénat le 10 octobre 2002, autorisant la ratification d'une convention européenne relative à la procédure d'extradition simplifiée entre les États membres de l'Union européenne : Doc. Sénat, rapport de M. Serge Vinçon, n° 5, 2002-2003. En outre et surtout, la loi nouvelle devrait avoir pour objet de déterminer d'une manière suffisamment générale les conditions d'application en droit français de la règle aut dedere, aut judicare (extrader ou juger) lorsque l'extradition de la personne réclamée a été refusée par les autorités françaises au motif, soit que le fait à raison duquel l'extradition avait été demandée est puni d'une peine ou d'une mesure de sûreté contraire à l'ordre public français, soit que la personne réclamée aurait été jugée dans l'État requérant par un tribunal n'assurant pas les garanties fondamentales de procédure et de protection des droits de la défense. Afin de respecter tout à la fois la souveraineté dudit État et la faculté des autorités françaises d'engager ou non des poursuites pénales en de telles circonstances, le texte prévoit ainsi que la mise en mouvement de l'action publique doit être précédée d'une dénonciation officielle de l'État où l'infraction a été commise et transmise, s'il l'estime opportun, par le ministre de la justice au parquet territorialement compétent. On retrouve ici l'une des expressions de la contradiction entre le respect de la souveraineté et le devoir de juger, dénoncée avec talent par le doyen S. Guinchard dans son rapport « La justice pénale entre le devoir d'exister et le droit de pardonner », en synthèse des entretiens d'Aguesseau des 22 et 23 nov. 2001, La justice pénale internationale, PULIM, 2002, p. 277-295 et Gaz. Pal., 3-4 juill. 2002, pp. 6-15.
(42) JO, CE, du 18 juill. 2002.
(43) L'article 88-2 de la Constitution est complété par un troisième alinéa ainsi rédigé : « Sont fixées par la loi les règles relatives au mandat d'arrêt européen conformément aux dispositions des actes pris par le Conseil de l'Union européenne sur le fondement du traité mentionné au premier alinéa. »
(44) Ainsi, le mandat d'arrêt européen (art. 1er de la décision-cadre) doit-il être « une décision judiciaire émise par un État membre en vue de l'arrestation et de la remise par un autre État membre d'une personne recherchée pour l'exercice de poursuites pénales ou pour l'exécution d'une peine ou d'une mesure de sûreté privative de liberté » prise sur la base du principe d'une reconnaissance mutuelle des procédures pénales, sans être paralysée désormais par la règle de double incrimination.
(45) La règle de la double incrimination veut que l'infraction pour laquelle l'extradition est demandée soit incriminée à la fois dans la législation française et dans celle du pays dans lequel cette extradition est requise. Or tout en étant des infractions autonomes, les actes de terrorisme renvoient directement ou indirectement à d'autres infractions graves du droit commun en sorte que seul le « terrorisme écologique » pourrait éventuellement faire obstacle au bon déroulement de la procédure. V. O. de Baysnat, « Le mandat d'arrêt européen », D. 2001, n° 42, Actualités ; J.-F. Kriegk, « Quel ministère public européen pour quel espace judiciaire européen ? », Petites Affiches, 25 avr. 2001 ; « Le mandat d'arrêt européen et les projets de lutte contre le terrorisme », Petites Affiches, 22 mai 2002 ; A. Senatore, « Le mandat d'arrêt européen », JCP, éd. G, 9 oct. 2002, n° 41, Actualités, p. 1773.
(46) En ce sens : résolution européenne du Sénat n° 25 du 4 déc. 2001 (session ordinaire de 2001-2002) sur les deux propositions de décisions-cadres relatives au mandat d'arrêt européen et aux procédures de remise entre États membres (e-1829) et à la lutte contre le terrorisme (e-1828). De même, rapports parlementaires, n° 463 (XIIe législature) de M. Xavier de Roux, député, et n° 126 (session ordinaire de 2002-2003) de M. Pierre Fauchon, sénateur, sur le projet de loi constitutionnelle relatif au mandat d'arrêt européen.
(47) La circulaire n° 2123 du 3 septembre 1986 distingue alors à cet effet selon qu'il s'agit de terrorisme mettant en cause des organisations étrangères ou des groupes susceptibles d'agir en tout point du territoire national (pour lesquelles le dessaisissement des autorités judiciaires locales est suggéré) et le terrorisme purement local ou régional, dépourvu de tout lien avec un réseau national ou étranger (p. 64). Une règle identique s'applique en ce qui concerne les mineurs, le procureur de la République, le juge d'instruction, le juge des enfants, le tribunal pour enfants et la Cour d'assises des mineurs de Paris détenant une compétence concurrente à celles des juridictions territorialement compétentes. Lorsqu'ils sont compétents pour la poursuite et l'instruction des infractions terroristes, le procureur de la République et le juge d'instruction de Paris exercent leurs attributions sur toute l'étendue du territoire national.
(48) En application des exigences d'impartialité posées par l'article 6, § 1 de la Cour européenne de sauvegarde des droits de l'homme, ne peuvent faire partie de la cour en qualité de président ou d'assesseur les magistrats qui, dans l'affaire soumise à la Cour d'assises, ont, soit fait un acte de poursuite ou d'instruction, soit participé à l'arrêt de mise en accusation ou à une décision sur le fond relative à la culpabilité de l'accusé (c. pr. pén., art. 253).
(49) oi des 16-26 sept. 1791.
(50) Cons. const., décis. no 86-213 DC, 3 sept. 1986, Rec. Cons. const. p. 122, consid. n° 24.
(51) Cass. crim., 7 mai 1987, Bull. crim., n° 186, Rev. sc. crim. 1987, 621, obs. R. Koering Joulin.
(52) Loi n° 97-1273, 29 déc. 1997, art. 1er; c. pr. pén., art. 706-17-1.
(53) Th. S. Renoux, « Le droit au juge naturel, droit fondamental », RTD civ. 1993, n° 1.
(54) Cons. const., décis. no 75-56 DC, 23 juill. 1975, Rec. Cons. const. p. 22.
(55) Toutefois, par dérogation au droit commun, en cas d'appel d'une décision d'une Cour d'assises ainsi composée, la chambre criminelle de la Cour de cassation peut désigner la même Cour d'assises, autrement composée, pour connaître de l'appel.
(56) Ainsi, lorsque l'infraction est punie de vingt ans de réclusion criminelle en droit commun, son quantum est porté à trente ans de réclusion criminelle en matière de terrorisme; lorsque l'infraction est punie de quinze ans de réclusion criminelle, elle est portée à vingt ans de réclusion criminelle; lorsque l'infraction est punie de dix ans d'emprisonnement en droit commun, elle est portée à quinze ans de réclusion criminelle; à dix ans d'emprisonnement lorsque l'infraction est normalement punie de sept ans d'emprisonnement ; à sept ans d'emprisonnement lorsque l'infraction est ordinairement punie de cinq ans d'emprisonnement ; au double de la peine, soit six ans de prison, lorsque l'infraction est punie en droit commun d'un emprisonnement de trois ans.
(57) C. pén., art. 422-1 et 422-2.
(58) Cons. const., décis. no 94-52 DC, 18 janv. 1995, Rec. Cons. const. p. 170, consid. n° 2, 8 et 16.
(59) Qu'il s'agisse de l'interdiction temporaire des droits civiques, civils et de famille ; de l'interdiction d'exercer une fonction publique ou d'exercer l'activité professionnelle, sociale à l'occasion de laquelle l'infraction a été commise ; ou enfin de l'interdiction de séjour (C. pén., art. 422-3).
(60) Notamment, F. Luchaire, « Le Conseil constitutionnel devant la répression du terrorisme et des atteintes aux personnes dépositaires de l'autorité publique », RD publ., 1996, p. 1250.
(61) Cons. const., décis. no 96-377 DC, 16 juill. 1996, Rec. Cons. const. p. 87, consid. nos 22 et 23. Cette solution peut trouver une certaine explication dans le contenu même du code civil dont l'article 25, dans sa rédaction issue de la loi du 9 janvier 1973, prévoit déjà quatre cas dans lesquels l'étranger ayant acquis la nationalité française peut être déchu de celle-ci. En particulier lorsqu'il a été « condamné pour un acte qualifié de crime ou délit constituant une atteinte aux intérêts fondamentaux de la nation » ou « s'il s'est livré au profit d'un État étranger à des actes incompatibles avec la qualité de français et préjudiciables aux intérêts de la France ». En sorte que déclarer inconstitutionnelles ces dispositions aurait inévitablement conduit le Conseil constitutionnel, par l'effet de la jurisprudence État d'urgence en Nouvelle-Calédonie (décis. n° 85-187 DC du 25 janv. 1985, Rec. Cons. const. p. 53) à se prononcer, par le truchement de la loi soumise à son examen, à la vérification de la constitutionnalité de l'ensemble de l'article 25 du Code civil déjà en application. En outre et surtout, la déchéance instituée en cas de condamnation pour atteinte aux intérêts fondamentaux de la nation, résultait d'une rédaction issue d'une loi postérieure (loi n° 93-933 du 22 juill. 1993) qui avait été explicitement déclarée conforme à la Constitution par le Conseil constitutionnel dans sa décision n° 93-321 DC du 20 juill. 1993 (code de la nationalité, RFD const., n° 16, p. 820, note X. Philippe), cette décision précisant « qu'il n'y (avait) lieu pour le Conseil constitutionnel de ne soulever aucune question de conformité à la Constitution en ce qui concerne les autres dispositions de la loi soumise à son examen » (consid. n° 40). Aussi, après avoir affirmé avec clarté « qu'au regard du droit de la nationalité, les personnes ayant acquis la nationalité française et celles auxquelles la nationalité française a été attribuée à leur naissance sont dans la même situation » (décis. n° 96-377 DC, préc., consid. n° 23), le Conseil constitutionnel n'admet que « compte tenu de l'objectif tendant à renforcer la lutte contre le terrorisme » la constitutionnalité d'une telle dérogation, « nbsp ; pendant une durée limitée ». Notons toutefois en pratique que ces dispositions demeurent toujours en vigueur.
(62) Th. S. Renoux, L'indemnisation publique des victimes d'attentats, préc.; Th. S. Renoux et A. Roux, « nbsp ; The rights of victims and liability of the State », in Terrorism and International Law, R. Higgins et M. Flory, LSE, Routledge, London, 1997.
(63) C. ass., art. L. 422-1 ; L. n° 90-589, 6 juill. 1990, art. 14 et 18 ; décr. n° 88-260, 18 mars 1988, art. 3.
(64) La conformité à la Constitution de ce même procédé a été critiquée par la suite, en vain, devant le Conseil constitutionnel (décis. n° 2000-437 DC, 29 juin 2000, Rec. Cons. const. p. 95) à propos du Fonds d'indemnisation des victimes de l'amiante. Les requérants entendaient s'inspirer de la solution dégagée par la CEDH dans son arrêt du 14 déc. 1995, M. Daniel Bellet c/ France, condamnant la France au motif que « le système (d'indemnisation des victimes du Sida par voie de transfusion sanguine) ne présentait pas une clarté et des garanties suffisantes pour éviter un malentendu quant aux modalités d'exercice des recours offerts et aux limitations découlant de leur exercice simultané », compte tenu il est vrai de réelles imperfections de rédaction, en ce domaine, de la loi relative au Fonds d'indemnisation des victimes d'une contamination par le virus du Sida causée par une transfusion sanguine (FIVC), institué par la loi n° 91-406 du 31 déc. 1991.
(65) V. Cl. Lienhard, « Aperçu rapide sur la protection juridique des victimes d'attentats et du terrorisme », JCP, 1996, Actualités, n° 51-52.
(66) « Terrorisme, crimes contre l'humanité et Cour pénale internationale », Livre noir, Recueil préparatoire des contributions, Colloque organisé par l'association SOS Attentats, Ass. nat., 5 févr. 2002, p. 111.
(67) Décr. n° 2002-925 du 6 juin 2002, portant publication de la Convention portant statut de la Cour pénale internationale, adoptée à Rome le 17 juill. 1998 (JO, 11 juin 2002, p. 10327). V. notamment : F. Rubio et S. Moghaddassi, « Les garanties juridictionnelles devant la Cour pénale internationale », Petites Affiches, 2001, n° 170, pp. 4-14.
(68) Par ex., une attaque intentionnelle dans le seul but de semer la terreur est contraire aux principes du droit international humanitaire : articles 8 (2) a (i), 8 (2) b (I), 8 (2) c (i) et 8 (2) e (i) du statut de Rome relatif à la Cour pénale internationale.
(69) La liste des crimes contre l'humanité contenue à l'article 7 (1) (a-k) du statut de Rome vise ainsi le meurtre, l'extermination, la réduction en esclavage, la déportation ou le transfert forcé de population, certaines formes d'emprisonnement ou de privation de liberté, la torture, certains crimes de nature sexuelle, la persécution au sens du statut, les disparitions forcées, l'apartheid... Sur cette question, v. M. Delmas-Marty, « A crime global, justice globale », Le Monde, 30 janv. 2002.
(70) Ainsi, pour Me F. Szpiner, « l'urgence n'est pas de trouver une juridiction, l'urgence est de définir une incrimination qui d'une part, s'impose à tous les États qui devront juger, arrêter ou extrader les auteurs de ces crimes et d'autre part, mettre fin aux immunités des chefs d'États et de gouvernement ». Le même auteur propose ainsi l'adoption d'une convention internationale globale sur la répression du terrorisme reprenant la solution retenue par le droit français concernant les États où règne la paix civile, mais élargie aux nations dans des situations de conflit armé, dans les termes suivants : « Tout meurtre, acte de torture, ou de barbarie, prise d'otages, destruction d'édifices habités ou servant à l'habitation, détournement d'aéronefs commis individuellement ou collectivement dans le but de troubler gravement la paix publique par l'intimidation ou la terreur est un acte de terrorisme. Quand ces actes ont lieu dans une situation de conflit armé, s'ils visent des personnes civiles, ils constituent un acte de terrorisme. Toute personne qui fournit aide et assistance à la commission de ces crimes est complice d'actes de terrorisme. »
(71) Soit que la procédure a été engagée dans le dessein de soustraire la personne concernée à sa responsabilité pénale, soit que la procédure a subi un retard justifié, soit que la procédure n'a pas été menée de manière indépendante ou impartiale (statut de la CPI, art. 17, 18 et 19).
(72) L'institution au sein de la Cour de justice des Communautés européennes (CJCE) d'une chambre criminelle pourrait, au moins en ce qui concerne les États membres, suppléer cette lacune. V. la proposition de résolution présentée par M. P. Fauchon, sénateur, au nom de la délégation pour l'Union européenne, sur le Livre vert sur la protection pénale des intérêts financiers communautaires et la création d'un « procureur européen » (Doc. Sénat, n° 288, session ordinaire 2001-2002). On se reportera à cet égard à l'analyse de M. Robert, « La recommandation 2000 (19) du Conseil de l'Europe sur les principes directeurs pour les ministères publics d'Europe », Rev. sc. crim. janv.-mars 2002, ainsi qu'à la très convaincante présentation de M. J.-F. Kriegk, « Le livre vert sur le ministère public européen : une avancée décisive dans la construction d'un espace judiciaire intégré », Gaz. Pal., 5-6 févr. 2003, pp. 2-8.