Page

Droit de grève et liberté syndicale dans la jurisprudence constitutionnelle : des libertés « particulières » ?

Laurence GAY - Chargée de recherches au CNRS, UMR 7318 DICE, Aix-Marseille Université, Institut Louis Favoreu-GERJC

Nouveaux Cahiers du Conseil constitutionnel n° 45 (Le Conseil constitutionnel et le droit social) - octobre 2014

Résumé : Le droit de grève et la liberté syndicale constituent des modes légaux d'expression des conflits sociaux et leur réglementation engage en cela le choix d'un modèle d'Etat social. Il en résulte des particularismes, que leur affirmation comme droits de l'homme en général et droits constitutionnels en particulier n'a fait qu'atténuer.
Ainsi, des régimes d'interdiction perdurent, validés quant à leur principe par le Conseil constitutionnel ; l'articulation entre les dimensions individuelle et collective de ces droits peut aussi se révéler délicate. Par ailleurs, leur exercice est confronté à de nouveaux défis, qu'il s'agisse de la volonté du législateur d'atténuer l'impact nuisible des grèves ou de mieux asseoir la légitimité de l'action syndicale. Le rôle du juge constitutionnel est alors de garantir le respect des droits d'action collective des travailleurs, sans faire obstacle aux évolutions de leur régime nécessaires pour accompagner les mutations du monde économique et, en définitive, assurer leur efficacité.


La « nature particulière » du droit de grève, qui est consacré au septième alinéa du Préambule de 1946(1), a été affirmée par une décision du Conseil constitutionnel de 2007(2). La formule fait spontanément penser à la définition de ce droit comme un pouvoir de nuisance qui « vient contrarier, bousculer, contredire les autres droits »(3). Le considérant en cause répondait en fait à une critique du monopole syndical de déclenchement de la grève dans le service public, portant donc sur la double dimension individuelle et collective du droit. Cette caractéristique est alors partagée avec la liberté syndicale, reconnue par le sixième alinéa du Préambule de 1946(4). On peut enfin songer à une dernière particularité affectant, non pas tant le droit lui-même que sa formulation dans l’alinéa 7, formulation célèbre selon laquelle il « s’exerce dans le cadre des lois qui le réglementent ».

Le renvoi à la loi, sans équivalent dans le Préambule de 1946, devait permettre au Parlement d’en prévoir ou non le bénéfice par tout ou partie des fonctionnaires(5). On sait le dilemme qui s’ouvrait ainsi dans l’interprétation de la disposition : l’exercice licite du droit de grève devait-il être subordonné ou non à l’intervention des textes annoncés ? On connaît aussi la réponse négative à cette question apportée tant par la Cour de cassation(6) que par le Conseil d’État(7). Inversement, à partir du moment où le respect de l’alinéa 7 a été contrôlé par le juge constitutionnel, celui-ci allait-il affirmer la compétence exclusive de la loi pour réglementer l’exercice de la grève ? Cette interprétation absolutiste du renvoi à la loi n’a pas non plus été retenue. Le Préambule est plus simplement considéré comme consacrant une réserve de compétence législative, c’est-à-dire une compétence originaire de la loi pour déterminer les conditions de mise en œuvre du droit et, en particulier, ses limitations. Cela n’exclut pas pour autant le renvoi par la loi, pour préciser les modalités des règles qu’elle a fixées, à la compétence réglementaire ou même à la convention collective – ce qui constitue alors l’exercice du droit des travailleurs de participer, par l’intermédiaire de délégués, à la détermination collective des conditions de travail, inscrit à l’alinéa 8(8). En définitive, l’apparente spécificité qui résultait de la formulation de l’alinéa 7 a été, selon nous, totalement gommée, le droit de grève rejoignant le droit commun des droits fondamentaux quant à la répartition des compétences entre autorités normatives pour en règlementer l’exercice(9).

Appliqué pour la première fois par le Conseil constitutionnel en 1979(10), l’alinéa 7 apparaît dans six décisions(11) de façon conjointe avec l’alinéa 6 sur la liberté syndicale, dont la première application date pour sa part de 1981(12). Cette combinaison des normes n’a évidemment rien pour surprendre : la grève est souvent initiée, encadrée, par les syndicats et demeure l’une des principales actions collectives à leur disposition pour défendre les droits et intérêts des travailleurs. L’exercice de ces deux libertés, naturellement reconnues applicables dans le cadre de la QPC(13), peut être entravé non seulement par les pouvoirs publics, comme l’a longtemps illustré la répression pénale des coalitions, mais aussi par l’employeur. La matière implique donc une relation triangulaire État-travailleur-employeur (quand ce dernier n’est pas l’État lui-même), qui en fait un des domaines privilégiés de l’effet direct des droits fondamentaux ou, plus exactement, des obligations d’aménagement et de protection de l’État : ce dernier doit non seulement aménager les modalités d’exercice du droit de grève et de la liberté syndicale mais aussi en protéger l’exercice contre des atteintes par les tiers. La conflictualité sociale, dont les deux droits constituent un mode d’expression légal, s’invite ainsi dans le prétoire du juge constitutionnel. On sait que les différents États ont historiquement choisi des modèles de régulation de cette conflictualité, et donc d’exercice des droits en cause, assez différents. L’affirmation de droits de l’homme en la matière joue en faveur d’une harmonisation, qu’illustrent au plan européen les efforts interprétatifs de la Cour européenne des droits de l’homme concernant l’article 11 de la Convention de 1950 sur la liberté syndicale. Que reste-t-il de ce particularisme dans le contentieux constitutionnel français ? C’est à partir de cette question que nous essaierons de présenter, de façon nécessairement non exhaustive, la jurisprudence développée par le Conseil depuis une trentaine d’années sur le fondement des alinéas 6 et 7 du Préambule de 1946. Dans cette optique, il paraît utile de revenir, quant à la nature des droits, sur leur double dimension de libertés individuelles dont l’exercice est collectif ; quant à leur régime, sur la liberté d’appréciation que ménagent les normes constitutionnelles en faveur du législateur dans le choix d’un modèle de régulation des relations collectives de travail respectueux des droits des travailleurs.

I – La nature du droit de grève et de la liberté syndicale : libertés individuelles et actions collectives

Si l’affirmation du droit de grève et de la liberté syndicale dans la Constitution et les textes internationaux de sauvegarde des droits de l’homme plaide en faveur de leur universalité, la réalité se révèle plus nuancée. On relève donc un premier particularisme de ces droits, considérés ici dans leur seule dimension individuelle – indépendamment des droits propres des syndicats –, particularisme tenant à des régimes d’interdiction mettant en échec l’universalité. Un second particularisme réside précisément dans la nécessité d’articuler cette dimension individuelle avec la dimension collective des droits.

Selon le sixième alinéa du Préambule de 1946, la liberté syndicale est garantie à « tout homme ». Quant au septième alinéa, il ne comporte en définitive aucune restriction expresse. Les deux libertés sociales ont donc bien vocation à l’universalité. À l’encontre de la conception originaire, elles ne sont pas cantonnées au travail subordonné de droit privé. Par exemple, dans le cadre de la QPC, le Conseil constitutionnel a appliqué l’alinéa 6 aux professionnels de santé exerçant à titre libéral(14). Par ailleurs, et en diverses occasions, il s’est assuré que le législateur avait posé le cadre normatif permettant à des catégories données de travailleurs de bénéficier du droit de grève et/ou de la liberté syndicale(15).

Par exemple, une QPC a permis d’examiner la situation particulière des agents contractuels des administrations publiques en Nouvelle-Calédonie, lesquels relèvent en principe du code du travail propre à cette collectivité. Toutefois, un article les soustrayait du champ des dispositions du code relatives au droit d’expression des salariés, à l’exercice du droit syndical, aux institutions représentatives du personnel et aux salariés protégés. Le Conseil prononce une censure après avoir constaté qu’aucune autre disposition législative n’assure « la mise en œuvre, pour ces agents, de la liberté syndicale et du principe de participation des travailleurs »(16). Il y avait en effet omission du législateur de Nouvelle-Calédonie à garantir le bénéfice de ces droits constitutionnels à toute une catégorie de travailleurs. En revanche, le grief d’atteinte à l’égalité est rejeté à titre liminaire car il est loisible au législateur « d’adopter des dispositions particulières applicables aux agents des administrations publiques salariés dans les conditions du droit privé »(17) s’agissant de ces droits. L’emploi dans le secteur public constitue donc bien pour le juge constitutionnel une spécificité de nature à justifier un traitement juridique différencié. Or, cette spécificité va, comme on le sait, jusqu’à des régimes d’interdiction du droit de grève et de la liberté syndicale à certains fonctionnaires et agents de l’État.

Aucune affaire n’a conduit à aborder à ce jour la question de la privation de liberté syndicale(18). En revanche, dès 1979, la première décision sur le droit de grève affirmait que les limitations à ce droit « peuvent aller jusqu’à (son) interdiction ( ) aux agents dont la présence est indispensable pour assurer le fonctionnement des éléments du service dont l’interruption porterait atteinte aux besoins essentiels du pays »(19). Par cette formule, réitérée depuis bien qu’aucun régime d’interdiction n’ait été déféré au Conseil(20), ce dernier apparaît comme l’héritier d’une culture juridique ayant postulé une irréductible différence entre sphères privée et publique, salariés de droit privé et fonction publique. Pourtant, bien des auteurs ont relevé le brouillage de cette distinction, une rupture étant intervenue dès 1946 avec l’apparition du « socle constitutionnel commun que constituent la liberté syndicale, le droit de participation et le droit de grève »(21). Il y a, en effet, une logique d’unification propre aux droits fondamentaux, précisément en ce qu’ils ont vocation à s’appliquer à tous. À défaut d’indication dans le Préambule de 1946, on rappellera que les principaux textes internationaux auxquels la France est partie reconnaissent certes la possibilité de règles particulières pour la fonction publique, dans la police et les forces armées en particulier(22). Néanmoins, toute restriction à un droit, a fortiori tout régime d’interdiction, doit être strictement justifiée(23). Or, le Conseil constitutionnel a tendance à céder à une justification formelle des différenciations de traitement juridique, fondées sur des différences de situation plus souvent présumées que démontrées. Ainsi, dans la décision de 2011 sur la Nouvelle-Calédonie, on peut se demander « en quoi consistait cette différence de situation qui justifie, au regard de la liberté syndicale et du principe de participation en particulier »(24), que la loi de pays puisse instituer des règles distinctes pour les agents publics contractuels et les salariés de droit privé.

La décision de 2013 sur le travail des détenus, la seule à ce jour portant sur un régime d’interdiction, illustre aussi ce caractère parfois formel du raisonnement du Conseil constitutionnel. Celui-ci était saisi de la disposition du code de procédure pénale selon laquelle « les relations de travail des personnes incarcérées ne font pas l’objet d’un contrat de travail »(25). Or, cette absence de contrat de travail exclut simultanément les détenus du bénéfice des droits collectifs que sont le droit de grève, la liberté syndicale et le droit à la participation. La QPC critiquait donc une omission à établir un régime juridique garantissant la jouissance de droits constitutionnels(26). Or, la décision objecte que les dispositions contestées, « qui se bornent à prévoir que les relations de travail des personnes incarcérées ne font pas l’objet d’un contrat de travail, ne portent, en elles-mêmes, aucune atteinte aux principes énoncés par le Préambule de 1946 ; qu’elles ne méconnaissent pas davantage le principe d’égalité ( ) »(27). Le Conseil semble limiter son contrôle au contenu positif de la disposition – l’absence de contrat de travail –, en éludant son contenu implicite – la privation de droits constitutionnels. Or, c’est ce contenu implicite qui était en cause et l’on comprend mal qu’une disposition privant une catégorie donnée de personnes du bénéfice de droits constitutionnels, puisse ne pas porter d’atteinte aux normes garantissant ces droits à toute personne. Sur le terrain de l’égalité, on conçoit que les contraintes de la situation carcérale, liées en particulier au maintien de la sécurité et du bon ordre des établissements(28), justifient un aménagement spécifique des libertés concernées. En revanche, en quoi leur interdiction pure et simple est-elle proportionnée au regard de ces contraintes ? La décision ne l’explique pas. Cette « dérobade »(29) révèle sans doute une gêne face à cette particularité des régimes d’interdiction, contraire à la logique intrinsèque des droits fondamentaux. À cette première singularité s’ajoute la nécessité, qui peut être difficulté, de concilier les dimensions collective et individuelle du droit de grève et de la liberté syndicale.

A - Des libertés individuelles : universalité contre régimes d’interdiction

Selon le sixième alinéa du Préambule de 1946, la liberté syndicale est garantie à « tout homme ». Quant au septième alinéa, il ne comporte en définitive aucune restriction expresse. Les deux libertés sociales ont donc bien vocation à l’universalité. À l’encontre de la conception originaire, elles ne sont pas cantonnées au travail subordonné de droit privé. Par exemple, dans le cadre de la QPC, le Conseil constitutionnel a appliqué l’alinéa 6 aux professionnels de santé exerçant à titre libéral(14). Par ailleurs, et en diverses occasions, il s’est assuré que le législateur avait posé le cadre normatif permettant à des catégories données de travailleurs de bénéficier du droit de grève et/ou de la liberté syndicale(15).

Par exemple, une QPC a permis d’examiner la situation particulière des agents contractuels des administrations publiques en Nouvelle-Calédonie, lesquels relèvent en principe du code du travail propre à cette collectivité. Toutefois, un article les soustrayait du champ des dispositions du code relatives au droit d’expression des salariés, à l’exercice du droit syndical, aux institutions représentatives du personnel et aux salariés protégés. Le Conseil prononce une censure après avoir constaté qu’aucune autre disposition législative n’assure « la mise en œuvre, pour ces agents, de la liberté syndicale et du principe de participation des travailleurs »(16). Il y avait en effet omission du législateur de Nouvelle-Calédonie à garantir le bénéfice de ces droits constitutionnels à toute une catégorie de travailleurs. En revanche, le grief d’atteinte à l’égalité est rejeté à titre liminaire car il est loisible au législateur « d’adopter des dispositions particulières applicables aux agents des administrations publiques salariés dans les conditions du droit privé »(17) s’agissant de ces droits. L’emploi dans le secteur public constitue donc bien pour le juge constitutionnel une spécificité de nature à justifier un traitement juridique différencié. Or, cette spécificité va, comme on le sait, jusqu’à des régimes d’interdiction du droit de grève et de la liberté syndicale à certains fonctionnaires et agents de l’État.

Aucune affaire n’a conduit à aborder à ce jour la question de la privation de liberté syndicale(18). En revanche, dès 1979, la première décision sur le droit de grève affirmait que les limitations à ce droit « peuvent aller jusqu’à (son) interdiction ( ) aux agents dont la présence est indispensable pour assurer le fonctionnement des éléments du service dont l’interruption porterait atteinte aux besoins essentiels du pays »(19). Par cette formule, réitérée depuis bien qu’aucun régime d’interdiction n’ait été déféré au Conseil(20), ce dernier apparaît comme l’héritier d’une culture juridique ayant postulé une irréductible différence entre sphères privée et publique, salariés de droit privé et fonction publique. Pourtant, bien des auteurs ont relevé le brouillage de cette distinction, une rupture étant intervenue dès 1946 avec l’apparition du « socle constitutionnel commun que constituent la liberté syndicale, le droit de participation et le droit de grève »(21). Il y a, en effet, une logique d’unification propre aux droits fondamentaux, précisément en ce qu’ils ont vocation à s’appliquer à tous. À défaut d’indication dans le Préambule de 1946, on rappellera que les principaux textes internationaux auxquels la France est partie reconnaissent certes la possibilité de règles particulières pour la fonction publique, dans la police et les forces armées en particulier(22). Néanmoins, toute restriction à un droit, a fortiori tout régime d’interdiction, doit être strictement justifiée(23). Or, le Conseil constitutionnel a tendance à céder à une justification formelle des différenciations de traitement juridique, fondées sur des différences de situation plus souvent présumées que démontrées. Ainsi, dans la décision de 2011 sur la Nouvelle-Calédonie, on peut se demander « en quoi consistait cette différence de situation qui justifie, au regard de la liberté syndicale et du principe de participation en particulier »(24), que la loi de pays puisse instituer des règles distinctes pour les agents publics contractuels et les salariés de droit privé.

La décision de 2013 sur le travail des détenus, la seule à ce jour portant sur un régime d’interdiction, illustre aussi ce caractère parfois formel du raisonnement du Conseil constitutionnel. Celui-ci était saisi de la disposition du code de procédure pénale selon laquelle « les relations de travail des personnes incarcérées ne font pas l’objet d’un contrat de travail »(25). Or, cette absence de contrat de travail exclut simultanément les détenus du bénéfice des droits collectifs que sont le droit de grève, la liberté syndicale et le droit à la participation. La QPC critiquait donc une omission à établir un régime juridique garantissant la jouissance de droits constitutionnels(26). Or, la décision objecte que les dispositions contestées, « qui se bornent à prévoir que les relations de travail des personnes incarcérées ne font pas l’objet d’un contrat de travail, ne portent, en elles-mêmes, aucune atteinte aux principes énoncés par le Préambule de 1946 ; qu’elles ne méconnaissent pas davantage le principe d’égalité ( ) »(27). Le Conseil semble limiter son contrôle au contenu positif de la disposition – l’absence de contrat de travail –, en éludant son contenu implicite – la privation de droits constitutionnels. Or, c’est ce contenu implicite qui était en cause et l’on comprend mal qu’une disposition privant une catégorie donnée de personnes du bénéfice de droits constitutionnels, puisse ne pas porter d’atteinte aux normes garantissant ces droits à toute personne. Sur le terrain de l’égalité, on conçoit que les contraintes de la situation carcérale, liées en particulier au maintien de la sécurité et du bon ordre des établissements(28), justifient un aménagement spécifique des libertés concernées. En revanche, en quoi leur interdiction pure et simple est-elle proportionnée au regard de ces contraintes ? La décision ne l’explique pas. Cette « dérobade »(29) révèle sans doute une gêne face à cette particularité des régimes d’interdiction, contraire à la logique intrinsèque des droits fondamentaux. À cette première singularité s’ajoute la nécessité, qui peut être difficulté, de concilier les dimensions collective et individuelle du droit de grève et de la liberté syndicale.

B - La nécessaire articulation entre les dimensions individuelle et collective des droits

La conception des droits constitutionnels des travailleurs comme étant d’abord des libertés individuelles débouchant sur une action collective reste bien ancrée en France. S’agissant de la liberté syndicale, son exercice aboutit à faire coexister deux acteurs : le travailleur, syndiqué ou non, puis le syndicat lui-même, qui va être doté de prérogatives propres. Une décision de 1983 abordait déjà l’articulation entre ces deux dimensions, lors de l’examen d’une disposition prévoyant une négociation d’entreprise sur les conditions dans lesquelles pourrait être facilitée la collecte des cotisations syndicales. Le Conseil avait précisé qu’une telle disposition « ne saurait permettre que soit imposé, en droit ou en fait, directement ou indirectement, l’adhésion ou le maintien de l’adhésion des salariés d’une entreprise à une organisation syndicale »(30). On a considéré à juste titre qu’une telle réserve visait à préserver la dimension négative de la liberté individuelle syndicale(31), consistant dans le fait de ne pas adhérer à un syndicat ou de s’en retirer. Autrement dit, les facilités accordées à un syndicat, favorables à la dimension collective de la liberté, ne doivent pas aboutir à méconnaître sa dimension individuelle, en l’occurrence négative.

Plus récemment, le Conseil constitutionnel a dû se prononcer sur le rôle reconnu aux syndicats dans le déclenchement de la grève dans le service public, l’opposition individuel/collectif ne concernant plus deux aspects de la liberté syndicale mais cette dernière et le droit de grève. Le refus « d’une conception organique de la grève », et son affirmation corrélative comme un droit individuel, ont pu être décrits comme une « singularité du droit français »(32). Comme on le sait, à partir de 1963, la loi a néanmoins prévu que, dans les services publics, la grève est précédée d’un préavis émanant d’une organisation syndicale représentative(33). La loi de 2007 sur la continuité du service public dans les transports terrestres réguliers de voyageurs a subordonné le dépôt du préavis dans le secteur à une négociation préalable entre l’employeur et les organisations syndicales représentatives qui envisagent ce dépôt ; pour favoriser la négociation, le délai entre l’information sur l’intention de faire grève et le début d’un éventuel mouvement est par ailleurs porté de 5 à 13 jours. C’est à cette occasion que le Conseil constitutionnel a affirmé « la nature particulière du droit de grève », qui autorise le législateur à confier aux syndicats représentatifs « des prérogatives particulières relatives au déclenchement de la grève »(34). Ces prérogatives s’analysent en l’occurrence comme une faculté exclusive de déclencher la grève, la Haute juridiction ouvrant donc la porte à une définition en partie organique de celle-ci. En effet, pour autant que le législateur le prévoit, la cessation de travail ne peut pas intervenir à l’initiative de travailleurs hors du cadre syndical. Le caractère individuel du droit de grève est alors préservé par le fait (et réduit au fait) que ce rôle syndical « laisse entière la liberté de chaque salarié de décider personnellement de participer ou non à celle-ci »(35).

On signalera que la loi de 2008 instituant un droit d’accueil pour les élèves des écoles maternelles et élémentaires a institué un mécanisme similaire avec, comme dans les transports terrestres, une obligation de déclaration préalable à l’employeur, par les travailleurs, de leur intention de participer à la grève. Une nouveauté dans le texte de 2008 est qu’il permet à l’État et aux organisations représentatives, au cours de la négociation préalable à la grève, de « s’entendre sur les modalités selon lesquelles ces déclarations préalables sont portées à la connaissance de l’autorité administrative ». Le Conseil a précisé qu’un tel accord « ne saurait conduire à ce que la transmission de ces déclarations soit assurée par les organisations syndicales ni avoir pour effet d’entraver la liberté de chaque enseignant de décider personnellement de participer ou non à la grève »(36). Cette réserve vise à l’évidence à éviter les pressions syndicales sur les travailleurs. Elle témoigne aussi de ce que l’acceptation du rôle syndical dans le déclenchement de la grève, pour ouvrir à une conception plus organique de celle-ci, n’en consacre en rien l’exclusivité. Le juge constitutionnel entend que soit sauvegardée la liberté de chacun de se joindre ou non au mouvement.

À travers ces différentes décisions abordant l’articulation entre les dimensions individuelle et collective des droits, la ligne de démarcation suivante semble se dégager. Qu’il s’agisse d’adhérer à un syndicat ou pas, de participer à mouvement collectif ou pas, c’est un choix individuel qui est en cause, soit la liberté d’opinion qui préside à l’exercice même par l’individu de ses droits de travailleur ; le Conseil proscrit alors toute restriction, directe ou indirecte, qui pourrait l’affecter. Quant au dépôt du préavis, il relève des modalités d’exercice de la grève et cet exercice – particularité de la matière – est nécessairement collectif : ce constat a sans doute paru justifier, pour la Haute juridiction, de confier le dépôt du préavis à un collectif, le syndicat représentatif. Si l’on peut y voir une entorse à la conception traditionnelle de la grève en France, la Haute juridiction aura jugé qu’une telle conception ne ressort pas avec clarté du Préambule et ne peut donc être imposée au législateur. En effet, même si droit de grève et liberté syndicale ont valeur constitutionnelle et doivent donc être respectés par le législateur, ils se situent au cœur de politiques de régulation des relations et conflits sociaux, dont on sait qu’elles varient fortement d’un pays à l’autre. Dans la détermination de leur régime, le juge constitutionnel est donc confronté à la question de savoir de quelle liberté le législateur dispose pour modeler les politiques en cause sans porter atteinte à la Constitution.

II – Le régime du droit de grève et de la liberté syndicale : quelle liberté législative de régulation du social ?

Malgré les liens unissant les deux principes, les questions suscitées par leur aménagement législatif diffèrent assez largement. On les étudiera donc successivement.

A - L’aménagement du droit de grève

À deux reprises, en 1979 et en 1987, le Conseil constitutionnel a constaté une violation du droit de grève, qui était confronté au principe de continuité du service public. En 1987, la décision validait le principe du trentième indivisible, c’est-à-dire une retenue minimale correspondant à un trentième du traitement mensuel des fonctionnaires, même si le mouvement a duré moins d’une journée. Elle considérait néanmoins que son application aux agents autres que ceux de l’État et de ses EPA, sans prendre en compte « ni la nature des divers services concernés, ni l’incidence dommageable que peuvent revêtir pour la collectivité les cessations concertées du travail, pourrait, dans nombre de cas, porter une atteinte injustifiée à l’exercice du droit de grève »(37). Dans la décision de 1979, la Haute juridiction avait déjà censuré une disposition permettant aux présidents des sociétés de radio et télévision publiques de requérir le personnel nécessaire à l’accomplissement de la généralité des missions assignées par la loi à ces sociétés. Les moyens étaient ainsi donnés aux présidents de faire assurer, non un service minimum, mais un service normal et donc, « de faire obstacle à l’exercice du droit de grève dans des cas où son interdiction n’apparaît pas justifiée au regard des principes de valeur constitutionnelle »(38). Seul est acceptable ici un service minimum, ce que le Conseil a de nouveau admis dans une décision de 1986(39). On peut toutefois s’interroger sur l’incidence de l’écoulement du temps, et des divers changements sociétaux qui l’accompagnent, sur la constitutionnalité de ces restrictions. Dans le cas de l’audiovisuel public, la diversification des moyens d’information comme de divertissement permet-elle de considérer qu’un tel service minimum, toujours en vigueur, correspond encore aux besoins du pays ?

Les décisions plus récentes, portant sur trois lois adoptées entre 2007 et 2012, n’ont pas permis de préciser plus avant le fondement du service minimum, faute pour les textes en cause d’en instituer un, malgré la présentation médiatique qui en a souvent été faite. Les dispositifs concernés visaient respectivement les transports terrestres réguliers de voyageurs, les écoles maternelles et élémentaires, puis enfin les entreprises de transport aérien de passagers. Si la place manque pour les présenter en détail, on rappellera leurs principaux points communs. Tout d’abord, ils développent une approche préventive, en imposant (sauf dans le transport aérien où cela reste une faculté) une négociation préalable à la grève. Ensuite, le délai maximal entre la déclaration d’intention de recourir à la grève et son déclenchement éventuel est porté à 13 jours. Enfin, pour permettre à l’employeur de s’organiser et de diminuer l’impact du mouvement sur le service à l’usager/client dans les transports, ou d’organiser l’accueil des élèves par des agents communaux dans les écoles, certains personnels(40) doivent déclarer leur intention d’y participer 48 heures à l’avance. Rappelons que seule la loi de 2012 vise uniquement l’arrêt de travail consécutif à une grève et qu’elle est aussi la seule des trois à ne pas concerner que des services publics.

Dans les décisions de 2007 et 2008, le Conseil constitutionnel a validé le délai maximal de 13 jours avant le déclenchement d’une grève, compte tenu de l’obligation d’une négociation préalable. Il a relevé qu’il s’agissait de laisser du temps pour une négociation effective d’une part, et en cas d’échec, pour que l’autorité administrative s’organise d’autre part(41). Plus délicate était sans doute l’obligation de déclaration préalable à l’employeur. On a craint qu’elle n’ouvre la porte à des pressions sur les futurs grévistes. Dans les décisions de 2007 et de 2012, le Conseil l’a cependant validée en relevant qu’elle ne concerne pas l’ensemble des personnels et que les sanctions qui peuvent accompagner sa méconnaissance n’ont pas d’incidence sur le caractère licite de la grève(42). Il a souligné que cette obligation de déclaration préalable « ne s’oppose pas à ce qu’un salarié rejoigne un mouvement de grève déjà engagé et auquel il n’avait pas initialement l’intention de participer, ou auquel il aurait cessé de participer, dès lors qu’il en informe son employeur au plus tard 48 heures à l’avance »(43). Sans constituer formellement une réserve, cette précision importait car elle indique l’interprétation de la loi la plus respectueuse de la liberté de choix du travailleur. En application de la loi de 2007, la RATP avait adopté un texte ayant au contraire pour effet d’obliger ses employés à choisir de se joindre ou non à un mouvement dès son commencement ; le Conseil d’État l’a donc annulé(44).

En définitive, malgré les contestations suscitées, les trois lois ont été validées. Leur ambiguïté est qu’elles prétendent réduire les nuisances des grèves, qui en constituent le principe-même. Cela étant, l’effet d’affichage politique écarté, elles ne contiennent d’aménagements que mesurés de l’exercice concret du droit de grève. La volonté de promouvoir la négociation, à laquelle il faut bien laisser un minimum de temps, instille un élément de consensus dans un paysage français réputé très conflictuel. En cela, on se situait bien au cœur du choix législatif d’un modèle de régulation du social, sans atteinte portée aux droits constitutionnels. La question de ce choix se retrouve avec l’aménagement de la liberté syndicale.

B - L’aménagement de la liberté syndicale

La plupart des décisions concernent ici les conditions et limites d’exercice de l’activité syndicale, soit l’aspect collectif de la liberté. Les syndicats sont au cœur de la démocratie sociale ; une de leurs fonctions décisives est de participer à la négociation collective, qui en est le mode d’expression privilégié. À la faveur des réformes de ces dernières années, l’alinéa 6 du Préambule de 1946 a d’ailleurs souvent été invoqué et appliqué de façon combinée avec l’alinéa 8 sur le principe de participation à la détermination collective des conditions de travail. Dans une décision de 1996, le Conseil constitutionnel avait considéré que ces deux dispositions confèrent « aux organisations syndicales vocation naturelle à assurer, notamment par la voie de la négociation collective, la défense des droits et intérêts des travailleurs »(45). Sans consacrer le monopole syndical en la matière, il n’avait admis la participation à la négociation de salariés élus ou mandatés, que prévoyait le texte, que si « leur intervention n’a ni pour objet ni pour effet de faire obstacle à celle des organisations représentatives »(46).

Plus récemment, des QPC ont permis à la Haute juridiction de se prononcer sur certains aspects du nouveau régime de représentativité instauré par la loi du 20 août 2008 portant rénovation de la démocratie sociale. Elle a fait valoir que la définition de critères de représentativité syndicale est une façon de mettre en œuvre le droit à participation des travailleurs. Puis elle a validé le principe d’une représentativité fondée notamment sur les résultats aux élections professionnelles, soulignant que « la liberté d’adhérer au syndicat de son choix n’impose pas que tous les syndicats soient reconnus comme étant représentatifs indépendamment de leur audience »(47). La décision valide enfin le seuil de 10 % des suffrages exprimés. Deux remarques peuvent être faites. Quant au principe même de syndicats représentatifs auxquels est réservé l’exercice de certaines prérogatives(48), il paraît compatible avec l’alinéa 6 dès lors que tous les syndicats conservent par ailleurs des moyens de défense suffisants des droits et intérêts des travailleurs. Quant aux critères de représentativité, ils paraissent relever assez largement du pouvoir discrétionnaire du législateur, sauf à violer de façon flagrante un principe constitutionnel(49).

Un autre axe du contentieux porte sur la protection des représentants syndicaux et représentants élus du personnel, protection dont il était affirmé dès 1988 qu’elle « découle d’exigences constitutionnelles »(50). Dans une décision de 2011, il était argué que les dispositions sur la réorientation professionnelle des fonctionnaires, position qui peut déboucher sur une mesure de mise en disponibilité ou d’admission à la retraite, méconnaissaient ces exigences. En effet, les fonctionnaires investis de fonctions représentatives, syndicales ou non, peuvent être placés dans une telle position sans que le texte ne prévoie de garantie particulière. Le Conseil a rejeté le grief d’atteinte à la liberté syndicale ou au principe de participation au motif essentiellement qu’il existe une protection statutaire des fonctionnaires dont bénéficient ceux qui sont investis d’une fonction représentative ; et que le juge administratif devra s’assurer que les mesures prises à leur encontre ne le sont pas en raison de cette fonction(51). Pourtant, si la protection des responsables syndicaux est une obligation découlant d’exigences constitutionnelles – l’alinéa 6 –, il revient bien au législateur de poser les principes généraux d’une telle protection, comme il l’a fait pour les salariés de droit privé(52). Le raisonnement tenu, qui rejette par ailleurs le grief d’incompétence négative(53), nous paraît donc peu convaincant.

La décision de 2012 sur les salariés protégés au titre d’un mandat extérieur à l’entreprise aboutit à une solution plus satisfaisante. Le Conseil y émet une réserve selon laquelle le salarié ne saurait « se prévaloir d’une telle protection dès lors qu’il est établi qu’il n’en a pas informé son employeur au plus tard lors de l’entretien préalable au licenciement »(54). Cette position préserve la protection du salarié, sans faire peser de charge excessive sur l’employeur. La thématique de la conciliation entre liberté syndicale et droits de l’employeur ou de tiers se retrouve au demeurant dans d’autres affaires(55). L’une remonte à 1989. Le Conseil y émettait de strictes réserves de façon à ce que la possibilité pour un syndicat d’ester en justice en faveur d’un salarié, sans mandat exprès de celui-ci, ne méconnaisse pas sa liberté personnelle(56). On peut aussi citer une décision de 2013 dans laquelle il valide la disposition subordonnant à un accord d’entreprise la définition des conditions dans lesquelles des publications et tracts de nature syndicale peuvent être mis à disposition soit sur un site syndical mis en place sur l’intranet de l’entreprise, soit par diffusion sur la messagerie électronique de l’entreprise. En l’absence d’accord, relève le juge, les syndicats conservent la possibilité de diffuser librement des informations sur les réseaux de communication au public en ligne, et les salariés celle d’y trouver cette information(57). Par ailleurs, en cas d’accord, la diffusion de l’information syndicale doit être compatible avec les exigences de bon fonctionnement du réseau informatique de l’entreprise, ne doit pas entraver l’accomplissement du travail, et doit préserver la liberté de choix des salariés d’accepter ou refuser un message(58). La décision conclut que la conciliation opérée entre liberté de communication des syndicats et liberté de l’employeur et des salariés n’est pas « manifestement déséquilibrée »(59). Sur ce sujet délicat et complexe de l’emploi des TIC dans l’action syndicale(60), la Haute juridiction a donc choisi la prudence. Si l’on peut regretter qu’elle taise certains éléments concrets en défaveur de la disposition(61), il n’est pas sûr pour autant que leur prise ne compte aurait fait pencher la balance du côté de l’inconstitutionnalité. En effet, favoriser l’action collective ne peut se faire au détriment des autres libertés ; liberté de l’employeur et liberté des salariés, que le Conseil vise sans plus de précision mais qui peut aussi être comprise ici comme leur liberté syndicale négative.

Cette affaire sur la communication électronique permet de rappeler à titre de conclusion que les droits d’action collective des travailleurs s’exercent dans un contexte de fortes mutations, non seulement techniques mais aussi économiques. Exposant ces mutations, le professeur Supiot appelait à les « revisiter »(62) dans un article de 2001. En définitive, la particularité de ces droits nous semble résider dans ce contexte d’exercice, et dans la conflictualité sous-jacente, bien plus que dans leur nature même. Il revient au Conseil constitutionnel d’assurer au droit de grève et à la liberté syndicale l’ensemble des garanties inhérentes à leur inscription dans le texte fondamental, sans faire obstacle à la possibilité pour le législateur de faire évoluer leur mise en œuvre en fonction des mutations précédemment rappelées. Les décisions récentes validant l’obligation d’une négociation préalable au déclenchement d’une grève, ou les nouveaux critères de représentativité syndicale, témoignent d’une marge d’appréciation non négligeable pour ce faire. Certaines ont pu décevoir. Dans son ensemble, néanmoins, la jurisprudence du Conseil constitutionnel nous paraît révélatrice d’une protection interne réelle des droits d’action collective, dans un contexte international beaucoup plus incertain. Soulignons par exemple que seule la liberté syndicale étant consacrée expressément dans la Convention européenne des droits de l’homme, la Cour de Strasbourg vient de refuser de faire du droit de grève un élément essentiel de cette liberté(63), contrairement à ce qu’elle avait consacré précédemment pour le droit à la négociation collective. En l’espèce, elle a aussi jugé que l’interdiction britannique des grèves de solidarité ne violait pas l’article 11(64). Un défi à venir sera donc bien de trouver de nouvelles formes d’expression de l’action collective des travailleurs, certes respectueuses des droits d’autrui, mais qui en sauvegardent l’efficacité.

(1) « Le droit de grève s’exerce dans le cadre des lois qui le réglementent ».

(2) Cons. const., 16 août 2007, n° 2007-556 DC, Loi sur le dialogue social et la continuité du service public dans les transports terrestres réguliers de voyageurs, cons. 13.

(3) P.-Y. Gahdoun, « Les aléas du droit de grève dans la Constitution », Dr. soc., 2014, p. 349.

(4) « Tout homme peut défendre ses droits et ses intérêts par l’action syndicale et adhérer au syndicat de son choix ».

(5) V. V. Ogier-Bernaud, Les droits constitutionnels des travailleurs, Economica-PUAM, 2003, spéc. pp. 64-65.

(6) Cass. soc., 28 juin 1951, Société d’impression sur étoffes du Grand Lemps et Maïseries de la Méditerranée, Dr. soc., 1951, p. 532.

(7) CE, Ass., 7 juillet 1950, Dehaene, RDP, 1950, p. 691, note M. Waline et conclusions Gazier.

(8) Cons. const., 16 août 2007, n° 2007-556 DC, préc., cons. 6 et 7.

(9) À l’exception du renvoi par la loi à la convention collective du soin de préciser les modalités d’application des règles qu’elle a fixées, lequel renvoi ne concerne que les principes fondamentaux du droit du travail et du droit syndical.

(10) Cons. const., 25 juillet 1979, n° 79-105 DC, Droit de grève à la radio et à la télévision.

(11) Cons. const., 19 et 20 janvier 1981, n° 80-127 DC, Sécurité et liberté ; Cons. const., 22 octobre 1982, n° 82-144 DC, Irresponsabilité pour faits de grève ; Cons. const., 28 avril 2005, n° 2005-514 DC, Loi relative à la création du registre international français ; Cons. const., 16 août 2007, n° 2007-556 DC, préc. ; Cons. const., 7 août 2008, n° 2008-569 DC, Loi instituant un droit d’accueil pour les élèves des écoles maternelles et élémentaires pendant le temps scolaire ; Cons. const., 14 juin 2013, n° 2013-320/321 QPC, M. Yacine T. et a.

(12) Cons. const., 19 et 20 janvier 1981, n° 80-127 DC, préc.

(13) Pour la liberté syndicale : Cons. const., 7 octobre 2010, n° 2010-42 QPC, CGT-FO et a. ; pour le droit de grève : Cons. const., 14 juin 2013, n° 2013-320/321 QPC, préc.

(14) Cons. const., 19 nov. 2010, n° 2010-68 QPC, Syndicat des médecins d’Aix et région.

(15) Cons. const., 28 avril 2005, n° 2005-514 DC, préc_._, cons. 18. Autre exemple, dans une décision du 11 avril 2014, une QPC visait une disposition par laquelle la loi avait renvoyé aux partenaires sociaux l’organisation du portage salarial. Le texte définissait la technique du portage et la rattachait au salariat, sans plus encadrer le pouvoir normatif des partenaires sociaux. La Haute juridiction constate que le législateur a méconnu l’étendue de sa compétence, affectant par là même l’exercice des droits collectifs (liberté syndicale et droit à la participation) des salariés portés : Cons. const., 11 avril 2014, n° 2014-388 QPC, CGT-FO et a.

(16) Cons. const., 9 déc. 2011, n° 2011-205 QPC, Patelise F., cons. 7. Pour une première application du principe de participation des travailleurs à des agents publics, v. déc. du 28 janvier 2011, n° 2010-91 QPC, Fédération nationale CGT des personnels des organismes sociaux.

(17) Cons. 6.

(18) Outre l’interdiction qui concerne les militaires en vertu de l’article L 4121-4, al. 1er, du code de la défense, l’interdiction s’applique aux préfets (art. 15 du décret n° 64-805 du 29 juillet 1964) et aux sous-préfets (art. 18 du décret n° 64-260 du 14 mars 1964). V. pour une tentative infructueuse de contester l’interdiction frappant les militaires au regard de la CEDH mais aussi au regard de la Constitution alors que la loi organique relative à l’application de l’article 61-1 de la Constitution n’avait pas encore été adoptée : CE, 11 décembre 2008, Association de défense des droits des militaires, publié.

(19) Cons. const., 25 juillet 1979, n° 79-105 DC, préc., cons. 1.

(20) Depuis 1958, trois régimes d’interdiction ont été adoptés ou confirmés par la loi, celui des personnels du service des transmissions du ministère de l’Intérieur, celui relatif aux ingénieurs des études et de l’exploitation de l’aviation civile et enfin celui des militaires.

(21) E. Marc et Y. Struillou, « Droit du travail et droit de la fonction publique : des influences réciproques à l’émergence d’un “droit de l’activité professionnelle” ? », RFDA, 2010, p. 1169.

(22) V. article 22 § 2 PIDCP (possibilité de restrictions légales de la liberté syndicale pour les membres des forces armées et de la police) ; article 8 § 2 PIDESC (possibilité de restrictions légales de la liberté syndicale et du droit de grève pour les membres des forces armées, de la police et de la fonction publique) ; article 11 § 2 CEDH (mêmes limitations que dans le PIDESC) ; article 5 de la CSE révisée pour la liberté syndicale (restrictions possibles pour la police et les forces armées). Seule la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne n’énonce pas de possibilité de telles restrictions (articles 12 et 28).

(23) Ce principe est rappelé par la Cour européenne des droits de l’homme dans son célèbre arrêt sur la liberté syndicale : CEDH, Gde ch., 12 novembre 2008, Demir et Baykara c. Turquie : selon la Cour, les restrictions prévues par le § 2 de l’article 11 appellent une interprétation stricte et doivent dès lors se limiter à l’exercice des droits en question, sans porter atteinte à l’essence même du droit de s’organiser (§ 96).

(24) L. Janicot, « QPC sur une loi du pays en Nouvelle-Calédonie », RFDA, 2012, p. 355.

(25) Article 717-3, al. 3 du code ; il est immédiatement ajouté qu’« il peut être dérogé à cette règle pour les activités exercées à l’extérieur des établissements pénitentiaires ».

(26) Étaient également invoquées une violation du principe de dignité humaine et une rupture de l’égalité.

(27) Cons. const., 14 juin 2013, n° 2013-320/321 QPC, préc_._, cons. 9.

(28) L’article 22 de la loi pénitentiaire du 24 novembre 2009 dispose en effet que l’exercice des droits des détenus « ne peut faire l’objet d’autres restrictions que celles résultant des contraintes inhérentes à la détention, du maintien de la sécurité et du bon ordre des établissements, de la prévention de la récidive et de la protection de l’intérêt des victimes ». La décision cite au demeurant cette disposition (cons. 7).

(29) L. Isidro et S. Slama, « La dérobade du Conseil constitutionnel face à l’ersatz de statut social du travailleur détenu » in Lettre « Actualités Droits-Libertés » du CREDOF, 25 juin 2013.

(30) Cons. const., 19 et 20 juillet 1983, n° 83-162 DC, Démocratisation du secteur public, cons. 85 ; le Conseil complétait sa réserve en ajoutant « qu’il appartiendrait à la direction des entreprises intéressées de refuser de souscrire à toute clause tendant à un tel résultat et, le cas échéant, aux juridictions compétentes, d’en prononcer l’annulation ou d’en interdire l’application ».

(31) Th. S. Renoux et M. de Villiers (dir.), Code constitutionnel, Lexis-Nexis, 5e éd., 2013, p. 331.

(32) J. Savatier, « La distinction de la grève et de l’action syndicale », Dr. soc., 1984, p. 53.

(33) Ces dispositions sont codifiées à l’article L. 2512-2 du code du travail : « Lorsque les personnels mentionnés à l’article L. 2512-1 exercent le droit de grève, la cessation concertée du travail est précédée d’un préavis.Le préavis émane d’une organisation syndicale représentative au niveau national, dans la catégorie professionnelle ou dans l’entreprise, l’organisme ou le service intéressé. ( ) ».

(34) Cons. const., 16 août 2007, n° 2007-556 DC, préc., cons. 13.

(35) Ibid.

(36) Cons. const., 7 août 2008, n° 2008-569 DC, préc., cons. 17.

(37) Cons. const., 28 juillet 1987, n° 87-230 DC, Amendement Lamassoure, cons. 12.

(38) Cons. const., 25 juillet 1979, préc., cons. 5.

(39) Cons. const., 18 septembre 1986, n° 86-217 DC, Liberté de communication, cons. 78 et 79.

(40) Il s’agit, en bref, des personnels dont la présence détermine directement l’offre de services pour la loi de 2007 et ceux dont l’absence est de nature à affecter directement la réalisation des vols pour la loi de 2012. En revanche, l’obligation de déclaration préalable prévue par la loi de 2008 concerne évidemment « toute personne exerçant des fonctions d’enseignement dans une école maternelle ou élémentaire publique ».

(41) Cons. const., 16 août 2007, n° 2007-556 DC, préc., cons. 11 ; Cons. const., 7 août 2008, n° 2008-569 DC, préc., cons. 9.

(42) Cons. const., 16 août 2007, n° 2007-556 DC, préc., cons. 29 ; Cons. const., 15 mars 2012, n° 2012-650 DC, Loi relative à l’organisation du service et à l’information des passagers dans les entreprises de transport aérien de passagers, cons. 7 et 9.

(43) Cons. const., 16 août 2007, n° 2007-556 DC, préc., cons. 29 ; Cons. const., 15 mars 2012, n° 2012-650 DC, préc., cons. 9.

(44) CE, 19 mai 2008, Syndicat Sud-RATP, publié.

(45) Cons. const., 6 novembre 1996, n° 96-383 DC, Négociation collective, cons. 8.

(46) Ibidem.

(47) Cons. const., 7 octobre 2010, n° 2010-42 QPC, préc_._, cons. 6. V. aussi Cons. const., 2010-63/64/65 QPC, 12 novembre 2010, Fédération nationale CFTC de syndicats de la métallurgie.

(48) Le Conseil constitutionnel a validé dans d’autres décisions des dispositions réservant certaines prérogatives à des syndicats représentatifs : possibilité de s’opposer aux accords entre la sécurité sociale et les professions de santé (Cons. const., 19 novembre 2010, n° 2010-68 QPC, préc.), ou encore monopole de présentation des listes de candidats pour les élections des membres des unions régionales des professions de santé (Cons. const., 14 décembre 2006, n° 2006-544 DC, Loi de financement de la sécurité sociale pour 2007, cons. 28).

(49) Parmi les principes constitutionnels en cause se trouve en particulier celui d’égalité, dont la violation est fréquemment invoquée. Rappelons à cet égard que la première QPC sur la représentativité syndicale critiquait plus particulièrement l’avantage accordé, par l’article L. 2122-2 du code du travail, aux seuls syndicats catégoriels affiliés à une confédération catégorielle interprofessionnelle nationale, avantage tenant à ce que le seuil électoral de représentativité est appliqué dans le seul collège électoral correspondant à la catégorie de personnel que le syndicat a vocation à représenter. Le Conseil a conclu à l’absence de violation du principe d’égalité, la différence de traitement entre les syndicats catégoriels et les syndicats inter-catégoriels étant en rapport avec l’objet de la loi (déc. préc. du 7 octobre 2010, cons. 7). Le professeur Radé avait relevé que ce raisonnement ne valait que si les syndicats catégoriels ne pouvaient « pas présenter de candidats aux élections professionnelles dans le premier collège, ni conclure seuls des accords collectifs inter-catégoriels » (« Cour de cassation et Conseil constitutionnel : la convergence, après la méfiance », Constitutions, 2011, p. 89) ; les textes ne le précisant pas, il regrettait donc que le Conseil n’ait pas assorti sa décision d’une telle réserve d’interprétation. En l’absence d’une telle réserve, c’est néanmoins cette interprétation du texte, qui paraît en effet seule conforme au principe d’égalité, qu’a retenue la Cour de cassation : v. Cass soc., 28 septembre 2011, n° 10-26693, publié : « lorsqu’un syndicat affilié à une confédération catégorielle interprofessionnelle nationale présente, en conformité avec son champ statutaire, des candidats dans plusieurs collèges, sa représentativité est établie en fonction des suffrages recueillis dans l’ensemble de ces collèges ». Autrement dit, ayant présenté des candidats dans plusieurs collèges, le syndicat catégoriel ne peut se prévaloir de l’article L. 2122-2 du code du travail. V. aussi Cass. soc., 31 janvier 2012, n° 11-60135 publié.

(50) Cons. const., 20 juillet 1988, n° 88-244 DC, Loi d’amnistie, cons. 24.

(51) Cons. const., 17 juin 2011, n° 2011-134 QPC, Union générale des fédérations de fonctionnaires CGT et__a., cons. 15 et cons. 18_._

(52) L’argument était d’ailleurs invoqué dans la saisine, une atteinte à l’égalité étant alléguée. Or, le Conseil estime que les deux catégories de travailleurs sont dans des situations différentes et rejette le grief (cons. 21). On retrouve ici une justification stéréotypée et formelle des différences de traitement. D’une part, salariés de droit privé et fonctionnaires sont présumés être dans des situations différentes. D’autre part, le Conseil s’en tient au constat de cette différence de situation, alors que son considérant de principe sur l’égalité exige qu’il s’assure de ce que la différence de traitement instituée est en rapport avec l’objet de la loi.

(53) Cons. 12.

(54) Cons. const., 14 mai 2012, n° 2012-242 QPC, Association Temps de vie, cons. 10.

(55) Sur cette question, v. aussi Cons. const., 22 octobre 1982, n° 82-144 DC, préc. ; Cons. const., 20 juillet 1988, n° 88-244 DC, Loi d’amnistie.

(56) Cons. const., 25 juillet 1989, n° 89-257 DC, Prévention des licenciements économiques, cons. 26.

(57) Cons. const., 27 septembre 2013, n° 2013-345 QPC, Syndicat national Groupe Air France CFTC, cons. 6.

(58) Cons. 5.

(59) Cons. 7.

(60) V. notamment les réflexions du professeur J.-E. Ray, « Raisonnable et responsable. À propos de la décision du Conseil constitutionnel du 27 septembre 2013 », Semaine sociale Lamy, 2013, n° 1600, pp. 2-3.

(61) V. J. Icard, « Communication par voie électronique : question de constitutionnalité », JCP S, n° 48, 2013, 1457. Parmi les éléments relevés par cet auteur, on mentionnera en particulier « le faible nombre d’accords sur le sujet (qui) témoigne empiriquement de la restriction que la loi organise » ou encore, à titre d’objection au considérant 6 de la décision, le fait que « l’organisation et l’entretien d’un site internet syndical externe offrent certes des facultés similaires aux syndicats mais supposent des moyens que ne peuvent se permettre que les syndicats suffisamment riches ».

(62) A. Supiot, « Revisiter les droits d’action collective », Dr. soc., 2001, p. 687.

(63) CEDH, 8 avril 2014, n° 31045/10, National union of rail, maritime and transport workers v. UK, § 84 : elle note cependant qu’il résulte de ses précédentes décisions que la grève est « clairement protégée par l’article 11 ».

(64) § 105 : l’affaire est toutefois susceptible d’être renvoyée en Grande chambre.