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Constitution et service public

Norbert FOULQUIER - Professeur à l'Université Paris 1 – Panthéon-Sorbonne, Co-directeur du SERDEAUT

Frédéric ROLIN - Professeur à l'Université Paris Ouest-Nanterre, Co-directeur du CRDP

Nouveaux Cahiers du Conseil constitutionnel n° 37 (Dossier : Le Conseil constitutionnel et le droit administratif) - octobre 2012

Pour un administrativiste français, envisager les rapports entre la norme constitutionnelle et la notion de service public devrait constituer une figure imposée, un exercice banal, un des lieux communs de sa matière. D'un côté, c'est l'évidence, le service public constitue une des notions fondamentales du droit administratif et d'un autre côté, la Constitution, et, surtout, les décisions qui l'ont interprétée et complétée, enrichissent toujours plus les bases constitutionnelles du droit administratif. Qu'il s'agisse de la commande publique, de la domanialité publique, du droit des collectivités locales et même de la juridiction administrative, plus aucune notion, institution, technique du droit administratif n'échappe à ce mouvement de constitutionnalisation.

Plus aucune ? Si, précisément ! Malgré les études qui pourraient donner l'impression du contraire (2), il en reste une : le service public précisément, qui demeure à l'écart de ce mouvement de constitutionnalisation, aussi étonnant que cela puisse paraître. Au point que l'on pourrait même considérer, sans forcer trop le trait, que l'histoire des relations entre le service public et la Constitution, est celle d'un rendez-vous, ou d'une série de rendez-vous manqués (I). En ce qui concerne le régime du service public, un constat similaire s'impose, bien que le Conseil constitutionnel ait reconnu « les principes constitutionnels propres aux services publics ». En effet, ces principes sont loin de renfermer une constitutionnalisation des lois de Rolland (II).

I - La Constitution et la notion de service public, des rendez-vous manqués

À la différence du droit administratif (3), le droit constitutionnel ne consacre de façon certaine aucune définition du service public, même si, par induction, il ressort des décisions du Conseil constitutionnel que celui-ci paraît comprendre dans cette notion les activités d'intérêt général prise en charge directement ou indirectement par les pouvoirs publics, selon la formule du Professeur René Chapus (4). Cette incertitude n'est pas étrangère à l'histoire des rapports entre Constitution et service public. En effet, au cours de l'histoire sinon de la notion de service public, du moins de son acception moderne qui ne remonte qu'à la fin du XIXe siècle, trois moments forts d'une possible consécration de cette notion par la Constitution se distinguent : sa naissance sous la Troisième République, la Libération et la Quatrième République compte tenu du développement de l'État-providence, la Cinquième République enfin qui se caractérise par l'avènement de la justice constitutionnelle. À aucun de ces moments clé de l'histoire juridique française, la notion de service public n'a cependant pu s'intégrer dans les processus constitutionnels en cours.

A - La Troisième République

À l'aube de l'ère des Constitutions républicaines modernes, au moment du vote des lois constitutionnelles de 1875, de service public il ne pouvait pas être question. Sans doute était-il admis qu'il put y avoir des activités publiques dispensant des prestations aux citoyens et administrés, comme l'avaient déjà montré les belles formules du paragraphe VIII du préambule de la Constitution du 4 novembre 1848. Mais en revanche, il n'était pas concevable que le service public fut constitué en une théorie de l'État, ou à tout le moins en une composante de la théorie de l'État, car la notion même de service public n'a été consacrée par le juge administratif qu'au début du XXe siècle, avec l'arrêt Terrier (5).

Même si Maurice Hauriou avait perçu bien avant cet arrêt l'importance que prenait la notion de service public dans le droit administratif français (6), c'est évidemment à Léon Duguit, au tournant du XXe siècle, que l'on doit la conceptualisation de la liaison entre les activités de prestations de l'État et son essence même : l'idée que non seulement les services publics sont un ensemble de services dispensés par la puissance publique mais que l'État n'est lui-même qu'un ensemble de services publics (7). Parmi maintes occurrences de l'expression de cette intuition dans l'ouvre de Léon Duguit, on peut citer celle qui figure au tome II de la dernière édition de son Traité de droit constitutionnel : « l'État est une coopération de services publics organisés et contrôles par les gouvernants » (8).

La contestation dont l'ouvre de Duguit fut l'objet sur cette idée précise que l'État ne se concevait que comme l'ensemble des services publics qu'il dispense témoigne d'un premier rendez-vous manqué entre la théorie du service public et la théorie de l'État. Car au fond, que disent d'autre les critiques bien connues d'Hauriou, Michoud et Carré de Malberg (9) sinon que l'État est essentiellement une personne, que les normes constitutionnelles ont pour principale fin son organisation, et que les activités de prestations ne trouvent dans ce contexte qu'une place seconde ?

Cette négation de la fonction du service public dans la théorie de l'État, au cours de la première moitié du XXe siècle a eu des conséquences profondes et durables sur les relations entre Constitution et service public.

On a en effet assisté tout d'abord à l'émergence d'une théorie générale des services publics, dont la nature matériellement constitutionnelle ne faisait aucun doute : l'idée de Louis Rolland selon laquelle il existerait des « lois du service public », principes d'organisation fondés sur le triptyque égalité/continuité/adaptabilité en constitue une forte illustration (10).

Ensuite, et dans le même temps, en ce qui concerne les services publics la doctrine a développé l'idée d'une séparation stricte, encore une, entre le pouvoir administratif et le pouvoir constitutionnel : le « régime de droit public » de ces services publics, ne pouvait constituer qu'un régime de droit administratif et de nulle autre nature, même constitutionnelle. Pour reprendre le mot d'Hauriou, tout emprunt de fayolisme, le service public devait fonctionner comme une « entreprise de gestion administrative » (11).

Enfin, les seuls points de jonction entre la norme de droit constitutionnel et le service public se trouvaient englobés dans des théories constitutionnelles extérieures au service public. Par exemple, si la création du service public relevait de la loi, c'est en ce qu'elle constituait une « atteinte aux libertés individuelles » (12). De même, si les agents du service public se voyaient dénier le droit de grève, c'était en vertu, dans l'arrêt Winkell (13), d'un principe de « continuité de l'État » constitué, lui en principe constitutionnel que M. Waline faisait remonter aux origines mêmes de la Révolution (14). Ainsi si le service public était une composante, et une composante importante, de la « constitution administrative » de la France, pour reprendre une expression récemment mise à l'honneur (15), il n'accédait à la norme de rang constitutionnel, non seulement dans le droit administratif mais également en doctrine, que de manière très indirecte et au travers de la mise en ouvre de principes constitutionnels traditionnels qui lui étaient transposés ou appliqués.

B - La Libération et la Quatrième République

Aussi singulier que cela puisse paraître, la période de l'Après-guerre n'a pas été plus faste aux relations entre service public et Constitution que ne l'avait été celle de la Troisième République.

Les réflexions du Conseil National de la Résistance (16) et celles plus individuelles de personnalités éminentes de la vie juridique et administrative semblaient, à la fin de la guerre, conduire à faire du service public un des pivots de la théorie de l'État moderne : cet État organisateur au travers de la planification, dispensateur des grands services publics de réseaux (transports, gaz, électricité...), contrôleur des activités privées économiques ou sociales, pouvait-il se dispenser d'une définition et d'une structuration constitutionnelle du service public ? Aussi singulier que cela puisse paraître, la réponse fut en définitive affirmative et le service public fut pratiquement nié ou oublié dans le texte constitutionnel de 1946.

Certes, comme on le sait bien, le 9e alinéa du préambule de la Constitution de 1946 pose que « Tout bien, toute entreprise, dont l'exploitation a ou acquiert les caractères d'un service public national ou d'un monopole de fait, doit devenir la propriété de la collectivité ». Mais, au-delà des éléments de régime juridique, sur la question des nationalisations, du caractère de service public « national » qui seront examinés plus loin, cet alinéa constitue une sorte de défaite de la pensée en tant que tentative de définition constitutionnelle du service public. Comme le soulignaient à l'époque Georges Vedel et Jean Rivero (17), un amendement repoussé au premier projet de Constitution avait tenté de donner une définition matérielle, inspirée par l'orthodoxie libérale, des services publics comme « ceux qui concourent à l'entretien du domaine public, de la sécurité intérieure et extérieure ». Les auteurs soulignent que si cet amendement avait été rejeté en raison de son caractère « si évidemment périmé », en revanche, ni dans les débats de la première constituante, ni dans ceux de la seconde, une définition alternative n'avait pu être trouvée. Au point qu'en définitive, l'alinéa n° 9 du préambule de 1946 repose sur cette structure paradoxale qui fait de la qualification de service public l'élément déclenchant d'un régime juridique constitutionnellement organisé, sans pour autant poser les éléments qui permettent de définir cette qualification. D'après Jean Rivero et Georges Vedel, il s'agit là en définitive d'une forme d'habilitation rampante donnée au législateur : « au total le texte laisse une assez grande latitude au législateur (...) le caractère de « service public national » ne pouvant que rester soumis à sa libre appréciation » (18)

Si l'on veut bien s'y arrêter un instant, ce refus ou ce renoncement à définir constitutionnellement le service public ne sont sans doute pas seulement le fait d'une incapacité de conceptualisation : c'est aussi, à cette époque, l'expression d'une forme de prise de pouvoir administrative. Car au-delà de l'habilitation reconnue au législateur, l'absence de définition constitutionnelle du service public confère une très grande marge de liberté à l'administration en cours de reconstruction et de modernisation.

On peut en avoir un exemple frappant dans la partie des Mémoires de Pierre Laroque consacrée à la création de la sécurité sociale, qui se déroule à la même période (19). Alors qu'en inventant ce grand service public national, Pierre Laroque manipule de nombreux concepts constitutionnels (la création d'un ordre de juridiction, la création d'un « service public national », précisément, l'obligation d'adhésion à cette nouvelle institution...) il manifeste une grande distance par rapport à l'ouvre constitutionnelle en train de s'écrire. S'il répond aux sollicitations des membres des assemblées constituantes, c'est avec réticence et en définitive sans conviction. Organisation et régime passeront donc essentiellement par des lois et des règlements d'administration publique : la création d'un monument aussi important est d'abord l'ouvre de ces grands fonctionnaires de direction dont P. Laroque est un des plus éminents exemples. Elle ne requiert ni définition ni régime ni « base constitutionnelle » pour reprendre la célèbre formule du doyen Vedel.

Une autre illustration de la même idée peut être donnée par l'arrêt Dehaene de 1950 du Conseil d'État (20) qui prolonge sur ce point l'affranchissement de l'administration de l'autorité du Parlement amorcé par l'arrêt Terrier (21) : c'est bien au gouvernement « responsable du bon fonctionnement des services publics » qu'il appartient de réglementer la grève, faute pour le législateur d'avoir mis en ouvre le principe général contenu dans la Constitution. Ici aussi, donc, sur un élément de régime essentiel des services publics, ni la Constitution ni la loi n'ont pris parti et c'est bien l'administration qui se trouve être la source des définitions et de la construction des régimes juridiques.

C - La Cinquième République

Le troisième rendez-vous manqué entre Constitution et service public date de l'époque de l'accès à la juridicité de la norme constitutionnelle, sous l'influence de la création d'un organe de contrôle de constitutionnalité des lois - le Conseil constitutionnel -, et de l'extension de son contrôle à l'ensemble du champ des normes de niveau constitutionnel. Là encore, on aurait pu s'attendre à ce que la constitutionnalisation des diverses branches du droit opère également en direction de la définition et du régime du service public. Il faut à cet effet rappeler que si la théorie des « bases constitutionnelles du droit administratif » qui est le socle théorique de ce dispositif a été conçue par le Doyen Vedel en 1954 comme une remise en cause des théories duguistes de l'État (22), elle n'en fait pas moins une large place à la définition et surtout au régime des services publics. Le doyen Vedel insiste en particulier sur le fait que les exigences de continuité font partie des missions essentielles de l'État (23), et encore sur le fait que « le service public demeure une notion essentielle du droit administratif (qui) doit être intégrée dans une construction plus vaste (...) de l'exécution des lois au sens constitutionnel du mot » (24). Ainsi, le contrôle de constitutionnalité naissant en France aurait pu prolonger cette doctrine pour constitutionnaliser progressivement des éléments de définition du service public prenant appui sur le préambule de la Constitution de 1946, ou des éléments de son régime. Cela n'a pourtant été que fort peu le cas et cela pour une raison tenant à un changement d'ère administrative.

Voilà en effet un singulier paradoxe : durant la période de prééminence doctrinale et administrative du service public, il n'existait pas de juridiction constitutionnelle qui puisse en consacrer l'existence et le statut. En revanche, à partir du moment où cette juridiction constitutionnelle a connu son plein développement, l'aura du service public a pâli (25) et c'est en définitive tout en niant le service public que le juge constitutionnel consacrera son statut. En effet, les grandes décisions de 1986 et 1987 (CC 25 et 26 juin 1986 « Loi d'habilitation », n° 86-207DC ; CC 18 septembre 1986, « liberté de communication », n° 86-217 DC ; CC 7 janvier 1988, « Loi relative à la mutualisation du crédit agricole », n° 87-323 DC) qui sont regardées comme fondant une théorie des « services publics constitutionnels », sont en réalité des décisions qui nient la réalité constitutionnelle du service public. D'abord parce que, de décision négative en décision négative, notamment en neutralisant l'alinéa 9 du Préambule de la Constitution de 1946, avec l'aide des arrêts du Conseil d'État (26), elles réfutent, comme l'illustra le refus en 2006 d'un service public national de l'électricité, l'existence de services publics constitutionnels dans chacune des matières concernées ou le réduisent comme la peau de chagrin car le Conseil constitutionnel a récemment jugé que seules les « fonctions de direction, de greffe de surveillance des établissements pénitentiaires, [sont] inhérentes à l'exercice par l'État de sa mission de souveraineté » (27). Ensuite et surtout parce qu'en réservant un statut constitutionnel aux seules activités de prestation de l'État expressément exigées par la Constitution, elles nient, fondamentalement, l'idée qu'il y aurait un socle ou un statut commun à tous les services publics. Bref, elles nient toute possibilité de définition constitutionnelle du service public, au profit de la reconnaissance au cas par cas de services particuliers que la Constitution imposerait de garantir.

Cette affirmation n'est pas démentie par le fait que, depuis quelques années, le vocable service public s'est trouvé, par l'effet de plusieurs révisions, inscrit dans le texte de la Constitution. Cela a tout d'abord été le cas de la révision opérée par la loi constitutionnelle du 4 août 1995 qui inclut dans le champ d'application du référendum législatif « les réformes relatives à la politique économique ou sociale de la nation et aux services publics qui y concourent » et ensuite, plus récemment, à l'occasion de la définition du statut et de la compétence du défenseur des droits qui s'étend ratione personae aux « organismes investis d'une mission de service public » et ratione materiae au « fonctionnement d'un service public ». Mais la première de ces révisions ne fait que déterminer le champ d'application de la loi référendaire, et donc ne pose en rien les éléments d'un statut du service public qui demeure toujours aussi indéterminé. Il en va de même de la seconde qui reprend les vieilles définitions législatives relatives au médiateur ou à la Commission d'accès aux documents administratifs et qui, là encore, se bornent à poser des critères de champ d'application.

Au total, à l'heure où l'on fête le centenaire des Transformations du droit public de Léon Duguit (28), ouvre fondatrice de sa théorie de l'État fondée sur les services publics, force est de constater que la notion de service public demeure fort éloignée du droit constitutionnel positif.

II - La Constitution et le fonctionnement des services publics : une donne redistribuée

En ce qui concerne le régime des services publics et la Constitution, plus qu'un rendez-vous manqué, vaut-il mieux parlé d'une donne redistribuée.

En effet, la Constitution ne consacre pas les lois dites de Rolland : les principes d'égalité, de continuité et d'adaptabilité du service public. Certes, le Conseil constitutionnel ne les ignore pas ; il en consacre même l'existence sous l'expression des « exigences du service public » (29) ou encore des principes régissant le « bon fonctionnement du service public » (30). Mais il n'en donne pas le détail et surtout il ne les élève pas, comme un ensemble de principes spécifiques aux services publics, au rang constitutionnel. Certes, encore, le Conseil reconnaît « les principes constitutionnels propres aux services publics » (31), qui comprennent le principe de continuité et son accessoire que l'on désignera comme le principe de la protection de la maîtrise publique des services publics. Mais c'est le plus fréquemment pour les distinguer des « exigences du service public » qui s'imposent à l'administration et auxquelles il reconnaît, semble-t-il, seulement une valeur législative. Bref, « les lois de Rolland » et « les principes constitutionnels propres aux services publics » ne se recoupent pas.

Pour autant, on ne saurait restreindre le couple « Constitution et services publics », à ces dernières normes. D'autres dispositions constitutionnelles, dont le champ d'application ne se limite pas aux services publics, pèsent sur le régime de ces derniers. Leur importance paraît même si grande qu'elle explique probablement que les principes constitutionnels propres aux services publics restent si peu nombreux.

Le fait que la Constitution s'écarte de la jurisprudence administrative quant à la typologie des principes des services publics n'emporte toutefois pas des conséquences importantes sur leur fonctionnement. Le droit constitutionnel des services publics n'a pas bouleversé le droit administratif des services publics. Trois raisons au moins le justifient. En premier lieu, le service public n'occupe pas la même place dans la Constitution que dans la jurisprudence administrative. Deuxièmement, la dogmatique des droits fondamentaux véhiculée par la Constitution ne paraît pas avoir bouleversé l'application, par le juge administratif, des lois de Rolland. Enfin, l'autonomie respective des principes opposables au législateur et ceux opposables à l'administration a aussi à voir avec l'autonomie du Conseil constitutionnel et du Conseil d'État ; autonomie qui n'équivaut pas à un désaccord, mais bien plutôt à un complément de leurs fonctions.

A - Les principes généraux affectant le régime des services publics

Si peu de normes constitutionnelles sont propres aux services publics, ceux-ci sont saisis, dans leur fonctionnement, par un grand nombre de principes constitutionnels. En effet, que ce soient le principe d'égalité, celui de laïcité ou du français comme langue de la République, leur champ d'application dépasse le seul cadre du service public, même si leurs effets y jouent à plein.

Ceci est tout particulièrement vrai pour le principe d'égalité devant le service public. Si le Conseil constitutionnel et le Conseil d'État s'accordent pour déduire de ce principe la prohibition de limiter l'accès des administrés aux services publics pour des raisons religieuses, politiques ou toutes autres sans lien avec leur objet, et pour considérer qu'il n'exclut pas que des règles différentes s'appliquent aux usagers se trouvant dans des situations différentes, à condition que cette différence soit objective et en rapport avec l'objet du service (32), les deux juridictions ne confèrent pas le même statut à ce principe. Le Conseil d'État a tendance, notamment depuis l'arrêt Société des Concerts du Conservatoire (33), à l'autonomiser et se contente de lui reconnaître une valeur législative (34). Cette attitude doit évidemment beaucoup à la place occupée par la notion dans la jurisprudence administrative et les constructions théoriques du droit administratif, au point de constituer la « pierre angulaire de l'idéologie juridique du service public » (35). Pour sa part, c'est finalement assez récemment que le Conseil constitutionnel a appliqué le principe d'égalité devant le service public. Ceci s'explique par le hasard des saisines, mais aussi par le fait que, pour le Conseil constitutionnel, le principe d'égalité devant le service public ne fait que prolonger celui d'égalité devant la loi (36). Le Conseil fond même le premier dans le second (37), au motif probablement que les services publics n'existent que, directement ou indirectement, par loi et que leur exécution concourt à celle de la loi. Ainsi, tout comme le principe d'égalité devant la loi, celui d'égalité devant les services publics prohibe les discriminations qui ne reposent pas sur des différences objectives entre les usagers et en rapport avec l'objet du service.

Cette différence de statut du principe d'égalité devant le service public dans la jurisprudence constitutionnelle et la jurisprudence administrative ne paraît pas avoir de répercussion sur son application par le Conseil d'État. Les deux juridictions se rejoignent pour ne pas le transformer en un principe de non-discrimination. Ainsi, aucun des deux juges ne reconnaît un droit à un traitement aux administrés prétendant se trouver dans une situation différente de celle de la plupart des individus, au contraire des instances communautaires, tout deux partageant la conviction que « préserver l'égalité et lutter contre les discriminations ne sont pas des concepts substituables » (38). Et si le Conseil d'État admet plus facilement que dans le passé l'invocation du principe d'égalité lors de recours contre des actes individuels, il ne paraît pas que ce soit sous l'effet de la dogmatique des droits fondamentaux (39) véhiculée par la Constitution.

Des constats similaires s'imposent en ce qui concerne le principe de laïcité, consacré par l'article 1er de la Constitution. Certes, le Conseil constitutionnel en a sanctionné le respect à propos des services publics, notamment de l'enseignement (40), mais d'une part, ce principe déborde ce cadre puisqu'il interdit le financement des associations cultuelles (41) et qu'il gouverne le fonctionnement de l'ensemble de la République (42) et d'autre part, la consécration constitutionnelle en 1958 de ce principe a longtemps eu peu d'effets sur la jurisprudence du Conseil d'État. Et si la législation et la réglementation ont facilité ces dernières années les aides aux établissements cultuels, c'est parce que les juges constitutionnel et administratif ont accepté ce mouvement et l'ont même cautionné en réinterprétant ce principe. Par exemple, les arrêts du Conseil d'État sur les baux emphytéotiques administratifs cultuels (43) ne diffèrent pas fondamentalement de la décision du Conseil constitutionnel relative à la loi autorisant les communes à financer les établissements privés scolaires religieux (44).

Enfin, il en va de même pour le principe selon lequel le français est la langue de la République, consacré par l'article 2 de la Constitution. Preuve encore que si la notion de service public constitue l'un des piliers de la République depuis la fin du XIXe siècle, elle ne s'y résume pas et que l'État ne se réduit pas à une somme de services publics comme le prétendait Duguit, le principe du français comme langue de la République que le Conseil constitutionnel et le Conseil d'État sanctionnent tous deux, ne se limite pas au fonctionnement des services publics : que ce soit celui de l'éducation ou d'autres. Sur ce point encore, la Constitution n'a pas eu un impact considérable sur le régime des services publics. En effet, dès avant 1995, le Conseil d'État avait rappelé que la langue du service public de la justice est le français (45). Puis il a annulé des actes ministériels autorisant que des écoles privées sous contrat avec l'État prodiguent leurs enseignements en breton (46). En refusant de voir en l'article 75-1 de la Constitution la source d'un droit fondamental à obtenir un enseignement public dans une langue régionale (47), le Conseil constitutionnel s'inscrit certainement dans la même veine jacobine que le Conseil d'État en matière de fonctionnement des services publics.

B - Les principes propres aux services publics

En dehors de celui de la continuité, les « principes constitutionnels propres aux services publics » sont bien difficiles à énumérer avec certitude. Toutefois, très probablement, faut-il ranger dans cette catégorie à côté du principe de continuité des services publics celui de la protection de la maîtrise publique sur ces activités d'intérêt général. Si l'application du premier de ces deux principes n'a pas connu d'évolutions notables depuis la IVe République, celui de la protection de la maîtrise publique des services publics renferme des potentialités encore largement inexplorées.

Si le Conseil d'État et le Conseil constitutionnel ont reconnu la valeur constitutionnelle du principe de continuité des services publics (48), l'un en 1950 et l'autre en 1979, les deux juridictions en ont adopté sensiblement la même conception. Elles ne rattachent plus ce principe à la « continuité essentielle de la vie nationale » (49) pour reprendre la formule de l'arrêt Winkell, qui compliquait sa conciliation avec d'autres principes constitutionnels. Au lieu d'en faire un absolu, potentiellement liberticide, elles considèrent plus simplement que ce principe impose le fonctionnement régulier et ponctuel des services publics, ponctualité et régularité dont les exigences varient en fonction de l'objet même de ces activités. Si, par exemple, la lutte contre les incendies et les services hospitaliers doivent être assurés en permanence, les services de la poste et de l'éducation connaissent légitimement un rythme différent. De même, pour tous les juges, le principe de continuité du service public justifie des limitations du droit de grève des agents qui l'assurent. Toutefois, alors que le Conseil et la Cour de cassation (50) appliquent l'alinéa 7 du Préambule de la Constitution de 1946 à la lettre en réservant au législateur le pouvoir de fixer ces limites, le pouvoir réglementaire et les conventions collectives ne pouvant que préciser les modalités d'application des dispositions législatives (51), et estiment que son silence n'équivaut pas à une inertie coupable, mais à un choix - l'instauration d'un service minimum n'étant jamais une obligation pour le législateur -, le Conseil d'État adopte un raisonnement contraire et considère ce silence comme une impéritie à laquelle il revient aux chefs de service de suppléer (52).

Sous cette réserve, les rapports entre le droit de grève et la continuité du service public n'ont donc pas été affectés par le développement de la jurisprudence constitutionnelle. Il ressort des jurisprudences que le plus fréquemment, le principe de la continuité est invoqué comme un titre d'habilitation pour limiter les libertés des administrés, notamment leur droit de grève. Certes, les juges prennent garde à ne pas sacrifier ce droit, mais, même s'ils en prohibent toute « restriction injustifiée », on perçoit mal les bornes qu'ils posent à ce mouvement législatif (53). La jurisprudence association AC ! donne même un nouvel essor à cette dimension institutionnelle du principe de la continuité du service public. Par exemple, c'est au nom de ce principe que le Conseil d'État a limité dans le temps l'annulation d'un règlement violant l'alinéa 7 du préambule de la Constitution de 1946, consacrant le principe constitutionnel de la participation des travailleurs (54). Toutefois, les potentialités de ce principe restent encore en partie à découvrir puisque le Conseil constitutionnel en a déduit, sans s'arrêter à la question de l'atteinte à la liberté d'entreprendre, l'habilitation pour le législateur à créer des services publics complémentaires à ceux existants, notamment quand ces derniers sont imposés par la Constitution, comme celui de l'enseignement public (55). Ceci dit, mutatis mutandis, n'était-ce pas ce que le Conseil d'État avait jugé dans son arrêt Delansorme (56) ? Preuve s'il en fallait encore qu'en la matière, la jurisprudence constitutionnelle a été devancée - certes, parfois selon sa propre logique - par la jurisprudence administrative.

Il n'en va pas exactement de même avec le principe de la protection de la maîtrise publique des activités de service public. Nous concédons que le Conseil constitutionnel ne formule pas ainsi ce principe. Cette expression systématise les « exigences constitutionnelles qui résultent de l'existence et de la continuité des services publics » (57). S'il ne fait pas de doute que se rattache à ces exigences l'interdiction faite au législateur de priver « de garanties légales les exigences constitutionnelles qui résultent de l'existence et de la continuité des services publics auxquels [les biens publics] reste[nt] affecté[s] » (58), la catégorie de ces « exigences constitutionnelles » reste floue, celles propres aux services publics comme les autres (59). Malgré tout, des décisions relatives au crédit-bail sur le domaine public ou encore aux privatisations d'établissements chargés de mission de service public, il ressort que ces exigences constitutionnelles ont pour objet de contraindre le législateur à maintenir ou instaurer les prérogatives et les moyens nécessaires (60) dont ont besoin les autorités responsables des services publics pour en assurer le bon fonctionnement. Ainsi, par exemple, si l'administration peut recourir au contrat de crédit-bail pour financer la construction d'ouvrages nécessaires à des missions de services publics, la loi doit prendre garde à ce que ce type de contrat ne la dépossède pas de ses prérogatives indispensables à la continuité du service public. Dans cette perspective, ces exigences constitutionnelles renferment la capacité de l'administration à modifier le contrat pour les besoins de l'évolution du service public. Dit autrement, indirectement et implicitement, le Conseil constitutionnel consacre le principe d'adaptabilité des services publics, qui s'adosse également au caractère révocable des dispositions réglementaires et des contrats administratifs qui régissent au quotidien le fonctionnement des services publics, à moins qu'il n'en fasse qu'une « garantie légale » de ces exigences constitutionnelles, pour reprendre la formule utilisée, entre autres, dans la décision Aéroports de Paris (61).

Il parait déjà acquis que ce principe légitime, tout comme il encadre la dissociation du service public et la propriété publique. De même, s'il autorise la privatisation du statut des personnels chargés de l'exécution du service public, il commande aussi que l'administration conserve un pouvoir de réquisition en cas de besoin. Ou encore, il a pour effet de ne pas contraindre à ériger en monopole l'activité de service public, serait-elle exercée par un établissement public (62), ou de priver de toute liberté d'agir les personnes privées qui en sont chargées (63), dès lors que l'administration conserve les moyens juridiques d'en garantir le bon fonctionnement, sachant que le degré de la maîtrise publique sur le service public augmente avec la dimension régalienne du service public. Ainsi, l'État ne saurait confier à un cocontractant ses « fonctions de direction, de greffe de surveillance des établissements pénitentiaires, inhérentes à l'exercice par l'État de sa mission de souveraineté » (64).

Pour l'instant, quoique le Conseil leur ait dévolu cette mission (65), ni le juge administratif ni le juge judiciaire n'a eu à appliquer directement cet aspect du droit constitutionnel des services publics. Ceci doit beaucoup au fait que ces juges ont développé des jurisprudences aux effets approchant via, par exemple, le principe d'inaliénabilité du domaine public et la prohibition pour l'administration de déléguer ses prérogatives de police administrative ou d'en définir contractuellement les conditions d'exercice.

Cela dit, l'impression que le droit constitutionnel n'a pas altéré le droit administratif des services publics ne doit pas faire illusion. D'un côté, il a un effet neutre, décevant pour d'aucuns, en endiguant peu les législations de « privatisation » des modes d'exécution des services publics. D'un autre, il consacre certains des principes essentiels du service public, parfois même en en étendant la portée, ce qui démontre que si la notion de service public n'occupe pas une place prééminente dans la Constitution, son esprit marque le droit public français.

Certains regretteront ces constats. D'autres s'en feront une raison pour plusieurs motifs.

Tout d'abord, il n'est pas acquis qu'une constitutionnalisation plus prononcée de la notion de service public et de son régime aurait mieux protéger « le service public à la française » contre, d'une part, les politiques de privatisation, menées par des majorités suffisantes pour modifier la Constitution et, d'autre part, les exigences européennes qui, fortes du principe de primauté du droit communautaire, n'ont que faire des spécificités constitutionnelles des États membres.

Ensuite, sous réserve des critiques que l'on peut adresser aux juges constitutionnels et administratifs d'avoir neutralisé la catégorie des services publics constitutionnels, on ne saurait d'un côté taxer les juges d'activisme et de l'autre leur reprocher de ne s'être pas élevés contre les mouvements de privatisation des services publics portés par des majorités parlementaires démocratiquement élues.

De plus, comment ne pas voir derrière ces regrets de la trop faible constitutionnalisation des services publics, celui d'administrativistes souhaitant la consécration de leur matière, plus ou moins animés de la conviction qu'il n'y a pas de notions et de régimes juridiques sûrs et pérennes, faute d'une assise constitutionnelle, ce que dément pourtant la réalité du droit positif français ?


(1) Les Nouveaux cahiers du Conseil constitutionnel, dans leur numéro 37, ont publié un dossier intitulé « Le Conseil constitutionnel et le droit administratif » qui, outre la présente contribution, comprend les articles suivants :

Constitution et droit administratif (1), par Bernard Stirn, p. 7.

Constitution, contrats et commande publique, par Laurent Richer, p. 37.

Constitution et fonction publique, par Antony Taillefait, p. 49.

Constitution et biens publics, par Yves Gaudemet, p. 65.

(2) L. Favoreu, Service public et constitution, AJDA, numéro spécial « Service public : unité et diversité, 20 juin 1997 ; P. Espuglas, Conseil constitutionnel et service public, Paris, BCSP, t. 80, 1994.

(3) CE, 22 févr. 2007, n° 264541, Association du personnel relevant des établissements pour inadaptés (APREI), au Lebon 92 ; AJDA 2007. 793, chron. F. Lenica et J. Boucher ; RFDA 2007. 803, note C. Boiteau ; RDSS 2007. 499, concl. C. Verot ; ibid. 517, note G. Koubi et G. J. Guglielmi ; CE, 6 avr. 2007, n° 284736, Commune d'Aix-en-Provence, au Lebon 155 ; AJDA 2007. 1020, chron. F. Lenica et J. Boucher ; D. 2007. 1273, et les obs. ; ibid. 2617, chron. G. Clamour ; RDI 2007. 424, obs. J.-D. Dreyfus ; RFDA 2007. 812, concl. F. Séners ; ibid. 821, note J.-C. Douence ; RTD com. 2007. 694, obs. G. Orsoni ; RTD eur. 2008. 835, chron. D. Ritleng, A. Bouveresse et J.-P. Kovar ; RJEP 2007, p. 273, concl. F. Séners ; Contrats-marchés publ. 2007, comm. 191, obs. G. Eckert.

(4) R. Chapus, Droit administratif général, t. 1, Montchrestien, 15e éd., n° 748.

(5) CE, 6 févr. 1903, Terrier, Rec. p. 94, concl. J. Romieu ; GAJA 2011, comm. 11 - cf. N. Foulquier, Le service public, pp. 45-111, spéc. pp. 46-51, in P. Gonod, F. Melleray et Ph. Yolka, Traité de droit administratif, Dalloz, 2011.

(6) M. Hauriou, La gestion administrative. Étude théorique de droit administratif, Paris, Libr. SRGLA, 1898 - note sous TC, 11 mai 1901 : S. 1901, III, p. 113 ; J.-Cl. Venezia, La naissance de la notion de service public, pp. 163-172, in G.-J. Guglielmi (dir.), Histoire et service public, Paris, PUF, 2004 ; J. Rivero,Hauriou et l'avènement de la notion de service public, in Mélanges Mestre, Paris, Sirey, 1956, p. 469.

(7) P. Cintura, La pensée politique de Léon Duguit, RJSO 1968, n° 1-2, pp. 66-98, n° 3-4, pp. 151-193 ; E. Pisier-Kouchner, Le service public dans la théorie de l'État de Léon Duguit, Paris, LGDJ, BDP, t. 15, 1972 ; L. Sfez, Duguit et la théorie de l'État, APD 1976, t. 21, pp. 111-130 ; F. Melleray, École de Bordeaux, école du service public et école duguiste : RD publ. 2001, p. 1887 - D. Païva de Almeida, L'École du service public. Contribution à l'étude de la pensée juridique en France, Éd. univ. européennes, 2010.

(8) L. Duguit, Traité de droit constitutionnel, Paris, De Boccard, 3e éd., 1928, t. 2, p. 59.

(9) Dans la bibliographie de M. Hauriou, cf. entre autres « Les idées de M. Duguit », AFDT 1911, pp. 1-40 ; L. Michoud, La théorie de la personnalité morale et son application au droit français, 2e éd. mise à jour par L. Trotabas, Paris, LGDJ, 1924, 2 t. ; R. Carré de Malberg, Contribution à la Théorie générale de l'État, spécialement d'après les données fournies par le Droit constitutionnel français, Paris, Rec. Sirey, 1922, 2 t.

(10) L. Rolland, Précis de droit administratif, Paris, Libr. Dalloz, 2e éd., 1928, 508 p.

(11) M. Hauriou, Précis de droit administratif et de droit public, Paris, Sirey, 12e éd., 1933, p. 17.

(12) V. sur ce point, synthétisant la doctrine de la IIIe République, M. Waline, Manuel élémentaire de droit administratif, Paris, Rec. Sirey, 3e éd. 1945, p. 269.

(13) CE, 7 août 1909, Winkell : Rec. p. 826, et p. 1296, concl Tardieu.

(14) M. Waline, Manuel, préc. p. 309

(15) J.-J. Bienvenu, J. Petit, B. Plessix, B. Seiller, La Constitution administrative de la France, Dalloz, coll. « Thèmes et commentaires », 2012.

(16) J. Eric Callon, les projets constitutionnels de la Résistance, La Documentation française, 1998 ; J. Bougrab, Aux origines de la Constitution de la IVe République, Paris, Dalloz, « Nouvelle bibliothèque de thèses », t. 12, 2002 ; Cl. Andrieu, Le programme commun de la Résistance, des idées dans la guerre, Les Éditions de l'érudit, 1984.

(17) J. Rivero et G. Vedel, Les principes économiques et sociaux de la constitution, le préambule, Droit social, vol. 31, 1947, p. 13 et s.

(18) J. Rivero et G. Vedel, op cit., loc. cit.

(19) P. Laroque, Au service de l'homme et du droit. Souvenirs et réflexions, Paris, 1993, v. spéc. p. 198 et s.

(20) CE Ass. 7 juillet 1950, Dehaene, Rec. p. 426.

(21) Cf. N. Foulquier, Le service public, op. cit., p. 50 (« Les significations politiques de l'arrêt Terrier ») ;- N. Foulquier : Le Conseil d'État et l'antiparlementarisme. Question sur les effets institutionnels de la jurisprudence administrative : Droits, n° 44, 2007, p. 161.

(22) G. Vedel, Les bases constitutionnelles du droit administratif, EDCE 1954, p. 21.

(23) G. Vedel, op. cit., § 33.

(24) G. Vedel, op. cit., § 38.

(25) Et il ne s'agissait pas du tout d'une nouvelle crise du service public, telle que celle qui avait été dénoncée dans les décennies précédentes (voir, sur ce point, la bibliographie indiquée par G.-J. Guglielmi et G. Koubi, Droit du service public, Paris, Montchrestien, 3e éd., 2011, § 127). Ces « crises » consacraient en réalité la dimension protéiforme du service public, mais ni son importance politique ni même juridique, dès lors que l'on acceptait la distinction service public administratif / service public industriel et commercial, n'était en cause.

(26) R. Bellescize, Grandeur et servitude de la notion de service public constitutionnel (à propos de l'arrêt du Conseil d'État, Section, 27 septembre 2006, Bayrou et autres et de la décision du Conseil constitutionnel, n° 2006-543 DC du 30 novembre 2006, Loi relative au secteur de l'énergie), RFDA, 2006, p. 1163 ; G. Marcou, Que reste-t-il de l'alinéa 9 du Préambule de la Constitution de 1946 ?, AJDA 2007, p. 192 ; G. Drago, Service public de l'énergie : fin d'un service public national. À propos de la décision du Conseil constitutionnel, Loi relative au secteur de l'énergie : JCP A 2007, comm. 2014 - G. Drago, Service public national et services publics constitutionnels, JCP A 2007, comm. 2099.

(27) CC, 22 mars 2012, n° 2012-651 DC, Loi de programmation relative à l'exécution des peines, AJDA 2012. 625.

(28) L. Duguit, Les transformations du droit public, Armand Colin 1913, ainsi que rééd. La Mémoire du Droit, 2001.

(29) CC, 31 juill. 2003, n° 2003-480 DC, Archéologie préventive II, D. 2004. 1281, obs. A. Duffy.

(30) CC, 22 juill. 2002, n° 2002-460 DC, Loi d'orientation et de programmation pour la sécurité intérieure, AJDA 2002. 1059, note J.-Y. Chérot et J. Trémeau ; D. 2003. 1125, obs. D. Ribes.

(31) CC, 31 juill. 2003, n° 2003-480 DC, Archéologie préventive II, D. 2004. 1281, obs. A. Duffy.

(32) Sachant que la différence de traitement n'est pas une obligation en droit français, à la différence de ce que prévoit le droit communautaire. Comp. CE, 28 mars 1997, n° 179049, Société Baxter, au Lebon 114 ; RFDA 1997. 450, concl. J.-C. Bonichot ; ibid. 460, obs. F. Mélin-Soucramanien, et CJCE, 25 janv. 1979, aff. C-98/78, A. Racke c/ Hauptzollamt Mainz : Rec., p. 69.

(33) CE, 9 mars 1951, Société des Concerts du Conservatoire : GAJA, 18e éd., comm. 64.

(34) Ex. récent : CE, 15 févr. 2012, n° 332640, Syndicat intercommunal de la périphérie de Paris pour l'électricité et les réseaux de communication, au Lebon.

(35) G.-J. Guglielmi et G. Koubi, Droit du service public, 3e éd., n° 1108.

(36) CC, 29 juill. 2002, n° 2002-461 DC, Loi d'orientation et de programmation pour la justice, D. 2003. 1127, obs. L. Domingo et S. Nicot ; AJDI 2002. 708 ; RSC 2003. 606, obs. V. Bück ; ibid. 612, obs. V. Bück ; CC, 16 juill. 2009, n° 2009-584 DC, Loi relative à la réforme de l'hôpital et aux patients, à la santé et aux territoires, AJDA 2009. 1399 ; D. 2010. 1508, obs. V. Bernaud et L. Gay ; Constitutions 2010. 131, obs. X. Bioy.

(37) CC, 27 juin 2001, n° 2001-446 DC, IVG II, D. 2001. 2533, note B. Mathieu ; ibid. 2002. 1948, obs. G. Nicolas ; RSC 2002. 672, obs. V. Bück.

(38) S.-J. Liéber et D. Boghetti, chron. sous CE, ass., 30 oct. 2009, Dame Perreux : AJDA, 2009, p. 2391.

(39) CE, 30 déc. 2010, n° 308067, Ministre du logement et de la ville c/ Durozey, au Lebon ; AJDA 2011. 7 ; ibid. 150, chron. D. Botteghi et A. Lallet.

(40) CC, 22 oct. 2009, n° 2009-591 DC, Loi n° 2009-1312 du 28 oct. 2009 tendant à garantir la parité de financement entre les écoles élémentaires publiques et privées, RFDA 2010. 769, étude M. Auvray.

(41) CC, 13 janv. 1994, n° 93-329 DC, Loi relative aux conditions de l'aide aux investissements des établissements d'enseignement privé par les collectivités territoriales, AJDA 1994. 132, note J.-P. Costa ; D. 1995. 291, obs. E. Oliva ; ibid. 341, obs. F. Mélin-Soucramanien ; RFDA 1994. 209, note B. Genevois.

(42) CC, 19 nov. 2004, n° 2004-505 DC, Traité établissant une Constitution pour l'Europe, AJDA 2005. 211, note O. Dord ; ibid. 219, note D. Chamussy ; D. 2004. 3075, chron. B. Mathieu ; ibid. 2005. 100, point de vue D. Chagnollaud ; ibid. 1125, obs. V. Ogier-Bernaud et C. Severino ; RFDA 2005. 1, étude H. Labayle et J.-L. Sauron ; ibid. 30, note C. Maugüé ; ibid. 34, note F. Sudre ; ibid. 239, étude B. Genevois ; RTD eur. 2005. 557, étude V. Champeil-Desplats.

(43) CE, 19 juill. 2011, n° 308817, Fédération de la libre pensée et de l'action sociale du Rhône, Picquier, au Lebon ; AJDA 2011. 1460, obs. M.-C. Montecler ; ibid. 1667, chron. X. Domino et A. Bretonneau ; D. 2011. 2025, édito. F. Rome ; AJCT 2011. 515, obs. Maëlle Perrier ; RFDA 2011. 967, concl. E. Geffray, et CE, 19 juill. 2011, n° 320796, Vayssière (Mme), au Lebon ; AJDA 2011. 1460, obs. M.-C. Montecler ; ibid. 1667 ; ibid. 2010, note E. Fatôme et L. Richer ; ibid. 1667, chron. X. Domino et A. Bretonneau ; D. 2011. 2025, édito. F. Rome ; RDI 2011. 628, obs. O. Févrot ; AJCT 2011. 515, obs. Maëlle Perrier ; RFDA 2011. 967, concl. E. Geffray ; Constitutions 2012. 125, obs. O. Le Bot.

(44) CC, 22 oct. 2009, n° 2009-591 DC, RFDA 2010. 769, étude M. Auvray.

(45) CE, 22 nov. 1985, n° 65105, Quillevère, au Lebon 333, concl. D. Latournerie - CC, 9 avr. 1996, Autonomie de la Polynésie française, AJDA 1996. 371, note O. Schrameck ; D. 1998. 156, obs. J. Trémeau ; ibid. 145, obs. J.-C. Car ; ibid. 147, obs. A. Roux ; ibid. 153, obs. T. S. Renoux ; RFDA 1997. 1, étude F. Moderne ; CC, 6 déc. 2001, n° 2001-452 DC, Loi portant mesures urgentes de réformes à caractère économique et financier, D. 2002. 1952, obs. V. Bertile ; Rev. sociétés 2002. 76, note Y. Guyon.

(46) CE, 29 nov. 2002, n° 238653, Syndicat national des enseignements du second degré (SNES), au Lebon ; AJDA 2002. 1512, note A. Viola ; D. 2003. 177 ; LPA, 2003, n° 111, p. 9, concl. R. Schwartz.

(47) CC, 20 mai 2011, n° 2011-130 QPC, C. Lang, AJDA 2011. 1053 ; ibid. 1963, note M. Verpeaux ; LPA 2011, n° 174, p. 15 ; note J.-E. Gicquel.

(48) CE, 7 juill. 1950, Dehaene : GAJA, 18e éd., comm. 62 ; CC, 25 juill. 1979, n° 79-105 DC, Droit de grève à la radio et à la télévision : GDCC, 14e éd., comm. 25.

(49) CE, 7 août 1909, Winkell : Rec. p. 826, et p. 1296, concl. Tardieu.

(50) Cass., Soc., 7 juin 1995, n° 93-46.448, SA Transports Séroul : D. 1996. 75, note B. Mathieu ; Dr. soc. 1995. 835, obs. J.-E. Ray ; ibid. 1996. 37, note C. Radé ; RDSS 1996. 115, obs. J.-M. Lhuillier ; RTD civ. 1996. 153, obs. J. Mestre. Impl. Cass. Soc., 15 déc. 2009, n° 08-43.603 : Bull. soc. 2009, V, n° 283 ; D. 2010. 154, obs. B. Ines ; Cass., Soc., 27 juin 2007, n° 06-42.084 (inédit).

(51) CC, 16 août 2007, n° 2007-556 DC, Loi n° 2007-1224 du 21 août 2007 sur le dialogue social et la continuité du service public dans les transports terrestres réguliers de voyageurs, D. 2007. 3033, obs. E. Dockès, F. Fouvet, C. Géniaut et A. Jeammaud ; ibid. 2008. 2025, obs. V. Bernaud et L. Gay ; RFDA 2007. 1283, chron. A. Roblot-Troizier.

(52) CE, 17 mars 1997, n° 123912, Fédération nationale des syndicats du personnel des industries de l'énergie électrique, nucléaire et gazière, au Lebon 90 ; AJDA 1997. 533, note M. Bellanger et G. Darcy ; D. 1997. 117 ; Dr. soc. 1997. 534, obs. J.-E. Ray ; CE, 11 juin 2010, n° 333262, Syndicat sud RATP, au Lebon ; AJDA 2010. 1178 ; ibid. 1719, concl. F. Lenica ; Cah. Cons. const. 2011. 197, note L. Janicot ; Constitutions 2011. 255, obs. O. Le Bot.

(53) Cons. const., 7 août 2008, n° 2008-569 DC, Droit d'accueil pour les élèves des écoles maternelles, AJDA 2008. 1565 ; ibid. 2410, note M. Verpeaux ; D. 2008. 2064 et les obs. ; RFDA 2008. 1233, chron. A. Roblot-Troizier et T. Rambaud.

(54) CE, 15 mai 2012, n° 339834, Fédération Interco CFDT, au Lebon ; AJDA 2012. 1036.

(55) Cons. const., 7 août 2008, n° 2008-569 DC, Droit d'accueil pour les élèves des écoles maternelles, AJDA 2008. 1565 ; ibid. 2410, note M. Verpeaux ; D. 2008. 2064 et les obs. ; RFDA 2008. 1233, chron. A. Roblot-Troizier et T. Rambaud.

(56) CE, sect., 18 déc. 1959, Delansorme : Rec. p. 692 ; AJ 1960, II, p. 213, concl. Mayras.

(57) CC, déc. 14 avr. 2005, n° 2005-513 DC, Aéroports de Paris, AJDA 2006. 178, étude E. Fatôme ; Dr. adm. 2005, n° 6, p. 22, note R. Fraisse.

(58) Cons. const., déc. n° 2005-513 DC, 14 avr. 2005, Loi relative aux aéroports, préc.

(59) T. Dubut, Le juge constitutionnel et les concepts : réflexions à propos des « exigences constitutionnelles », RFDC, 2009, n° 80, p. 749.

(60) Cons. const., 21 juill. 1994, n° 94-346 DC, Loi complétant le code du domaine de l'État et relative à la constitution de droits réels sur le domaine public, AJDA 1994. 786, note G. Gondouin ; D. 1995. 347, obs. J. Pini ; RDI 1994. 427, obs. J.-B. Auby et C. Maugüé ; RFDA 1994. 1106, étude C. Lavialle ; RTD civ. 1995. 656, obs. F. Zenati.

(61) Cons. const., déc. n° 2005-513 DC, 14 avr. 2005, Loi relative aux aéroports, préc. ; Cons. const., 3 déc. 2009, n° 2009-594 DC, Loi n° 2009-1503 du 8 déc. 2009 relative à l'organisation et à la régulation des transports ferroviaires et portant diverses dispositions relatives aux transports, AJDA 2010. 596, chron. S. Nicinski, P.-A. Jeanneney et E. Glaser ; Constitutions 2010. 233, obs. A.-L. Cassard-Valembois ; ibid. 406, obs. P. De Baecke.

(62) CC, 31 juill. 2003, n° 2003-480 DC, Archéologie préventive II, D. 2004. 1281, obs. A. Duffy.

(63) CC 6 juill. 2009, n° 2009-584 DC, Loi n° 2009-879 du 21 juillet 2009 portant réforme de l'hôpital et relative aux patients, à la santé et aux territoires, AJDA 2009. 1399 ; D. 2010. 1508, obs. V. Bernaud et L. Gay ; Constitutions 2010. 131, obs. X. Bioy.

(64) CC, 22 mars 2012, n° 2012-651 DC, Loi de programmation relative à l'exécution des peines, AJDA 2012. 625.

(65) 23 juill. 1996 ; Décision n° 96-380 DC, Loi relative à l'entreprise nationale France Télécom, AJDA 1996. 694, note O. Schrameck ; D. 1998. 151, obs. F. Mélin-Soucramanien ; RFDA 1996. 909, étude J. Chevallier ; ibid. 1124, note C. Lavialle.