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Conseil constitutionnel et jurisprudence de la CEDH

Hélène SURREL - Professeur, Sciences Po Lyon, IDEDH, EA 3976

Nouveaux cahiers du Conseil constitutionnel 2016, n° 50, p. 157

I - LES DROITS PROCÉDURAUX

Nouveau signe de la convergence des jurisprudences européenne et constitutionnelle, la décision n° 2015-475 QPC, du 17 juillet 2015, Société Crédit Agricole SA, atteste d'un souci partagé des deux juridictions de veiller au respect effectif du principe de la sécurité juridique. Alors que la Cour européenne vérifie si, en l'absence de créance certaine, l'intéressé est titulaire d'une « espérance légitime » d'obtenir la jouissance d'un « bien » au sens de l'article 1 du Protocole 1, le Conseil examine, au regard de l'article 16 de la Déclaration, s'il existe une « attente légitime ». À ses yeux, si le législateur est, en effet, habilité à modifier ou abroger des actes antérieurs, ce faisant, « il ne saurait toutefois priver de garanties légales des exigences constitutionnelles » et, en particulier, « ne saurait, sans motif d'intérêt général suffisant, ni porter atteinte aux situations légalement acquises ni remettre en cause les effets qui peuvent légitimement être attendus de telles situations » (cons. 5).

En l'espèce, l'Administration fiscale avait opposé un refus à la société en cause qui demandait d'obtenir une déduction, pour l'exercice 2013, de la moins-value résultant de la cession de titres de participation dans une filiale, les titres en cause ayant été cédés en février 2013 mais émis le 19 juillet 2012. La requérante estimait que les dispositions du paragraphe II de l'article 18 de la loi de finances rectificative du 16 août 2012, en prévoyant l'application de nouvelles règles de déduction des moins-values résultant de la cession de titres de participation aux cessions consécutives à des opérations d'apport intervenues à compter du 19 juillet 2012, remettaient en cause les effets qui pouvaient être légitimement attendus, quant au traitement fiscal du produit des cessions, des apports réalisés avant que les intéressés aient connaissance de cette modification. En effet, dépourvue d'effet rétroactif puisque n'affectant pas les règles applicables aux cessions réalisées au cours d'exercices clos antérieurement à l'entrée en vigueur de la loi (cons. 6), la disposition litigieuse détermine, en revanche, une date -- le 19 juillet 2012 -- à compter de laquelle de nouvelles règles s'appliquent à certains faits générateurs d'imposition postérieurs à son entrée en vigueur.

Après avoir constaté qu'« aucune règle constitutionnelle n'impose le maintien » des modalités de déduction en jeu, le Conseil considère que, portant sur le « traitement fiscal des cessions de titres de participation et non sur celui des apports en contrepartie desquels ces titres ont été émis », sachant que l'émission de titres n'emporte pas forcément leur cession ultérieure, les règles en cause « ne portent aucune atteinte à des situations légalement acquises ou aux effets qui peuvent être légitimement attendus de telles situations ». L'acquisition de titres de participation en contrepartie d'un apport ne saurait, en effet, « être regardée comme faisant naître une attente légitime quant au traitement fiscal du produit de la cession de ces titres quelle que soit l'intention de l'acquéreur des titres de participation quant à la durée de leur détention et quel que soit leur prix de cession » (cons. 6).

La décision n° 2015-481 QPC, du 17 septembre 2015, Époux B., permet tout d'abord de rappeler la proximité des notions de « sanction ayant le caractère d'une punition » et de « matière pénale » au sens de l'article 6 § 1 de la CEDH, d'une part et de « peine » au sens de son article 7(1) , d'autre part. Était ici en cause l'amende, prévue par l'article L. 1736, § IV du code général des impôts (CGI), sanctionnant le défaut de déclaration de comptes bancaires ouverts, utilisés ou clos à l'étranger, obligation déclarative prévue au deuxième alinéa de l'article 1649 A du CGI. Visant à atteindre l'objectif constitutionnel de lutte contre la fraude et l'évasion fiscales, cette amende, qui revêt un caractère à la fois dissuasif et répressif, est bien une « sanction ayant le caractère d'une punition » (cons. 5)(2). Alors que la requérante arguait de la méconnaissance des principes de proportionnalité et d'individualisation des peines, le Conseil, limitant son contrôle à celui de l'erreur manifeste d'appréciation, estime que le législateur, en créant l'amende forfaitaire -- d'un montant de 1 500 euros ou de 10 000 euros selon que l'État ou le territoire dans lequel le compte a été ouvert a ou non conclu une convention d'assistance administrative permettant l'accès aux renseignements bancaires -- a « instauré des sanctions dont la nature est liée à celle de l'infraction et qui, même par le cumul d'amendes qu'elles permettent, ne sont pas manifestement disproportionnées à la gravité des faits qu'il entend réprimer » (cons. 6). Le principe d'individualisation des peines n'est pas davantage méconnu dans la mesure où le juge peut proportionner les sanctions en fonction de la gravité des agissements visés. La loi elle-même ayant, en effet, assuré la modulation des peines en prévoyant deux montants forfaitaires différents, pour chaque sanction, le juge « décide après avoir exercé son plein contrôle sur les faits invoqués et la qualification retenue par l'administration, en fonction de l'une ou l'autre des amendes prononcées, soit de maintenir l'amende, soit d'en dispenser le contribuable si ce dernier n'a pas manqué à l'obligation » en cause (cons. 7). Pareille approche paraît en harmonie avec celle de la jurisprudence européenne pour laquelle le contrôle de pleine juridiction, au sens de la Convention, ne requiert pas, en matière fiscale « en raison du caractère particulier » de ce contentieux, l'existence d'un pouvoir de modulation de la sanction (arrêt SEGAME SA c. France, 7 juin 2012, § 59). Aussi la Cour, dans cette dernière affaire, relève-t-elle, à propos de la procédure de décharge de rappels de taxes sur les objets d'art et des pénalités y afférentes, « l'absence d'arbitraire » dès lors que « la loi elle-même proportionne dans une certaine mesure l'amende à la gravité du comportement du contribuable, puisque celle-ci est fixée en pourcentage des droits éludés » et que le taux de l'amende n'est pas disproportionné (§§ 59-60)(3).

Dans la décision QPC précitée, Société Gecop (4), le Conseil veille au respect du droit à un recours juridictionnel effectif, à propos d'un contentieux ressortant de la « matière civile » au sens de l'article 6 § 1 de la Convention, en formulant une réserve d'interprétation, considérant que « les dispositions contestées ne sauraient, sans méconnaître les exigences qui découlent de l'article 16 de la Déclaration de 1789, interdire au donneur d'ordre de contester la régularité de la procédure ainsi que le bien-fondé et l'exigibilité des impôts, taxes et cotisations obligatoires ainsi que des pénalités et majorations y afférentes au paiement solidaire desquels il est tenu » (cons. 14). Était ici en cause l'impossibilité pour le donneur d'ordre, qui ne procédant pas aux vérifications prévues par l'article L. 8222-1 du code du travail, est tenu au paiement des « impôts, taxes et cotisations obligatoires ainsi que des pénalités et majorations (...) dus au Trésor ou aux organismes de protection sociale » par un cocontractant ou un sous-traitant, en cas de travail dissimulé (article L. 8222-2, alinéa 2, du code), et est donc responsable solidaire, de contester la procédure et l'exigibilité des sommes en jeu devant le juge des cotisations sociales(5). Or, le législateur ne peut, au regard de l'article 4 de la DDHC, instituer une solidarité de paiement qu'à la double condition du caractère proportionné des atteintes portées aux droits des victimes d'actes fautifs et à l'absence d'atteinte à la substance du droit à un recours juridictionnel effectif, condition d'effectivité qui, selon les termes du Service juridique du Conseil, « se fait également l'écho de la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'homme » relative à l'article 6 § 1 de la Convention(6).

II - LES DROITS SUBSTANTIELS

Examinant pour la troisième fois(7) une QPC relative aux conditions de détention des personnes incarcérées dans la décision n° 2015-485 QPC, du 25 septembre 2015, M. Johny M., le Conseil est ici interrogé sur la constitutionnalité de l'article 33 de la loi pénitentiaire du 24 novembre 2009, le requérant arguant que l'absence d'organisation du cadre légal du travail des personnes détenues les prive des garanties légales d'exercice des droits et libertés énoncés par les alinéas 5 à 8, 10 et 11 du Préambule de la Constitution de 1946 et viole la liberté contractuelle et le droit au respect de la dignité de la personne humaine.

Après avoir réaffirmé le caractère constitutionnel du principe de « la sauvegarde de la dignité de la personne contre toute forme d'asservissement et de dégradation » et rappelé la nécessaire conciliation, lors de l'exécution des peines privatives de liberté, entre, d'une part, la protection de la société et la punition du condamné, et, d'autre part, le fait de « favoriser l'amendement de celui-ci et préparer son éventuelle réinsertion », il souligne que les personnes détenues « bénéficient des droits et libertés constitutionnellement garantis dans les limites inhérentes à la détention » (cons. 5)(8) . Le grief relatif à la méconnaissance des alinéas 10 et 11 est tout d'abord écarté puisqu'il n'est pas dirigé à l'encontre de dispositions relatives à la protection de la santé et à la protection sociale des détenus (cons. 7). En la matière, la jurisprudence européenne ne peut être utilement sollicitée, la Cour, prenant jusqu'alors appui sur l'absence de consensus européen, attestée par les Règles pénitentiaireseuropéennes du 11 janvier 2006(9), pour ne pas imposer aux États l'octroi de droits sociaux aux détenus comme l'obligation d'affiliation à un régime de retraite(10) ou à un régime de retraite complémentaire(11). Confronté ensuite à la question de savoir si l'article 33 de la loi, en ce qu'il subordonne la participation d'une personne détenue aux activités professionnelles dans l'établissement à un acte d'engagement signé par le chef d'établissement et celle-ci -- et non à un contrat(12) --, qui énonce les droits et obligations professionnels de l'intéressé dans le respect de l'article 22 de la loi(13), prive de garanties légales les droits et libertés consacrés par les alinéas 5 à 8 du Préambule, le Conseil fait encore preuve de réserve judiciaire, évoquant « les droits et libertés dont sont susceptibles de bénéficier les détenus dans les limites inhérentes à la détention » et réaffirmant(14) « qu'il est loisible au législateur de modifier les dispositions relatives au travail des personnes incarcérées afin de renforcer la protection de leurs droits » (cons. 11)(15). Si le juge de Strasbourg ne s'est, à notre connaissance, jamais prononcé sur l'absence de reconnaissance de droits collectifs aux détenus, il ne semble pas déraisonnable de considérer qu'il concéderait une large marge nationale d'appréciation en ce domaine, l'absence de dispositions y relatives dans les Règles pénitentiaires européennes exprimant indubitablement les réticences des États(16).

Dans une décision très attendue (n° 2015-478 QPC, 24 juillet 2015, Association FrenchData Network et autres), le Conseil constate la conformité des articles L. 246-1 et L. 246-3 du code de la sécurité intérieure (CSI), issus de la loi n° 2013-1168 du 18 décembre 2013, et modifiés par la loi relative au renseignement du 24 juin 2015, mais alors encore applicables. Le premier article autorise le recueil, auprès des opérateurs électroniques et de certaines personnes, « des informations ou documents traités ou conservés par leurs réseaux ou services de communications électroniques ». Le second précise que les informations et documents visés « peuvent être recueillis sur sollicitation du réseau et transmis en temps réel par les opérateurs aux agents mentionnés au I de l'article L. 246-2 » et définit la procédure applicable. Les requérantes estimaient ces dispositions entachées d'incompétences négatives affectant le droit au respect de la vie privée, la liberté d'expression et de communication, le droit au secret des correspondances entre un avocat et son client, le droit au secret des sources des journalistes et le droit à un procès équitable.

Examinant tout d'abord si le législateur a méconnu l'étendue de sa compétence et porté atteinte au droit au respect de la vie privée, en instituant une procédure de réquisition administrative des données de connexion sans définir le type de données pouvant être collectées par l'autorité administrative et les conditions de leur collecte lorsqu'elles sont transmises en temps réel à l'autorité administrative, le Conseil conclut par la négative, après avoir relevé qu'une telle méconnaissance dans la détermination des garanties devant assortir la procédure « affecte par elle-même le droit au respect de la vie privée ». Les données de connexion, « qui ne peuvent porter sur le contenu des correspondances ou les informations consultées » ont, en effet, été suffisamment définies par le législateur (cons. 12). Lorsque celles-ci sont transmises par les opérateurs en temps réel à l'autorité administrative, elles ne peuvent être recueillies qu'après « sollicitation » de son réseau par l'opérateur et, partant, l'autorité administrative ne peut pas accéder directement au réseau de ce dernier (cons. 13).

Se prononçant ensuite sur l'absence supposée de garanties légales visant à protéger les données de connexion des avocats et journalistes, le juge constitutionnel relève tout d'abord qu'« aucune disposition constitutionnelle ne consacre spécifiquement un droit au secret des échanges et correspondances des avocats et un droit au secret des sources des journalistes » (cons. 16) puis considère, en privilégiant une approche assez restrictive, que le droit au secret des correspondances et la liberté d'expression ne sont pas susceptibles d'être violés dans la mesure où la procédure litigieuse exclut l'accès au contenu des correspondances (cons. 17). Il se démarque quelque peu de la Cour européenne qui accorde une importance particulière au secret professionnel des avocats(17) et privilégie une conception très libérale de la liberté de la presse, valorisant, plus particulièrement, la protection du secret des sources journalistiques, sans pour autant exclure la nécessité de restrictions en présence d'un « impératif prépondérant d'intérêt public »(18). Aussi peut-on regretter que le Conseil, pour lequel « la liberté d'expression et de communication est d'autant plus précieuse que son exercice est une condition de la démocratie et l'une des garanties du respect des autres droits et libertés »(19), n'ait pas saisi l'occasion de souligner l'importance de cette garantie, d'autant que la préservation du secret des sources journalistiques a bien évidemment une portée qui dépasse la seule lutte contre le terrorisme. Sans doute, souhaite-t-il ainsi se donner une latitude supplémentaire pour de futurs contrôles mais la consécration du droit à la protection des sources journalistiques n'empêchait pas de juger la loi conforme à la Constitution.

Appréciant enfin la délicate conciliation opérée par le législateur entre la prévention des atteintes à l'ordre public et des infractions, « nécessaire à la sauvegarde de droits et de principes de valeur constitutionnelle » et le respect des droits au respect de la vie privée et à un procès équitable, le juge constitutionnel pointe les garanties « suffisantes » entourant la mise en œuvre de la procédure (cons. 16 et 19). La réquisition administrative de données peut « uniquement » être utilisée « aux fins de recueillir des renseignements intéressant la sécurité nationale, la sauvegarde des éléments essentiels du potentiel scientifique et économique de la France ou la prévention du terrorisme, de la criminalité et de la délinquance organisées et de la reconstitution ou du maintien de groupements dissous ». Elle « est mise en œuvre par des agents spécialement habilités » et « subordonnée à l'accord préalable d'une personnalité qualifiée, placée auprès du Premier ministre, désignée par la commission nationale de contrôle des interceptions de sécurité » (CNCIS). Si l'autorisation de recueil des données en temps réel -- mesure qui permet de géo-localiser une personne -- est délivrée par le seul Premier ministre, celle-ci est soumise au contrôle de la CNCIS qui dispose d'un accès permanent au dispositif de recueil des données et peut adresser des recommandations au ministre de l'Intérieur ou au Premier ministre si elle constate un manquement aux règles applicables ou une atteinte aux droits et libertés. Et de rappeler in fine les sanctions pénales de la « révélation d'une information à caractère secret par une personne qui en est dépositaire soit par état ou par profession, soit en raison d'une fonction ou d'une mission temporaire » (article 226-13 du code pénal ; cons. 18). A contrario, l'absence de garanties suffisantes est censurée, dans la décision n° 2015-713 DC du 23 juillet 2015, Loi relative au renseignement. Ainsi en est-il pour la procédure dérogatoire de mise en œuvre de dispositifs de localisation en cas d'urgence liée à une menace imminente ou à un risque très élevé de ne pouvoir effectuer l'opération ultérieurement, instituée par l'article L. 821-6, qui, en ne prévoyant ni l'autorisation préalable du Premier ministre ou de l'un de ses collaborateurs directs habilités au secret de la défense nationale, ni la délivrance préalable d'un avis de la Commission nationale de contrôle des techniques de renseignement (CNCTR), porte une atteinte disproportionnée au droit au respect de la vie privée et au secret des correspondances (cons. 29). Sur le terrain de l'incompétence négative, la procédure relative à la surveillance des communications émises ou reçues à l'étranger est également jugée contraire à la Constitution (cons. 78). En revanche, alors que les députés requérants dénonçaient une protection insuffisante contre l'atteinte indirecte au secret des sources journalistiques et à la confidentialité des échanges entre les avocats et leurs clients, le Conseil juge que l'article L. 821-7 ne porte pas « une atteinte manifestement disproportionnée au droit au respect de la vie privée, à l'inviolabilité du domicile et au secret des correspondances » (cons. 34). Il interdit, en effet, que ces personnes fassent l'objet d'une demande de mise en œuvre d'une technique de renseignement à raison de leur profession. En outre, la loi prévoit différentes garanties pour la mise en œuvre d'une telle technique. Un examen en formation plénière par la CNCTR est requis. Par ailleurs, la procédure dérogatoire de l'article L. 821-5 ne peut être appliquée. Enfin, informée des modalités d'exécution des autorisations délivrées en application de cette disposition et disposant des transcriptions des renseignements collectés, la CNCTR veille, sous le contrôle du Conseil d'État, au caractère nécessaire et proportionné des atteintes portées aux garanties attachées à l'exercice des activités en cause (cons. 34).

S'agissant d'un recueil de renseignement qui ne peut « avoir d'autre but que de préserver l'ordre public et de prévenir les infractions » (cons. 9), la démarche du juge constitutionnel ne paraît pas en contradiction avec celle du juge européen qui, maintes fois confronté à la délicate mise en balance d'intérêts divergents, s'attache à vérifier l'existence de garanties adéquates. Dès l'affaire Klass et a. c. Allemagne, relative à des écoutes téléphoniques dans le cadre de la lutte contre le terrorisme, la Cour, soulignant fermement les dangers que recèlent les mesures de surveillance secrète, met, en effet, l'accent sur la nécessité de « garanties adéquates et suffisantes contre les abus ». Toutefois, n'admet-elle pas déjà que la surveillance secrète « est, devant une situation exceptionnelle, nécessaire dans une société démocratique à la sécurité nationale et/ou à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales » (6 septembre 1978, § 48 et § 50) ? Et, concernant spécifiquement la protection des sources journalistiques, si l'absence de « garanties légales adéquates », impliquant notamment le contrôle par une instance indépendante, est sanctionnée (Gr. Ch., 14 septembre 2010, Sanoma Uitgevers B. V. c. Pays-Bas, § 100), le juge européen concède, cependant aux États « une ample marge d'appréciation pour choisir les moyens de sauvegarder la sécurité nationale » et considère, lorsque la surveillance exercée ne vise pas à découvrir des sources journalistiques, que l'ingérence dans l'exercice de la liberté d'expression ne peut être qualifiée de « particulièrement grave ». En permettant de limiter les atteintes au secret des télécommunications à ce qui est nécessaire pour lutter contre les crimes graves -- notamment le fait que les données recueillies ne pourront être utilisées que pour prévenir certaines infractions pénales graves --, les garanties sont jugées « adéquates et effectives » (29 juin 2006, Weber et Saravia c. Allemagne, § 106 et §§ 151-152).

(1) Les critères appliqués par la Cour sont au nombre de trois : la qualification de l'infraction en droit interne, la nature de l'infraction et la nature et le degré de sévérité de la sanction, arrêt du 8 juin 1976, Engel et a. c. Pays-Bas, §§ 82-83. V. F. Sudre (dir), Les grands arrêts de la Cour européenne des droits de l'homme, PUF, 2015, ci après GACEDH, n° 4.
(2) Tel n'est pas le cas, en revanche, de la solidarité financière du donneur d'ordre pour le paiement des sommes dues par un cocontractant ou un sous-traitant au Trésor public et aux organismes de protection sociale en cas de travail dissimulé, constitutive d'une « garantie pour le recouvrement » des créances. La responsabilité du donneur d'ordre est limitée à la fraction des sommes dues par l'auteur du travail dissimulé correspondant aux prestations réalisées pour lui, proportionnellement à leur valeur (article L. 8222-3 du code du travail), ce dernier disposant, après l'acquittement de la somme en cause, d'une action récursoire contre le débiteur principal et, le cas échéant, contre les codébiteurs solidaires (Cons. const., décision n° 2015-479 QPC, 31 juillet 2015, Société Gecop, cons. 8 et 10).
(3) V., sur ce point, Cons. const., décision n° 2013-341 QPC, 27 septembre 2013, M. Smaïn Q. et a., à propos de la majoration de la redevance d'occupation du domaine public fluvial pour stationnement sans autorisation, cette chron., cette Revue, janvier 2014, n° 42, p. 204.
(4) V. note 3.
(5) La Cour de cassation avait refusé de transmettre une QPC considérant que le texte litigieux ne contrevenait pas à l'article 16 de la Déclaration, « le donneur d'ordres pouvant contester en justice son application » (Cass. civ. 2e, 8 février 2012, n° 11-40094).
(6) Cons. const., décision n° 96-373 DC, 9 avril 1996, Loi organique portant statut d'autonomie de la Polynésie française, cons. 83 à 85 ; commentaire site internet Cons. const., p. 2.
(7) Cons. const., décision n° 2013-320/321 QPC, 14 juin 2013, M. Yacine T. et autre, cette chron., cette Revue, octobre 2013, n° 41, p. 314 et Cons. const., décision n° 2014/393 QPC, 25 avril 2014, M. Angelo R., cette chron., cette Revue, octobre 2014, n° 45, p. 238.
(8) Dans le même sens, Cour EDH, Gr. Ch., 6 octobre 2005, Hirst c. Royaume-Uni (n° 2) : « les détenus en général continuent de jouir de tous les droits et libertés fondamentaux garantis par la Convention, à l'exception du droit à la liberté » (§ 69 ; à propos d'une privation du droit de vote « générale, automatique et indifférenciée » des détenus condamnés à une peine perpétuelle).
(9) Recommandation Rec2006(2) du Comité des Ministres aux États membres sur les Règles pénitentiaires européennes. La règle 26.17 prévoit seulement que « Les détenus exerçant un travail doivent, dans la mesure du possible, être affiliés au régime national de sécurité sociale ».
(10) Cour EDH, Gr. Ch., 7 juillet 2011, Stummer c. Autriche, absence de violation de l'article 14 combiné avec l'article 1 du Protocole 1. V. sur ces questions, L. Maulet, « Les institutions européennes face au travail en prison » in R. Eckert, J.-M. Tuffery-Andrieu (dir.), Le travail en prison. Mise en perspective d'une problématique contemporaine, PUS, coll. Droit de l'entreprise, 2015, pp. 193-207.
(11) Cour EDH, déc., 11 octobre 2011, Paillet c. France, req. n° 16264/07.
(12) Selon l'article 717-3 du CPP, les relations de travail des personnes incarcérées ne font pas l'objet d'un contrat de travail.
(13) Selon l'article 22, l'administration pénitentiaire garantit à toute personne détenue le respect de sa dignité et de ses droits, lesquels ne peuvent faire l'objet « d'autres restrictions que celles résultant des contraintes inhérentes à la détention, du maintien de la sécurité et du bon fonctionnement des établissements, de la prévention de la récidive et de la protection de l'intérêt des victimes ».
(14) Cons. const., décision n° 2013-320/321 QPC, cons. 9.
(15) Le juge constitutionnel écarte par ailleurs les autres griefs soulevés.
(16) La règle n° 50 prévoit seulement que « Sous réserve des impératifs de bon ordre, de sûreté et de sécurité, les détenus doivent être autorisés à discuter de questions relatives à leurs conditions générales de détention et doivent être encouragés à communiquer avec les autorités pénitentiaires à ce sujet ».
(17) Au titre de l'article 8 de la Convention ; par exemple, Cour EDH, 6 décembre 2012, Michaud c. France.
(18) Cour EDH, 27 mars 1996, Goodwin c. Royaume-Uni, § 39 ; v. GACEDH, op. cit., n° 60.
(19) Cons. const., décision n° 2009-580, 10 juin 2009, Loi favorisant la diffusion et la protection de la création sur internet, cons. 15.