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Chronique de droit public

Hélène HOEPFFNER - Professeur de droit public à Sciences Po Toulouse, Institut Maurice Hauriou

Nouveaux Cahiers du Conseil constitutionnel n° 42 - janvier 2014

Expropriation : Encore deux batailles perdues !

Décision no 2013-338/339 QPC du 13 septembre 2013, Sté. Invest Hôtels Saint-Dizier Rennes et autre

(Prise de possession d'un bien exproprié selon la procédure d'urgence)

Décision no 2013-342 QPC du 20 septembre 2013, SCI de la Perrière Neuve et autre

(Effets de l'ordonnance d'expropriation sur les droits réels ou personnels existant sur les immeubles expropriés)

1. Les relations entre la question prioritaire de constitutionnalité et le code de l'expropriation ont progressivement pris des allures de bataille navale où les assaillants tirent tous azimuts : la constitutionnalité de nombreux articles du code de l'expropriation a été contestée devant les juridictions du fond(1) et devant le Conseil constitutionnel (v. le tableau récapitulatif dressé dans le commentaire de la décision no 2013-342 DC). Ces attaques successives n'ont cependant permis de faire couler que deux articles (censure des articles L. 15-1 et L. 15-2 c. expr. relatifs à la prise de possession des biens avec consignation en cas d'appel : déc. no 2012-226 QPC du 6 avr. 2012) et en ont touché un autre (réserve d'interprétation : art. L. 13-17 c. expr. relatif à la fixation du montant de l'expropriation : déc. no 2012-236 QPC du 20 avr. 2012). Peut-être certaines stratégies d'attaque devraient-elles être revues, afin de cibler plus juste : c'est ce qui ressort de la décision no 2013-342 QPC du 20 sept. 2013, SCI de la Perrière Neuve et autre (II). D'autres soulèvent des questions sérieuses qui aurait mérité sans doute des évolutions – jurisprudentielles ou législatives – mais qui, compte tenu de la jurisprudence (constante) du Conseil constitutionnel semblaient vouées à l'échec (I).

I – Constitutionnalité de la prise de possession d'un bien exproprié dans le cadre de la procédure d'expropriation d'urgence

2. La procédure « normale » d'expropriation peut être scindée en deux phases successives : l'une administrative, au cours de laquelle est déclarée l'utilité publique de l'opération envisagée ; l'autre judiciaire, au cours de laquelle la propriété de l'immeuble est transférée à l'expropriant qui en prend possession après la fixation et le versement des indemnités. Elle est donc généralement longue.

Dans le but de l'accélérer, ces deux phases sont parfois simultanées. L'enquête parcellaire est engagée en même temps que l'enquête publique préalable à la DUP et le juge de l'expropriation saisi immédiatement afin de fixer le montant de l'indemnité due à l'exproprié.

Pour plus de célérité encore, le législateur a également organisé des procédures spéciales : la procédure d'urgence – qui n'a pas d'objet précis (c. expr., art. L.15-4 et 5 et R.15-2 et s.) et la procédure d'extrême urgence – qui est en principe(2) limitée aux travaux intéressant la défense nationale (c. expr., art. L.15-6 et s.). Toutes deux ont en commun d'accélérer la prise de possession de l'immeuble.

3. Le Conseil constitutionnel avait déjà eu l'occasion de valider la constitutionnalité de la procédure d'extrême urgence(3).

Il ne s'était en revanche prononcé que sur le caractère législatif des dispositions des articles L. 15-4 et-5 du code de l'expropriation dans le cadre de la procédure de l'article 37 alinéa 2 de la Constitution (déc. no 88-157 L du 10 mai 1988) et non sur la conformité de la procédure d'urgence à Constitution. La question qui lui a été transmise par la Cour de cassation le 20 juin 2013 lui en a donné l'occasion.

4. La procédure d'urgence est peu dérogatoire au droit commun(4). Le constat d'urgence de l'expropriation par l'administration ne permet en effet nullement de modifier la phase administrative relative à la déclaration d'utilité publique. Elle permet seulement d'écourter la phase judiciaire, en réduisant certains délais :

- alors que dans le cadre de la procédure normale, l'expropriant doit laisser un mois à l'exproprié pour éventuellement accepter ses propositions d'indemnisation avant de saisir le juge de l'expropriation, dans le cadre de la procédure d'urgence, ce délai est réduit à quinze jours ;

- alors que le juge dispose en principe de deux mois à compter de sa saisine pour se transporter sur les lieux, il ne dispose que de quinze jours en cas d'urgence ;

- enfin, et surtout, l'expropriant peut prendre possession du bien exproprié plus rapidement (c. expr., art. L.15-4). En effet, à l'issue du transport sur les lieux, le juge de l'expropriation tient une audience à l'issue de laquelle il prononce une ordonnance fixant le montant des indemnités définitives s'il s'estime suffisamment éclairé ou d'indemnités provisionnelles(5) et autorisant, le cas échéant, l'expropriant à prendre possession immédiatement du bien exproprié moyennant le versement de ces indemnités à l'exproprié ou du moins leur consignation.

5. Selon les requérants, cette procédure porte atteinte au droit de propriété car elle permet à l'expropriant de prendre possession du bien exproprié avant la fixation définitive de l'indemnité.

Reprenant le considérant de principe de ces décisions antérieures relatives à des procédures d'expropriation spéciales (décisions no 89-256 DC du 25 juin 1989, Procédure d'extrême urgence et no 2010-26 QPC du 17 septembre 2010, Expropriation des immeubles insalubres), le Conseil constitutionnel rappelle qu'afin de se conformer aux exigences du droit de propriété, « la prise de possession par l'expropriant doit être subordonnée au versement préalable d'une indemnité » (considérant 5).

Il rappelle ensuite qu'aux termes de l'article L. 15-4 du code de l'expropriation, le juge de l'expropriation peut autoriser l'expropriant à prendre possession du bien exproprié « moyennant le paiement ou, en cas d'obstacles, à celui-ci, la consignation » des indemnités – définitives ou provisionnelles – fixées (considérant 6).

Il juge enfin que ces dispositions sont conformes aux exigences découlant de l'article 17 de la DDHC (considérant 7) dans la mesure où :

- la fixation des indemnités relève de la seule compétence du juge de l'expropriation ;

- qui « ne peut prononcer des indemnités provisionnelles que lorsqu'il n'a pu fixer les indemnités définitives » ;

- et qu'en cas de désaccord sur le montant de ces indemnités – définitives ou provisionnelles – le propriétaire dispose de voies de recours appropriées.

Compte tenu de la jurisprudence antérieure du Conseil constitutionnel en matière d'expropriation, cette nouvelle interprétation a minima de l'article 17 de la DDHC n'est guère étonnante(6). Elle se comprend d'abord parce qu'elle respecte la lettre de l'article 17 de la DDHC. Elle se comprend ensuite parce que la solution inverse aurait conduit à réduire quasiment à néant l'intérêt de la procédure d'urgence.

Elle n'en suscite pas moins des réserves car certes, il y a bien « versement » par l'expropriant « d'une indemnité » au profit de l'exproprié avant toute prise de possession du bien exproprié, mais l'autorisation de prendre possession du bien « en urgence » est accordée de droit dès lors que l'urgence a été déclarée :

- sans que le juge de l'expropriation ne vérifie la réalité de celle-ci : seul le juge administratif y est habilité (il n'exerce en outre qu'un contrôle normal laissant une large marge d'appréciation à l'autorité administrative(7)) ;

- sans attendre que le montant des indemnités soit définitivement arrêté ;

- et sans attendre que celles-ci soient effectivement versées à l'exproprié : elle peut être accordée dès lors que les indemnités sont consignées à son profit.

Or matériellement, cela présente un inconvénient majeur – en particulier pour les immeubles bâtis et le cas échéant occupés : seul le versement d'une indemnité définitive permet à l'exproprié de pouvoir remplacer immédiatement le bien dont il a été privé. Le versement d'une indemnité provisionnelle ne permet pas de racheter immédiatement et en toute sécurité un bien. Il y a bien, dans cette perspective, une atteinte au droit de propriété. Le caractère préalable du versement de l'indemnité est en quelque sorte vidé de son objectif initial : permettre de remplacer le bien exproprié.

6. Selon les requérants ensuite, la procédure d'urgence porte atteinte au droit à un recours juridictionnel effectif (art. 16 DDHC) dans la mesure où « la décision fixant le montant des indemnités provisionnelles ne peut être attaquée que par la voie du recours en cassation » (c. expr. art. L.15-5 ; rappelé par le considérant 4).

Conformément à une jurisprudence constante du Conseil constitutionnel cependant, « le principe du double degré de juridiction n'a pas en lui même valeur constitutionnelle »(8) (considérant 8). L'absence de possibilité d'interjeter appel de la décision fixant le montant des indemnités provisionnelles ne porte donc pas atteinte aux droits garantis par l'article 16 de la DDHC. La solution était plus que prévisible. Elle l'était d'autant plus que depuis l'entrée en vigueur du décret no 2005-467 du 13 mai 2005, le pourvoi en cassation organisé par l'article L. 15-5 du code de l'expropriation est soumis aux conditions de droit commun : l'ordonnance du juge de l'expropriation peut être attaquée pour tout motif et non plus seulement pour incompétence, excès de pouvoir ou vice de forme.

Pourtant le moyen n'était pas inintéressant compte tenu de son contexte : l'article 3 du projet de loi habilitant le Gouvernement à simplifier les relations entre l'administration et les citoyens (dans sa version en discussion devant la CMP en octobre 2013) prévoit d'autoriser le Gouvernement à modifier le code de l'expropriation par voie d'ordonnance afin notamment de donner compétence en appel à la juridiction de droit commun.

II – Constitutionnalité de la phase du transfert de propriété dans le cadre de la procédure normale d'expropriation

7. Dans le cadre de la procédure normale d'expropriation, la phase judiciaire de l'expropriation se décompose en trois étapes (cf. ci-dessus) : le transfert de propriété des immeubles ou des droits réels immobiliers au profit de l'expropriant ; la fixation des indemnités, soit à l'amiable, soit par le juge de l'expropriation et l'envoi en possession. L'expropriant devient, dès le prononcé de l'ordonnance d'expropriation, propriétaire du bien exproprié mais il ne peut en prendre possession qu'après avoir versé l'indemnité ou, en cas de désaccord, après l'avoir consignée(9).

8. La première de ces étapes a déjà fait l'objet d'une QPC portant sur l'article L. 12-1 du code de l'expropriation aux termes duquel « le transfert de propriété des immeubles ou de droits réels immobiliers est opéré par voie, soit d'accord amiable, soit d'ordonnance qui est rendue par le juge de l'expropriation (...) sur le vu des pièces constatant que les formalités prescrites par le chapitre 1er ont été accomplies » (ce chapitre étant relatif à la déclaration d'utilité publique et à l'arrêté de cessibilité). À ce stade donc, point de contradictoire, conformément à la volonté du législateur impérial de 1810 de ne conférer à l'autorité judiciaire que des attributions symboliques : le principe du contradictoire ne trouve à s'appliquer que dans le second temps, au stade de la fixation de l'indemnité. Cela n'a cependant pas empêché le Conseil constitutionnel de déclarer ces dispositions conformes à la Constitution (déc. no 2012-247 QPC du 16 mai 2012, Consorts L.)(10). Après avoir dressé un panorama général de la procédure d'expropriation et évoqué les garanties qui entourent l'adoption de l'ordonnance, il a énuméré les différents recours contentieux dont disposent les expropriés, à tous les stades de la procédure, contre les décisions, administratives ou judiciaires et rappelé que l'exproprié peut, en cas d'annulation de la DUP, faire constater par le juge de l'expropriation que l'ordonnance est dépourvue de base légale puis a conclu, aux termes d'une analyse somme toute globale, que ces dispositions ne méconnaissaient ni les exigences de l'article 16 de la Déclaration de 1789, ni celles de l'article 17 de la même Déclaration (alors même qu'il ne lui était pas demandé de statuer sur ce second point).

9. C'est – à nouveau – cette première étape relative au transfert de propriété qui était contestée à l'occasion de la QPC transmise par la Cour de cassation portant sur l'alinéa 1er de l'article L. 12-2 du code de l'expropriation aux termes duquel « l'ordonnance d'expropriation éteint, par elle-même et à sa date, tous droits réels ou personnels existants sur les immeubles expropriés ». A compter de la date de l'ordonnance d'expropriation, disparaissent notamment les droits réels suivants : propriété, nue-propriété, usufruit, emphytéose, servitudes et sûretés réelles. Ceux-ci sont transformés en créance à l'égard de l'expropriant. Disparaissent également les droits personnels : les baux de location sont résiliés.

10. Selon les requérants, ces dispositions portaient atteinte au droit à un recours juridictionnel effectif (art. 16 DDHC) et au droit de propriété (art. 17 DDHC).

Les faits à l'origine du litige permettent de le comprendre. Une SCI a conclu en 1977 un bail emphytéotique de 99 ans sur une parcelle de la commune de Chambéry. En 1988, la commune a souhaité procéder à l'expropriation de cette parcelle afin d'y construire un parking. Conformément à l'article L. 13-2 du code de l'expropriation, l'un des propriétaires indivis de ladite parcelle a alors fait connaître à l'expropriant les locataires ainsi que les emphytéotes mais aucune offre d'indemnisation ne leur a cependant été notifiée puis versée. Seuls les propriétaires ont été indemnisés.

La SCI, à l'appui d'un recours exercé devant le TGI de Chambéry tendant à faire reconnaître la voie de fait de la commune ayant fait réaliser des travaux au mépris de leurs droits réels sur cette passerelle, a déposé une QPC, estimant l'article L. 12-2 du code de l'expropriation :

- contraire au droit à un recours juridictionnel effectif dans la mesure où il prive l'emphytéote titulaire de droits réels de ses droits sur le bien exproprié sans être appelé dans la procédure d'expropriation et sans pouvoir exercer de recours contre l'ordonnance d'expropriation, adoptée aux termes d'une procédure non contradictoire ;

- et contraire au droit de propriété dans la mesure où il prive l'emphytéote de ses droits sur le bien exproprié sans indemnisation préalable dans la mesure où son droit à indemnisation peut être bafoué à la suite d'une simple négligence du propriétaire à dénoncer son existence à l'autorité expropriante et sans qu'il puisse exercer de recours contre l'ordonnance d'expropriation.

11. A priori, les arguments semblaient solides. Ils restent qu'ils étaient dirigés contre le seul article L. 12-2 du code de l'expropriation qui se borne à définir la portée de l'ordonnance d'expropriation sur les droits réels ou personnels sur les biens expropriés. Il ne traite que des conséquences attachées à cette ordonnance et non pas de la procédure d'adoption de celle-ci. Le Conseil constitutionnel a donc jugé ces moyens inopérants(11) car ils visent en réalité à mettre en cause les articles L. 12-5 et L. 13-2 du code de l'expropriation dont il n'était pas saisi. Selon une jurisprudence constante depuis sa décision no 2010-1 QPC du 28 mai 2010 en effet, le Conseil constitutionnel ne s'estime pas compétent pour se prononcer sur l'applicabilité de la disposition législative contestée au litige. Il considère que saisi d'une question prioritaire de constitutionnalité, il ne lui appartient pas de remettre en cause la décision par laquelle le Conseil d'Etat ou la Cour de cassation a jugé qu'une disposition était ou non applicable au litige ou à la procédure ou constituait ou non le fondement des poursuites.

12. Donnant néanmoins une sorte de leçon de droit de l'expropriation à la Cour de cassation à travers sa décision (considérant 5), le Conseil constitutionnel précise que les griefs soulevés par les requérants sont relatifs aux articles L. 12-5 et L. 13-2 du code de l'expropriation et répond aux moyens par le biais du commentaire de la décision paru sur son site internet.

13. S'agissant du droit au recours d'abord, le Conseil constitutionnel précise que c'est l'article L. 12-5 du code de l'expropriation, qui prévoit que l'ordonnance d'expropriation ne peut être attaquée que par la voie du recours en cassation et seulement pour incompétence, excès de pouvoir ou vice de forme, par les parties à l'ordonnance ainsi que par les personnes y ayant intérêt. C'est aussi l'article L. 12-5 du code de l'expropriation qui prévoit que tout exproprié peut, « en cas d'annulation par une décision définitive du juge administratif de la déclaration d'utilité publique ou de l'arrêté de cessibilité (...) faire constater par le juge de l'expropriation que l'ordonnance portant transfert de propriété est dépourvue de base légale » afin d'obtenir la rétrocession du bien, y compris si le juge judiciaire a déjà procédé au transfert de propriété. C'est donc lui qui, potentiellement, porte atteinte au droit au recours de certains propriétaires expropriés.

En effet, ces dispositions ne bénéficient pas de façon identique à tous les expropriés.

D'une part, seules peuvent – aux termes d'une jurisprudence constante de la Cour de cassation – former un pourvoi en cassation les parties à l'ordonnance (expropriant et exproprié) ainsi que les personnes ayant un intérêt à agir. Or tel n'est pas le cas du titulaire d'un bail emphytéotique, à moins que l'expropriation porte uniquement sur le droit réel(12). Tel n'est pas non plus le cas du titulaire d'un droit personnel sur le bien exproprié, par exemple le locataire d'une partie de l'immeuble exproprié(13) ou le titulaire d'un bail commercial(14).

D'autre part, seul peut faire usage de la procédure prévue à l'alinéa 2 de l'article L. 12-5 aux fins d'obtenir la rétrocession du bien illégalement exproprié le propriétaire du bien à l'exclusion des titulaires de droits réels ou personnels sur ce bien.

Par suite, il existe bien une différence de traitement entre le propriétaire du bien exproprié et les titulaires de droits réels et personnels. Ils bénéficient certes d'une voie de recours : ils peuvent se retourner vers le propriétaire pour obtenir, le cas échéant, le dédommagement de leurs préjudices. Mais différente de celles ouvertes au propriétaire du bien exproprié.

Selon le Conseil constitutionnel (page 10 du commentaire), ce « déséquilibre entre le propriétaire et les titulaires des autres droits réels » (et personnels au demeurant) se justifie par « la différence de situation dans laquelle ils sont placés ».

Il reste qu'autant la différence de traitement entre les titulaires de droits réels et de droits personnels se comprend dans la mesure où leur situation est manifestement différente, autant celle établie entre le propriétaire d'un bien et le titulaire de droits réels nous semble plus étonnante. Aux termes de la jurisprudence de la Cour de cassation, les titulaires de droits réels ne bénéficient des mêmes voies de droit que les propriétaires que lorsque l'expropriation porte sur les droits réels eux-mêmes. A défaut, ils sont placés dans la même situation que les titulaires de simples droits personnels.

Or il nous semble que cette solution est en décalage avec l'article L. 11-1 du code de l'expropriation qui met sur le même plan l'expropriation d'immeubles et de droit réels immobiliers. Il nous semble étonnant qu'au cours de la phase judiciaire de l'expropriation, les titulaires de droits réels bénéficient de moindres garanties au motif que l'expropriant n'aurait visé qu'un bien et non les droits réels qui pourraient être détenus sur ce bien.

14. S'agissant ensuite du droit de propriété, le Conseil constitutionnel précise que c'est l'article L. 13-7 du code de l'expropriation, relatif à l'indemnisation, qui précise que le juge de l'expropriation prononce des « indemnités distinctes en faveur des parties qui les demandent à des titres différents » (propriétaires, fermiers, locataires, titulaires de servitudes) et que « dans le cas d'usufruit, une seule indemnité est fixée ».

Encore faut-il, pour que de telles indemnités soient fixées, que l'expropriant ait effectivement connaissance de l'existence de ces parties. Pour ce faire, l'article L. 13-2 du code de l'expropriation prévoit qu'en vue de la fixation des indemnités, « le propriétaire et l'usufruitier sont tenus d'appeler et de faire connaître à l'expropriant les fermiers, locataires, ceux qui ont des droits d'emphytéose, d'habitation ou d'usage et ceux qui peuvent réclamer des servitudes » et que « les autres intéressés seront en demeure de faire valoir leurs droits par publicité collective et tenus de se faire connaître à l'expropriant, à défaut de quoi ils seront déchus de tous droits à l'indemnité ».

Ici réside sans doute la faille du système : à défaut de notification, les preneurs sont irrecevables à demander en justice une indemnité à l'expropriant qui n'a pas eu connaissance de leur existence(15). Certes, ils peuvent alors intenter une action en dommages et intérêts contre le propriétaire ou l'usufruitier négligent devant juge de droit commun afin d'obtenir indemnisation du préjudice qu'ils ont subi(16) : leur droit à un recours juridictionnel effectif est donc sauvegardé. Mais il reste que leur accès au juge de l'expropriation est conditionné par le bon vouloir du propriétaire exproprié ce qui ne semble guère conforme au moins à l'esprit de l'article 17 de la DDHC, voire à sa lettre qui exige que l'expropriation soit précédée du versement préalable d'une indemnité : dans une telle hypothèse, ils ne se verront que le cas échéant verser d'indemnités que bien après qu'ils aient été privés de leurs droits.

15. La décision no 2013-342 du 20 sept. 2013 laisse un goût d'inachevé. En raison d'un motif de procédure, elle soulève plus de questions qu'elle ne donne de réponses. Le commentaire officiel ne laisse cependant guère de doutes sur l'issue éventuelle d'une nouvelle QPC qui mettrait en cause les dispositions qui, en l'espèce, auraient dû être visées.

Mises bout à bout, les décisions du Conseil constitutionnel relatives à l'expropriation conduisent à nuancer certaines présentations traditionnelles de la procédure d'expropriation. Souvent en effet, le pouvoir d'exproprier est présenté comme une prérogative certes exorbitante de l'Etat mais qui est atténuée par « l'importance du droit de propriété » qui justifie d'une part, que « le privilège du préalable change de camp et passe du côté du propriétaire »(17) (l'administration n'acquiert la propriété de l'immeuble qu'après avoir versé une juste et préalable indemnité) et d'autre part, que l'administration perde son privilège de juridiction dans la mesure où seul le juge de l'expropriation est habilité à fixer le montant de l'indemnité(18). L'importance du droit de propriété apparaît aujourd'hui considérablement atténuée. Certes, l'essentiel de l'opération d'expropriation a toujours relevé des autorités administratives, agissant sous le contrôle du juge administratif. Mais la garantie judiciaire apparaît aujourd'hui plus encore qu'hier comme étant non seulement très subsidiaire(19) mais également très limitée.

Facture salée pour un stationnement en eau douce

Décision no 2013-341 QPC du 27 septembre 2013, M. Smaïn Q. et autre

(Majoration de la redevance d'occupation du domaine public fluvial pour stationnement sans autorisation)

1. Prendre le risque de stationner sans payer puis payer une amende coûte parfois moins cher que de payer la redevance d'occupation du domaine public : c'est souvent le cas pour le stationnement automobile dans les grandes agglomérations (l'amende forfaitaire s'élève à 17 €). C'est sans doute le calcul qui a été fait par M. Smaïn Q. et Mme Carolina L. en stationnant leur bateau logement sans autorisation sur la Seine. L'état exécutoire qui leur a été adressé par Voies navigables de France prouve que la prise de risque n'était guère intéressante : l'établissement public leur a réclamé 13 523,97 € au titre de la période du 1er juillet 2007 au 30 septembre 2008.

À l'occasion du litige qui les opposait à cet établissement public, ils ont soulevé une QPC portant sur la conformité à la Constitution de l'article L.2125-8 du CG3P.

2. Le domaine public fluvial(20) – composé de « l'ensemble des voies, des plans d'eau et de leurs accessoires portuaires appartenant à l'État et aux collectivités territoriales » (CG3P) – présente une triple spécificité :

- c'est un domaine divisé entre plusieurs collectivités publiques : contrairement au domaine public maritime, il n'appartient pas exclusivement à l'État ;

- c'est un domaine public à ‚deux visages' : il comprend une partie naturelle, façonnée par la nature et une partie artificielle, construite par l'homme, comprenant les accessoires et les prolongements de la première ;

- et c'est un domaine public multi-tâches' : il ne fait pas l'objet d'une affectation unique.

Celle-ci explique les particularités de son régime juridique.

3. Comme toute dépendance du domaine public, son occupation privative est subordonnée à l'octroi d'un titre d'occupation (art. L. 2122-1 CG3P) et, en principe, au versement d'une redevance (art. L. 2125-1 CG3P)(21). À défaut, elle donne lieu à des sanctions dont le but est à la fois de réprimer l'infraction passée et de dissuader les contrevenants potentiels.

L'article L. 2124-13 CG3P adapte cependant ces principes généraux à la spécificité du domaine public fluvial.

Son occupation est encadrée pour des raisons de police administrative et pour des motifs économiques : elle doit préserver la ressource en eau ainsi de garantir la navigation de commerce ou de plaisance, le tourisme et les sports nautiques.

Les sanctions sont adaptées aux risques spécifiques de l'occupation sans titre de ce domaine : dangers potentiels, atteinte à l'environnement, surcoûts pour le gestionnaire, frein au développement des zones d'accueils, etc. Elles visent autant à réprimer l'infraction passée qu'à dissuader les contrevenants potentiels.

4. Le régime juridique de ces sanctions a été récemment été réformé par la loi no 2006-1772 du 30 déc. 2006 sur l'eau et les milieux aquatiques.

Jusque là, l'indemnité d'occupation réclamée aux occupants sans titre était égale à la redevance applicable aux occupants réguliers du domaine fluvial. Cela ne dissuadait donc guère les éventuels occupants sans titre. Seule l'amende éventuellement prononcée dans le cadre d'une procédure de contravention de grande voirie pouvait les inciter à demander une autorisation ou du moins à régulariser leur situation. Hormis son caractère peu dissuasif, ce régime ne suscitait pas de critique : le cumul de la ‚sanction' constituée par l'obligation de payer a posteriori la redevance d'occupation et de la contravention de grande voirie ne portait pas atteinte au principe non bis in idem(22).

Depuis 2006, l'article L. 2125-8 du CG3P dispose : « sans préjudice de la répression au titre des contraventions de grande voirie, le stationnement sans autorisation d'un bateau, navire, engin flottant ou établissement flottant sur le domaine public fluvial donne lieu au paiement d'une indemnité d'occupation égale à la redevance, majorée de 100 %, qui aurait été due pour un stationnement régulier à l'emplacement considéré ou à un emplacement similaire, sans application d'éventuels abattements ». Désormais donc, ce n'est plus seulement la redevance qui est exigée : c'est la redevance majorée de 100 %. Par suite, l'occupant sans droit ni titre s'expose à une procédure d'expulsion ou de déplacement d'office du bateau par l'autorité administrative (art. L. 4244-1 c. transp.), au paiement d'une amende pour contravention de grande voirie pouvant aller de 150 à 12 000 €, le cas échéant sous astreinte (CG3P, art. L. 2132-9) et à une indemnité d'occupation égale à la redevance qui aurait été due majorée de 100 %. L'occupant sans titre s'expose donc à une répression polymorphe, caractérisée par un cumul de sanctions.

5. C'est précisément ce cumul de sanctions qui a justifié la transmission de la QPC au Conseil constitutionnel. Selon les requérants, les dispositions l'article L. 2125-8 du CG3P, parce qu'elles autorisent un cumul de sanctions, porteraient atteinte au principe de nécessité des peines et des droits de la défense garantis par l'article 8 de la DDHC.

Sans surprise, le Conseil constitutionnel a déclaré ces dispositions conformes à la Constitution. Il a néanmoins assorti cette déclaration d'une réserve d'interprétation.

I – L'absence de clarification de la définition de sanction administrative

6. Juger de la constitutionnalité du dispositif nécessitait, à titre liminaire, de qualifier la majoration de 100 % de la redevance d'occupation du domaine public fluvial : la question se posait de savoir s'il s'agit d'une simple indemnité compensatoire, une sorte de ‚prix du temps' visant à réparer le préjudice causé au gestionnaire du domaine du fait du paiement tardif de la redevance(23) (auquel cas, ainsi que le soutenait le Gouvernement, les griefs invoqués étaient inopérant) ou d'une véritable sanction administrative ayant le caractère de punition au sens de l'article 8 de la DDHC.

7. Sans grande surprise, le Conseil constitutionnel considère qu'« en instituant cette majoration, le législateur a entendu dissuader toute personne d'occuper sans autorisation le domaine public fluvial et réprimer les éventuels manquements à cette interdiction » : par suite : « une telle majoration constitue une sanction ayant le caractère d'une punition » (considérant 5).

8. Cette solution était en effet prévisible :

- eu égard aux motifs de la loi de 2006 : le commentaire officiel de la décision souligne qu'en instituant une majoration de 100 % de la redevance, le législateur a entendu « lutter, par des moyens opérants, contre le stationnement irrégulier des bateaux ou engins flottants (...) » ; il s'est agi d' « adopter un dispositif suffisamment coercitif pour dissuader l'occupation irrégulière du domaine public fluvial » et « d'inciter les contrevenants à régulariser leur situation dans les meilleurs délais » ;

- et eu égard à la jurisprudence antérieure du Conseil constitutionnel. Depuis sa décision no82-155 DC du 30 décembre 1982, il juge de façon constante que la qualification de punition n'est pas réservée aux peines prononcées par les juridictions répressives (elle s'étend aux sanctions prononcées par des autorités de nature non judiciaires) et qu'elle dépend uniquement de la finalité poursuivie par le législateur. Une mesure revêt le caractère de punition au sens de l'article 8 de la DDHC lorsqu'elle a pour finalité de punir un comportement répréhensible. Elle ne revêt en revanche pas un tel caractère lorsqu'elle tend simplement à permettre d'indemniser le préjudice subi par l'administration.

C'est ce qui ressort notamment de l'abondante jurisprudence applicable en droit fiscal. Alors que la majoration de 10 % infligée en cas de retard de paiement des impositions n'est pas une sanction ayant le caractère de punition(24) (elle vise à réparer le préjudice causé à l'Etat du fait du paiement tardif de l'impôt ; elle rémunère le crédit forcé' accordé par l'Etat au contribuable(25)), la majoration de 40 % infligée en cas de déclaration insuffisante, inexacte, ou incomplète(26) et celle infligée en cas d'absence de déclaration ou de déclaration tardive sont des sanctions ayant le caractère de punition(27).

C'est ce qui ressort également de la jurisprudence Unibail Rodamco (Cons. cons. déc. no2012-225 QPC du 30 mars 2012) distinguant :

- la majoration pour retard de paiement de la redevance pour création de locaux à usage de bureaux dans la région Ile-de-France qui en raison de son objet – « la compensation du préjudice subi par l'État du fait du paiement tardif de la redevance » – ne revêt pas le caractère d'une punition ;

- et la majoration « en cas d'infraction aux dispositions législatives ou réglementaires relatives à l'acquittement de la redevance » qui tend au contraire à « sanctionner les personnes ayant éludé le paiement de la redevance » et qui, par suite, a le caractère d'une punition.

9. Dans cette perspective, on comprend que les dispositions contestées de l'article L. 2125-8 du CG3P ont un double objet(28). Elles tendent d'abord à réparer le préjudice subi par l'occupation sans titre en imposant à l'occupant de verser la redevance qui aurait dû être versée pour un stationnement régulier. Elles tendant ensuite à le sanctionner la faute constituée par l'occupation sans titre(29) en lui imposant de verser une majoration de 100 %. Il n'est donc guère étonnant que le Conseil constitutionnel ait qualifié cette majoration de sanction ayant le caractère de punition.

On peut cependant regretter qu'il n'ait pas saisi l'occasion pour préciser la notion de « sanction ayant le caractère de punition » qu'il utilise sans en donner une définition générale ni même une liste de critères ou d'indices, contrairement au Conseil d'État qui a notamment souligné que ne constitue pas une sanction administrative la mesure fondée sur des « éléments objectifs » et « excluant toute appréciation sur le comportement de l'intéressé »(30). L'analyse de la jurisprudence ne permet que de dresser une liste de mesures ne constituant pas des sanctions et de mesures qui, au contraire, sont des sanctions de nature punitive ou répressive.

II – L'assimilation des sanctions administratives à des sanctions juridictionnelles

10. Le droit des sanctions administratives emprunte au régime général des actes administratifs (puisqu'elles sont des « actes administratifs unilatéraux à contenu punitif »(31)) et à des régimes inspirés du droit pénal (puisqu'elles sont l'expression du « pouvoir répressif accordé à l'Administration pour punir des comportements sociaux considérés comme des infractions à une réglementation préexistante »(32)). La jurisprudence du Conseil constitutionnel – et notamment la présente décision – contribue incontestablement à renforcer le second emprunt. Elle consolide le mouvement d'assimilation des sanctions administratives à des sanctions juridictionnelles en les soumettant notamment au principe de nécessité et de proportionnalité des peines et à celui du droit au respect des droits de la défense.

A – Sanctions administratives et principe de nécessité des peines

11. Aux termes d'une jurisprudence constante, ce principe selon lequel « la loi ne doit établir que des peines strictement et évidemment nécessaires » (art. 8 DDHC) ne concerne pas seulement le droit pénal. Il est applicable à l'ensemble des « sanctions ayant le caractère d'une punition »(33). La majoration de 100 % étant une sanction administrative, le moyen fondé sur la violation de ce principe était donc opérant.

12. Selon la jurisprudence du Conseil constitutionnel, le principe de nécessité des peines comporte en réalité deux volets :

- le volet nécessité de la peine : le principe même et la nature de la peine doivent être nécessaires pour garantir le respect de la règle de droit ;

- et le volet proportionnalité de la peine : le quantum de la peine doit être proportionné à la gravité du manquement et à ce qui est nécessaire pour garantir le respect de la règle de droit.

C'est, en l'espèce, le second volet qui était contesté. Deux griefs étaient soulevés. D'une part, les requérants considéraient que la majoration de 100 % était manifestement disproportionnée à l'infraction. D'autre part, ils considéraient que le cumul de cette majoration avec une éventuelle contravention de grande voirie portait atteinte au principe non bis in idem.

Proportionnalité de la sanction

13. Que le domaine public soit ou non protégé par le régime des contraventions de grande voirie, « l'occupation sans droit ni titre (...) constitue une faute commise par l'occupant et qui l'oblige à réparer le dommage causé au gestionnaire de ce domaine par cette occupation irrégulière »(34). Par suite, elle autorise le gestionnaire à exiger le versement d'une indemnité égale au montant de la redevance qui aurait été versée par un occupant irrégulier pour la même période d'occupation(35). C'est un droit imprescriptible(36).

Un texte particulier peut néanmoins ‚renforcer' cette obligation de réparation et l'assortir d'une véritable sanction : c'est le cas de l'article L. 2125-8 du CG3P.

Certes, la question peut se poser de savoir si le quantum de la sanction (majoration de 100 %) est proportionné à l'infraction commise (occupation sans droit ni titre). L'autorité chargée de prononcer la sanction ne dispose en effet d'aucun pouvoir de modulation, lui permettant de tenir compte des circonstances de l'espèce (et notamment du comportement de l'occupant). Il s'agit d'un système de sanction automatique.

Mais, le Conseil constitutionnel n'exerce qu'un contrôle restreint limité à l'erreur manifeste d'appréciation sur la nécessité et sur la proportionnalité de la peine prévue par le législateur, qui ne le conduit qu'à de très rares censures(37)). Il considère qu'il ne lui appartient pas de substituer son appréciation à celle du législateur(38).

Il n'est donc guère surprenant qu'en l'espèce, après avoir rappelé son considérant de principe aux termes duquel « l'article 61-1 de la Constitution ne (lui) confère pas un pouvoir général d'appréciation et de décision de même nature que celui du Parlement, mais lui donne seulement compétence pour se prononcer sur la conformité des dispositions législatives soumises à son examen aux droits et libertés que la Constitution garantit » et que par suite, il lui incombe seulement de « s'assurer de l'absence de disproportion manifeste entre l'infraction et la peine encourue » (considérant 6), il juge qu' « en édictant cette majoration proportionnelle, égale au montant de la redevance due, l'article L. 2125-8 institue une sanction qui ne revêt pas, en elle-même, un caractère manifestement disproportionné ».

On aurait cependant pu envisager qu'il s'attarde sur le caractère automatique de la majoration contestée et que, s'inscrivant dans le prolongement de sa jurisprudence antérieure et de celle du juge administratif (39), il rappelle que le principe de proportionnalité s'oppose à ce que l'autorité administrative chargée de prononcer la peine soit privée de tout pouvoir d'appréciation dans le cadre d'un système de peine automatique.

Cumul des sanctions

14. Aux termes de l'article L. 2125-8 du CG3P, la majoration de la redevance s'applique « sans préjudice de la répression au titre des contraventions de grande voirie ». Par suite « outre le paiement de la majoration de 100 % de la redevance sue pour un stationnement régulier, l'occupant sans droit ni titre du domaine public fluvial s'expose aux sanctions prévues par l'article 2132-9 du même code (40) » (considérant 8). Plusieurs sanctions peuvent donc lui être infligées pour le même fait (l'occupation sans titre du domaine). Un tel cumul n'est cependant pas contraire au principe non bis in idem, ni au principe de proportionnalité des peines.

15. En effet, ce qui est en principe interdit, c'est le cumul de sanctions administratives. Un même manquement ne peut donner lieu qu'à une seule sanction administrative(41), sauf si la loi en dispose autrement. Ce principe découle d'un principe général du droit plus ancien du non cumul des sanctions en matière disciplinaire(42), expliqué par la doctrine dans les termes suivants : « superposer deux sanctions reviendrait à en créer une troisième, non prévue par la loi' : ce serait donc violer la règle nulla poena... »(43).

En revanche, rien n'interdit le cumul des sanctions administratives et pénales. Le « vieux principe d'indépendance des instances disciplinaires et pénales »(44) permet de sanctionner un même fait soit par une sanction administrative, soit par une sanction pénale, soit, le cas échéant, par ces deux sanctions cumulées.

Autrement dit, il existe une indépendance des systèmes répressifs entre eux qui implique que le cumul de sanctions est possible dès lors qu'elles sont prononcées sur la base de systèmes répressifs différents. Mais, en revanche, à l'intérieur d'un même système répressif, la règle non bis in idem est applicable.

16. En l'espèce, l'occupant sans titre s'expose à une majoration de 100 % de la redevance due et à une contravention de grande voirie. Or bien que prononcée par une autorité administrative, la contravention de grande voirie est une sanction pénale, dont le contentieux relève des juridictions administratives (exerçant alors une compétence de caractère authentiquement pénal). Elle sanctionne une infraction pénale : un fait matériel pouvant compromettre la conservation d'une dépendance du domaine publique ou nuire à l'usage auquel cette dépendance est légalement destinée(45). L'occupant sans titre s'expose donc à une sanction administrative et à une sanction pénale, ce qui est admis aussi bien par la jurisprudence administrative que par le Conseil constitutionnel, considérant que « le principe d'un tel cumul de sanctions n'est pas, en lui-même, contraire au principe de proportionnalité des peines garanti par l'article 8 de la DDHC ».

Toutefois, conformément à sa jurisprudence antérieure(46), le Conseil constitutionnel émet une réserve d'interprétation. Il précise que « lorsque les deux sanctions prononcées pour un même fait sont susceptibles de se cumuler, le principe de proportionnalité implique qu'en tout état de cause, le montant global des sanctions éventuellement prononcées ne dépasse pas le montant le plus élevé de l'une des sanctions encourues (...) Il appartient donc aux autorités administratives compétentes de veiller au respect de cette exigence ».

17. Cette solution, prévisible, n'en appelle pas moins deux observations.

18. D'abord, la jurisprudence du Conseil constitutionnelle n'a pas toujours été aussi souple. Après avoir jugé, au visa de l'article 8 de la DDHC, que « si l'éventualité d'une double procédure [administrative et pénale] peut (...) conduire à un cumul de sanctions, le principe de proportionnalité implique, qu'en tout état de cause, le montant global des sanctions éventuellement prononcées ne dépasse pas le montant le plus élevé de l'une des sanctions encourues »(47), il a durci sa position et posé une règle bien plus protectrice des administrés en jugeant qu'« une sanction administrative de nature pécuniaire ne peut se cumuler avec une sanction pénale »(48). Il est ensuite revenu au principe selon lequel « lorsqu'une sanction administrative est susceptible de se cumuler avec une sanction pénale, le principe de proportionnalité implique qu'en tout état de cause, le montant global des sanctions éventuellement prononcées ne dépasse pas le montant le plus élevé de l'une des sanctions encourues »(49) mais en laissant à l'autorité administrative une liberté encore plus grande que celle qu'il lui reconnaissait en 1989 puisqu'il ne précise plus que le principe de non-cumul ne trouve pas, par principe, à s'appliquer entre une sanction pénale et une sanction administrative.

On ne peut que le regretter dans le contexte actuel où, pour des raisons d'efficacité, le procédé de la sanction administrative se développe massivement et tend à compléter, voire à suppléer la sanction juridictionnelle.

19. Ensuite, la question se pose de savoir si ce dispositif de cumul est véritablement conforme au droit européen.

L'article 50 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne dispose que « nul ne peut être poursuivi ou puni pénalement en raison d'une infraction pour laquelle il a déjà été acquitté ou condamné dans l'Union par un jugement pénal définitif conformément à la loi ». La Cour de justice a cependant explicitement jugé que ces dispositions ne s'opposent pas à ce qu'un État membre impose une double peine, administrative et pénale(50).

L'article 4 du protocole additionnel no 7 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales prévoit également que « Nul ne peut être poursuivi ou puni pénalement par les juridictions du même État en raison d'une infraction pour laquelle il a déjà été acquitté ou condamné par un jugement définitif conformément à la loi et à la procédure pénale de cet État ». Sur ce fondement en revanche, la Cour a jugé qu'il était interdit de punir ou de juger une personne pour une seconde « infraction » dès lors que celle-ci a pour origine des faits identiques ou des faits qui sont en substance les mêmes (les faits visés dans les deux procédures devant être identiques ou substantiellement les mêmes et témoigner alors d'une très grande proximité) dans une affaire où précisément il s'agissait du cumul d'une sanction pénale et d'une sanction administrative applicables aux mêmes faits(51).

Il reste que la France a émis des réserves à l'occasion de la ratification de ce protocole aux termes desquelles la règle non bis in idem ne trouve à s'appliquer que pour les infractions relevant en droit français de la compétence des tribunaux statuant en matière pénale et n'interdit pas le prononcé de sanctions disciplinaires parallèlement aux sanctions infligées par le juge répressif(52). La jurisprudence du Conseil constitutionnel devrait donc être sauve...

B – Sanctions administratives et droits de la défense

Autorité administrative titulaire du pouvoir de sanction

20. Sans surprise enfin, le Conseil constitutionnel juge qu'il n'existe aucun obstacle constitutionnel à ce que le gestionnaire du domaine public fluvial inflige seul une sanction administrative (la majoration de 100 % de la redevance) dès lors que l'exercice de ce pouvoir respecte le principe des droits de la défense. Il n'est nullement nécessaire que cette sanction fasse l'objet d'une décision juridictionnelle préalable : « le principe de la séparation des pouvoirs, non plus qu'aucun principe ou règle de valeur constitutionnelle, ne fait obstacle à ce qu'une autorité administrative, agissant dans le cadre de prérogatives de puissance publique, puisse exercer un pouvoir de sanction dans la mesure nécessaire à l'accomplissement de sa mission, dès lors que l'exercice de ce pouvoir est assorti par la loi de mesures destinées à assurer la protection des droits et libertés constitutionnellement garantis » (considérant 10).

Le considérant de principe est légèrement modifié par rapport à la jurisprudence antérieure qui précisait que l'autorité administrative dispose d'un pouvoir de sanction « dès lors, d'une part, que la sanction susceptible d'être infligée est exclusive de toute privation de liberté et, d'autre part, que l'exercice du pouvoir de sanction est assorti par la loi de mesures destinées à sauvegarder les droits et libertés constitutionnellement garantis »(53).

Le Conseil constitutionnel précise néanmoins que doivent en particulier être respectés « le principe de la légalité des délits et des peines ainsi que les droits de la défense, principes applicables à toute sanction ayant le caractère d'une punition, même si le législateur a laissé le soin de la prononcer à une autorité non juridictionnelle ».

L'étendue des droits de la défense applicables

21. Aux termes de la jurisprudence du Conseil constitutionnel, les droits de la défense sont conçus comme des garanties procédurales spécifiques aux « sanctions ayant le caractère d'une punition »(54), impliquant la mise en œuvre d'une procédure contradictoire préalable au prononcé de la sanction. Ils supposent en principe que l'administré ait accès à son dossier(55), que les griefs qui lui sont adressés lui soient communiqués ainsi que les motifs justifiant la sanction, qu'il puisse présenter des observations et surtout, qu'il puisse exercer un recours contre la sanction (recours hiérarchique et/ou contentieux).

22. Or en l'espèce, la solution retenue par le Conseil constitutionnel (considérant 11) laisse perplexe tant sa conception des droits de la défense est restrictive. Il considère que les droits de la défense sont garantis dès lors que « la décision prononçant la majoration de 100 % (...) peut être contestée devant la juridiction administrative » et que cette dernière, « saisie d'une demande à cette fin, peut suspendre l'exécution du titre exécutoire pris sur le fondement des dispositions contestée ou en prononcer l'annulation ». Autrement dit, les droits de la défense sont préservés dès lors qu'un droit au recours est garanti. Il nous semble qu'il s'agit là d'un raccourci dans la mesure où le droit au recours n'est qu'un volet des droits de la défense.

23. Au fond, cette solution rappelle que les sanctions administratives sont une sorte de « curiosité juridique »(56). Contrairement aux sanctions pénales qui sont infligées par un juge, membre du pouvoir judiciaire, aux termes d'un procès offrant de nombreuses garanties (notamment la publicité des débats et le respect du contradictoire), elles sont appliquées par l'administration, constatant la violation par un administré d'une obligation et ne seront contrôlées qu'a posteriori par un juge, si et seulement si l'administré décide de le saisir.

Dans cette perspective, même si les sanctions administratives répondent aux besoins de l'Administration moderne et qu'elles sont souvent jugées plus efficaces et mieux adaptées aux nécessités administratives, on peut regretter qu'elles se multiplient sans qu'une réflexion d'ensemble préalable soit menée sur leur régime juridique.

Revue doctrinale

Articles relatifs aux décisions du Conseil constitutionnel

26 avril 2013

2013-303 QPC - Commune de Puyravault [Intégration d'une commune dans un EPCI à fiscalité propre]

- Éveillard, Gweltaz. Intercommunalité et libre administration des collectivités locales. Droit administratif, août-septembre 2013, no 8-9, p. 26-32.

- Fialaire, Jacques. L'intercommunalité face au principe de libre administration. Actualité juridique. Droit administratif, 8 juillet 2013, no 24, p. 1386-1392.

2013-304 QPC - Commune de Maing [Retrait d'une commune membre d'un EPCI]

- Éveillard, Gweltaz. Intercommunalité et libre administration des collectivités locales. Droit administratif, août-septembre 2013, no 8-9, p. 26-32.

- Fialaire, Jacques. L'intercommunalité face au principe de libre administration. Actualité juridique. Droit administratif, 8 juillet 2013, no 24, p. 1386-1392.

2013-315 QPC - Commune de Couvrot [Fusion d'EPCI en un EPCI à fiscalité propre]

- Éveillard, Gweltaz. Intercommunalité et libre administration des collectivités locales. Droit administratif, août-septembre 2013, no 8-9, p. 26-32.

- Fialaire, Jacques. L'intercommunalité face au principe de libre administration. Actualité juridique. Droit administratif, 8 juillet 2013, no 24, p. 1386-1392.

16 mai 2013

2013-667 DC - Loi relative à l'élection des conseillers départementaux, des conseillers municipaux et des conseillers communautaires, et modifiant le calendrier électoral

- Peltier, Virginie. Légalité des peines : conformité à l'article 8 DDHC de l'inéligibilité des membres d'un binôme électoral. Revue pénitentiaire et de droit pénal, avril-juin 2013, no 2, p. 423-427.

24 mai 2013

2013-316 QPC - SCI Pascal et autre [Limite du domaine public maritime naturel]

- Éveillard, Gweltaz. La constitutionnalité de la consistance du domaine public maritime. Droit administratif, octobre 2013, no 10, p. 29-33.

Articles thématiques

Collectivités territoriales / Outre mer

- Aglae, Marie-Joseph. Le Conseil constitutionnel et l'article 73 de la Constitution. Revue française de droit constitutionnel, juillet 2013, no 95, p. 563-588.

Droit de l'environnement

- Fonbaustier, Laurent. Chronique de jurisprudence relative à la Charte de l'environnement (2011-2012) – « Entre maturité et QPC ». Environnement et développement durable, mai 2013, no 5.

- Foucher, Karine. Proposition de loi sur le dommage environnemental : un risque d'inconstitutionnalité ? Droit de l'environnement, juillet-août 2013, no 214, p. 246-247.

(1) V. notamment une décision intéressante de non renvoi portant sur la question de l'évaluation des biens par la méthode de la comparaison : Cass. civ. 3e, 14 mars 2013, pourvoi no 12-24995.

(2) Elle peut également être mise en œuvre si une loi particulière le prévoit expressément.

(3) Déc. no 89-256 DC du 25 juill. 1989, comm. P. Bon, RFDA 1989, p.1009 et B. Genevois, CJEG 1990, p. 1.

(4) En ce sens : J.-P. Jacqué, « Les procédures spéciales d'expropriation », RDP 1972, p. 1024 ; A. Lévy, note sous Cass. 3e civ., 10 nov. 1998, Mme Paulette Broche c/ SNCF, AJDI 1999, p. 330.

(5) Il est ensuite procédé à la fixation des indemnités définitives, selon la procédure prévue à l'art. L. 13-6 c. expr. (autrement dit, dans le mois qui suit).

(6) V. notre chronique dans le numéro précédent de cette revue.

(7) CE 23 oct. 2009, no 322327, Normand.

(8) V. not. déc. no 2004-491 DC du 12 fév. 2004, Loi complétant le statut d'autonomie de la Polynésie Française ; déc. no 2012-243/244/245/246 QPC du 14 mai 2012, Sté Yonne Républicaine, comm. Ch. Radé, Constitutions juill-sept. 2012, no 3, p. 456.

(9) Ch. Lavialle, « Expropriation et dépossession », RFDA 2001, p. 1128.

(10) R. Hostiou, « QPC : ordonnance d'expropriation et non-respect du contradictoire », RDI, 6 juill. 2012, no 7, p. 393. Adde S. Gilbert, « La QPC et la phase judiciaire de l'expropriation », in E. Carpentier (dir.), La question prioritaire de constitutionnalité et l'aménagement du territoire, Cahiers du GRIDAUH 2012, no 22, p. 141.

(11) Rappr. déc. no 2013-312 QPC du 22 mai 2013, M. Jory Orlando T.

(12) Cass. civ. 3e, 30 janv. 2008, no 06-19731.

(13) Cass. civ. 3e, 26 mars 2008, no 07-12299.

(14) Cass. civ. 3e, 8 oct. 2008, no 07-17005.

(15) Cass. civ. 3e, 2 juill. 2003, no 02-70102.

(16) Cass. civ. 3e, 11 mars 2009, no 07-19822.

(17) M. Hauriou, Précis de droit administratif, 1900, p. 675.

(18) N. Foulquier, Droit administratif des biens, Lexis Nexis, 2e éd. no 1173.

(19) N. Foulquier, préc. no 1151. Pour une perspective historique et complète, v. la thèse de S. Gilbert, Le juge judiciaire, gardien de la propriété privée immobilière. Étude de droit administratif, Nantes 2006, Mare et Martin, 2012.

(20) Pour une présentation complète, v. N. Foulquier, Droit administratif des biens, LexisNexis, 2e éd. no 206 et s.

(21) X. Badin, Redevances domaniales, J.-Cl. Propr. Pub., fasc. 59-10 ; Y. Gaudemet, La gratuité du domaine public, Mél. P.M. Gaudemet, Economica 1984, p. 1030.

(22) CAA Marseille, 4 fév. 2010, no 08MA01336.

(23) Dans cette perspective, on pourrait rapprocher la majoration de la redevance des intérêts de retard prononcés à l'encontre des contribuables retardataires afin qu'ils ne soient pas avantagés par rapport à ceux qui ont respecté leurs obligations à temps.

(24) Cons. cons., déc. no 2011-124 QPC du 29 avr. 2011, Mme Catherine B.

(25) Expression empruntée à M. Cozian.

(26) Cons. cons. déc. no 2010-103 QPC du 17 mars 2011, Sté SERAS II.

(27) Cons. cons. déc no 2010-105/106 QPC, 17 mars 2011, M. César S.

(28) V. en ce sens le commentaire officiel, p. 7.

(29) CE 11 fév. 2013, no 347475 qualifiant l'occupation sans droit ni titre de faute.

(30) CE 20 mai 2011, no 323353, Asselin.

(31) J. Moreau, Droit administratif, PUF, 1989, no 155.

(32) F. Moderne, Sanctions administratives et justice constitutionnelle, Economica 1993, p. 5.

(33) Cons. cons. déc. no 87-237 DC du 30 déc. 1987.

(34) CE 15 avr. 2011, no 308014, SNCF, Contrats Marchés publ. 2011, comm. 186, P. Soler-Couteaux.

(35) CE 16 mai 2011, no 317675, Cne de Moulin, JCP A. 2011, 2224, comm. Ph. Yolka.

(36) L'obligation de réparer existe même sans texte et est imprescriptible : J.-M. Auby, « L'action domaniale », AJ 1983, p. 507.

(37) V. cependant à propos d'une amende fiscale encourue en cas de divulgation du montant du revenu d'une personne et fixée en toute hypothèse au montant des revenus divulgués : Cons. cons. no 87-237 DC du 30 déc. 1987.

(38) V. not. Cons. cons. déc. no2003-467 DC du 13 mars 2003.

(39) Cons. cons. déc. no 2000-433 DC du 27 juill. 2000. CE 30 avr. 1997, no 180299, Synd. Nat. masseurs-kinésithérapeutes.

(40) « Les riverains, les mariniers et autres personnes sont tenus de faire enlever les pierres, terres, bois, pieux, débris de bateaux et autres empêchements qui, de leur fait ou du fait de personnes ou de choses à leur charge, se trouveraient sur le domaine public fluvial. Le contrevenant est passible d'une amende de 150 à 12 000 euros, de la confiscation de l'objet constituant l'obstacle et du remboursement des frais d'enlèvement d'office par l'autorité administrative compétente. ».

(41) Not. CE 29 oct. 2009, no 312825, Sté. Air France.

(42) CE 5 mars 1954, Banque alsacienne privée et Dupont, Rec. 144.

(43) J. Mourgeon, La répression administrative, thèse LGDJ, 1967, p. 299, no 204.

(44) G. Le Chatelier, concl. sur CE Sect. 19 nov. 1993, Védrenne, RFDA 1994, p. 452.

(45) En ce sens : Cons. cons. déc. no87-151L du 23 sept. 1987, RFDA 1988, p. 273, B. Genevois.

(46) Not. Cons. cons. déc. no 2012-266 QPC du 20 juill. 2012, M. Georges R.

(47) Cons. cons. déc. no 89-260 DC du 28 juill. 1989.

(48) Cons. cons., déc. no 96-378 DC du 23 juill. 1996.

(49) Cons. cons., déc. no 97-395 DC du 30 déc. 1997.

(50) CJUE, 23 déc. 2009, no C-45/08, Spector Photo Group NV. CJCE, 26 fév. 2013, Fransson, C-617/10 (v. en partic. les concl. Villalón).

(51) CEDH, 10 févr. 2009, Zolotouchine c/ Russie, D. 2009, p. 2014, note J. Pradel.

(52) Cet article n'est pour l'instant pas ratifié par l'Allemagne, la Belgique, les Pays-Bas et le Royaume-Uni. Parmi les Etats qui l'ont ratifiée, la France a formulé une réserve audit protocole, en limitant son application aux infractions de nature pénale. De même, à l'occasion de la signature, l'Allemagne, l'Autriche, l'Italie et le Portugal ont formulé différentes déclarations en soulignant que la protection assurée ne concerne que la double sanction pénale.

(53) Cons. cons. déc. no 89-260 DC du 28 juill. 1989.

(54) Cons. cons. déc. no 2006-540 DC du 27 juill. 2006.

(55) Cons. cons. déc. no 88-248 DC du 17 janv. 1989.

(56) C. A. Colliard, La sanction administrative, Annales de la Faculté de droit d'Aix-en-Provence, 1943, p. 5.