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Chronique de droit privé

Thomas PIAZZON - Maître de conférences à l'Université Panthéon-Assas (Paris II)

Nouveaux Cahiers du Conseil constitutionnel n° 51 - avril 2016 - p. 131 à 147

À certains égards, les mois se suivent et ne se ressemblent pas dans l'actualité du contrôle de constitutionnalité des lois, au moins en ce qui concerne le champ d'investigation particulier de la présente chronique. Alors que l'on pouvait pointer du doigt, voici quelques semaines, un notable ralentissement de la vague QPC au profit d'un accroissement des décisions de contrôle a priori, c'est un paysage renversé qu'offrent les trois derniers mois de l'année 2015. Les QPC s'épanouissent donc en automne et ce ne sont pas moins de six d'entre elles qui seront ici examinées, à quoi s'ajoute, pour la production émanant du Conseil constitutionnel, une décision LOM -- on rappellera aux privatistes distraits que ce type de décision a pour objet de vérifier le respect de la répartition des compétences entre l'État et certaines collectivités d'outre-mer, procédure dite de « déclassement outre-mer » dont peut à l'occasion jaillir du droit privé, et même du noble droit civil. S'agissant en revanche des matières faisant l'objet du contrôle et des normes de constitutionnalité mises en œuvre, le tableau trimestriel ne constitue pas une surprise : comme depuis trois ans, le droit des procédures collectives et le droit du travail dominent nettement, sur fond de protection du droit de propriété et d'atteintes prétendues au principe d'égalité. Entre ces deux versants du droit économique s'intercale un peu de droit civil, tant dans la jurisprudence du Conseil que dans celle des juges judiciaires.

Le droit des procédures collectives, d'abord, est à l'honneur de deux décisions rendues le même jour par les sages, deux affaires dans lesquelles le droit de propriété est principalement en cause et dont le centre de gravité repose sur les célèbres finalités de ces procédures : « Permettre la poursuite de l'activité de l'entreprise, le maintien de l'emploi et l'apurement du passif », selon l'article L. 631-1, al. 2, du code de commerce. Depuis la réforme de 1985, la doctrine s'interroge sur l'existence d'une hiérarchie entre ces objectifs et, sur ce point, l'examen de la jurisprudence du Conseil n'est pas sans intérêt, comme le prouvent ces deux QPC.

Dans la première affaire (décision n° 2015-486 QPC du 7 octobre 2015, M. Gil L.(1) était contesté l'article L. 631-19-1 du code de commerce dont le deuxième alinéa permet au tribunal, lorsque le redressement de l'entreprise le requiert, d'« ordonner la cession [des] parts sociales, titres de capital ou valeurs mobilières donnant accès au capital détenu par [un ou plusieurs dirigeants de droit ou de fait], le prix de cession étant fixé à dire d'expert ». Après avoir jugé conforme à la Constitution, en août dernier, la récente procédure de cession forcée instituée par la « loi Macron » (art. L. 631-19-2 C. com.)(2), le Conseil admet en l'espèce la conformité de cet autre cas de cession forcée, dont les origines sont plus anciennes(3). Ces deux solutions rejoignent plus généralement toutes celles dans lesquelles, depuis l'instauration de la QPC, les sages ont eu à se prononcer sur des hypothèses d'« expropriations privées »(4) : mur mitoyen de l'article 661 du code civil(5), cession forcée d'un bien à titre de prestation compensatoire de l'article 274 du même code(6), transfert d'office d'un portefeuille de contrats d'assurance anciennement prévu par l'article L. 612-33 du code monétaire et financier(7), etc. Si, dans ce dernier cas, le Conseil a estimé qu'il y avait privation de propriété au sens de l'article 17 de la Déclaration de 1789, une telle sévérité est en vérité exceptionnelle. Mieux encore, il est rare (en dehors, bien sûr, du domaine spécifique de l'expropriation pour cause d'utilité publique) que les cessions forcées soient justiciables de l'article 17 de la Déclaration, le Conseil analysant plutôt ces procédures au regard des simples conditions d'exercice du droit de propriété (art. 2 DDHC), ce qui ne va pas toujours de soi(8). Tel est encore le raisonnement tenu par la décision n° 486 QPC qui, dans un premier temps, décide en effet que « les dispositions contestées ne s'appliquent que si le dirigeant qui détient des parts sociales, titres de capital ou valeurs mobilières donnant accès au capital n'a pas renoncé à l'exercice de ses fonctions de direction ; qu'ainsi, le dirigeant conserve la possibilité d'éviter la cession forcée de ces parts, titres ou valeurs ; que, par suite, les dispositions contestées n'entraînent pas une privation de propriété au sens de l'article 17 de la Déclaration de 1789 » (cons. 7). Ainsi, pour le Conseil, c'est parce qu'il peut échapper à la cession forcée en renonçant, de sa propre initiative, à diriger l'entreprise(9) que le propriétaire des parts ne saurait se plaindre d'une privation. L'équation peut paraître sévère, surtout pour les dirigeants des petites et moyennes entreprises qui ont pu compter sur la procédure pour assurer le sauvetage de leur entreprise et qui s'entendent finalement dire par le juge que le redressement passe par leur éviction... Quoi qu'il en soit, la solution était prévisible tant le Conseil développe dans sa jurisprudence une conception restrictive de la privation de propriété, sans doute pour éviter l'application du régime restrictif de celle-ci (exigence d'une « nécessité publique », en particulier(10), régime plus adapté à l'expropriation pour cause d'utilité publique, pour lequel il a été pensé, qu'à celle reposant sur un intérêt privé -- quand bien même l'on peut toujours déceler quelques motivations publiques, quitte à forcer parfois le trait, derrière la protection d'un intérêt privé. Au reste, le Conseil estime dans un second temps, pour l'application de l'article 2 de la Déclaration de 1789, que le législateur a « poursuivi un objectif d'intérêt général » consistant dans « la poursuite de l'activité de l'entreprise » (cons. 8). Encore fallait-il démontrer le caractère proportionné entre cet objectif et l'atteinte à la propriété qu'il autorise(11), ce que fait le Conseil constitutionnel en se fondant sur les trois conditions -- que le commentaire du service juridique du Conseil ne craint pas de qualifier de « garanties » (p. 12)... -- prévues par le code de commerce : la mesure doit être requise par le redressement de l'entreprise, une demande du ministère public est nécessaire et le prix de la cession doit être fixé par un expert. Autant dire que les contraintes sont faibles, ce qui pourrait démontrer -- comme dans la décision relative à la « loi Macron » -- l'attachement du juge constitutionnel à l'objectif de poursuite de l'activité de l'entreprise, première finalité du droit des procédures collectives selon l'énumération de l'article L. 631-1 précité du code de commerce. À moins que cela ne démontre le faible engouement des sages pour la protection du droit de propriété dans la sphère économique. On se souvient en effet qu'au nom d'une autre exigence constitutionnelle (le principe d'impartialité déduit de l'article 16 de la Déclaration de 1789), le Conseil n'avait pas hésité, voici quelques mois, à faire la chasse aux cas de saisine d'office du tribunal de commerce, même si la précocité de l'ouverture des procédures collectives, et donc leur chance de succès, peut concrètement en souffrir.

Dans la seconde affaire intéressant le droit des procédures collectives (décision n° 2015-487 QPC du 7 octobre 2015, M. Patoarii R., censure partielle), était en cause le troisième objectif de cette matière, à savoir l'apurement du passif. En l'espèce, le requérant contestait la possibilité offerte au juge commercial d'étendre la « faillite », dans certains cas, au patrimoine personnel du dirigeant de la personne morale placée en redressement ou en liquidation judiciaire. C'est plus précisément dans sa version applicable en Polynésie française que cette possibilité était critiquée, la loi organique du 27 février 2004 ayant, dans cette région, figé le droit des procédures collectives dans son état antérieur à la réforme opérée par la loi du 26 juillet 2005 de sauvegarde des entreprises. Si cette complication spatio-temporelle réduit la portée immédiate de la solution (l'article L. 624-5 du code de commerce, ici contesté, a été abrogé depuis plus de dix ans dans le reste du paysage juridique français), la solution posée par la présente QPC n'en est pas moins transposable à certains textes actuels (art. L. 653-5, 6 °, C. com.(12). Aux termes du I du texte en question, « en cas de redressement judiciaire ou de liquidation judiciaire d'une personne morale, le tribunal peut ouvrir une procédure de redressement judiciaire ou de liquidation judiciaire à l'égard de tout dirigeant de droit ou de fait, rémunéré ou non, contre lequel peut être relevé un des faits ci-après » : avoir poursuivi un intérêt personnel (sous différentes formes prévues par les 2 ° à 4 ° du texte), avoir « disposé des biens de la personne morale comme des siens propres » (1 °), avoir « détourné ou dissimulé tout ou partie de l'actif ou frauduleusement augmenté le passif de la personne morale » (6 °) ou avoir manqué à certaines obligations comptables (5 ° et 7 °). Sept cas sont ainsi détaillés par cet article qui, en son II, décide qu'« en cas de redressement judiciaire ou de liquidation judiciaire prononcé en application du présent article, le passif comprend, outre le passif personnel, celui de la personne morale. » Deux griefs étaient invoqués contre ces dispositions : d'une part une méconnaissance des principes de nécessité et de proportionnalité des peines et, d'autre part, une atteinte au droit de propriété. S'agissant du premier argument, le Conseil devait examiner si l'extension de la procédure peut être qualifiée de sanction ayant le caractère d'une punition, qualification indispensable pour que puisse s'appliquer l'article 8 de la Déclaration de 1789(13). La question est réglée en deux lignes : « Les dispositions contestées instituent un mécanisme ayant pour objet de faire contribuer le dirigeant personne physique au comblement du passif de la personne morale », de sorte que l'ouverture de la procédure à l'égard du dirigeant n'a pas le caractère d'une punition au sens de l'article 8 (cons. 7). Bien que prévisible au regard de la jurisprudence stricte du Conseil, cette conception de la punition est semble-t-il mal acceptée par les plaideurs et leurs conseils qui développent souvent une argumentation contraire. C'est sans doute pour cette raison que le commentaire de la décision n° 487 QPC, publié par le service juridique du Conseil, s'attache à l'expliciter longuement, démarche didactique au rebours de la brièveté dont font montre les sages dans la décision elle-même. Établissant en particulier un parallèle avec la récente décision n° 2014-415 QPC du 26 septembre 2014 relative à la question -- somme toute connexe -- de la responsabilité pour insuffisance d'actif (art. L. 651-2, al. 1er, C. com., jugé conforme à la Constitution), le commentaire explique que « même si cette action comporte une dimension normative, en ce sens qu'elle incite les dirigeants à être diligents et sanctionne leur comportement fautif, cela ne suffit pas à en faire une sanction ayant le caractère d'une punition au sens constitutionnel du terme : la finalité de ce dispositif est de faire contribuer à la réparation du dommage causé à des tiers et c'est à leur bénéfice que le juge condamne le dirigeant à verser des sommes » (p. 7). Le raisonnement est le même dans la décision n° 487 QPC que le commentaire considère comme « le prolongement » de celle de 2014. Contrairement aux domaines pénal et fiscal, ce n'est donc qu'exceptionnellement qu'une sanction civile peut être qualifiée de punition au sens de l'article 8 de la Déclaration de 1789(14). Ainsi le Conseil confirme-t-il pleinement sa jurisprudence antérieure sur cette question. On peut en dire autant en ce qui concerne le second grief développé par le requérant, tiré de l'atteinte au droit de propriété. Comme toujours, la première étape du raisonnement consiste à qualifier la mesure contestée : l'extension de la procédure au dirigeant constitue-t-elle une privation de propriété au sens de l'article 17 de la Déclaration de 1789 ou une atteinte aux conditions d'exercice de ce droit relevant de l'article 2 ? Comme dans la précédente affaire jugée le même jour par le Conseil, la qualification de privation est écartée, sans surprise : en permettant « d'intégrer dans le passif du dirigeant de droit ou de fait de la personne morale le passif de cette dernière [, les dispositions contestées] ont pour effet de faire contribuer le dirigeant à l'apurement du passif de la personne morale, sans pour autant opérer une confusion du patrimoine du dirigeant et de celui de la personne morale ; que, par suite, elles n'entraînent pas une privation de propriété au sens de l'article 17 de la Déclaration de 1789 » (cons. 10). Pas de confusion des patrimoines, donc... D'un point de vue théorique, cela est certainement vrai (le patrimoine de la personne morale demeure distinct du patrimoine du dirigeant) ; en pratique, la pilule passe plus difficilement dans la mesure où le patrimoine du dirigeant va tout de même devoir répondre des dettes de la personne morale. Cela est si vrai que même le commentaire précité publié par le Conseil s'égare quelque peu en estimant qu'une des conséquences de l'ouverture de la procédure à l'encontre du dirigeant consiste dans... « la confusion des patrimoines du dirigeant et de celui de la société » (p. 4) ! C'est le propre des réalités que d'avoir la vie dure ! Le spectre de la privation de propriété étant ainsi écarté, c'est encore une fois sur le fondement de l'article 2 de la Déclaration de 1789 que la conformité à la Constitution des dispositions contestées a été examinée par les sages. Ceux-ci ont d'abord jugé, sur ce point, qu'étant destinées « à faciliter l'apurement du passif de la personne morale afin de permettre, selon les cas, la continuation de l'entreprise ou le désintéressement des créanciers », les dispositions en cause poursuivent un but d'intérêt général (cons. 11). Sur le contrôle de proportionnalité, le Conseil constitutionnel fait ensuite la part des choses, puisqu'il prononce une censure partielle -- preuve que le droit de propriété n'est pas complètement inoffensif en droit des affaires ! Concernant les 1 ° à 4 ° et le 6 ° de l'article L. 624-5, I, le Conseil juge que l'extension de la procédure au dirigeant est justifiée, parce qu'il s'agit de « faits qui révèlent son enrichissement ou une utilisation des biens ou du crédit de la personne morale à des fins personnelles ; qu'en subordonnant l'ouverture de la procédure à la commission de faits qui sont par eux-mêmes de nature à avoir contribué à l'insuffisance d'actif, le législateur a encadré les conditions dans lesquelles le passif de la personne morale peut être mis à la charge du dirigeant ; que, dans ces conditions, les dispositions contestées, qui contribuent par ailleurs à préserver les droits des créanciers de la personne morale, ne portent pas une atteinte manifestement disproportionnée au droit de propriété du dirigeant de droit ou de fait de la personne morale » (cons. 12). S'agissant en revanche des manquements aux obligations comptables prévus par les 5 ° et 7 ° de l'article L. 624-5, I (comptabilité fictive, incomplète ou irrégulière), le Conseil décide que les dispositions contestées « permettent que le passif de la personne morale soit inclus dans celui du dirigeant du seul fait qu'il a commis des irrégularités comptables, sans que celles-ci soient par elles-mêmes de nature à avoir contribué à l'insuffisance d'actif ; que le législateur a ainsi porté au droit de propriété du dirigeant une atteinte disproportionnée à l'objectif poursuivi » (cons. 13). Sans doute peut-on résumer la position des sages en affirmant qu'ils ne se contentent pas d'une causalité présumée, mais exigent une causalité probable ou, tout du moins, suffisamment vraisemblable. Par rapport à d'autres décisions -- notamment par rapport à celle précédemment examinée relative à la cession forcée --, cette sévérité surprend un peu, surtout quand on connaît l'importance des obligations comptables qui pèsent sur les entreprises, lourdes contraintes qui sont loin d'être vaines et renseignent parfaitement ceux qui savent lire ces informations sur l'honnêteté et la diligence des dirigeants. Mais au fond, peut-être le Conseil entend-il hiérarchiser implicitement les objectifs du droit des procédures collectives : parce que l'apurement du passif, principalement en cause dans ces dispositions (puisqu'il s'agit d'accroître le gage des créanciers), serait un motif d'intérêt général de moindre importance que la poursuite de l'activité de l'entreprise (au cœur de la cession forcée), le Conseil se montrerait plus strict à l'égard du législateur. Rappelons, à cet égard, qu'un célèbre précédent avait déjà censuré l'ancien article L. 624-6 du code de commerce qui permettait la réunion à l'actif des biens du conjoint lorsque le débiteur soumis à une procédure collective avait participé à leur financement(15). Avec la décision du 7 octobre 2015, c'est une autre extension du gage des créanciers qui subit le même sort.

Après ces orgies commerciales, comment mieux reposer l'estomac du privatiste qu'en lui proposant une tranche de droit civil ? Et comment lui faire plus plaisir qu'en rappelant à son souvenir ému la fameuse décision de 1999 relative au pacte civil de solidarité, décision qu'immortalisa Nicolas Molfessis dans un article mordant, au titre évocateur : « Pacte civil de solidarité. La réécriture de la loi par le Conseil constitutionnel »(16). C'est à cet inattendu plaisir qu'invite l'exotique décision n° 2015-9 LOM du 21 octobre 2015, Pacte civil de solidarité en Polynésie française. On passera vite sur l'objet juridique précis de cette décision qui consistait à savoir si la loi du 23 juin 2006 ayant réformé -- en profondeur -- le régime juridique du pacs était, sur ce point, intervenue dans une matière ressortissant à la compétence de la Polynésie française, à laquelle cette réforme était étendue(17). Ce qui importe, pour cette chronique, c'est que la réponse à cette question dépendait de la nature juridique du pacs : soit il relève des matières que la loi organique réserve à la compétence des « autorités de l'État » (la loi visant en particulier les droits civils, l'état et la capacité des personnes, les régimes matrimoniaux et les successions) et l'extension de 2006 était possible ; soit le pacs relève du droit des contrats et la compétence appartient alors à la Polynésie française, si bien que l'extension n'était pas possible. Quand on connaît l'importance que le Conseil constitutionnel accorde à ses propres précédents (ce dont témoignent toujours les commentaires de son service juridique, comme nous l'avons vu plus haut), il n'est guère étonnant, a priori, que la décision n° 9 LOM fasse expressément référence à la décision n° 99-419 DC du 9 novembre 1999 par laquelle les sages avaient admis la conformité du pacs à la Constitution en assortissant ce brevet d'un très grand nombre de réserves, toutes plus constructives les unes que les autres... Qu'à cela ne tienne : la nouvelle décision n'entend pas se départir du raisonnement entrepris en 1999. Le pacs demeure ainsi un « contrat » qui, bien que réglementé au sein du Livre Ier du code civil, « est sans incidence sur les autres titres du livre Ier (...), notamment ceux relatifs aux actes d'état civil, à la filiation, à la filiation adoptive et à l'autorité parentale » (cons. 7). Bien sûr, le Conseil n'ignore pas les modifications apportées au pacs par la loi de 2006, en particulier le fait que ce « contrat » soit désormais mentionné en marge de l'acte de naissance des partenaires. Mais il estime qu'« il ressort des travaux préparatoires qu'en adoptant ces dispositions le législateur a seulement entendu assurer la publicité du pacte civil de solidarité à l'égard des tiers ; que, par suite, ces dispositions n'ont eu ni pour objet ni pour effet de faire perdre au pacte civil de solidarité sa nature contractuelle » (cons. 8). Disons-le tout net, cette décision n'est pas du tout convaincante -- et peu importe qu'elle rejoigne la jurisprudence du Conseil d'État, comme le souligne le commentaire du service juridique du Conseil(18). Outre la question de l'état civil, on sait en particulier que la loi de 2006 a largement développé le contenu du pacs en le rapprochant des effets pécuniaires du mariage (régime primaire) et même en l'assortissant d'un effet successoral (art. 515-6, al. 3, C. civ.). Si la compétence en matière de droit des régimes matrimoniaux appartient à l'État, comme le prévoit la loi organique, on ne voit pas pourquoi il devrait en aller autrement pour le pacs, qui n'est rien d'autre qu'une alternative au mariage en matière d'organisation patrimoniale du couple. Et pourquoi les partenaires, à l'instar des époux, devraient-ils par exemple souffrir d'une solidarité légale pour les dépenses de la vie courante (art. 515-4, al. 2, C. civ.) si la dimension personnelle de ce « contrat » n'était pas essentielle ? Doit-on révéler au Conseil constitutionnel qu'à l'Université, c'est bien en droit de la famille, et non en droit des obligations, que le pacs est à l'évidence étudié ? En elle-même, la décision de 1999 était déjà critiquable et l'on se dit, au bout du compte, qu'il y a des précédents que le Conseil constitutionnel ferait mieux d'oublier, à défaut de pouvoir les effacer !

C'est à une autre question relevant du droit des personnes et de la famille que répond ensuite la décision n° 2015-488 QPC du 7 octobre 2015, M. Jean-Pierre E. Comme on l'a souvent constaté dans cette chronique, l'un des nombreux charmes de la QPC -- et plus généralement de la jurisprudence constitutionnelle, comme on vient de le voir au sujet du pacs -- est de faire revivre certaines questions anciennes et même de poussiéreux débats que l'on croyait à tout jamais enterrés. Il s'agit en l'espèce de celui, très passionnel, de la révision des prestations compensatoires allouées sous forme de rentes viagères, vieux souvenir d'étudiant pour l'auteur de ces lignes. Au rang des accusés figure l'interprétation jurisprudentielle de l'ancien article 280-1 du code civil, issu de la réforme du divorce opérée par la loi du 11 juillet 1975, laquelle avait en principe substitué la prestation compensatoire à l'ancienne pension alimentaire pouvant être due en cas de rupture du mariage par divorce. Selon cette disposition, abrogée à l'occasion de la réforme de 2004, « l'époux aux torts exclusifs de qui le divorce est prononcé n'a droit à aucune prestation compensatoire » (al. 1er). Le texte poursuit : « Toutefois, il peut obtenir une indemnité à titre exceptionnel, si, compte tenu de la durée de la vie commune et de la collaboration apportée à la profession de l'autre époux, il apparaît manifestement contraire à l'équité de lui refuser toute compensation pécuniaire à la suite du divorce » (al. 2). Dans un arrêt rendu le 26 avril 1990(19), la deuxième chambre civile de la Cour de cassation avait assez logiquement décidé que toute révision de cette indemnité exceptionnelle était interdite. Cette solution spécifique à l'indemnité exceptionnelle de l'article 280-1 a continué de s'appliquer au détriment des débiteurs (c'est-à-dire, concrètement, des ex-maris), alors même que la loi assouplissait progressivement les conditions de révision des prestations compensatoires. En effet, tandis que dans le régime de 1975 « l'absence de révision devait avoir pour l'un des conjoints des conséquences d'une exceptionnelle gravité » (ancien art. 273 C. civ.), une loi du 30 juin 2000 avait décidé que la révision serait possible « en cas de changement important dans les ressources ou les besoins des parties » (ancien art. 276-3 C. civ.). Particulièrement sensible aux intérêts des débiteurs (dont il se trouve paraît-il un certain nombre de spécimens sur les bancs de nos assemblées...), la loi de 2000 avait aussi précisé que les rentes attribuées avant son entrée en vigueur seraient soumises au nouveau régime de révision. Mais rien en revanche, ni dans la loi de 2000 ni dans la réforme ultérieure du 26 mai 2004, pour contrecarrer la jurisprudence de 1990 au sujet de l'indemnité exceptionnelle dont pouvait encore profiter un ex-conjoint fautif. C'est cette situation que dénonçait en l'espèce le requérant, sur le fondement du principe d'égalité, du droit au respect de la vie privée et du droit de mener une vie familiale normale(20). Conformément à sa jurisprudence, le Conseil rappelle d'abord « qu'en posant une [QPC] sur une disposition législative, tout justiciable a le droit de contester la constitutionnalité de la portée effective qu'une interprétation jurisprudentielle constante confère à cette disposition » (cons. 3). Sur le fond, les sages décident ensuite que, pour l'application du principe d'égalité, « le débiteur d'une indemnité allouée à titre exceptionnel et celui de la prestation compensatoire sont dans une situation différente » (cons. 8), ce qui est vrai, notamment parce que les conditions d'attribution de ces créances sont elles-mêmes bien distinctes, l'article 280-1 se fondant sur l'équité et ne visant que la durée de la vie commune et la collaboration apportée à la profession du conjoint, là où la prestation compensatoire a pour but(21) de « compenser, autant qu'il est possible, la disparité que la rupture du mariage crée dans les conditions de vie respectives » des époux (art. 270 C. civ.) sur la foi de critères bien plus nombreux (art. 271 C. civ.). Le Conseil estime que cette différence de situation est en rapport direct avec l'objet de la loi qui l'établit, ce que le commentaire de la décision montre de son côté fort bien : « Alors que la prestation compensatoire doit aussi prendre en compte l'évolution de la situation des époux dans un avenir prévisible, l'indemnité exceptionnelle tend à « indemniser » et s'évalue au regard d'une situation passée : il n'était donc pas injustifié que seule la prestation compensatoire puisse être révisée » (p. 12). Enfin, le Conseil a estimé que l'application des réformes ayant assoupli les conditions de révision des prestations compensatoires aux rentes viagères accordées avant 2004, ou même avant 2000, n'avait pas pour effet de priver la différence de traitement de rapport direct avec l'objet de ces lois (cons. 10 et 11). Peu importe donc que la différence se soit accrue avec le temps. Quant à la comparaison avec les textes désormais applicables, issus de la réforme du 26 mai 2004, le Conseil la juge « inopérante », le commentaire de la décision rappelant ici la position invariable du juge constitutionnel qui « *ne contrôle pas, au regard du principe d'égalité, les différences de traitement résultant de l'application de lois distinctes dans le temps *» (p. 13).

Cette dernière remarque offre une bonne transition vers une récente décision émanant des juges du fond qui refuse de transmettre à la Cour de cassation une QPC relative aux dispositions transitoires de la loi du 3 décembre 2001 ayant mis fin à l'ancienne infériorité successorale des enfants adultérins (TGI Paris, 20 octobre 2015, n° 15/9381(22). Si l'affaire retient l'attention, c'est parce que ces dispositions de la loi de 2001 ont subi, en 2013, les foudres de la Cour européenne des droits de l'homme -- qui, sur le fond du droit, était déjà à l'origine de cette remarquable évolution égalitariste du droit civil français(23). Bien que rétroactives, puisqu'applicables aux successions ouvertes avant sa publication au JO, les dispositions de la loi du 3 décembre 2001 relatives aux droits successoraux des enfants adultérins étaient bornées par les « accords amiables déjà intervenus », les « décisions judiciaires irrévocables » ainsi que les partages déjà opérés (art. 25, II, 2 °). Contrecarrant ce souci légitime de préserver objectivement la sécurité juridique, la Cour de Strasbourg n'a pas craint d'aller à l'encontre d'un partage successoral opéré en juillet 1994, suite d'une donation-partage conclue en 1970, en se fondant sur tout un faisceau de circonstances de fait (§ 67 et s.) qui témoigne de la démarche très concrète de cette Cour et semble bien priver sa solution de toute portée jurisprudentielle. Loin de ces considérations subjectives, le TGI de Paris refuse pour sa part de transmettre la QPC en estimant que les dispositions transitoires de la loi du 3 décembre 2001 sont justifiées par la paix des familles et la préservation des droits des tiers et qu'elles garantissent la sécurité juridique.

Toujours dans le domaine du droit civil, on signalera enfin plusieurs décisions récentes rendues par la Cour de cassation qui présentent le point commun d'écarter le grief d'atteinte au principe d'égalité, à propos de questions très diverses. Autant de décisions de non-renvoi qui s'imposaient avec évidence et qui questionnent moins le droit constitutionnel que la formation juridique des avocats dans cette matière -- à moins qu'ils n'utilisent la QPC pour gagner du temps, comme certains le craignaient au lendemain de l'instauration de cette procédure. Qu'on en juge. Dans la première affaire, le requérant contestait la conformité au « principe d'égalité entre les hommes et les femmes » des articles 325 et 327 du code civil respectivement relatifs aux recherches de maternité et de paternité. Comme la première chambre civile, on peine à cerner l'intérêt d'une telle question, d'autant plus que « ni la question elle-même, ni le mémoire qui la soutient, n'exposent pour quels motifs d'intérêt général une différence de traitement devrait être instaurée entre les enfants nés en mariage et ceux nés hors mariage pour priver ces derniers du droit d'établir leur filiation paternelle en cas de refus de leur père de les reconnaître » (Cass. 1^re ^civ., 2 décembre 2015, n° 15-18.312). En extrapolant, peut-être peut-on supposer que la question n'était pas purement dilatoire. Au nom des droits de l'homme (ou d'une certaine conception de ceux-ci), il se pourrait en effet que le requérant réclame le droit pour le géniteur masculin de refuser une paternité dont il ne veut pas -- le thème est assez à la mode en droit de la famille et montre bien jusqu'où peut conduire, en ce domaine, la philosophie libérale qui mine nos sociétés : quarante ans en arrière ! Heureusement que tout cela « ne présente pas de caractère sérieux », comme l'on dit en droit constitutionnel. Dans la seconde affaire était contesté, au nom de l'égalité entre vendeur professionnel et vendeur non-professionnel, l'article L. 211-3 du code de la consommation qui limite le champ d'application de la garantie de conformité à l'hypothèse dans laquelle le vendeur est un professionnel (Cass. 1^re ^civ., 25 novembre 2015, n° 15-40.035, publié). Le plus étonnant est qu'au lieu de balayer la question en se contentant, en une ligne, de relever une différence de situation, la Cour de cassation disserte sur l'objectif du texte, issu du droit européen (qui plus est...) dont le but est de faire « profiter au mieux du marché intérieur » les consommateurs, « seul le vendeur agissant à l'occasion de son activité professionnelle ou commerciale [ayant] vocation à servir un tel but », ce qui justifie, selon la Cour, un régime juridique spécifique. Le brevet de constitutionnalité du droit de la consommation ne tiendrait donc qu'à l'objectif européen de construction d'un marché intérieur... Ironisons un peu : que faudra-t-il décider lorsqu'un texte de droit de la consommation purement interne à notre droit et à notre petit marché national sera demain contesté ? Face à des questions manifestement non sérieuses, la motivation expéditive est encore la meilleure ! Dans la troisième affaire, le requérant dénonçait, encore et toujours au nom du principe d'égalité, l'article 22-1 de la loi du 6 juillet 1989 qui, en matière de bail d'habitation, soumet le cautionnement de la dette de loyer à l'exigence d'une mention manuscrite destinée à informer la caution de la nature et de l'étendue de son engagement. Pour la Cour de cassation, cette question n'est évidemment pas sérieuse dès lors que ces dispositions « s'appliquent sans discrimination aux bailleurs d'un logement entrant dans le champ d'application de cette loi » et « se justifi[ent] par le motif d'intérêt général de protection de la caution » (Cass. 3^e ^civ., 3 décembre 2015, n° 15-18.194, publié). Tout ça pour ça ! On en viendrait presque, parfois, à suggérer dans l'intérêt professionnel des avocats une extension à leur endroit de l'anonymisation des décisions de justice.

La pente de cette chronique nous ayant conduit jusqu'aux sommets civilistes du droit privé, il nous faut, pour finir, redescendre vers ses périphéries, en l'occurrence celles du droit du travail, lequel se trouve au cœur de trois décisions rendues par le Conseil en novembre 2015. Par un drôle de hasard, la plus intéressante des trois est aussi la seule dans laquelle, pour une fois, il n'est pas question du principe d'égalité. Par cette décision n° 2015-500 QPC du 27 novembre 2015, Société Foot Locker France SAS(24), le Conseil constitutionnel a prononcé la censure du premier alinéa et de la première phrase du deuxième alinéa de l'article L. 4614-13 du code du travail relatifs à la contestation et à la prise en charge par l'employeur des frais des expertises décidées par le comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail (CHSCT)(25). En elle-même, cette prise en charge est certes logique dans la mesure où le CHSCT ne jouit d'aucun budget qui lui soit propre. Mais selon l'interprétation de ces dispositions opérée par la chambre sociale de la Cour de cassation(26), qui faisait plus précisément l'objet de cette QPC, les frais d'expertise demeuraient à la charge de l'employeur même dans l'hypothèse où celui-ci obtenait en justice l'annulation de la décision de recourir à un expert, dès lors que ce dernier avait accompli sa mission. Bien que ces solutions « [mettent] en œuvre les exigences de participation des travailleurs à la détermination des conditions de travail ainsi que de protection de la santé des travailleurs, qui découlent des huitième et onzième alinéas du Préambule de la Constitution de 1946 » (cons. 8), le Conseil, analysant le régime du recours à l'expertise dans son ensemble, juge « que la combinaison de l'absence d'effet suspensif du recours de l'employeur et de l'absence de délai d'examen de ce recours conduit, dans ces conditions, à ce que l'employeur soit privé de toute protection de son droit de propriété en dépit de l'exercice d'une voie de recours ; qu'il en résulte que la procédure applicable méconnaît les exigences découlant de l'article 16 de la Déclaration de 1789 et prive de garanties légales la protection constitutionnelle du droit de propriété »(27) (cons. 10). La solution est logique et juste, car voilà, concrètement, un employeur qui obtient gain de cause devant le président du tribunal de grande instance, mais qui devra tout même payer l'expert parce que la décision du juge intervient après que l'expertise a été accomplie(28). D'aucuns avaient d'ailleurs vu dans la position de la chambre sociale de la Cour de cassation, qui privait d'effet utile le recours de l'employeur, un appel à l'intervention du législateur. Celle-ci est désormais inévitable et devra intervenir avant le 1er janvier 2017, date à laquelle les sages ont reporté les effets de la censure pour éviter un silence de la loi au sujet de la prise en charge des frais d'expertise et de la possibilité d'un recours contre la décision du comité. À cet égard, le commentaire officiel de la décision prend bien soin de préciser que ce sont seulement les « modalités » de ces règles, et non leur principe, qui sont ici condamnées (p. 14). Peut-être le législateur devrait-il également profiter de cette occasion pour décider qui supportera les frais d'expertise d'une mission d'ores et déjà accomplie lorsque l'employeur obtient satisfaction devant le juge...

On se contentera de signaler rapidement, dans cette queue de chronique, les deux autres décisions du Conseil constitutionnel relatives au droit du travail. La première, très technique, concerne le décompte des effectifs de l'entreprise pour l'application des règles relatives à l'obligation d'employer des travailleurs handicapés, dans le cas particulier où la personne tenue par cette obligation est un groupement d'employeurs mettant des travailleurs à la disposition de ses membres (décision n° 2015-497 QPC du 20 novembre 2015, Association Groupement d'employeurs AGRIPLUS, au sujet des articles L. 5212-3 et L. 5212-14 du code du travail). Alors que le code du travail prévoit que les entreprises de travail temporaire ne sont assujetties à l'obligation d'emploi de travailleurs handicapés que pour leurs salariés permanents (art. L. 5212-3, al. 2, C. trav.), aucune disposition similaire n'est prévue pour les groupements d'employeurs. Pour le Conseil, cette différence de traitement répond toutefois à une différence de situation car « si les groupements d'employeurs s'apparentent aux entreprises de travail temporaire en ce qu'ils fournissent de la main-d'œuvre à des entreprises utilisatrices, ils s'en distinguent en raison, d'une part, des liens juridiques entre le groupement et les employeurs qui y adhèrent et, d'autre part, de la répartition des responsabilités, entre le groupement et ses membres, ceux-ci étant solidairement tenus des dettes du groupement à l'égard de ses salariés » (cons. 11). Le grief d'atteinte au principe d'égalité est ainsi écarté -- peut-être un peu vite au regard du rapport direct qui devrait aussi être caractérisé entre la différence de traitement et l'objet de la loi, qui est ici de favoriser la présence effective de travailleurs handicapés au sein des entreprises. Sous l'angle de l'égalité devant les charges publiques, le Conseil énonce toutefois une juste réserve d'interprétation. Il résultait en effet des textes contestés que les salariés handicapés mis à disposition d'un membre du groupement n'étaient pas décomptés au titre des bénéficiaires de l'obligation d'emploi de travailleurs handicapés au sein de ce groupement, alors même qu'ils sont comptés dans les effectifs du groupement pour le calcul de l'assiette de l'obligation d'emploi. Pour reprendre l'expression du requérant, ces travailleurs devront donc, désormais, être pris tant au numérateur qu'au dénominateur du ratio. Enfin, dans sa décision n° 2015-502 QPC du 27 novembre 2015, Syndicat Confédération générale du travail, le Conseil a décidé que sont conformes à la Constitution les modalités de répartition, entre les organisations syndicales de salariés, des crédits du fonds paritaire alloués au titre de la mission liée au paritarisme (art. L. 2135-11 C. trav.). On fera grâce au lecteur des détails de cette émouvante décision en nous contentant de souligner que les sages y estiment que « la nature des intérêts » que défendent les syndicats de salariés et ceux d'employeurs « les place dans une situation différente au regard des règles qui organisent le paritarisme » (cons. 7), de telle sorte qu'une différence dans les modalités de répartition des crédits entre les uns et les autres n'est pas contraire au principe d'égalité.

Revue doctrinale

Articles relatifs aux décisions du Conseil constitutionnel

17 mai 2013

-- 2013-669 DC

Loi ouvrant le mariage aux couples de personnes de même sexe

-- Viala, Alexandre. La consécration du droit naturel moderne dans la décision du Conseil constitutionnel relative au mariage gay [Le mariage des personnes de même sexe en droit constitutionnel comparé] Annuaire international de justice constitutionnelle, 2014, n° XXX-2014, p. 77-85

24 juillet 2014

2014-695 DC

Loi relative à la sécurisation des contrats de prêts structurés souscrits par les personnes morales de droit public

-- Dubiton, Stéphanie. La récupération par l'État de la politique du crédit et des moyens de financement des collectivités territoriales. Revue française de droit constitutionnel, octobre 2015, n° 103, p. 685-691.

5 août 2015

2015-715 DC

Loi pour la croissance, l'activité et l'égalité des chances économiques

-- Fabre, Alexandre. Loi Macron : le plafonnement de l'indemnisation des licenciements injustifiés contraire au principe d'égalité. Constitutions, juillet-septembre 2015, n° 2015-3, p. 421-430.

-- Teboul, Georges. La dépossession forcée de l'associé majoritaire d'une entreprise en difficulté. Les Petites Affiches, 22 octobre 2015, n° 211, p. 5-7.

-- Vogel, Louis. Le droit de la concurrence et de la distribution après la loi Macron. AJ Contrats d'affaires, août-septembre 2015, n° 2015-7/8, p. 392.

7 octobre 2015

2015-486 QPC

M. Gil L. [Cession forcée des droits sociaux d'un dirigeant dans le cadre d'une procédure de redressement judiciaire]

-- Brignon, Bastien. Cession forcée des droits sociaux d'un dirigeant d'entreprise en redressement judiciaire : conformité à la Constitution. La Semaine juridique. Édition générale, 14 décembre 2015, n° 51, p. 2342-2345.

21 octobre 2015

2015-9 LOM

Pacte civil de solidarité en Polynésie française

-- Binet, Jean-René. Pacs : réaffirmation de sa nature purement contractuelle. Droit de la famille, décembre 2015, n° 12, p. 18-19.

27 novembre 2015

2015-500 QPC

Société Foot Locker France SAS [Contestation et prise en charge des frais d'une expertise décidée par le CHSCT]

-- Dauxerre, Lydie. Inconstitutionnalité de la prise en charge par l'employeur des honoraires d'expertise du CHSCT. La Semaine juridique. Social, 15 décembre 2015, n° 51, p. 28-30.

Articles thématiques

Droit civil

-- Matutano, Edwin. Légalité et conjugalité : le législateur doit épuiser sa compétence. Revue Lamy droit civil, janvier 2016, n° 133, p. 61-67.

Droit social

-- Antonmattei, Paul-Henri ; Dutheillet de Lamothe, Olivier ; Frouin, Jean-Yves ; Huglo, Jean-Guy ; Mathieu, Bertrand ; Moreau, Marie-Ange. Retranscription des débats de la matinée. [La question prioritaire de constitutionnalité et le droit constitutionnel du travail. Rencontres de la chambre sociale du 20 mars 2015]. Bulletin d'information : jurisprudence, doctrine, communications [Cour de cassation], 1 octobre 2015, n° 828, p. 37-40.

-- Barthélémy, Jacques. Solidarité et protection sociale complémentaire. Revue de jurisprudence sociale, octobre 2015, n° 10, p. 571-576.

-- Dutheillet de Lamothe, Olivier. Intervention de M. Olivier Dutheillet de Lamothe. [La question prioritaire de constitutionnalité et le droit constitutionnel du travail. Rencontres de la chambre sociale du 20 mars 2015]. Bulletin d'information : jurisprudence, doctrine, communications [Cour de cassation], 1 octobre 2015, n° 828, p. 7-11.

-- Florès, Philippe ; Vialettes, Maud. Intervention commune de Philippe Florès, conseiller référendaire à la chambre sociale de la Cour de cassation, et Maud Vialettes, rapporteur public au Conseil d'État. [La question prioritaire de constitutionnalité et le droit constitutionnel du travail. Rencontres de la chambre sociale du 20 mars 2015]. Bulletin d'information : jurisprudence, doctrine, communications [Cour de cassation], 1er octobre 2015, n° 828, p. 12-21.

-- Gahdoun, Pierre-Yves. Jurisprudence sociale du Conseil constitutionnel (deuxième partie). Le Droit ouvrier, novembre 2015, n° 808, p. 667-673.

-- Haas, Thomas. Intervention de Me Thomas Haas, avocat au Conseil d'État et à la Cour de cassation. [La question prioritaire de constitutionnalité et le droit constitutionnel du travail. Rencontres de la chambre sociale du 20 mars 2015]. Bulletin d'information : jurisprudence, doctrine, communications [Cour de cassation], 1 octobre 2015, n° 828, p. 22-27.

-- Huglo, Jean-Guy. Contrôle de constitutionnalité et contrôle de conventionnalité. La pratique de la chambre sociale de la Cour de cassation. Revue de jurisprudence sociale, décembre 2015, n° 12, p. 719-722.

-- Radé, Christophe. Intervention de M. Christophe Radé, professeur à la faculté de droit de Bordeaux. [La question prioritaire de constitutionnalité et le droit constitutionnel du travail. Rencontres de la chambre sociale du 20 mars 2015]. Bulletin d'information : jurisprudence, doctrine, communications [Cour de cassation], 1 octobre 2015, n° 828, p. 28-36.

-- Schmaltz, Benoît. La négociation collective à l'épreuve des compétences des autorités normatives de l'État. [CE, 7 mai 2015, n° 370986]. Actualité juridique. Droit administratif, 2 novembre 2015, n° 36, p. 2047-2051.

(1) JCP G, 2015, 1390, note B. Brignon.
(2) Cons. const., déc. n° 2015-715 DC du 5 août 2015, Loi pour la croissance, l'activité et l'égalité des chances économiques, cons. 139 et s. En vertu du nouvel article L. 631-19-2 du code de commerce, le tribunal peut ordonner la cession forcée des titres des associés qui s'opposent à une augmentation de capital lorsque la cessation de l'activité de l'entreprise, auquel ce refus pourrait conduire, est de nature à causer un trouble grave à l'économie nationale ou régionale. Voir notre précédente chronique in Les Nouveaux Cahiers du Conseil constitutionnel, 2016, n° 50, p. 122-123.
(3) L'ancien article L. 621-59 du code de commerce trouvait son origine dans la loi du 25 janvier 1985 et exigeait, de manière plus contraignante que le texte actuel, que la cession forcée soit justifiée par « la survie de l'entreprise ».
(4) Sur cette notion, voir A. Cheynet de Beaupré, « L'expropriation pour cause d'utilité privée », JCP G, 2005, I, 144.
(5) Cons. const., déc. n° 2010-60 QPC du 12 novembre 2010, M. Pierre B.
(6) Cons. const., déc. n° 2011-151 QPC du 13 juillet 2011, M. Jean-Jacques C.
(7) Cons. const., déc. n° 2014-449 QPC du 6 février 2015, Société Mutuelle des transports assurances. Voir H. Synvet, obs. in D., 2015, p. 2149, l'éminent auteur estimant à juste titre que « la limpidité de la solution est un gage de son exactitude. Il est inutile de s'interroger gravement, comme ont pu le faire certains, sur l'extension à des contrats du concept de propriété. Le Conseil constitutionnel ne fait pas du droit civil mais... du droit constitutionnel » (p. 2150).
(8) Voir par exemple, au sujet de l'article 274 du code civil, Th. Revet, obs. in RTD civ., 2011, p. 565 et s.
(9) La Cour de cassation décide en effet que la qualité de dirigeant s'apprécie à la date du jugement ordonnant la cession (Cass. com., 19 février 2008, n° 06-18.446).
(10) Cette « nécessité publique », exigée par l'article 17 de la DDHC, constitue en effet un degré d'exigence plus élevé que le motif d'intérêt général requis pour l'application de l'article 2 de la Déclaration en matière d'atteintes aux conditions d'exercice du droit de propriété. Voir par exemple le commentaire de la décision n° 2010-60 QPC préc., site Internet du Conseil, p. 4.
(11) Proportionnalité que le requérant contestait en soutenant que le juge « dispose d'autres moyens pour permettre l'adoption du plan et le redressement de l'entreprise » (cons. 4), visant en particulier la possibilité de désigner un mandataire chargé de voter à la place de l'associé dirigeant (art. L. 631-19-1, al. 2, première phrase). On se contentera de signaler qu'un autre grief, fondé sur le principe d'égalité, était invoqué par le requérant : le fait que la cession forcée ne s'applique pas « lorsque le débiteur exerce une activité professionnelle libérale soumise à un statut législatif ou réglementaire » (art. L. 631-19-1, al. 4, qui vise ainsi les professionnels libéraux). Ce grief est également rejeté par le Conseil, au nom d'une différence de situation (cons. 12). Voir sur ce point la critique de B. Brignon, note préc., spéc. 2.
(12) « Le tribunal peut prononcer la faillite personnelle de toute personne mentionnée à l'article L. 653-1 contre laquelle a été relevé l'un des faits ci-après : (...) 6 ° Avoir fait disparaître des documents comptables, ne pas avoir tenu de comptabilité lorsque les textes applicables en font obligation, ou avoir tenu une comptabilité fictive, manifestement incomplète ou irrégulière au regard des dispositions applicables ».
(13) « La Loi ne doit établir que des peines strictement et évidemment nécessaires, et nul ne peut être puni qu'en vertu d'une Loi établie et promulguée antérieurement au délit, et légalement appliquée. »
(14) La chose n'est toutefois pas impossible ; voir Cons. const., déc. n° 2010-85 QPC du 13 janvier 2011, Établissements Darty et Fils, cons. 3, au sujet de la sanction du déséquilibre significatif dans les relations commerciales.
(15) Cons. const., déc. n° 2011-212 QPC du 20 janvier 2012, Mme Khadija A., épouse M. Dans cette affaire, il est vrai que l'atteinte aux conditions d'exercice du droit de propriété du conjoint manquait cruellement d'encadrement légal. La censure s'imposait donc davantage que dans la décision n° 487 QPC.
(16) JCP N, 2000, I, 270 ; JCP G, 2000, I, 210.
(17) Si bien que la réforme du pacs de 2006 devait théoriquement s'appliquer en Polynésie française, sans que la loi du 15 novembre 1999 ayant créé le pacs (loi non modifiée sur certains aspects, notamment quant à la définition du pacte) y soit applicable ! La médiocrité législative est sans limite.
(18) CE, avis, 29 avril 2014, n° 388614, Assemblée de la Polynésie française, décision du juge administratif notamment justifiée par... celle du Conseil constitutionnel de 1999. Échange de bons procédés entre locataires du Palais Royal !
(19) N° 88-10.337 : Bull. civ. II, n° 75.
(20) Sur le dernier grief, le Conseil oppose au requérant, de manière très prévisible, « qu'en elle-même la charge financière résultant du paiement d'une indemnité sous forme de rente viagère ne porte pas atteinte au droit à mener une vie familiale normale » (cons. 14). On sait en effet que le Conseil retient une définition stricte de ce droit, lequel s'applique essentiellement aux questions de regroupement familial des étrangers. On notera sur le même sujet que, dans un arrêt récent, la Cour de cassation a refusé de renvoyer au Conseil une QPC qui contestait l'article 16-11, al. 5, du code civil qui limite la possibilité d'identifier une personne par ses empreintes génétiques aux seules mesures d'instruction ordonnées par le juge à l'occasion d'une action en recherche ou en contestation de filiation (Cass. 1re civ., 16 décembre 2015, n° 15-16.696, publié). Le grief tiré d'une atteinte au droit de mener une vie familiale normale n'est pas jugé sérieux, puisque « la disposition contestée ne prive pas une personne de son droit d'établir un lien de filiation avec un enfant ni de contester une paternité qui pourrait lui être imputée ».
(21) Selon la rédaction actuelle des textes, qui a précisé les choses sans les bouleverser.
(22) JCP G, 2015, 1371, n° 1, obs. Ch. Blanchard.
(23) Voir CEDH, grande chambre, 7 février 2013, n° 16574/08, Fabris c/ France.
(24) JCP S, 15 décembre 2015, p. 28, note L. Dauxerre.
(25) Art. L. 4614-13, al. 1er : « Les frais d'expertise sont à la charge de l'employeur » ; art. L. 4614-13, al. 2 : « L'employeur qui entend contester la nécessité de l'expertise, la désignation de l'expert, le coût, l'étendue ou le délai de l'expertise, saisit le juge judiciaire. »
(26) Cass. soc., 15 mai 2013, n° 11-24.218 : Bull. civ. V, n° 125.
(27) Comme le montre le commentaire de la décision sur le site du Conseil (p. 10 et s.), cette application combinée du droit au recours avec un autre principe constitutionnel (ici la propriété) n'a rien d'inédit dans la jurisprudence constitutionnelle, du moins dans le domaine de la contestation des saisies, en particulier douanières.
(28) Sachant au surplus que, depuis le décret du 1er septembre 2011, l'ordonnance de référé qui rejette la contestation de l'employeur est en principe exécutoire à titre provisoire. À la lecture du 10e considérant de la décision, on voit que cet argument a pesé dans la balance constitutionnelle, même si, par ailleurs, le Conseil n'exige pas, au nom de l'article 16 de la Déclaration de 1789, qu'un recours soit forcément suspensif (voir par exemple Cons. const., déc. n° 2011-203 QPC du 2 décembre 2011, M. Wathik M., cons. 10).