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Bush contre Gore : trois mauvais coups portés à la Constitution, à la Cour et à la Démocratie

Michel ROSENFELD - Professeur à la Cardozo School of Law, New York, Président de l' « Association internationale de droit constitutionnel (AIDC) »

Cahiers du Conseil constitutionnel n° 13 (Dossier : La sincérité du scrutin) - janvier 2003

L'élection de G.W. Bush à la présidence des États-Unis en novembre 2000 a permis de mettre en lumière un certain nombre de dysfonctionnements du système électoral américain, notamment dans son organisation matérielle, qui a conduit la Cour suprême des États-Unis, sur fond de polémique juridico-politique, à intervenir pour donner un dénouement à l'affaire.

Cette décision qui a fait l'objet d'un vif débat au sein même de la Cour a été acquise par une majorité de cinq juges contre quatre, la minorité ayant exprimé, comme le permet le système américain, son opinion dissidente dans la décision elle-même.

Les juristes américains, dans leur majorité, ont alors plutôt approuvé l'opinion minoritaire de la Cour suprême et critiqué la décision des cinq juges majoritaires.

C'est le cas du Professeur Michel Rosenfeld qui nous propose ci-après une étude critique de la position de cette majorité de la Cour suprême.

Partie I

Citons tout d'abord le célèbre dictum du juge Stevens dans l'affaire Bush c/ Gore (1) : nous ne saurons sans doute jamais avec certitude l'identité du vainqueur de l'élection présidentielle de cette année. Mais l'identité du perdant ne fait aucun doute. Il s'agit de la confiance portée par notre Nation au juge en tant que gardien impartial de l'État de droit(2).

Lorsque la Cour suprême, profondément divisée par une décision prise à la majorité de ses membres 5 voix contre 4, a clos le scrutin et proclamé l'élection de George W. Bush en tant que président, sa décision n'a pas seulement semblé contraire à tout principe mais elle a également révélé un défaut assez troublant dans la Constitution, de même que quelques failles dangereuses dans la démocratie américaine. Comme la Cour l'a constaté, la Constitution n'accorde au citoyen américain aucun droit de voter pour son président (3). À l'heure actuelle, l'ensemble des cinquante États accorde à ses citoyens le droit de voter lors de l'élection des grands électeurs chargés de l'élection du président et du vice-président. Mais il n'y a pas la moindre disposition dans la Constitution américaine qui fasse obstacle à ce que l'un ou l'autre parmi ces États, voire la totalité d'entre eux, prive ses citoyens de ce droit et choisisse ses grands électeurs de telle manière que sa législature déciderait à titre parfaitement souverain (4). Et il se trouve que la majorité républicaine de la législature de l'État de Floride était effectivement sur le point de nommer sa propre équipe de grands électeurs sans tenir compte du résultat final du scrutin, ce qui lui aurait permis de décider toute seule du sort de l'élection 2000 si la Cour suprême ne l'avait pas déjà fait (5).

La Constitution américaine originelle de 1787 n'a pas prévu de mode de suffrage pour élire le président. Quels que soient les avantages que cette solution constitutionnelle ait pu présenter en 1787, il est difficile de justifier aujourd'hui que les citoyens de la plus puissante démocratie du monde n'aient pas le droit de participer à la sélection de la personne qui représente à elle toute seule la nation dans son ensemble, et se trouve destinée à occuper le fauteuil politique le plus important du monde entier. Bien que la possibilité eût été de temps en temps évoquée en tant qu'issue étrange mais peu vraisemblable, pour la première fois depuis plus d'un siècle, le vainqueur désigné par la majorité du collège électoral (en partant de l'hypothèse que Bush avait gagné sans contestation les 25 votes de l'État de Floride) se trouve perdant au niveau du vote populaire à l'échelon national. Le score global de Gore dépasse de plus d'un demi million de voix celui de Bush (6). L'Amérique a radicalement évolué depuis la fin du xixe siècle, époque depuis laquelle le vainqueur au niveau du vote populaire n'a jamais perdu l'élection présidentielle. Aujourd'hui, la légitimité politique du président dans l'exercice des énormes pouvoirs que lui confère son mandat découle essentiellement du fait qu'il a obtenu le soutien de la majorité (au moins relative) des citoyens qui ont accompli leur devoir électoral le jour du scrutin. Ainsi, même si la victoire de Bush en Floride avait été incontestable, l'élection 2000 aurait toujours représenté un sérieux revers pour la démocratie américaine.

La moindre des exigences en démocratie, c'est que les élections soient remportées par le candidat qui recueille le plus grand nombre de voix exprimées et qu'un poids égal s'attache à chaque voix exprimée. Le recours au collège électoral entre parfois en conflit avec la première de ces exigences ; et c'est toujours le cas avec la seconde. Le vote exprimé par un citoyen du Montana ou du Wyoming pèse plus lourd dans la balance que celui d'un citoyen de Californie ou de New York (7). C'est surtout vrai lorsque le vainqueur au niveau du vote populaire obtient également la majorité au sein du collège électoral, que les dérogations entérinées dans la Constitution au principe selon lequel chaque vote représente un poids égal peuvent engendrer une restriction acceptable de la démocratie au nom du fédéralisme. Cependant, rien ne justifie que l'on accepte de dévier du principe du vote égalitaire à l'intérieur d'un État donné, car l'unique conséquence est un affaiblissement de la démocratie. Or, c'est exactement cela qui s'est produit en Floride en raison de la confiance accordée au contrôle des élections présidentielles au niveau du comté plutôt qu'à celui de l'État.

Les 67 comtés de l'État de Floride était classés en deux catégories pour les besoins de l'élection 2000, selon qu'ils employaient un système de scannage optique ou le scrutin au moyen de cartes perforées. Sur les quelque 6 millions de votes exprimés en Floride, 3,7 millions l'avaient été au moyen de cartes perforées alors que 2,3 millions découlaient d'un scannage optique (8). Le taux de sous-comptage dans le cadre du premier système était trois fois supérieur à celui du second, avec pour résultat que pour 10000 votes exprimés au moyen de cartes perforées le nombre de « non-votes » dépassait de 250 unités le nombre de non-votes dans le système de scannage optique (9). De ce fait, compte tenu de cette divergence, le poids relatif d'un vote exprimé dans un comté utilisant le système des cartes perforées était sensiblement inférieur au poids d'un vote exprimé dans un comté utilisant le système de scannage optique. Par ailleurs, dans la mesure d'une part où les comtés utilisant le système des cartes perforées avaient tendance à correspondre à ceux ayant une forte proportion d'électeurs afro-américains et d'autre part, où les allégations d'intimidation et d'exclusion d'électeurs afro-américains s'avéraient justifiées, les divergences dans le poids des votes exprimés en Floride n'avaient rien de purement aléatoire. En effet - et c'est là l'aspect le plus troublant de la chose - le poids d'un vote exprimé en Floride variait dans une mesure certaine en fonction de l'appartenance raciale de l'électeur (10).

Partie II

Démocratie, égalité, fédéralisme - voilà trois aspects importants des élections présidentielles américaines, qui, toutefois, ne vont pas toujours dans le même sens. En outre, si la Constitution crée le cadre à l'intérieur duquel les élections s'organisent et les contentieux se règlent, ce cadre est loin d'être parfait ou complet. Compte tenu de ces facteurs, la Cour suprême ne disposait que d'un nombre limité d'options face aux conflits nés de l'élection dans l'État de Floride. Toute tentative d'apprécier à sa juste valeur la démarche de la Cour dans l'affaire Bush c/ Gore doit tenir compte d'une manière appropriée des limitations en question. En fin de compte toutefois, en dépit de ces limitations, la Cour mérite d'être critiquée pour avoir mis fin de façon si brutale à l'élection. En réalité, eu égard aux contraintes qui existaient, la Cour n'avait qu'une véritable option qui aurait pleinement justifié son intégrité institutionnelle : refuser d'intervenir. Si elle l'avait fait, et si le comptage des votes contestés lors du scrutin en Floride avait été achevé, il aurait alors été loisible au Congrès de résoudre les éventuels litiges restants, comme le prescrit la Constitution(11).

Il n'y avait qu'une solution équitable à la débâcle électorale en Floride : convoquer les électeurs une nouvelle fois en appliquant des normes uniformes sur l'ensemble du territoire de l'État et en confier le dépouillement ainsi que la constatation des résultats à des institutions et à des fonctionnaires impartiaux. Cette solution n'était malheureusement pas praticable en raison de plusieurs facteurs, d'abord parce que que la loi fédérale prescrit la simultanéité du scrutin dans l'ensemble des États.

Si les tribunaux sont censés rester au-dessus de l'arène politique, les deux cours qui ont joué le rôle prépondérant dans cette controverse - la Cour suprême de l'État de Floride et la Cour suprême des États-Unis - se sont vues accusées de partialité. Les juges de la Cour suprême de l'État de Floride ont été accusés d'agir de façon partisane en tant que Démocrates, tandis que les juges de la Cour suprême ayant mis une fin effective à l'élection agissaient de façon partisane eux aussi puisque majoritairement Républicains. Il existe de sérieuses raisons - et nous y reviendrons - qui nous poussent à conclure que la majorité au sein de la Cour suprême des États-Unis était excessivement partisane, alors que l'on ne peut en dire autant au sujet des juges de la Cour suprême de Floride.

Pour mieux comprendre pourquoi les cinq juges de la Cour suprême des États-Unis qui ont accordé la victoire électorale à Bush étaient excessivement partisans et pourquoi les juges de la Cour suprême de l'État de Floride ne l'étaient pas, il convient de rappeler quelques questions de fond concernant les juges et la justice. Dans un monde idéal, la justice devrait être parfaite et complète, les juges devraient être impartiaux et bien au-dessus de la mêlée politique. En réalité, cependant, cela est rarement, voire jamais, possible. Dans un système juridique moderne et complexe comme l'est celui des États-Unis, rendre la justice exige que l'on interprète et que l'on applique les lois ; or les lois sont loin d'être toujours bonnes, claires et complètes. La loi électorale de l'État de Floride, qui a joué un rôle si important dans l'affaire Bush c/ Gore, illustre particulièrement bien cette problématique. Nous le verrons plus loin : la loi en question était fragmentaire, elle portait des contradictions, et elle était loin de fournir le moyen nécessaire à ce que justice soit faite - la justice dans cette affaire exigeant que le scrutin soit équitable de tous points de vue pour l'ensemble des électeurs de l'État de Floride et que le décompte des votes exprimés à l'occasion du scrutin soit précis, uniforme et complet. Compte tenu par ailleurs des imperfections et des lacunes dans les dispositions pertinentes de la Constitution et des lois fédérales applicables en l'espèce, une justice parfaite était probablement impossible dans l'affaire Bush c/ Gore, même en supposant que tous les juges fussent surhumains.

Les tribunaux de Floride sont intervenus de façon parfaitement correcte afin de se saisir des revendications juridiques provoquées par l'élection 2000 puisque aucune autre entité n'était disponible à cette fin dans l'État. En revanche, l'intervention de la Cour suprême était entièrement superflue et malencontreuse, voire franchement contraire à la Constitution, puisque le Congrès des États-Unis dispose de la compétence définitive en matière de litiges au sujet des contestations relatives aux élections présidentielles. En outre, lorsque les tribunaux interviennent en matière électorale, étant donné le risque de se laisser influencer par la politique, ils auraient intérêt à éviter de régler le litige directement. Là où c'est possible, il serait préférable que les tribunaux se limitent à minimiser les injustices et à rectifier les vices de procédure, l'identification du vainqueur étant plutôt du ressort d'autres autorités. C'est ce qu'a fait la Cour suprême de l'État de Floride ; personne n'étant en mesure de prédire le résultat définitif des décomptes qu'elle a ordonnés car il était en effet tout à fait possible qu'à l'issue des opérations Bush soit désigné comme vainqueur de façon incontestable.

À l'opposé, la Cour suprême des États-Unis a purement et simplement mis fin aux décomptes, accordant ainsi la victoire à Bush. Pis encore, avant de prendre sa décision finale le 12 décembre, en ordonnant la fin des opérations de décompte en Floride avec effet au 9 du même mois, la Cour a assuré en pratique l'élection de Bush. La Cour l'a fait en déclarant, avant d'écouter les plaidoiries au sujet des revendications des partisans de Bush et donc avant de les étudier à fond, que le temps était écoulé et que les décomptes devaient s'arrêter. Là nous avons l'impression de nous trouver en présence d'une attitude politiquement partisane, ce qui se confirme par la lecture de l'argument présenté par le juge Scalia en faveur de l'arrêt du décompte, pour lequel il a voté ainsi que quatre de ses collègues : « À mon avis le décompte des votes dont la légalité est discutable menace de nuire de façon irréparable à [Bush], de même qu'à notre pays, en jetant le doute sur ce qu'il prétend être son élection légitime » (12). Le juge Stevens, dans son opinion minoritaire, rejetant l'arrêt du décompte, observe : « compter chaque vote exprimé de façon légitime ne peut pas nuire de façon irréparable », alors que cet arrêt « serait en fait une décision quant au fond en faveur de [Bush] » (13).

Le tribunaux ont tendance à hésiter avant d'accorder des mesures de protection intérimaire en amont du débat quant au fond ; en effet, ils ne le font que s'il est prouvé qu'il y a une « forte probabilité de préjudice irréparable » si de telles mesures ne sont pas ordonnées avant le débat quant au fond. Il semble pourtant risible de prétendre que Bush aurait subi un préjudice irréparable si le décompte avait pu se poursuivre jusqu'à ce que la Cour suprême des États-Unis examine le fond de l'affaire. Ce que cherchait Bush, c'était qu'on le proclame vainqueur de cette élection, et ce avec toutes les apparences de la légalité. Non seulement la victoire sur le fond devant la Cour suprême des États-Unis lui aurait accordé tout cela, mais de surcroît, les contestations et controverses en Floride, dont le redécomptage des votes n'était qu'un élément parmi d'autres, avaient déjà engendré de sérieux doutes quant à la légitimité de la maigre avance qu'il tenait le 9 décembre, jour où l'arrêt a été rendu. Il s'ensuit que le raisonnement présenté par le juge Scalia en faveur de l'arrêt semble non seulement parfaitement partisan mais également pratiquement inexplicable, étant donné les questions posées à la Cour. Cela dit, si l'on admet l'hypothèse selon laquelle la majorité des membres de la Cour n'aurait pas encore décidé de l'issue du débat quant au fond avant de recevoir les mémoires des parties et d'entendre leurs arguments au prétoire, et si l'on estime possible que l'un des cinq juges qui penchaient pour Bush aurait pu changer d'avis après examen approfondi du fond de l'affaire, alors les cinq précieuses journées perdues entre la décision accordant l'arrêt du décompte et la décision quant au fond ont pu rendre impossible d'achever l'opération de décompte des votes que Gore aurait été en droit d'exiger, ce qui en fait lui causait, et causait au peuple américain, un préjudice irréparable manifeste.

Partie III

Les décisions de la Cour suprême de l'État de Floride sont caractérisées par une cohérence juridique et une intégrité sur des points fondamentaux qui font défaut dans la décision de la Cour suprême des États-Unis dans l'affaire Bush c/ Gore. La Cour suprême de la Floride était confrontée à une loi de l'État qui était inadéquate, incomplète et renfermait des contradictions, et qui de surcroît était en conflit avec la loi fédérale. Néanmoins, la Cour de l'État de Floride est parvenue à tirer des conclusions cohérentes et défendables, même si celles-ci n'étaient pas les uniques conclusions plausibles. Autrement dit, les normes juridiques applicables en l'espèce étaient suffisamment flexibles pour permettre à des juges partisans de philosophies différentes de parvenir à des conclusions différentes tout en restant uniformément fidèles à l'exigence de l'intégrité judiciaire ainsi qu'aux principes communément admis de l'interprétation judiciaire.

Le litige dont les tribunaux de l'État de Floride furent saisis, pris dans leur analyse la plus large, portait initialement sur deux questions relatives à la phase de « protestation » (qui se distingue de la phase de « contestation »). La phase de « protestation » est celle qui précède la confirmation officielle des résultats du scrutin par le ministre des Affaires d'État. La phase de « contestation », en revanche, commence après cette confirmation. Les deux questions se résumaient comme suit : 1) dans quelle mesure les recomptages manuels des votes étaient-ils légitimes ; et 2) quel était le délai à respecter pour cette confirmation en présence de ces recomptages, et quelle était la marge de manoeuvre du ministre des Affaires d'État pour la fixation de ce délai avant l'achèvement des recomptages en cours.

Le code électoral de l'État de Floride s'applique à l'ensemble des élections qui se déroulent sur le territoire de l'État, y compris les présidentielles ; il dispose d'une part que les résultats des élections doivent être confirmés dans les sept jours suivant le jour du scrutin, et d'autre part que le recomptage manuel s'impose lorsque des erreurs constatées dans les tableaux récapitulant les résultats sont susceptibles d'affecter l'issue du scrutin. Toutefois, le code ne stipule aucun délai pour le dépôt de chiffres supplémentaires ou rectifiés en ce qui concerne les votes exprimés à la suite d'un recomptage (14). Par ailleurs, il y avait conflit entre deux dispositions traitant d'une part des fonctionnaires de l'État chargés du décompte et d'autre part des délais de transmission des décomptes au ministre. La première de ces dispositions prévoyait de façon obligatoire l'exclusion des décomptes présentés hors délai, alors que la seconde l'autorisait sans imposer une telle exclusion. De surcroît, la première disposition datait de l'année 1951, la seconde de l'année 1989.

Le code électoral prévoyait encore la présentation des décomptes de votes exprimés à l'étranger au plus tard à la fin du septième jour suivant celui du scrutin. Cependant, la loi fédérale dispose que les votes exprimés à l'étranger dans le cadre d'une élection fédérale sont inclus dans le décompte pour autant qu'ils aient été signés au plus tard le jour du scrutin et soient parvenus dans l'État dans les dix jours suivant le scrutin. Qui plus est, cette exigence fédérale ouvrait la voie à une situation plutôt curieuse dans le cas d'une élection aussi serrée que l'était la présidentielle de 2000. Si les résultats étaient confirmés dans les sept jours mais que les votes postaux reçus dans les trois jours suivants suffisaient pour déplacer la victoire vers le perdant dûment certifié, celui-ci était en droit d'exiger d'être proclamé gagnant. Mais si des recomptages manuels dûment ordonnés et achevés entre le septième et le dixième jour après le scrutin, avec adjonction des votes postaux, avaient pour effet de déplacer la balance en faveur du candidat qui perdait encore le septième jour, le ministre pouvait alors choisir le vainqueur de l'élection en utilisant sa marge de manoeuvre pour accepter ou rejeter les votes exprimés à l'intérieur de l'État et comptés après le septième jour suivant le scrutin.

La Cour suprême de l'État de Floride a analysé cette incohérence du code électoral de Floride en s'appuyant sur des règles d'interprétation traditionnelles qui étaient depuis longtemps d'application. En cas de conflit de lois, la disposition la plus spécifique l'emporte sur la disposition plus générale, et la plus récente l'emporte en général sur la plus ancienne. Dans le cas d'espèce, la disposition la plus « permissive », admettant le recomptage conclu après le septième jour suivant scrutin, était à la fois la plus récente et la plus spécifique des deux.

En parvenant à la conclusion que le ministre avait dépassé les limites de sa discrétion en rejetant les déclarations modifiées à la suite des recomptages manuels achevés au-delà du septième jour suivant le scrutin, la Cour suprême de l'État de Floride se tenait également à l'intérieur des limites admises de l'interprétation judiciaire. Le ministre avait rejeté les recomptages au motif qu'il n'y avait pas eu de fraude électorale et que la simple possibilité que le recomptage puisse avoir une influence sur l'issue du scrutin ne suffisait pas pour justifier un délai supplémentaire. La Cour suprême de l'État de Floride, soulignant que la Constitution de l'État de Floride attache une importance prépondérante au droit de vote, a interprété la marge de discrétion du ministre plus étroitement qu'elle ne l'avait fait elle-même. Étant donné que ni les électeurs de l'État de Floride ni l'intérêt de l'État à la participation la plus complète à l'élection du président ne subiraient de préjudice du fait du prolongement du délai de certification au-delà des sept jours, l'avantage supplémentaire que représentait un décompte plus précis à l'occasion d'une élection serrée l'emportait sur l'éventuel préjudice découlant du rétrécissement du champ de manoeuvre du ministre. Du moins, c'est là une interprétation du régime électoral et constitutionnel de l'État de Floride qui est tout aussi plausible que celle qui accentue davantage le principe démocratique selon lequel chaque vote doit peser que celui de la discrétion de l'autorité exécutive.

À la suite de la décision de la Cour suprême de l'État de Floride au sujet de la phase « protestation », Bush a été certifié vainqueur par 537 votes le 26 novembre. Le 27, Gore démarre la phase « contestation » qui, le 8 décembre, débouche sur la décision acquise à la majorité de 4 voix contre 3 au sein de la Cour suprême de l'État de Floride dans l'affaire Gore c/ Harris(15). La loi de l'État de Floride permet à un candidat de contester une élection par action intentée dans la Circuit Court. Gore l'a fait et il a perdu, mais la Cour suprême de l'État de Floride a cassé l'arrêt d'instance en tant que « manifestement erroné ». Se fondant sur une jurisprudence de 1982, et en refusant d'examiner les éléments de preuves présentés par Gore - et notamment les 9000 « sous-votes » (c'est-à-dire les bulletins sur lesquels le vote présidentiel n'était pas enregistré alors que les votes pour les autres élections étaient enregistrés lors du comptage mécanique) qui n'avaient pas été recomptés manuellement dans le comté à forte majorité démocrate de Miami-Dade - le juge d'instance a purement et simplement rejeté la contestation de Gore.

Si la décision de ce juge était « manifestement erronée » aux yeux de la majorité au sein de la Cour suprême de l'État de Floride, c'est parce que en se fondant sur la jurisprudence de 1982 il avait omis de tenir compte, comme il l'aurait fallu, des modifications significatives effectuées par le législateur de l'État de Floride en 1999. L'une de ces modifications, et non la moindre, consistait à ajouter un nouveau motif pour la contestation d'une élection : « Réception d'un nombre de votes illégaux ou rejet d'un nombre de votes légaux suffisant pour modifier ou pour mettre en doute le résultat du scrutin »(16). Il est clair que, même en l'absence d'autres facteurs, les 9000 « sous-votes » au comté de Miami-Dade « mettaient en doute » le résultat du scrutin, étant donné qu'à ce moment-là l'écart en faveur de Bush n'était plus que de 200 votes.

En temps normal les machines sous-estiment le nombre de votes exprimés dans une certaine proportion, et le législateur de l'État de Floride, dans des lois adoptées avant la date de l'élection 2000, avait clairement disposé que nul vote ne pouvait être exclu aussi longtemps que « l'intention de l'électeur » pouvait être décelée avec précision. C'est pourquoi la Cour a ordonné un recomptage manuel de l'ensemble des sous-votes dans l'ensemble de l'État. Gore n'avait demandé le recomptage que dans certains comtés où traditionnellement on vote surtout Démocrate, et Bush ne demandait, lui, aucun recomptage puisque sa stratégie consistait à obtenir une ordonnance mettant fin à tout comptage pendant qu'il était encore en tête de course. Cependant il a semblé à la Cour, puisque le souci juridique prédominant était de s'assurer que tous les votes légalement exprimés soient comptés, que la manière la plus juste et la plus efficace d'y parvenir était de recompter dans l'ensemble de l'État l'ensemble des sous-votes portant « une indication claire de l'intention de l'électeur ».

Cette démarche était conforme à la loi de l'État de Floride comme à celle de beaucoup d'autres États. Par ailleurs, l'inclusion des bulletins de dépouillement rejetés par le ministre au motif qu'ils avaient été présentés hors délai était compatible avec la jurisprudence récente de l'État de Floride (17). Dans l'affaire antérieure, la Cour avait dit pour droit que le non-respect des délais dans des circonstances comparables à celles du cas d'espèce ne constituait pas un motif suffisant pour priver de suffrage des milliers d'électeurs. Dans les deux affaires, la Cour suprême de l'État de Floride déclare que la nécessité de la précision et la tentative d'attacher à chaque vote sa juste valeur l'emportaient sur la nécessité d'un résultat rapide. Que l'on partage ou non cette analyse, il faut reconnaître que la Cour suprême de l'État de Floride a agi de manière cohérente et a intégré l'intérieur des normes communément admises d'interprétation des textes juridiques.

Partie IV

On ne peut pas faire le même constat au sujet de la décision de la majorité au sein de la Cour suprême des États-Unis. Comme nous l'avons constaté supra, la décision d'accorder l'arrêt des comptages prise le 9 décembre est difficilement explicable autrement qu'en termes de partialité, que celle-ci soit de propos délibéré ou non. Il en est de même de la décision prise à la même majorité le 12 décembre selon laquelle il ne restait plus le temps nécessaire pour remédier à la violation du principe de la protection égale constatée par la Cour. Enfin, quelques aspects de l'avis majoritaire sont contraires à certaines normes fondamentales d'intégrité et de cohérence judiciaires.

Il est intéressant de constater que les cinq Juges majoritaires ont été à l'origine d'une véritable révolution judiciaire en renversant une tendance qui remonte au New Deal [la Nouvelle Donne, politique interventionniste du gouvernement Roosevelt pendant les années trente] et en renforçant les pouvoirs du gouvernement fédéral au détriment de ceux des États. En effet, faisant preuve d'un activisme aisément comparable, voire supérieur, à celui de la Cour présidée par Warren concernant la protection des droits individuels fondamentaux, la majorité de la Cour Rhenquist a systématiquement infirmé des lois du Congrès fédéral bénéficiant d'un large soutien populaire sur des sujets aussi divers que la détention des armes à feu dans les écoles (18), la discrimination sur base de l'âge (19) et la violence contre les femmes (20), en arguant qu'elles empiétaient beaucoup trop sur les compétences des États. Toutefois dans l'affaire Bush c/ Gore, cette même majorité s'est retournée contre l'un des principes fondamentaux du fédéralisme américain, à savoir celui selon lequel les cours des États ont la compétence générale d'interprétation des lois des États et que les tribunaux fédéraux - en ce compris la Cour suprême des États-Unis - doivent respecter les interprétations de droit d'un État décidées par les cours de cet État (21). Ainsi, non seulement la majorité de la Cour suprême des États-Unis agissait - elle d'une manière qui était en flagrante contradiction avec leur pratique constante de la promotion active des droits des États, mais elle l'a fait à l'égard d'un principe constamment affirmé et solidement ancré du fédéralisme, bénéficiant du soutien à la fois des partisans et des opposants de l'expansion des droits des États. En l'espèce la façon de procéder de la majorité Rehnquist n'était pas seulement difficile à réconcilier avec la position qu'elle avait toujours prise, sans exception, avant cette affaire, et qu'elle reprendrait immédiatement après celle-ci (22), elle était en conflit avec cette position à un tel point qu'elle violait les exigences les plus élémentaires du principe de l'intégrité.

Plus spécifiquement, la Cour suprême des États-Unis était confrontée à deux interrogations majeures : 1 ° est-ce que l'interprétation donnée par la Cour suprême de l'État de Floride du code électoral de cet État équivalait à la création de nouvelles normes pour la résolution de l'élection présidentielle, en violation de l'article II-1, cl. 2 de la Constitution fédérale ; et 2 ° est-ce que le critère de « l'intention manifeste de l'électeur » appliqué en vue du recomptage manuel ordonné par la Cour suprême de l'État de Floride était en violation de la clause de la protection égale. La première de ces interrogations, qui n'a reçu de réponse que dans l'avis concordant, correspondait à l'attaque livrée par le camp Bush contre la Cour suprême de l'État de Floride sur le fondement de l'argument selon lequel celle-ci aurait en fait rédigé une disposition législative entièrement neuve, en usurpation du rôle réservé au législateur, au lieu d'interpréter fidèlement la loi précédemment arrêtée par celle-ci. La seconde interrogation, par contre, qui s'est avérée décisive pour les cinq juges qui ont mis fin aux opérations électorales, avait été presque entièrement ignorée dans l'ensemble des procédures judiciaires précédant cette manche décisive. En réalité, il n'y avait pas lieu de s'en étonner, compte tenu des conséquences potentiellement contradictoires, voire explosives, qui pouvaient découler d'une application sérieuse et fondée sur de vrais principes de la clause de la protection égale à l'élection présidentielle en Floride.

Résumons : la décision de la Cour suprême des États-Unis procédait de deux conclusions d'ordre juridique : 1 ° l'application du critère de « l'intention manifeste de l'électeur » lors du recomptage manuel des sous-votes constituait une violation de la protection égale en ce qu'elle n'accordait pas un poids égal à chaque vote puisque les bulletins de vote présentant des caractéristiques identiques étaient traités de manière différente selon la personne chargée du décompte ; et 2 ° il ressortait de l'application conjuguée des normes pertinentes des lois fédérales et des lois de l'État en matière d'élections présidentielles que les grands électeurs de l'État de Floride devaient absolument être identifiés pour le 12 décembre, six jours avant que ceux-ci ne soient appelés à déposer leur vote pour un président. Nous le verrons plus loin, la première de ces conclusions est pour le moins difficilement défendable et manifestement peu judicieuse. La seconde, pour sa part, est franchement indéfendable.

Dans le cadre des opérations électorales, le principe de la protection égale exige que chaque électeur bénéficie de possibilités égales de voter pour toute personne éligible et que chaque vote exprimé ait le même poids dans le décompte final. Or il n'a été satisfait à aucun de ces deux critères. En effet, les différences entre le système de scannage optique et celui des cartes perforées se conjuguent avec les obstacles rencontrés par certains électeurs afro-américains et les normes contradictoires pour l'acceptation des votes en tant que votes valables pour constituer des ruptures significatives de l'égalité de droit de vote et d'un procédé de décomptage des votes dont l'effet inévitable était un poids inégal attaché à l'ensemble des votes exprimés. En outre, même en l'absence de ces problèmes, il était impossible à l'État (conformément à l'exigence très claire de la clause de la protection égale) de garantir ou d'obtenir de manière uniforme ni l'égalité des possibilités de vote ni l'égalité du poids de chaque vote exprimé, du simple fait que l'organisation, le contrôle et le décompte lors de l'élection en Floride étaient à la charge de chacun des 67 comtés de l'État de Floride.

En comparaison avec ces problèmes majeurs, les interrogations en matière d'égalité de la protection auxquelles la Cour a effectivement répondu peuvent sembler mineures, voire franchement triviales. En effet, puisqu'il fallait choisir entre deux options - renoncer totalement au décompte de tout un ensemble de votes (les partisans de Bush déclaraient avec insistance que ces votes avaient déjà été comptés car ils avaient été soumis au décomptage par machine, mais dans la mesure où les machines en question n'enregistraient pas certains votes dûment exprimés, on peut dire que ceux-ci n'ont pas été pris en compte) ou alors compter tous ces votes sous réserve de certaines incohérences - la seconde option était de loin l'option préférable compte tenu de l'imperfection des deux alternatives en présence.

Il importe également de noter que, contrairement aux suggestions faites dans l'avis per curiam de la Cour selon lesquelles le comptage manuel en Floride était effectué en dehors de tout critère obligatoire, la Cour suprême de l'État de Floride avait en fait imposé un critère uniforme applicable sur l'ensemble du territoire de l'État. Ce critère, qui avait été arrêté par le législateur de l'État de Floride et qui était le critère appliqué dans la plupart des États, dont le Texas, où la loi avait été promulguée par Bush lui-même - exigeait que soient comptés tous les bulletins de vote qui révélaient « l'intention manifeste de l'électeur » (23). Le problème qui se posait n'était donc pas l'absence de critères mais plutôt l'imperfection du critère présent en tant que garant du poids égal de l'ensemble des votes exprimés.

Il n'est pas rare que la loi stipule des moyens imparfaits pour parvenir à des fins bien définies, et d'ailleurs si elle le fait, c'est parce que souvent il n'y a pas d'alternative plausible. À titre d'exemple, dans le domaine de la procédure pénale, dont l'objectif primordial est incontestablement d'acquitter les innocents et de condamner les coupables, le moyen d'y parvenir - à savoir « la preuve au-delà de tout doute raisonnable » - est imparfait dans la mesure où il a pour effet que certains coupables sont acquittés afin de garantir que des innocents ne soient pas condamnés alors qu'il n'est pas exclu qu'un innocent puisse être condamné quand même, alors que de surcroît il peut faire l'objet d'application inégale selon les jurés. Le critère réel selon lequel un accusé sera ou non condamné variera inévitablement d'un ensemble de jurés à un autre, car il est impossible de quantifier « la preuve au-delà de tout doute raisonnable ». Ces fluctuations, cependant, ne sont pas considérées comme autant de violations de la protection égale. Tant que la norme s'applique avec sincérité, les inégalités qui naissent d'une interprétation divergente des exigences de la norme ne constituent pas à elles seules des violations de la Constitution.

L'application du critère de « l'intention manifeste de l'électeur » aux fins d'assurer le poids égal de chaque vote licitement exprimé est analogue du point de vue de la protection égale à l'invocation de « la preuve au-delà de tout doute raisonnable » dans le cadre de la procédure pénale. Nonobstant cette analogie, deux objections peuvent être formulées du fait que les deux situations que nous comparons peuvent être considérées comme sensiblement différentes. Selon la première objection, si « la preuve au-delà de tout doute raisonnable » est la meilleure possibilité que nous avons dans la procédure pénale, il n'en est pas de même en ce qui concerne le critère de « l'intention manifeste de l'électeur » dans le contexte électoral. Ainsi, par exemple, l'on pourrait remplacer le critère de « l'intention manifeste de l'électeur », qui ne manquera pas de provoquer certaines incohérences, par un critère purement factuel - tel qu'un trou clairement perforé dans la carte sans qu'il ne reste de lambeaux - appliqué de façon cohérente a l'ensemble des votes soumis à recomptage manuel. En vertu de la seconde objection, invoquée par la majorité au sein de la Cour au soutien de sa conclusion selon laquelle le comptage ordonné par la Cour suprême de l'État de Floride provoquait une rupture de l'égalité de la protection, l'analogie entre les deux critères considérés ci-dessus n'est pas véritablement de mise. La raison en est que la recherche de la vérité factuelle dans un procès au pénal se fonde sur le témoignage oral des témoins ainsi que sur une appréciation de la crédibilité de ceux-ci alors que le participant au comptage des votes est confronté à un objet et peut donc vérifier l'intention en appliquant « des règles spécifiques destinées à assurer l'égalité de traitement » (24).

Toutefois, aucune de ces deux objections n'est particulièrement convaincante, car la première suppose un choix politique qui ne fait pas nécessairement l'objet d'un accord entre personnes raisonnables, alors que la seconde procède d'une conception de l'interprétation excessivement simpliste et, partant, erronée. En examinant la question de savoir comment procéder au comptage des votes, le législateur peut choisir entre un critère se basant exclusivement sur les marquages physiques des bulletins de vote ou sur un critère qui se concentre sur l'intention de l'électeur. Si le premier critère favorise la sécurité juridique, la seconde par contre favorise davantage la volonté de l'électeur. De ce fait, tout législateur qui croit que la plus grande fidélité aux intentions de l'électeur constitue un objectif supérieur aurait raison d'accepter un critère « intention de l'électeur ».

En ce qui concerne la seconde objection, l'hypothèse adoptée par la majorité au sein de la Cour selon laquelle des règles spécifiques constituent le meilleur moyen d'établir l'intention lorsque l'on examine un objet inanimé tel qu'un bulletin de vote est clairement erronée. Un sous-vote sous forme d'une carte perforée qui comporte un certain nombre de perforations complètes, quelques partielles et éventuellement d'autre indications apportées par l'électeur doit être considéré comme un texte qui communique un message. Tout comme n'importe quel autre texte, le message communiqué par un bulletin de vote sous forme de carte perforée peut sauter aux yeux ou alors il peut exiger une interprétation en fonction de la position des indications dans leur contexte. Par exemple, une perforation incomplète relative au vote présidentiel doit-elle être traitée de manière différente selon qu'elle ressemble de près ou pas du tout à une autre perforation de la même carte ? Par hypothèse la réponse est affirmative, car il est parfaitement possible que la même indication physique corresponde à une intention de vote claire dans un cas mais pas dans un autre. Et si ceci est vrai, alors il n'y a pas de différence de fond entre l'interprétation du témoignage oral dans un procès au pénal et l'interprétation de l'intention d'un électeur sur la base d'une lecture de son bulletin de vote. La différence essentielle n'est que quantitative.

Même si le jugement en matière de protection égale rendu par la majorité au sein de la Cour manque de fondement jurisprudentiel et philosophique, il ne dépasse pas en lui-même les limites de l'interprétation judiciaire légitime. Mais si on le considère dans le contexte qui est le sien, ce jugement ne saurait être considéré comme conforme aux normes minimales de la cohérence et de l'intégrité. L'une des pierres angulaires de l'intégrité judiciaire, c'est l'acceptation de ce que la règle qui détermine la résolution du cas d'espèce fera jurisprudence lorsque les mêmes interrogations, ou des interrogations comparables, surgiront dans des affaires ultérieures. De ce fait, en rendant son jugement, le juge doit garder à l'esprit que la règle qu'il pose à cette occasion sera applicable dans des affaires ultérieures et pourra déterminer qui gagne et qui perd dans des circonstances que le juge qui pose la règle aujourd'hui ne peut prévoir. Cette exigence encourage les juges à raisonner en termes de règles plus générales aptes à régir certaines catégories d'affaires plutôt que de règles qui sont si spécifiques qu'elles ne font que soutenir un résultat bien déterminé dans le cas d'espèce. Par exemple, la constatation que le principe de la protection égale exige le rejet de toutes les demandes de recomptage manuel dans le cadre d'une élection présidentielle aurait sans doute avantagé Bush en 2000, mais lors d'une élection ultérieure elle pourrait avantager tout autant un candidat Démocrate. Dans l'affaire Bush c/ Gore, par contraste, la majorité au sein de la Cour a tracé une règle très générale qui établit un lien entre des normes précises applicables dans l'ensemble de l'État et la conformité à l'exigence constitutionnelle de ce que tous les votes exprimés aient le même poids, pour ensuite limiter son application aux circonstances spécifiques de l'élection 2000 en Floride (25). Par cette tentative d'échapper aux implications jurisprudentielles plus générales de leur décision innovatrice, les juges de la majorité ont fait référence aux « nombreuses complexités » inhérentes à l'application du principe de la protection égale aux élections. Si l'affinement des règles en fonction des circonstances imprévues fait partie intégrante de l'application de la jurisprudence, les efforts de le majorité au sein de la Cour pour réduire la valeur jurisprudentielle de leur propre décision font toutefois sérieusement soupçonner une rupture de l'intégrité destinée à parvenir à un résultat opportuniste sans devoir ensuite en subir les conséquences tout à fait prévisibles.

Sur les sept juges ayant constaté une violation du principe de la protection égale, deux seulement, Breyer et Souter, ont agi avec intégrité. En effet, tous les deux avaient épousé une conception plus large de la protection égale par le passé, et tous les deux souhaitaient donner à la Cour de l'État de Floride l'occasion de construire un critère valable pour la totalité de l'État qui aurait permis de poursuivre le comptage manuel. Les juges Breyer et Souter étaient ainsi prêts à assumer les conséquences de leur décision, et si leur position avait prévalu la victoire aurait pu bénéficier soit à Bush soit à Gore selon les actions ultérieures de la Cour de l'État de Floride et selon l'issue du comptage effectué conformément aux nouveaux critères.

Par contraste, les cinq juges qui ont effectivement mis fin aux opérations électorales n'ont pas envisagé un seul instant qu'en fin de compte Gore pourrait emporter la victoire. Et puisqu'il n'y avait pas de base juridique permettant de boucler la victoire de Bush - car même l'interprétation plus large du principe de la protection égale qu'ils avaient adoptée pour l'occasion n'excluait pas de conclure le processus de recomptage manuel - ces cinq juges ont eu recours à un véritable deus ex machina. Ils ont invoqué un délai purement fictif se terminant le 12 décembre pour l'achèvement du comptage des votes qui en fait n'était imposé ni par la loi fédérale ni par la loi de l'État. L'ironie, c'est que s'ils n'avaient pas ordonné de façon arbitraire la clôture du comptage le 9 décembre, celui-ci aurait pu être achevé pour le 12. Et si ces cinq juges n'avaient pas imposé ce délai, fabriqué de toutes pièces, du 12 décembre, d'où il ressortait clairement que tout recours que la Cour de l'État de Floride pourrait accepter en vue de surmonter l'obstacle de la protection égale serait contraire à la Constitution, le comptage des votes, même en fonction de nouveaux critères, aurait pu être achevé pour le 18 décembre, délai légal plausible le plus court.

Les arguments présentés par les cinq juges pour justifier leur délai du 12 décembre ne peuvent être qualifiés que d'extrêmement forcés. Ces arguments découlent de deux sources juridiques pertinentes : 3 US C. 5, la loi fédérale qui est destinée à fournir une protection pour les États contre l'éventuel rejet de leur choix de grands électeurs présidentiels par le Congrès des États-Unis ; et l'interprétation du code électoral de l'État de Floride par la Cour suprême de cet État. Si la loi fédérale en question est loin d'être claire sur tous les points, elle l'est parfaitement sur un point qui est au coeur du litige électoral en Floride - ce qui est clairement disposé par 3 USC 5, c'est que lorsqu'un État, en vertu d'une loi arrêtée avant la date du scrutin a sélectionné un ensemble de grands électeurs présidentiels six jours avant la date fixée pour que les grands électeurs se réunissent sur l'ensemble du territoire de la nation (en 2000, cette date était fixée au 18 décembre), alors l'ensemble de grands électeurs doit être accepté et validé par le Congrès des États-Unis lors de la séance du 6 janvier certifiant conformes les votes du collège électoral. Ainsi, en convenant de ses grands électeurs pour le 12 décembre, l'État de Floride pouvait se prévaloir de la protection contre toute contestation au sein du Congrès des États-Unis. Il ressort tout aussi clairement de l'analyse de l'ensemble des textes constitutionnels et législatifs applicables en la matière qu'un État est parfaitement fondé a sélectionner ses propres grands électeurs jusqu'à la date prévue pour la convocation de leur réunion (le 18 décembre dans le cas de l'année 2000), et que le vote de ces électeurs resterait entièrement valable sauf si le Congrès décidait de donner droit à une contestation. Bref, aucune disposition législative fédérale n'empêchait l'État de Floride de décider de son ensemble de grands électeurs au moins jusqu'au 18 décembre. La seule chose qu'elle aurait perdue éventuellement en prolongeant le processus au-delà du 12 décembre était l'immunité de contestation devant le Congrès des États-Unis.

Ce qui est moins clair dans la loi 3 USC 5, cependant, c'est la portée de l'immunité qu'elle accorde aux grands électeurs qui bénéficient de sa protection. Manifestement, cette portée ne peut être illimitée, car la Constitution elle-même interdit à certaines catégories de personnes - notamment les sénateurs ou le ministre de la Défense - d'agir en tant que grands électeurs, et si un État avait inscrit une telle personne à sa liste de grands électeurs durant la période d'immunité, le Congrès n'aurait pas seulement été en droit de rejeter le vote exprimé par cette personne - il aurait eu l'obligation de le faire (26). Par conséquent_,_ la manière la plus plausible d'interpréter la disposition de la loi 3 USC 5 conférant l'immunité consisterait à dire que l'ensemble des grands électeurs d'un État aurait l'immunité contre les contestations en vertu des lois de l'État mais non contre celles qui sont fondées sur la Constitution ou les lois fédérales.

C'est ainsi que la loi n'exigeait pas que la Floride achève sa sélection de grands électeurs pour le 12 décembre. Les cinq juges constituant la majorité au sein de la Cour suprême des États-Unis ont, toutefois, décrété que le délai imparti par la loi de l'État de Floride telle qu'interprétée par la Cour suprême de l'État de Floride était écoulé. Puisque le code électoral de l'État de Floride ne traite pas expressément de cette question, le seul fondement que les cinq juges pouvaient invoquer était constitué par l'ensemble de dicta de la Cour suprême de l'État de Floride dans sa décision du 8 décembre ordonnant les recomptages. Certes, la Cour de l'État de Floride avait indiqué que, conformément à son interprétation de la loi de l'État, le recomptage qu'elle ordonnait devait être achevé pour le 12 décembre afin de conserver le bénéfice de l'immunité découlant de la loi fédérale. Toutefois, ceci se déroulait à un moment où la Cour de l'État de Floride s'attendait à ce que le comptage manuel puisse s'achever pour le 12 décembre, avant que la décision d'arrêter les opérations n'intervienne le 9 décembre et avant que le 12 décembre la Cour suprême des États-Unis ne décrète que le recomptage ordonné par la Cour de l'État de Floride violait la clause de la protection égale.

On ne trouve dans la décision de la Cour suprême de l'État de Floride du 8 décembre aucune conclusion selon laquelle le délai du 12 décembre exclurait absolument tout recours supplémentaire en vertu du code électoral de l'État de Floride. Il n'y a pas eu non plus de délibération au sujet de la question de savoir si le bénéfice de l'immunité était plus important pour la loi de l'État de Floride que l'égalité de l'ensemble des votes, ou de la question de savoir si un véritable comptage des votes se poursuivant jusqu'au 18 décembre aurait été plus compatible avec la loi de l'État de Floride que d'insister sur cette immunité illusoire, car la sélection des grands électeurs de l'État de Floride était devenue sujette à contestation sur base de la protection égale. En effet, si la Cour suprême des États-Unis avait renvoyé l'affaire devant les tribunaux de l'État de Floride sans avoir constaté que le délai prenait fin le 12 décembre, il est parfaitement possible qu'en appliquant les critères de protection égale très larges décidés pour la première fois par la Cour suprême des États-Unis, les tribunaux de l'État de Floride aient pu constater toute une série de nouvelles violations de la Constitution lors des opérations électorales effectuées en 2000 par les fonctionnaires de l'État de Floride. Conformément à cette hypothèse, par ailleurs, les tribunaux de l'État de Floride auraient pu considérer que le délai du 12 décembre ne servait pas à grande chose puisqu'il serait loisible au Congrès de renverser le choix effectué par la Floride en vertu de violations constitutionnelles fédérales. Ou alors, les tribunaux de l'État de Floride auraient pu conclure tout simplement que d'après leur interprétation de la loi de l'État de Floride il était plus important de rectifier des défauts de constitutionnalité que de rechercher le bénéfice de l'immunité.

Le délai du 12 décembre, donc, ne signifiait nullement qu'il fallait mettre fin aux opérations électorales en Floride, que ce soit en vertu de la loi fédérale ou en vertu de la loi de l'État. Il est significatif, comme le faisait remarquer l'un des juges de la Cour suprême de l'État de Floride dans son avis concordant sur le rejet final de l'action de Gore conformément à la décision de la Cour suprême des États-Unis du 12 décembre, que « le 12 décembre n'était pas le délai absolu en vertu de la loi électorale de l'État de Floride... Il ne s'agissait que d'une date limite discrétionnaire pour le bénéfice de l'immunité à laquelle les États pouvaient aspirer. Il ne s'agissait certainement pas d'un délai obligatoire pour la fin des opérations électorales, vu la simplicité du langage utilisé par le code électoral de l'État de Floride (je veux dire qu'il n'y est pas mentionné) ou dans la jurisprudence de cette Cour » (27). Comme l'ajoute le juge : la Cour suprême des États-Unis avait simplement mal compris la loi de l'État de Floride (28). Mais même s'il n'en avait pas été ainsi, la Cour suprême des États-Unis aurait dû laisser à la Cour de l'État le soin d'interpréter la loi de l'État, et rien ne l'habilitait à usurper ce pouvoir. Compte tenu de l'ensemble de ces éléments, une conclusion s'impose incontestablement : les cinq juges constituant la majorité ont fait fi de la cohérence et de l'intégrité, afin de veiller à ce que les tribunaux de l'État ne puissent plus exercer de façon légitime leurs compétences exclusives d'une quelconque manière pouvant mettre en danger le certitude ou la finalité de la victoire de Bush.

Partie V

L'élection présidentielle 2000 en Floride et la décision de la Cour suprême dans l'affaire Bush c/ Gore mettent en évidence de sérieux défauts dans la Constitution américaine, la démocratie américaine et dans la façon dont la Cour traite une affaire politiquement très sensible dans laquelle les juges n'ont (et ne pouvaient peut-être pas) dissiper l'impression qu'ils donnaient d'agir en fin de compte sur la base de leur intérêt partisan. Du point de vue de la Constitution, les deux défauts qu'il conviendrait de rectifier sont d'une part l'absence de dispositions de droit constitutionnel pour l'élection présidentielle et d'autre part l'existence et le rôle du collège électoral. Le premier de ces défauts peut être rectifié par voie d'amendement constitutionnel. Puisque tous les États accordent déjà à leurs citoyens le droit de voter pour le président, un tel amendement ne devrait pas prêter à controverse, et on peut raisonnablement partir de l'hypothèse qu'une proposition allant dans ce sens serait adoptée. Si les citoyens votent déjà, cet amendement ne serait quand même pas superflu. D'une part, il ancrerait le droit de voter pour l'élection présidentielle dans la Constitution elle-même, d'autre part, il exclurait que des législatures des États prennent les affaires en main de façon sauvage après les élections, comme la législature de l'État de Floride commençait de le faire jusqu'à ce que la Cour suprême des États-Unis rende sa décision le 12 décembre.

D'un autre côté, l'élimination du collège électoral ne manquerait de prêter davantage à controverse. De surcroît, les petits États verraient diminuer leurs pouvoirs en cas d'abolition du collège électoral, et les amendements constitutionnels nécessitant la ratification des législatures (ou conventions) de trois quarts des États, il n'y a donc que très peu de chances que le collège électoral soit aboli dans un avenir proche. Toutefois, les arguments en faveur de son abolition sont plutôt convaincants. Non seulement le système du vote par grands électeurs favorise le risque que le candidat ayant perdu le vote populaire soit quand même élu président - ce qui affaiblit la légitimité démocratique - mais il a d'autres effets pernicieux encore. Par exemple, les trois États les plus grands, la Californie, le Texas et New York, ont été pratiquement ignorés lors de la campagne électorale 2000 car la marge dont bénéficiait Bush au Texas l'y rendait invincible, alors que Gore avait le même avantage dans les deux autres. Par contre, les États plus « marginaux » ont fait l'objet d'une attention particulière, voire excessive, favorisant une extraordinaire tendance à mettre l'accent sur une série de questions d'intérêt local ne concernant qu'un faible pourcentage de l'électorat et incitant les candidats à se prononcer de manière incohérente sur le plan national chaque fois qu'il fallait adapter leurs positions en fonction des besoins des différentes localités. Au Michigan, par exemple, État où la marge séparant les deux candidats était particulièrement étroite, Bush et Gore ont consacré beaucoup d'énergie à charmer certains ouvriers fortement attachés à la puissance de leurs syndicats et à la liberté en matière de propriété d'armes à feu. Gore y était vulnérable dans la mesure où on le percevait comme partisan d'un meilleur contrôle des armes à feu, tandis que Bush l'était dans la mesure où on le percevait comme antisyndical. Les deux candidats, donc, étaient incités à fausser certaines des positions qu'ils prenaient afin d'augmenter leur popularité dans cette circonscription considérée comme cruciale. Mais lorsque les candidats conduisent une série de campagnes locales plutôt qu'une seule campagne nationale, ils sont soumis à une forte tentation de modifier leurs prises de position à mesure qu'ils traversent le pays, d'où un risque accru de réactions cyniques à l'égard de leur sincérité et de leur intégrité.

Les deux amendements constitutionnels proposés ci-dessus renforceraient la démocratie. En outre, le rôle du Congrès dans le règlement des litiges électoraux, à l'exclusion de la Cour suprême mérite également d'être renforcé. Il y a deux raisons principales qui militent en faveur d'un rôle accru du Congrès par rapport à la Cour : 1 ° la responsabilité démocratique du Congrès permet à l'électorat de refuser la réélection de ses représentants s'il n'est pas satisfait de leur façon de traiter les litiges en matière électorale ; et 2 ° la Cour dépend du président pour la nomination de nouveaux juges, ce qui fait que des décisions du genre de celle qui a été rendue dans l'affaire Bush c/ Gore sont intrinsèquement indésirables.

Nationaliser les élections présidentielles en élaborant des procédures de vote et de dépouillement uniformes valables sur l'ensemble du territoire national renforcerait encore la démocratie, en substituant à l'actuelle gamme étendue de normes arrêtées au niveau des comtés une norme unique applicable à tous. Toutefois, comme il est peu probable que le collège électoral soit aboli, il pourrait s'avérer nécessaire de viser moins haut et de rechercher des améliorations de la démocratie au niveau des États plutôt qu'au niveau national. Aussi paradoxal que cela puisse paraître, la décision de la Cour en ce qui concerne la protection égale dans l'affaire Bush c/ Gore, aussi malencontreuse qu'elle puisse sembler à d'autres points de vue, pourrait néanmoins s'avérer utile à cet égard. Si les efforts déployés par la majorité afin d'en minimiser l'impact jurisprudentiel ne sont pas couronnés de succès, alors les droits à protection égale déclarés pour la première fois dans l'affaire Bush c/ Gore pourront être invoqués afin de fonder l'égalité des chances en matière de vote et d'assurer à l'ensemble des votes dans un État entier un poids égal. À ce moment-là du moins, l'égalité du vote pourrait être garantie à l'intérieur des États, même si ce n'est pas possible entre États.

Enfin, vu ces incohérences flagrantes, son manque d'intégrité omniprésent et son caractère manifestement partisan, la décision de la Cour dans l'affaire Bush c/ Gore nous oblige à remettre à l'ordre du jour la question de savoir s'il est concevable que des critères équitables, acceptables et praticables puissent découler de décisions judiciaires. Paradoxalement, c'est parce que ses défauts sont si visibles que la décision dans l'affaire Bush c/ Gore souligne le fait que, malgré leurs imperfections inévitables et l'impossibilité de se situer par-dessus l'arène politique, il existe de sérieuses différences entre des décisions qui sont intègres et celles qui ne le sont pas. Si l'interprétation judiciaire laisse à désirer, aussi longtemps qu'elle est abordée avec cohérence et intégrité, elle peut avoir un impact politique décisif sans perdre sa légitimité. Ce qui ressort clairement de la décision Bush c/ Gore, c'est qu'il faut absolument tracer une ligne séparant d'une part le purement politique, le partisan et la volonté de sacrifier la cohérence et l'intégrité dans le but de garantir un résultat prédéterminé et d'autre part le domaine réservé au juge conscient de sa situation politique, engagé sur le plan éthique et cantonné dans son contexte historique qui travaille en tant qu'être humain faillible résolu quand même à défendre la cohérence et l'intégrité. Et si l'on ne perd pas de vue cette ligne, l'affaire Bush c/ Gore finira peut-être par être considérée comme source d'un enseignement plus qu'utile. Ce que nous pouvons exiger de mieux de nos juges, c'est qu'ils rendent des décisions qui apaisent les disputes du monde politique et en adoucissent les moeurs. L'avis de la majorité dans l'affaire Bush c/ Gore a fait exactement le contraire.

(1) 531 US 98 ; 121 S. Ct. 525 (2000).
(2) 121 S. Ct. p. 542.
(3) 121 S. Ct. p. 529.
(4) L'article II de la Constitution dispose que : « Chaque État désigne, de la manière déterminée par sa législature, un nombre de grands électeurs égal au nombre de sénateurs et de représentants auquel cet État a droit au sein du Congrès. »
(5) V. « 36 Days : The Complete Chronicle of the 2000 Présidential Élection Crisis » (New York : Times Books, 2001), 300-01.
(6) V. 36 Days, p. 319.
(7) Les 435 circonscriptions électorales de la chambre des représentants sont censées consister en des populations de taille approximativement égale. Par ailleurs, le nombre de grands électeurs présidentiels attribué à chaque État est déterminé en ajoutant deux électeurs (représentant les deux sénateurs de l'État) à un nombre égal au nombre de circonscriptions électorales dont dispose l'État. En l'année 2000 l'État de Montana et l'État de Wyoming disposaient chacun d'une circonscription électorale et donc de trois grands électeurs présidentiels. La Californie disposait de 52 circonscriptions électorales et donc de 54 grands électeurs ; l'État de New York, de 31 circonscriptions électorales et de 33 grands électeurs. Du point de vue de l'électeur ordinaire individuel, il s'ensuit que le vote exprimé dans un petit État pèse plus lourd dans le balance que le vote exprimé dans un grand État.
(8) V. 121 S. Ct. P. 541, note en bas de page n° 4.
(9) Id.
(10) V. 36 Days, pp. 36-38, 91-92.
(11) V. US Const. art. II, 1 ; et le XIIe amendement (1804).
(12) 121 S. Ct. p. 512 (c'est nous qui soulignons).
(13) 121 S. Ct. p. 513.
(14) V. Palm Beach County Canvassing Bd c/ Harris, 772 So. 2d 1220 (2000).
(15) 772 So. 2d 1243 (2000).
(16) Fla. Stat. 102.168 (3) (c) (1999).
(17) V. State ex rel. Chappell c/ Martinez, 536 So. 2d. 1007 (1988).
(18) V. United States c/ Lopez, 514 US 549 (1995).
(19) V. Kimel c/ Floride Board of Regents, 528 US 62 (2000).
(20) V. United States c/ Morrison, 529 US 598 (2000).
(21) V. 121 S. Ct. p. 534 (avis concordant du juge président Rehnquist, reconnaissant l'autorité définitive de l'interprétation donnée par l'État à la loi de l'État en tant que principe général non applicable dans le cas d'espèce).
(22) V., p. ex., Solid Waste Agency of Northern Cook County c/ _United States Army Corp_s of Engineers, 531 US 159 (déc. du 9 janv. 2001) (majorité de 5 voix contre 4 en faveur de l'annulation de la compétence de l'État pour arrêter des règlements en matière d'étangs faisant partie de l'habitat des oiseaux migrateurs); Board of Trustees of the University of Alabama c/ Garrett, 121 S. Ct. 955 (déc. du 21 févr. 2001) (majorité de 5 voix contre 4 contre la protection assurée par la loi fédérale sur les Américains handicapés (Americans with Disabilities Act, ADA) sur la base du principe des droits des États).
(23) 23. V. 121 S. Ct. p. 541, note en bas de page n° 2 (avis non-concordant du juge Stevens).
(24) 121 S. Ct. p. 530 (avis per curiam).
(25) V. 121 S. Ct. p. 533.
(26) V. Michael Glennon, Nine Ways to Avoid a Train Wreck : How Title 3 Should Be Changed (manuscrit inédit de l'année 2001).
(27) Gore c/ Harris, 773 So. 2d 524, 529-530 (2000) (avis concordant du juge Shaw).
(28) Id., n° 12.1. Il s'agit de MM. Oliver Mowat Biggar, qui a occupé le poste de directeur général des élections entre 1920 et 1927, Jules Castonguay (1927-1949), Nelson Jules Castonguay (1949-1966), Jean-Marc Hamel (1966-1990) et Jean-Pierre Kingsley, actuel directeur général des élections en poste depuis 1990.