Décision

Décision n° 2022-3 RIP du 25 octobre 2022

Proposition de loi portant création d’une contribution additionnelle sur les bénéfices exceptionnels des grandes entreprises
Non conformité

LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL A ÉTÉ SAISI, le 26 septembre 2022, par la présidente de l'Assemblée nationale, sous le n° 2022-3 RIP, conformément au quatrième alinéa de l'article 11 et au premier alinéa de l'article 61 de la Constitution, de la proposition de loi portant création d'une contribution additionnelle sur les bénéfices exceptionnels des grandes entreprises.

Au vu des textes suivants :

  • la Constitution, notamment ses articles 11 et 40 ;
  • l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel, notamment son article 45-2 ;
  • la loi organique n° 2013-1114 du 6 décembre 2013 portant application de l'article 11 de la Constitution, ensemble la décision du Conseil constitutionnel n° 2013-681 DC du 5 décembre 2013 ;

Au vu des pièces suivantes :

  • les observations du Gouvernement, enregistrées le 3 octobre 2022 ;
  • les observations de M. Boris Vallaud et plusieurs autres députés, et de M. Patrick Kanner et plusieurs autres sénateurs, enregistrées le 10 octobre 2022 ;

Et après avoir entendu le rapporteur ;

LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL S'EST FONDÉ SUR CE QUI SUIT :

1. La proposition de loi soumise à l'examen du Conseil constitutionnel a été déposée sur le bureau de l'Assemblée nationale, en application du troisième alinéa de l'article 11 de la Constitution.

2. Aux termes des premier, troisième, quatrième et sixième alinéas de l'article 11 de la Constitution :
« Le Président de la République, sur proposition du Gouvernement pendant la durée des sessions ou sur proposition conjointe des deux assemblées, publiées au Journal officiel, peut soumettre au référendum tout projet de loi portant sur l'organisation des pouvoirs publics, sur des réformes relatives à la politique économique, sociale ou environnementale de la nation et aux services publics qui y concourent, ou tendant à autoriser la ratification d'un traité qui, sans être contraire à la Constitution, aurait des incidences sur le fonctionnement des institutions.« Un référendum portant sur un objet mentionné au premier alinéa peut être organisé à l'initiative d'un cinquième des membres du Parlement, soutenue par un dixième des électeurs inscrits sur les listes électorales. Cette initiative prend la forme d'une proposition de loi et ne peut avoir pour objet l'abrogation d'une disposition législative promulguée depuis moins d'un an.
« Les conditions de sa présentation et celles dans lesquelles le Conseil constitutionnel contrôle le respect des dispositions de l'alinéa précédent sont déterminées par une loi organique.
« Lorsque la proposition de loi n'est pas adoptée par le peuple français, aucune nouvelle proposition de référendum portant sur le même sujet ne peut être présentée avant l'expiration d'un délai de deux ans suivant la date du scrutin ».
 

3. Aux termes de l'article 45-2 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 mentionnée ci-dessus :
« Le Conseil constitutionnel vérifie, dans le délai d'un mois à compter de la transmission de la proposition de loi : « 1 ° Que la proposition de loi est présentée par au moins un cinquième des membres du Parlement, ce cinquième étant calculé sur le nombre des sièges effectivement pourvus à la date d'enregistrement de la saisine par le Conseil constitutionnel, arrondi au chiffre immédiatement supérieur en cas de fraction ;
« 2 ° Que son objet respecte les conditions posées aux troisième et sixième alinéas de l'article 11 de la Constitution, les délais qui y sont mentionnés étant calculés à la date d'enregistrement de la saisine par le Conseil constitutionnel ;
« 3 ° Et qu'aucune disposition de la proposition de loi n'est contraire à la Constitution ».
 

4. La proposition de loi a été présentée par au moins un cinquième des membres du Parlement à la date d'enregistrement de la saisine du Conseil constitutionnel.

5. Toutefois, en instituant une « contribution additionnelle sur les bénéfices exceptionnels des grandes entreprises », cette proposition de loi a exclusivement pour objet d'augmenter, à compter de son entrée en vigueur et jusqu'au 31 décembre 2025, l'imposition de la fraction des bénéfices supérieurs à 1,25 fois la moyenne des résultats imposables au titre des exercices 2017, 2018 et 2019 des sociétés dont le chiffre d'affaires est supérieur à 750 millions d'euros. Elle a ainsi pour seul effet d'abonder le budget de l'État par l'instauration jusqu'au 31 décembre 2025 d'une mesure qui se borne à augmenter le niveau de l'imposition existante des bénéfices de certaines sociétés. Elle ne porte donc pas, au sens de l'article 11 de la Constitution, sur une réforme relative à la politique économique de la nation.

6. Dès lors, la proposition de loi, qui ne porte sur aucun des autres objets mentionnés au premier alinéa de l'article 11 de la Constitution, ne satisfait pas aux conditions fixées par le troisième alinéa de ce même article et le 2 ° de l'article 45-2 de l'ordonnance du 7 novembre 1958.

LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL DÉCIDE :
 
Article 1er. - La proposition de loi portant création d'une contribution additionnelle sur les bénéfices exceptionnels des grandes entreprises ne satisfait pas aux conditions fixées par l'article 11 de la Constitution et l'article 45-2 de l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel.
 
Article 2. - Cette décision sera publiée au Journal officiel de la République française.
 

Jugé par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 25 octobre 2022, où siégeaient : M. Laurent FABIUS, Président, Mme Jacqueline GOURAULT, M. Alain JUPPÉ, Mmes Corinne LUQUIENS, Véronique MALBEC, MM. Jacques MÉZARD, François PILLET, Michel PINAULT et François SÉNERS.
 
 
Rendu public le 25 octobre 2022.
 

JORF n°0250 du 27 octobre 2022, texte n° 95
ECLI : FR : CC : 2022 : 2022.3.RIP

Les abstracts

  • 8. ÉLECTIONS
  • 8.5. RÉFÉRENDUMS
  • 8.5.6. Contentieux
  • 8.5.6.1. Étendue de la compétence du Conseil constitutionnel
  • 8.5.6.1.2. Contrôle du respect des conditions de forme et de procédure
  • 8.5.6.1.2.2. Référendum de l'article 11, alinéa 3 (voir aussi 8.5.7)

En instituant une « contribution additionnelle sur les bénéfices exceptionnels des grandes entreprises », la proposition de loi soumise à l'examen du Conseil a exclusivement pour objet d'augmenter, à compter de son entrée en vigueur et jusqu'au 31 décembre 2025, l'imposition de la fraction des bénéfices supérieurs à 1,25 fois la moyenne des résultats imposables au titre des exercices 2017, 2018 et 2019 des sociétés dont le chiffre d'affaires est supérieur à 750 millions d'euros. Elle a ainsi pour seul effet d'abonder le budget de l'État par l'instauration jusqu'au 31 décembre 2025 d'une mesure qui se borne à augmenter le niveau de l'imposition existante des bénéfices de certaines sociétés. Elle ne porte donc pas, au sens de l'article 11 de la Constitution, sur une réforme relative à la politique économique de la nation. Dès lors, la proposition de loi, qui ne porte sur aucun des autres objets mentionnés au premier alinéa de l'article 11 de la Constitution, ne satisfait pas aux conditions fixées par le troisième alinéa de ce même article et le 2° de l'article 45-2 de l'ordonnance du 7 novembre 1958.

(2022-3 RIP, 25 octobre 2022, cons. 5, 6, JORF n°0250 du 27 octobre 2022, texte n° 95)
À voir aussi sur le site : Communiqué de presse, Commentaire, Dossier documentaire, Texte adopté, Lettre de transmission, Observations du Gouvernement, Observations complémentaires de députés et sénateurs, Contribution extérieure, Dossier législatif AN, Références doctrinales, Version PDF de la décision.
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