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Décision n° 96-386 DC du 30 décembre 1996 - Observations du gouvernement

Loi de finances rectificative pour 1996
Non conformité partielle

Observations du Gouvernement en réponse à la saisine du Conseil constitutionnel en date du 20 décembre 1996 par plus de soixante députés :
Le Conseil constitutionnel a été saisi d'un recours dirigé contre la loi de finances rectificative pour 1996, adoptée par le Parlement le 19 décembre 1996.
Les requérants ne critiquent que l'article 14, qui introduit, dans le code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre, un article L 253 sexies reconnaissant aux Français ayant participé aux combats au côté de l'armée républicaine espagnole vocation à obtenir la qualité de combattant au titre des dispositions de ce code. Ils font valoir, d'une part, que l'article 14 serait étranger au domaine des loi de finances, d'autre part, que cette disposition méconnaîtrait un principe fondamental reconnu par les lois de la République.
Cette saisine appelle, de la part du Gouvernement, les observations suivantes.
I : En premier lieu, cette mesure relève bien du domaine des lois de finances.
Les différents avantages matériels liés à la détention de la carte du combattant ont en effet une incidence directe sur les ressources et les charges de l'Etat.
D'une part, cette carte se traduit par la possibilité de bénéficier d'une rente mutualiste majorée par l'Etat et, à partir de soixante-quinze ans, d'une demi-part supplémentaire pour le calcul de l'impôt sur le revenu en vertu du f du 1 de l'article 195 du code général des impôts.
D'autre part, et surtout, la carte du combattant donne droit à la retraite du combattant, calculée sur la base de 33 points d'indice de pension militaire d'invalidité, dont la valeur est fixée à compter du 1er janvier 1996 à 78,04 F, soit 2 575,32 F Cette mesure a donc nécessairement un coût budgétaire imputé sur le chapitre 46-21, article 10, du budget du ministère des anciens combattants.
On estime qu'un millier d'anciens combattants au maximum (sur les 8 000 à 12 000 qui prirent part aux combats) sont susceptibles de bénéficier de cette mesure ; son coût serait, dans cette hypothèse, de l'ordre de 2,5 MF par an. Une hypothèse plus basse conduit à tenir compte de ce qu'une majorité des bénéficiaires détiendrait déjà la carte à un autre titre. Le coût de la mesure pourrait alors être estimé à 0,5 MF si on évalue à 200 le nombre de demandes effectivement présentées.
II. : En second lieu, cette disposition ne méconnaît aucun principe qui s'imposerait au législateur.
Les auteurs de la saisine entendent dégager de la loi du 19 décembre 1926 un principe selon lequel l'attribution de la carte du combattant serait réservée à ceux ayant appartenu à des troupes françaises ou ayant combattu dans des opérations décidées par le Gouvernement français.
Il est clair qu'un tel principe ne saurait se voir reconnaître une valeur constitutionnelle.
Seuls, en effet, peuvent être considérés comme principes fondamentaux reconnus par les lois de la République des principes essentiels posés par le législateur républicain, touchant à l'exercice des droits et libertés et qui ont reçu application avec une constance suffisante dans la législation antérieure à la Constitution du 27 octobre 1946.
Tel n'est pas le cas en l'espèce. Le principe en cause ne touche ni à un droit ni à une liberté mais à une reconnaissance de la Nation accordée à certains de ses membres. Il n'a pas fait l'objet d'une application constante avant 1946 puisque l'article 1er de l'actuel code des pensions militaires, qui limite la reconnaissance de la Nation à ceux qui ont assuré le salut de la patrie, date de la loi n° 52-1313 du 11 décembre 1952. Quant à la loi de 1926, elle avait, en effet, dans son article 101, créé une carte du combattant. Mais elle se bornait à préciser que cet avantage serait attribué dans des conditions fixées par voie réglementaire à toutes les personnes ayant le droit de recourir à l'aide de l'Office national du combattant.
Elle n'énonçait nullement le principe que les requérants voudraient faire prévaloir.
Le Conseil constitutionnel ne pourra donc que constater qu'en prenant la mesure critiquée le législateur s'est borné à exercer le pouvoir d'appréciation qui lui appartient.
C'est pourquoi le Gouvernement demande au Conseil de rejeter le recours dont il est saisi.