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Décision n° 94-358 DC du 26 janvier 1995 - Observations du gouvernement

Loi d'orientation pour l'aménagement et le développement du territoire
Non conformité partielle

OBSERVATIONS DU GOUVERNEMENT EN REPONSE A LA SAISINE DU CONSEIL CONSTITUTIONNEL EN DATE DU 28 DECEMBRE 1994 PAR SOIXANTE DEPUTES ; LOI D'ORIENTATION POUR L'AMÉNAGEMENT ET LE DÉVELOPPEMENT DU TERRITOIRE
Sur les griefs articulés à l'encontre de l'ensemble de la loi :
1 ° Une part importante de la loi déférée ne serait pas de nature législative.
Selon les auteurs du recours, la proportion importante, dans la loi déférée, de dispositions dont ils estiment eux-mêmes qu'elles sont « inopérantes » serait constitutive d'un véritable « détournement de procédure » qui dénaturerait gravement l'exercice même du pouvoir législatif.
On fera observer que la constitutionnalité d'une loi s'apprécie disposition par disposition, ou groupe de dispositions inséparables par groupe de dispositions inséparables (cf notamment 74-53 DC du 30 décembre 1974 ; 91-302 DC du 30 décembre 1991). Or les dispositions du projet de loi déféré sont bien évidemment séparables.
En outre, les arguments développés par les requérants supposeraient que soit fixé un « seuil d'inconstitutionnalité ». Mais quel serait ce seuil ? Et comment le mesurer ?
Les dispositions évoquées (commandes de rapports ou programme de travail législatif) ne privent ni le Gouvernement, ni le Parlement des prérogatives que leur reconnaît la Constitution (82-142 DC du 27 juillet 1982 ; 86-208 DC 1er et 2 juillet 1986). Elles ne constituent pas des injonctions au Gouvernement, auquel il n'est nullement demandé de déposer de projet de loi, mais plutôt, ce qui n'est pas anormal dans le cadre d'une « loi d'orientation », des orientations retenues par le Parlement pour son travail législatif futur.
Dans le même esprit, on peut citer l'article 1er de la loi n° 82-213 relatif aux droits et libertés des communes, départements et régions du 2 mars 1982, en vertu duquel : « des lois détermineront la répartition des compétences entre les communes, les départements, les régions et l'Etat ».
2 ° La loi méconnaîtrait les principes de libre administration des collectivités territoriales, d'égalité devant la loi et d'indivisibilité de la République, ainsi que les dispositions de l'article 34 de la Constitution.
Compte tenu, d'une part, du caractère récurrent de ces arguments contre les dispositions particulières qui sont déférées, d'autre part, de leur insuffisance de motivation si les requérants entendent ainsi critiquer l'ensemble de la loi déférée, il y sera répondu à l'occasion de l'examen des articles critiqués.
Sur l'article 4 :
L'article 4 de la loi d'orientation pour l'aménagement et le développement du territoire procède à une refonte complète de l'article L 111-1-1 du code de l'urbanisme afin d'instituer une nouvelle catégorie de normes : les directives territoriales d'aménagement (DTA). Ces directives se substituent aux prescriptions nationales ou particulières à certaines parties du territoire qui pouvaient être fixées, en application des lois d'aménagement et d'urbanisme, sur le fondement de l'article L 111-1-1 dans sa rédaction, issue de la loi n° 83-8 du 7 janvier 1983 relative à la répartition des compétences entre les communes, les départements, les régions et l'Etat.
Situées à la frontière de la politique d'aménagement et de développement du territoire déterminée au niveau national par l'Etat, ainsi que le précise l'article 1er de la loi, et d'une préoccupation d'urbanisme dont les compétences ont été en partie décentralisées, les DTA, recommandées par le rapport du Conseil d'Etat « L'urbanisme : pour un droit plus efficace », ont pour objectif de clarifier les responsabilités de l'Etat en permettant à ce dernier :
: d'une part, de fixer sur certaines parties du territoire, ses orientations fondamentales en matière d'aménagement et d'équilibre entre les perspectives de développement et de protection de l'environnement ;
: d'autre part, de mettre en cohérence ses principaux objectifs en matière de localisation des grands équipements, ainsi qu'en matière de préservation des espaces naturels, des sites et paysages.
L'ambition des DTA est d'exprimer une responsabilité de l'Etat, tout en assurant le respect de la libre administration des collectivités locales.
1 ° En ce qui concerne la méconnaissance de la libre administration des collectivités territoriales.
L'institution des DTA ne saurait remettre en cause ce principe constitutionnel.
On notera d'abord que, si les DTA sont élaborées sous la responsabilité de l'Etat et à son initiative, les régions, départements, communes et groupements de communes les plus importants et territorialement intéressés seront associés à cette élaboration.
Par rapport aux prescriptions nationales et particulières envisagées par la loi de répartition des compétences du 7 janvier 1983, les DTA reposeront sur une plus large concertation avec les collectivités territoriales.
Par ailleurs, si la loi fixe les conditions de la libre administration des collectivités locales, c'est sous la réserve du respect des prérogatives de l'Etat mentionnées au troisième alinéa de l'article 72 de la Constitution (décisions n° 82-137 DC et n° 82-138 DC du 25 février 1982).
L'urbanisme est, par nature, une compétence partagée. Ainsi que le souligne l'article 75 de la loi du 7 janvier 1983, devenu l'article L 110 du code de l'urbanisme : « Le territoire français est le patrimoine commun de la Nation. Chaque collectivité publique en est le gestionnaire et le garant dans le cadre de ses compétences ».
Quelle que soit l'organisation politique et administrative, l'Etat, la commune, le département et la région ont donc un rôle à jouer dans l'aménagement, la protection et la mise en valeur du territoire national. La gestion économe de notre territoire, les choix de cadre de vie, l'importance des décisions d'aménagement du territoire impliquent une certaine harmonisation de leurs décisions d'utilisation de l'espace.
Après la décentralisation, l'Etat a conservé, dans le domaine de l'urbanisme et de l'aménagement, un certain nombre de moyens d'action et de prérogatives ayant des conséquences décisives sur les collectivités locales :
: il demeure le gardien des intérêts nationaux, qu'il s'agisse de l'aménagement du territoire, du logement, et notamment du logement social, des grandes infrastructures de transports et des autres grands équipements qui ont un lien évident avec l'urbanisme ;
: il joue un rôle de régulation en préservant les grands équilibres nationaux, notamment en matière de solidarité nationale et de lutte contre l'exclusion ;
: il assure le respect de l'Etat de droit, que ce soit au moyen du contrôle de légalité, ou à travers l'application des dispositions pénales du code de l'urbanisme.
Loin de méconnaître ou de compromettre le principe de libre administration des collectivités locales, les DTA peuvent être au contraire l'occasion, pour les collectivités territoriales, de mieux prendre en compte, dans les documents de planification urbaine dont elles ont la responsabilité, les intérêts supérieurs qu'elles doivent respecter ;
2 ° En ce qui concerne la violation du principe d'égalité devant la loi.
S'agissant, en premier lieu, de la dualité des régimes juridiques sur le territoire français, il convient de lever toute équivoque. Les DTA ont vocation à être élaborées là où manifestement l'Etat devra prendre des responsabilités en termes d'aménagement et cela que les territoires concernés soient soumis ou non à des régimes législatifs particuliers.
Ainsi, contrairement à ce qu'affirment les requérants, l'Etat pourra édicter, s'il l'estime nécessaire, des DTA sur des territoires couverts par des lois d'aménagement et d'urbanisme (loi littoral, loi montagne, dispositions de l'article L 121-10 du code de l'urbanisme). De même, les DTA pourront concerner des territoires déjà dotés d'un statut particulier par le législateur, à savoir la région d'Ile-de-France, la Corse et l'outre-mer.
Les articles 5 A XII et 5 B I de la loi prévoient en effet explicitement que les schémas d'aménagement élaborés en Corse et dans les régions de Guadeloupe, de Guyane, de la Martinique et de la Réunion doivent être compatibles avec les DTA lorsqu'elles existent. En outre, les articles 5 A XIII et 5 B II indiquent que ces schémas auront les mêmes effets que les DTA Par ailleurs, l'article 40 précise que « le schéma directeur de la région d'Ile-de-France a les mêmes effets que les directives territoriales d'aménagement définies en application de l'article L 111-1-1 Il doit être compatible avec ces directives lorsqu'elles s'appliquent sur tout ou partie du territoire régional ».
Si différence il doit y avoir, elle sera donc entre les territoires pour lesquels l'Etat aura considéré comme nécessaire, compte tenu de ses responsabilités propres, d'élaborer des DTA et les autres. Cette circonstance n'est toutefois pas spécifique aux DTA elles-mêmes. Elle est inhérente à toute démarche de planification urbaine. Les DTA n'ont pas vocation à couvrir l'ensemble du territoire national, tout comme bien d'autres documents d'urbanisme : schémas directeurs prévus à l'article L 122-1 du code de l'urbanisme, POS prévus à l'article L 123-1 du même code ou autres documents affectant l'occupation ou l'utilisation du sol (schémas de mise en valeur de la mer prévus par l'article 57 de la loi n° 83-8 du 7 janvier 1983, plans d'exposition aux risques, etc).
La diversité du champ d'application géographique est dans la nature même des règles d'urbanisme. Dans un arrêt de principe (Ass, 23 février 1934, Lainé, Grands arrêts du droit de l'urbanisme, 3e édit, p 33 et s), le Conseil d'Etat a reconnu la légalité de la répartition du territoire d'une commune en zones assujetties à des servitudes particulières selon les prescriptions des plans d'urbanisme. Le Conseil d'Etat considère d'ailleurs qu'il est dans la nature de toute réglementation d'urbanisme de distinguer des zones où les possibilités de construire sont différentes (28 février 1986, Mme Sohilet, DA 1986, n° 250 ; 10 décembre 1993, M Peix, req.
n° 115 955).
De même, le Conseil constitutionnel admet que la loi édicte des règles différentes, dès lors que ces différences se trouvent justifiées par la différence de situation des intéressés au regard de l'objet poursuivi par la loi. Il en est notamment ainsi en matière d'urbanisme (85-189 DC du 17 juillet 1985).
3 ° En ce qui concerne la violation du principe d'indivisibilité de la République.
Selon les auteurs du recours, celle-ci résulterait de la coexistence de deux régimes sur le territoire français, ainsi que de la substitution à la hiérarchie des normes d'un Etat de droit unitaire d'une sorte de « juxtaposition horizontale » de normes.
a) On ne reviendra pas sur les inexactitudes du recours sur la coexistence de deux régimes sur le territoire français (cf supra).
Quant à la hiérarchie ou à la « juxtaposition horizontale » des normes qui résulterait de l'institution des DTA, force est de constater que ce système de superposition et de juxtaposition des normes d'urbanisme existe déjà aujourd'hui indépendamment des DTA Les normes d'urbanisme n'ont pas vocation à s'appliquer uniformément à l'ensemble du territoire national. Le code de l'urbanisme contient certaines dispositions particulières applicables à certaines parties du territoire (cf le titre IV du livre Ier du code de l'urbanisme).
En outre, sur le territoire d'une même commune, sont applicables de façon juxtaposée différentes catégories de normes ou documents d'urbanisme (POS, plan de sauvegarde et de mise en valeur, plan d'aménagement de zone en cas de zone d'aménagement concerté, règles générales d'urbanisme en l'absence de POS, etc).
En toute hypothèse, on ne voit pas en quoi l'institution des DTA conduirait à la violation du principe d'indivisibilité de la République.
Les DTA ne conduisent en effet à :
: aucun abandon de souveraineté nationale, ni à aucun démembrement du territoire, étant noté l'indivisibilité de la République emporte l'interdiction de diviser la souveraineté nationale à la fois dans son contenu interne et dans son assise territoriale (Michel-Henry Fabre, « L'unité et l'indivisibilité de la République, réalité ? fiction ? », RDP 1982, p 603 ; décision n° 82-213 DC du 25 février 1982, loi portant statut particulier de la région de Corse) ;
: aucun pouvoir normatif autonome confié à des collectivités territoriales et remettant en cause le caractère unitaire de l'Etat (Louis Favoreu et Loïc Philip. « Les grandes décisions du Conseil constitutionnel », Sirey, 7e édit. 1993, p 514) ;
: aucune remise en cause du schéma institutionnel constituant l'organisation des collectivités territoriales (n° 82-213 DC du 25 février 1982 ; n° 82-149 DC du 28 décembre 1982).
b) Par ailleurs, les auteurs du recours critiquent la « désagrégation de toute hiérarchie des normes lisible et intelligible par le citoyen » qui résulterait du fait que chaque norme n'est soumise qu'à une obligation de compatibilité avec la norme immédiatement supérieure.
On s'interrogera d'abord sur le lien qui existerait entre cette prétendue désagrégation et le principe d'indivisibilité de la République.
On rappellera surtout que l'obligation de compatibilité avec la norme immédiatement supérieure est un principe traditionnel du droit de l'urbanisme. S'agissant des DTA, elle résulte d'une proposition du Conseil d'Etat dans son rapport « L'urbanisme : pour un droit plus efficace » afin de rendre, contrairement à l'affirmation péremptoire des requérants, le droit de l'urbanisme plus clair à ses utilisateurs.
Comme le relevait le Conseil d'Etat (La documentation française, 1992, p 75) :
" Pour que la création des directives territoriales d'aménagement et le maintien éventuel de certains schémas directeurs ne multiplient pas les difficultés de compatibilité entre les divers documents (loi d'aménagement et d'urbanisme, directive territoriale d'aménagement, schéma directeur, plan d'occupation des sols, autorisation individuelle), le Conseil d'Etat propose de :
: limiter l'exigence de compatibilité d'un document à celui qui lui est immédiatement supérieur, pour favoriser la compréhension du droit de l'urbanisme et une plus grande sécurité juridique dans la délivrance des autorisations individuelles.
La limitation de ces exigences répond au souci de rendre le droit de l'urbanisme plus clair à ses utilisateurs : qu'une commune sache avec quel document unique son POS doit être compatible, qu'un particulier ne voie opposer, en plus des articles d'ordre public du règlement national d'urbanisme, qu'un seul document (le POS) à sa demande de permis de construire ".
Il convient de préciser que la règle de compatibilité avec la seule norme de niveau immédiatement supérieur ne vaut que dans la mesure où cette norme traite des matières régies par la norme située au-dessus d'elle. Ainsi, si une DTA laisse en dehors de son champ une partie des matières traitées par une loi d'aménagement et d'urbanisme, celle-ci reste directement applicable pour le solde, aux schémas directeurs et aux schémas de secteurs.
Par ailleurs, la compatibilité de la DTA elle-même avec la loi d'aménagement et d'urbanisme reste entièrement soumise au contrôle du juge par la voie de l'exception d'illégalité.
4 ° En ce qui concerne l'inconstitutionnalité de l'article 4 en tant qu'il autorise les auteurs des DTA « à préciser pour les territoires concernés les modalités d'application des lois d'aménagement et d'urbanisme adaptées aux particularités géographiques locales ».
Contrairement à la présentation faite par les requérants, cet article ne permet pas au pouvoir réglementaire de déroger aux lois d'aménagement et d'urbanisme.
La hiérarchie des normes d'urbanisme s'exprime dans la définition des modalités d'application d'une norme supérieure par une norme inférieure ou par la définition d'un rapport de compatibilité d'un document par rapport à un autre. Lorsque la norme supérieure, ce qui est souvent le cas, autorise une certaine marge d'appréciation, il est loisible à l'auteur de la norme inférieure de l'utiliser, bien évidemment sous le contrôle du juge. Cette marge d'appréciation est fonction des éléments de fait ou de droit existants. Quant au contrôle du juge, il s'exprime notamment à travers la théorie de l'erreur manifeste d'appréciation (CE, Ass, 29 mars 1968, société du lotissement de la plage de Pampelonne, Rec. p 211 ; 23 mars 1979, commune de Bouchemaine, Rec. p 127).
Les DTA, approuvées par décret en Conseil d'Etat, permettront de préciser les modalités d'application des lois d'aménagement et d'urbanisme. Dans ce cadre, l'Etat devra bien évidemment respecter les dispositions mêmes de ces lois.
En réalité, les DTA permettront d'assurer une meilleure mise en uvre des lois d'aménagement et d'urbanisme. En effet, celles-ci contiennent des notions très générales du type de celles de « continuité de l'urbanisation », de « grands équilibres naturels », d'« espaces proches du rivage de la mer ». Elles ne peuvent donc s'appliquer et produire leur plein effet sans prendre en considération les spécificités des territoires qu'elles concernent. A cet égard, il y a lieu de rappeler que les prescriptions nationales et particulières issues de la loi n° 83-8 du 7 janvier 1983, auraient dû conduire à préciser ces différentes notions dans chaque massif en zone de montagne (massif alpin, pyrénéen, vosgien, etc) ou dans les différents espaces littoraux de notre territoire (méditerranéen, aquitain, breton, etc). L'élaboration des schémas de massifs, des schémas de mise en valeur de la mer, des schémas d'aménagement Corse ou des régions d'outre-mer constitue d'ailleurs une parfaite illustration de ce que pourraient être les futures DTA.
Enfin, si les DTA permettront de préciser les modalités d'application de notions générales compte tenu des particularités géographiquement locales, elles devront bien entendu être conformes aux règles parfois très précises édictées par les lois d'aménagement et d'urbanisme. Il en est ainsi par exemple de la bande des 100 mètres applicable en dehors des espaces urbanisés le long du littoral (article L 146-4 III du code de l'urbanisme) : soit la DTA reprendra à son compte cette règle purement et simplement, soit cette règle continuera à s'appliquer, par prétérition.
5 ° En ce qui concerne l'incompétence négative dont serait entaché l'article 4 du fait de la compétence exclusive du législateur dans la définition des délits.
Les DTA n'affecteront pas la définition des délits qui résulte des articles L 160-1 et L 480-4 du code de l'urbanisme.
D'une part, l'article L 160-1 du code de l'urbanisme permet de poursuivre des infractions aux règles de fond du droit de l'urbanisme : dispositions des POS et des documents d'urbanisme en tenant lieu (plan de sauvegarde et de mise en valeur, plan d'aménagement de zone), obligations imposées par les articles L 111-1 à L 111-1-4 (à savoir les règles générales d'urbanisme, les lois d'aménagement et d'urbanisme, les prescriptions nationales et particulières aujourd'hui et les DTA demain). Ni les termes de l'article L 160-1, ni la définition des incriminations qu'il comporte ne sont modifiés par l'institution des DTA.
D'autre part, l'article L 480-4 du code de l'urbanisme définit l'incrimination permettant de poursuivre des infractions aux règles de procédure. Or, les DTA, qui édictent des règles de fond, sont sans lien avec ces règles de procédure.
La conformité de l'article 4 de la loi déférée à la Constitution est donc certaine.
Sur les articles 6 et 9 :
Le grief articulé à l'encontre de ces deux dispositions est le même : en ne précisant pas les conditions du mode de désignation des représentants du Parlement et des collectivités locales au sein des « conférences régionales de l'aménagement et du développement du territoire » et du « groupement d'intérêt public d'observation et d'évaluation du territoire », le législateur serait resté en deçà de sa compétence. Le renvoi au pouvoir réglementaire constituerait une atteinte au principe de libre administration des collectivités locales et entacherait les dispositions critiquées d'incompétence négative.
De nombreux textes instituent des organismes collégiaux, le plus souvent consultatifs, parfois décisionnels, qui comprennent des élus.
Citons la loi du 26 janvier 1984, relative à la fonction publique territoriale, pour le Conseil supérieur de la fonction publique territoriale ; la loi du 3 février 1992, relative aux conditions d'exercice des mandats locaux, pour le Conseil national de la formation des élus locaux.
Les modalités de désignation des élus nationaux ou locaux ressortissent effectivement à la loi, ainsi que le rappelle la jurisprudence du Conseil constitutionnel (59-1 L du 27 novembre 1959 sur la loi relative à la RATP) lorsque les instances dans lesquelles ils siègent ont des pouvoirs décisionnels, ou interviennent dans des procédures décisionnelles intéressant la libre administration des collectivités territoriales.
En l'espèce, les missions des instances en cause, purement consultatives pour l'une (conférence régionale de l'aménagement et du développement du territoire), bornées à des études pour l'autre (groupement d'intérêt public) n'interfèrent en rien avec la libre administration des collectivités locales. Il en résulte donc que le détail de leur composition est de la compétence du pouvoir réglementaire (73-78 L du 7 novembre 1973, sur les dispositions de l'article 15 de la loi du 16 décembre 1964 relatives au Conseil national de l'eau).
Sur l'article 12 :
Les requérants critiquent cet article au motif qu'il créerait une nouvelle catégorie d'établissements publics à caractère universitaire, sans en déterminer les règles constitutives. Au surplus, cette création porterait atteinte au principe d'autonomie des universités et aux garanties de l'indépendance des enseignants-chercheurs.
Contrairement à ce que soutiennent les auteurs du recours, la loi adoptée par le Parlement ne crée en aucune manière une catégorie nouvelle d'établissements publics puisqu'elle ne remet pas en cause les règles constitutives de la catégorie à laquelle se rattacheraient les universités dites thématiques. Il s'agit bien d'établissements publics à caractère scientifique, culturel et professionnel ayant la même spécialité universitaire, donc un objet étroitement comparable, la même autorité de tutelle et un rattachement territorial identique au droit commun. Le législateur n'avait pas à définir les règles constitutives de cette catégorie puisqu'elle existe déjà et qu'il s'agit seulement d'exploiter les possibilités qu'elle offre.
En outre, la spécialisation thématique d'une université n'est pas contradictoire avec son caractère pluridisciplinaire. Pour donner un exemple, une université spécialisée dans le domaine agro-alimentaire peut réunir des enseignements et des équipes de recherche dans les disciplines suivantes : chimie, biologie végétale et animale, nutrition, droit, techniques de gestion et de commercialisation, sciences humaines appliquées. Il s'agit plutôt d'orienter les moyens mis à disposition par l'Etat de façon à créer des synergies entre les différentes disciplines et de les faire coopérer sur une ou plusieurs thématiques bien identifiées. C'est le sens du membre de phrase « dotées de contrats de recherche correspondant à leur spécialisation », spécialisation qui trouvera sa traduction dans le contrat d'établissement.
La notion d'université thématique correspond d'ailleurs à une tendance observée dans les sites universitaires récents, nouvellement créés ou en voie de création : orienter le projet scientifique et pédagogique sur quelques axes thématiques précis. Cette spécialisation a pour objectif d'attirer des enseignants et des étudiants de l'ensemble du territoire, sans susciter de concurrence avec les universités anciennes.
La création des deux universités mentionnées dans l'article 12 sera donc également opérée en conformité avec l'article 20 de la loi n° 84-52 du 26 janvier 1984 sur l'enseignement supérieur et dans les conditions prévues par l'article 1er de la loi n° 94-639 du 25 juillet 1994 modifiant l'article 21 de cette même loi.
Les « structures universitaires » mentionnées aux troisième et quatrième alinéas de l'article 12 ne constituent pas plus une nouvelle catégorie d'établissements publics. Les années récentes ont vu la création d'entités issues d'une université mais localisées ailleurs que dans la ville siège de l'université, dite université-mère. Ces entités, dites selon les cas « antennes », « délocalisation », départements d'IUT, exercent leur activité au sein d'une université de rattachement mais sans être en principe des composantes de l'université au sens de l'article 25 de la loi n° 84-52 du 26 janvier 1984. Le but du schéma sera donc, entre autres, de préciser les modalités de localisation dans ces sites qui sont le plus souvent des villes moyennes, de composantes de l'université constituées conformément à l'article 25 précité (instituts ou écoles ; unités de formation et de recherche ; départements, laboratoires et centres de recherche).
La loi déférée ne modifie aucunement les lois antérieures. Les garanties légales de la libre expression et de l'indépendance des enseignants-chercheurs et de l'autonomie universitaire sont donc préservées.
Par ailleurs, l'élaboration du schéma de l'enseignement supérieur et de la recherche (document de planification) et la création d'universités « thématiques » se feront dans le strict respect du cadre législatif en vigueur.
Le schéma est issu des réflexions conduites dans des comités régionaux de pilotage qui associent étroitement les chefs d'établissement. Les « orientations » définies par le Gouvernement n'excéderont pas la compétence du pouvoir réglementaire. Elles concerneront, par exemple, l'incitation donnée aux établissements en matière d'originalité et d'excellence des formations et des thèmes de recherche. La carte universitaire, qui relève de l'Etat (loi du 26 janvier 1984), ne saurait, en effet, être constituée de la juxtaposition de formations redondantes ou insuffisamment adaptées.
Sur l'article 29 :
1 ° Les auteurs du recours contestent tout d'abord le renvoi au décret en Conseil d'Etat du soin de fixer les règles permettant d'assurer l'équilibre entre, d'une part, les obligations des établissements, organismes et entreprises concernés, et, d'autre part, la compensation par l'Etat des charges qui en résultent. Selon eux, le législateur aurait méconnu sa compétence en n'encadrant pas suffisamment l'exercice du pouvoir réglementaire dans ce domaine.
On soulignera que le premier alinéa de l'article 29 renvoie aux contrats de plan ou à des contrats particuliers le soin de fixer les objectifs d'aménagement du territoire et de services rendus aux usagers qui s'imposent aux établissements, organismes publics et entreprises nationales chargés d'un service public, ainsi que les conditions dans lesquelles l'Etat compense les charges qui en résultent.
Dans les entreprises ou établissements publics dotés de contrats de plan, en effet, ceux-ci traitent des obligations de ces organismes en matière d'aménagement du territoire. Le contrat de plan le plus précis à cet égard est celui de La Poste pour la période 1995-1997.
Le législateur a souhaité que le décret d'application de l'article fixe des règles qui s'imposeront aux co-contractants permettant de garantir un équilibre entre les charges supportées par les organismes et leur compensation par l'Etat (principe déjà expressément prévu par la loi pour La Poste et France Télécom).
Le décret en Conseil d'Etat est suffisamment encadré par l'objectif quasi mathématique qui lui est ainsi fixé.
2 ° Les requérants estiment également que le législateur a méconnu sa compétence en renvoyant au décret en Conseil d'Etat le soin de fixer les critères spécifiques que doit respecter la décision du préfet ou du ministre quand le projet de suppression d'un service public concerne une zone prioritaire de développement du territoire.
En outre, l'absence de définition de la « zone prioritaire de développement du territoire » aurait pour conséquence une violation du principe d'égalité devant la loi.
Rappelons tout d'abord qu'il n'existe aucun droit au maintien de la présence d'un service public dans une zone géographique déterminée. Les décisions dépendent, dans ce domaine, de l'établissement ou organisme gestionnaire de ce service, sous réserve du respect de ses obligations contractuelles, législatives et réglementaires.
L'article 29 détermine les règles de procédure que doivent respecter les organismes publics gestionnaires de services publics qui s'écartent des objectifs qu'ils ont acceptés contractuellement, et donne à leur ministre de tutelle le pouvoir d'accepter ou de refuser, à l'issue de cette procédure, la suppression d'un service public.
Dans tous les cas, la décision du ministre de tutelle devra être prise en considération de l'impact local du projet de suppression, compte tenu des mesures envisagées pour en compenser les conséquences dommageables. Elle ne pourra donc en aucun cas être discrétionnaire.
Le législateur a souhaité encadrer plus précisément l'exercice de la tutelle dans les « zones prioritaires de développement du territoire ». On fera observer que celles-ci auraient, en tout état de cause, été privilégiées dans l'examen par le préfet ou le ministre des projets de suppression d'un service public, porteurs, dans ces zones, de conséquences dommageables plus importantes qu'ailleurs.
Ces zones sont déjà définies soit en application de règlements communautaires, soit pour l'utilisation des différents crédits budgétaires en faveur de l'aménagement du territoire ou de la politique de la ville ; ces définitions sont reprises dans la loi (cf observations du Gouvernement sur l'article 42).
On remarquera en outre, d'une part, que la définition de ces zones se fait bien entendu dans le respect du principe d'égalité et sous le contrôle du juge, d'autre part, que la fixation par le décret d'application de « critères spécifiques » pour certaines zones prioritaires ne dispensera pas les autorités de tutelle de prendre en considération les problèmes particuliers aux zones qui n'en feraient pas partie.
On notera enfin que les dispositions de l'alinéa critiqué sont séparables du reste de l'article 29.
Sur l'article 36 :
Pour les requérants, cet article aurait « essentiellement » pour but de prévoir que les conventions passées entre la CNR et EDF, et actuellement en vigueur, « continueront de régir les relations entre EDF et la Compagnie nationale du Rhône jusqu'à l'expiration de la concession ».
Selon eux, il ne serait « ni contestable ni contesté » que cet article « a pour unique objet et unique effet » d'empêcher le tribunal de commerce de Paris et le tribunal des conflits de statuer sur un litige actuellement en cours entre la CNR et EDF concernant la validité d'un « protocole en date du 12 août 1990 portant avenant à un ensemble de conventions » conclues entre la CNR et EDF.
Toujours selon le recours, il en résulterait, de la part du législateur, une « validation directe » de ce contrat dont la nullité a été demandée à une juridiction, ce qui serait contraire au principe de la séparation des pouvoirs.
Enfin, il en résulterait une atteinte au droit des collectivités locales, majoritaires dans le capital de la CNR, et plus particulièrement à leur liberté contractuelle.
1 ° Sur la validation
a) Il est absurde de prétendre que tout le dispositif mis en place n'aurait d'autre finalité que de permettre une validation.
Il ressort en effet de la lecture de l'article 36 que, contrairement à ce qu'affirment les requérants, l'objet de cet article est de permettre la réalisation de la liaison Rhin-Rhône et son achèvement en 2010 au plus tard grâce à la création d'une entreprise commune entre la CNR et EDF à qui sera confiée la maîtrise d'ouvrage déléguée de ces travaux, entreprise placée à cet effet sous le contrôle de l'Etat.
Il existe certes un contentieux en cours entre la CNR et EDF.
Mais ce contentieux porte sur un seul article (concernant la chute de Cusset), d'un avenant à ces contrats. Il n'apparaît pas, en l'état du dossier, et sous réserve, là encore, de l'appréciation souveraine des tribunaux, que cette procédure soit de nature à conduire à l'annulation partielle de cet avenant. Il est en outre manifeste que la disposition contestée ne vise nullement à « valider » cet article de l'avenant contractuel, ni à faire par avance obstacle à la poursuite des procédures judiciaires actuelles. Si telle avait été l'intention du législateur, une autre formulation aurait dû être utilisée disant clairement, par exemple, que « sont validés tous les actes, quelle que soit leur nature, pris par application des décrets n° 55-549 du 20 mai 1955 et n° 60-935 du 31 août 1960 ».
b) En tout état de cause, l'affirmation selon laquelle seuls les actes réglementaires pourraient faire l'objet de validation législative est inexacte. Une telle affirmation « ne repose sur aucun principe ou règle à valeur constitutionnelle » (décision n° 192 DC du 24 juillet 1985, considérant 13 et 14). Ainsi, des actes individuels peuvent-ils faire valablement l'objet d'une validation législative (décision n° 159 DC du 19 juillet 1983). Il doit en aller de même des contrats.
En réalité, la nature de l'acte juridique validé ou son mode d'élaboration sont sans incidence sur la possibilité d'une validation. Peu importe qu'il s'agisse d'un acte réglementaire ou individuel, unilatéral ou contractuel. Toute norme inférieure à la loi dans la hiérarchie des normes peut être validée par le législateur. Or il convient de rappeler que les conventions n'ont force de loi que par l'autorisation du législateur (article 1134 du code civil). Toute position contraire reviendrait à placer les contrats au-dessus des lois, c'est-à-dire des normes particulières au-dessus de la volonté générale.
c) Par ailleurs, les décisions ainsi validées, en l'absence de toute décision définitive de justice, ne sont à l'abri d'une annulation contentieuse que quant au défaut de base légale, mais « peuvent être mises en cause sur d'autres fondements » (décision n° 192 DC précitée, considérant 19), ce qui démontre, s'il en était encore besoin, que rien dans la rédaction de l'article 36 n'est de nature à faire obstacle à la poursuite des procédures contentieuses en cours, même si cette rédaction devait être interprétée comme une validation.
2 ° Sur l'atteinte à la liberté contractuelle
L'intérêt général justifie en l'espèce l'intervention du législateur pour limiter la liberté contractuelle, y compris celle des collectivités locales.
Dans sa décision n° 89-254 DC du 4 juillet 1989, le Conseil constitutionnel a reconnu à cet égard que le législateur pouvait apporter des modifications à des contrats en cours d'exécution pour des motifs d'intérêt général. Le Conseil constitutionnel n'a jamais reconnu de valeur constitutionnelle au principe de l'autonomie de la volonté des parties. Le droit des contrats est d'ailleurs très largement marqué par l'intervention du législateur, dès lors qu'un intérêt général, par exemple la protection des consommateurs ou des locataires, est en cause.
Or il est incontestable que la réalisation du canal Rhin-Rhône d'ici 2010 constitue un projet d'intérêt général.
Cette réalisation ne peut en effet être dissociée des moyens permettant son accomplissement, à savoir la mise en place d'une société commune EDF/CNR destinée à assurer la maîtrise d'ouvrage déléguée et le financement des travaux.
Ce financement doit être assuré, à titre principal, par les ressources provenant de la mise à disposition de l'énergie produite par les ouvrages du Rhône dont la CNR est le concessionnaire et EDF l'exploitant, en vertu des accords contractuels passés entre ces deux entités, qui devraient venir à échéance entre 2008 et 2023.
Il est donc apparu nécessaire de pérenniser ces accords pour assurer la réalisation de l'objectif recherché. Cette pérennisation constitue la modalité même de la réalisation de cet objectif.
L'autonomie de la volonté des parties sera d'autant moins atteinte que les contrats actuels sont déjà largement encadrés par un système imposé par l'Etat et concernent, par leur objet même, un domaine éminemment marqué par des prérogatives de puissance publique.
On peut noter à cet égard :
: que les contrats signés, pour chaque ouvrage hydroélectrique, l'ont été dans le cadre fixé par le décret n° 55-549 du 20 mai 1955, relatif à la réalisation du deuxième plan de modernisation et d'équipement de l'énergie électrique (JO du 21 mai 1965), dont les dispositions ont été reconduites sans limite de durée par le décret n° 60-935 du 31 août 1960 (JO du 8 septembre 1960). Ces textes rendent ces contrats obligatoires, le ministre de tutelle étant habilité, en cas de désaccord et après consultation d'une commission ad hoc, à imposer les mesures nécessaires. L'article 36 n'a donc pas, à cet égard, imposé une contrainte nouvelle ;
: que la plupart de ces contrats ont déjà une date d'expiration fixée à 2023 et que les dispositions critiquées de l'article 36 de la loi ne concernent que quatre contrats dont les dates d'expiration sont 2008, 2013 et 2020 ;
: qu'il s'agit, comme vient de le juger le tribunal des conflits le 16 janvier 1995, de contrats administratifs. Ces contrats précisent en effet les conditions dans lesquelles la CNR est associée conformément aux décrets précités, au service public de la production d'électricité, afin d'assurer la continuité dudit service.
Il n'y a donc pas lieu de se référer au principe de « l'autonomie de la volonté des parties » au même degré que s'il s'agissait de contrats privés.
On ajoutera que, si la conciliation entre les dispositions de la loi du 8 avril 1946, nationalisant la production d'électricité, et le maintien de la CNR a conduit à prévoir le principe des contrats liant EDF à la CNR, le financement du canal Rhin-Rhône imposait de prévoir non plus seulement le principe d'un accord, comme dans le décret de 1955, mais son contenu, par la pérennisation du dispositif contractuel en vigueur.
Loin d'entraîner une quelconque spoliation, l'article 36 se borne à maintenir des dispositions contractuelles déjà en vigueur. Cette pérennisation est en effet nécessaire pour permettre la mise à disposition d'EDF de l'électricité produite par les ouvrages du Rhône qu'elle exploite et, par suite, le financement du projet Rhin-Rhône dans les conditions voulues par le législateur.
La stabilité du régime est notamment impliquée par la longueur des travaux et le coût financier très important du projet. Il a ainsi été prévu que la limite des contrats soit fixée à l'échéance de la concession de la CNR en 2023, soit treize ans après la fin des travaux, afin de permettre d'assurer l'amortissement des emprunts.
Toute rupture contractuelle avant cette date aurait eu pour effet de menacer l'équilibre du projet.
Le dispositif de l'article 36 apparaît de ce fait comme un juste équilibre. C'est d'ailleurs par référence à cet équilibre que les amendements visant à supprimer la phrase mentionnant la pérennisation des contrats ont été rejetés par le Parlement (cf les interventions du rapporteur M Ollier et du ministre délégué à l'aménagement du territoire et aux collectivités locales devant l'AN, CR p 7938-7939). Et c'est dans la même logique que la disposition assurant le financement du canal en fonction de la pérennisation des contrats actuels paraît indissociable du reste de l'article 36.
3 ° Sur l'atteinte à la libre administration des collectivités locales
Le grief manque en fait.
En effet, les dispositions déférées ne s'appliquent pas aux collectivités locales, mais à la Compagnie nationale du Rhône. Ce n'est donc qu'au second degré que certaines collectivités territoriales, actionnaires de la CNR, sont concernées par l'article 36. Or le principe de libre administration ne bénéficie qu'aux collectivités locales, et non aux sociétés privées dont elles sont actionnaires.
Sur l'article 41 :
Les auteurs de la saisine soutiennent, là encore, que le législateur a méconnu sa compétence en renvoyant au pouvoir réglementaire le soin de déterminer, d'une part, les zones où pourra être imposé un agrément à la construction et à l'utilisation de locaux professionnels, d'autre part, les autorités compétentes pour la délivrance de cet agrément. L'article méconnaîtrait en outre le principe d'égalité en ne précisant pas les différences de situation qui justifieraient des différences de traitement.
1 ° S'agissant du grief d'incompétence négative, on soulignera tout d'abord que l'article déféré clarifie au contraire l'actuel article L 510-1 du code de l'urbanisme. Pour la première fois, en effet, sont prévus les critères de délivrance de l'agrément et par là même son objet.
Il encadre donc mieux qu'auparavant, et suffisamment, la délégation faite au pouvoir réglementaire pour déterminer les zones dans lesquelles certaines opérations doivent être soumises à agrément dans un souci d'aménagement du territoire et d'équilibre entre construction de logements et construction de bureaux.
Le renvoi par la loi à « l'autorité administrative » pour la délivrance de l'agrément est habituel lorsqu'une décision est prise par l'Etat. L'actuel article L 510-1 est d'ailleurs rédigé ainsi. En effet, les dispositions ayant pour objet de désigner l'autorité administrative habilitée à exercer, au nom de l'Etat, les attributions qui, en vertu de la loi, relèvent de la compétence du pouvoir exécutif ont un caractère réglementaire (par exemple n° 88-158 L du 13 juillet 1988).
2 ° Le grief tiré de la méconnaissance du principe d'égalité n'est pas plus fondé.
En premier lieu, le décret d'application sera tenu de respecter ce principe, le traitement différencié des zones, au regard de l'agrément, étant justifié par le souhait d'assurer une égale qualité de vie sur l'ensemble du territoire.
En outre, la déconcentration de la procédure est justifiée par la différence des situations : la conclusion d'une convention prévoyant la recherche d'un équilibre entre logements et bureaux dans la zone concernée.
Loin de méconnaître le principe d'égalité, cette déconcentration constitue au contraire un moyen d'en assurer la mise en uvre dans le respect des orientations définies par la politique d'aménagement et de développement du territoire national. Le système de la convention apparaît à cet égard particulièrement bien adapté, puisqu'il a pour objet de définir les modalités locales du respect de ces orientations. Ainsi, le Conseil constitutionnel a jugé que « la passation de conventions régionales a pour objet de tenir compte de la spécificité de la situation des établissements d'hospitalisation privés exerçant leur activité dans une même région ; qu'ainsi, le recours à des conventions passées, pour chaque discipline, entre ces établissements et les caisses régionales d'assurance maladie, loin de méconnaître le principe d'égalité, constitue un moyen d'en assurer la mise en uvre dans le cadre défini par la loi et les règlements pris pour son application » (décision n° 90-287 DC du 16 janvier 1991).
Plus généralement, le Conseil constitutionnel a considéré que la loi pouvait, pour la protection d'intérêts généraux tels que la sauvegarde des sites et des milieux naturels, qui n'est susceptible d'être assurée qu'à partir d'appréciations concrètes, confier sa mise en uvre à des autorités administratives locales, sans qu'il en résulte une atteinte au principe d'égalité (n° 85-189 DC du 17 juillet 1985, p 49).
En l'espèce, il ne saurait être contesté que la réalisation d'un équilibre entre les constructions destinées au logement et celles destinées à l'activité professionnelle constitue un motif d'intérêt général.
Sur l'article 42 :
Selon les auteurs de la saisine, cet article définirait les zones prioritaires pour l'aménagement du territoire de façon trop vague pour encadrer suffisamment le pouvoir réglementaire. Compte tenu notamment des avantages fiscaux réservés à ces zones, il violerait l'article 34 de la Constitution, le principe d'égalité devant la loi et le principe de libre administration des collectivités territoriales.
1 ° Sur la prétendue violation de l'article 34 de la Constitution
En vertu de l'article 34 de la Constitution, la loi fixe les règles concernant l'assiette, le taux et les modalités de recouvrement des impositions de toute nature. Le Conseil constitutionnel a cependant rappelé en de nombreuses circonstances : « qu'il appartient au pouvoir réglementaire d'édicter les mesures d'application qui sont nécessaires à la mise en uvre des règles fixées par le législateur » (80-113 L du 14 mai 1980, 80-116 L du 24 octobre 1980, 80-119 L du 2 décembre 1980, 83-134 du 12 octobre 1983, 90-277 DC du 25 juillet 1990).
Le législateur ne méconnaît pas sa compétence s'il laisse au pouvoir réglementaire le soin d'intervenir pour préciser les modalités d'application des règles qu'il édicte, dès lors qu'il a tracé un cadre à son action et qu'il ne confère pas au Gouvernement « un pouvoir qui n'est assorti d'aucune limite » (86-223 DC du 29 décembre 1986 et 90-277 DC du 25 juillet 1990).
C'est d'ailleurs ainsi qu'il a été procédé en 1980 lorsque les premières « zones » d'exonération de taxe professionnelle ont été mises en place. La loi du 10 janvier 1980 prévoyait en effet : « Dans les zones définies par l'autorité compétente où l'aménagement du territoire le rend utile ». Cette loi a été reconnue conforme à la Constitution par le conseil (79-112 DC du 9 janvier 1980) et un arrêté du 24 novembre 1980 a délimité les zones en question.
Or, en l'espèce, le législateur a pris le soin de fixer dans la loi des critères de délimitation des zones suffisamment précis pour que le pouvoir réglementaire puisse tirer les conséquences de ces règles, afin de définir concrètement, sous le contrôle du juge, les parties du territoire concernées. La loi précise de façon préalable au sein d'un même article (42) le contenu et le libellé des différentes catégories de zones prioritaires : zones d'aménagement du territoire, territoires ruraux de développement prioritaire, zones urbaines sensibles. Chacune de ces zones est caractérisée dans la loi par des difficultés particulières que l'on y rencontre (handicaps géographiques, économiques ou sociaux).
Les critères de définition sont au surplus soit repris de façon plus détaillée dans la loi elle-même (par exemple pour les « zones de revitalisation rurale », à l'article 52), soit par renvoi à des textes existants dont la référence est systématiquement rappelée.
Ainsi, dans tous les articles contenant des dispositions fiscales, le législateur a-t-il pris le soin, à côté du renvoi aux articles correspondant du CGI (article 1465 pour les zones d'aménagement du territoire et les territoires ruraux de développement prioritaire, I de l'article 1466 A pour les zones urbaines sensibles, article 1465 A pour les zones de revitalisation rurale et I bis de l'article 1466 A pour les zones de redynamisation urbaine), de rappeler systématiquement le libellé des zonages.
Les définitions reprises se rapportent en effet à des notions existantes dans le système juridique actuel, de manière suffisamment précise pour que le pouvoir de l'administration soit convenablement encadré au regard de l'article 34 de la Constitution.
Les zones d'aménagement du territoire, qui sont en fait, en application de l'article 1465 du code général des impôts, les zones éligibles à la prime d'aménagement du territoire (PAT), sont ici, comme les territoires ruraux de développement prioritaire, clairement caractérisées. Le législateur a ainsi posé les orientations fondamentales à respecter, encadrant par celles-ci le pouvoir d'appréciation du Gouvernement.
Au surplus, il s'agit de zones dont la définition était connue lors du débat parlementaire. Les zones éligibles à la PAT ont été récemment redéfinies en vertu de critères communautaires. Le zonage a fait l'objet d'une approbation par la Commission européenne en date du 22 septembre 1994 et a été présenté au comité interministériel d'aménagement du territoire le 20 septembre 1994. Il est défini par un décret en Conseil d'Etat en cours de signature. S'agissant des territoires ruraux de développement prioritaire, ils se substituent aux zones « Fidar », connues de longue date. La nouvelle carte a fait l'objet du décret n° 94-1139 du 26 décembre 1994. Elle est elle-même largement fondée par des décisions communautaires, les zones éligibles à l'objectif 5 b de la politique régionale communautaire en constituant le socle.
On remarquera que ces zones étaient déjà désignées par le 9 ° du I de l'article 4 de la loi n° 93-1313 du 20 décembre 1993 comme champ d'application d'une disposition d'exonération de charges sociales et que celle-ci n'avait fait l'objet d'aucune observation du Conseil auquel la loi avait été déférée. Il en a été de même pour les « grands ensembles et quartiers d'habitat dégradés » définis en application de l'article 26 de la loi n° 91-662 du 13 juillet 1991 d'orientation sur la ville, définition intégralement reprise par l'article 52 de la présente loi d'orientation.
Il est à noter par ailleurs que la loi déférée va beaucoup plus loin que par le passé dans la définition donnée à l'article 1465 du code général des impôts, instaurant l'exonération de taxe professionnelle. Jusqu'à présent, ce texte ne visait que les « zones définies par l'autorité compétente où l'aménagement du territoire le rend utile », énoncé beaucoup plus imprécis que celui désormais retenu. Pour la première fois, le législateur a entendu préciser cette notion en renvoyant aux zones éligibles à la PAT, caractérisées notamment par leur faible niveau de développement économique et par l'insuffisance du tissu industriel ou tertiaire, et aux territoires ruraux de développement prioritaire, qui recouvrent les zones défavorisées caractérisées notamment par leur faible niveau de développement économique. Il a, au surplus, disposé (article 46) qu'un décret serait nécessaire, ce qui n'était pas le cas dans l'état actuel de la législation.
Comme le soulignent les requérants eux-mêmes, les zones de revitalisation rurale sont, quant à elles, définies, à l'aide de critères quantitatifs, à l'article 52 de la loi.
Les zones urbaines sont définies au I et au I bis de l'article 1466 A du code général des impôts. Le I fait partie de la législation existante. La délimitation est celle effectuée par le décret n° 93-503 du 5 février 1993 dont la base légale est la loi d'orientation sur la ville. Le I bis est introduit par le paragraphe II de l'article 52 qui permet une énumération tout à fait précise des quartiers urbains considérés grâce à la référence à l'article L 234-12 du code des communes.
2 ° Sur la prétendue violation du principe d'égalité
Le Conseil constitutionnel considère que : « le principe, s'il implique qu'à des situations semblables il soit fait application de règles semblables, n'interdit aucunement qu'à des situations différentes soient appliquées des règles différentes » (décision n° 79-112 DC du 9 janvier 1980).
En l'espèce, toutes les entreprises situées dans les mêmes zones seront dans la même situation au regard de la législation fiscale.
Le Conseil a également admis que : « Le principe d'égalité ne fait pas obstacle à ce que le législateur édicte, par l'octroi d'avantages fiscaux, des mesures d'incitation » (84-184 DC du 29 décembre 1984).
En ce qui concerne plus particulièrement les différences qui résulteront de la nouvelle législation, et qui pourrait constituer, aux yeux des requérants, une atteinte au principe de juste répartition des charges publiques, il a été jugé depuis 1986 à de nombreuses reprises qu'il était possible de déroger au principe d'égalité dans l'intérêt général.
Ainsi, le Conseil constitutionnel a-t-il admis que l'aménagement du territoire constitue un but d'intérêt général qui peut justifier des différences de traitement notamment lors de :
: la création d'une taxe annuelle sur les locaux à usage de bureau dans la seule région Ile-de-France (89-270 DC du 29 décembre 1989) ;
: l'institution d'un mécanisme de solidarité financière intercommunale propre à la seule région Ile-de-France (91-291 DC du 6 mai 1991).
3 ° En ce qui concerne le principe de libre administration des collectivités locales
Si, en vertu de l'article 72 de la Constitution, « les collectivités territoriales s'administrent librement par des conseils élus », le même texte précise que chacune d'elles le fait « dans les conditions prévues par la loi ».
L'article 34 de la Constitution prévoit ainsi que la loi détermine les principes fondamentaux « de la libre administration des collectivités locales, de leurs compétences et de leurs ressources ».
Le Conseil constitutionnel a précisé dans sa jurisprudence que : « dans l'exercice de sa compétence en matière fiscale, le législateur n'est pas tenu de laisser à chaque collectivité territoriale la possibilité de déterminer seule le montant de ses impôts locaux » (n° 91-291 DC du 6 mai 1991), la limite fixée par le Conseil à ce principe étant que les règles édictées par le législateur « ne doivent pas avoir pour effet de restreindre les ressources fiscales des collectivités territoriales au point d'entraver leur libre administration » (n° 91-298 DC du 24 juillet 1991).
Tel n'est pas le cas en l'espèce. La perte de ressources des collectivités locales fait en effet l'objet d'une compensation toutes les fois que des exonérations sont prévues de façon obligatoire.
Sur l'article 52 :
Les auteurs du recours soutiennent qu'en prévoyant que les exonérations de taxe professionnelle sont de plein droit sauf délibération contraire des collectivités locales, la loi inverse les mécanismes traditionnels d'exonération et porte de ce fait atteinte à la libre administration des collectivités locales. Elle dessaisirait les élus du pouvoir d'exonérer en présumant une absence de décision de leur part.
Il sera en premier lieu fait observer qu'il existe déjà, en ce qui concerne la taxe foncière sur les propriétés bâties, un mécanisme qui subordonne l'absence d'exonération à une décision de la commune ou du groupement de communes.
En effet, l'article 1383 du code général des impôts dispose que les constructions nouvelles, reconstructions et additions de construction sont exonérées des parts régionale, départementale et communale de la taxe foncière sur les propriétés bâties durant les deux années qui suivent leur achèvement.
En ce qui concerne les locaux à usage d'habitation, la commune ou le groupement de communes peut décider, sur délibération, pour la part qui lui revient et pour les immeubles achevés à compter du 1er janvier 1992 :
: soit de supprimer cette exonération ;
: soit de la limiter aux seuls logements financés par des prêts aidés par l'Etat ou conventionnés.
On soulignera en second lieu que les dispositions de l'article 52 ne réduiront nullement les ressources des collectivités territoriales, l'exonération prévue faisant l'objet d'une compensation complète par l'Etat.
Pas davantage ne peut-il être soutenu que la mise en uvre du mécanisme d'exonération fiscale prévue à l'article 52 « repose sur la négation du pouvoir fiscal des collectivités territoriales, le droit commun devenant que le législateur se substitue à elles pour décider de l'exonération ».
En effet, d'une part, il ne ressort d'aucune disposition constitutionnelle qu'il existerait un quelconque « pouvoir fiscal local » dont les élus locaux seraient indûment dessaisis par la présente loi. L'Etat étant unitaire, le législateur reste seul compétent pour définir les règles d'assiette des impositions de toutes natures.
D'autre part, la loi laisse aux collectivités locales la liberté d'octroyer ou non l'exonération puisque celle-ci interviendrait de plein droit « sauf délibération contraire de la collectivité locale ou du groupement de collectivités locales » (art 52).
Le choix du législateur se recommande de deux types de considérations :
: d'un point de vue pratique, il a considéré qu'il serait exceptionnel qu'une collectivité renonce à une telle exonération et, par souci d'efficacité, a donc prévu que l'exonération constituerait le droit commun et que seule la volonté de maintenir la taxe professionnelle à la charge des entreprises devrait être expresse ; une telle solution obéit au bon sens et paraît de nature à susciter beaucoup moins de difficultés que la solution inverse, qui exigerait des collectivités de ne pas oublier de voter l'exonération et de veiller à le faire dans des conditions régulières ;
: au plan du droit, la solution retenue est particulièrement respectueuse des compétences des collectivités locales. L'inversion de la charge de la preuve, qui caractérise le nouveau dispositif d'exonération, ménage l'entière liberté de choix des collectivités locales. Enfin, l'institution, pour les collectivités locales concernées, d'un mécanisme de compensation de ces exonérations garantit la neutralité financière du choix qui leur est ouvert, ce qui représente un notable progrès par comparaison avec la situation actuelle.
Sur l'article 63 :
Les auteurs du recours considèrent que l'inclusion obligatoire des contrats créés par l'article contesté dans les contrats de plan Etat régions serait une atteinte au principe de libre administration des collectivités locales. En effet, elle contraindrait les régions à contracter, même sans accord de leur part.
On relèvera que cette disposition a été introduite par le législateur par souci de parallélisme avec les dispositions, relatives aux contrats de ville, de la loi d'orientation sur la ville. L'action particulière et exceptionnelle en faveur des territoires ruraux les plus défavorisés n'est en effet pas plus dissociable du cadre d'intervention publique dont les contrats de plan Etat régions constituent la matrice. Le législateur entend préserver la cohérence de la planification au niveau régional.
Par ailleurs, la gravité des situations que peuvent connaître certaines zones fait l'objet de la même appréciation de la part de toutes les collectivités publiques concernées.
Les contrats Etat-régions apparaissent donc être le cadre approprié dans lequel de telles actions peuvent être préparées et conduites.
Il ne peut en aucun cas s'agir de déposséder les régions de leur pouvoir de négociation contractuelle :
: les régions restent libres de contracter ou non ces contrats particuliers ; ceux-ci constituent une faculté et non une contrainte.
Il n'y a en conséquence pas d'obligation de dépenses pour les régions :
: enfin, les engagements nouveaux que prendrait l'Etat ne viendraient pas en déduction de ses engagements avec la région au titre du contrat de plan.
Les contrats institués par l'article attaqué ne sauraient bien sûr ni modifier, ni contredire les contrats de plan Etat régions. Ils n'ont pas pour objet de stipuler pour autrui et ne dérogent pas au principe de l'effet relatif des contrats.
L'article 63 ne porte donc pas atteinte au pouvoir des régions, ni dans leur liberté contractuelle, ni dans leur autonomie de négociation, ni dans les choix financiers qu'elles ont faits. Au contraire, la disposition incriminée garantit aux régions que les orientations définies et mises en uvre dans le cadre des contrats de plan ne sont pas contrariées par des contrats particuliers de l'Etat avec d'autres collectivités territoriales.
Sur l'article 78 :
Selon les requérants, le II de l'article 78 serait contraire à un principe de représentation des communes au sein des organismes de coopération intercommunale et constituerait par ailleurs un cavalier législatif.
1 ° L'extension du dispositif de l'article L 163-5 du code des communes aux communautés de communes, prévue par le II de l'article 78 de la loi, n'est pas contestée dans son principe.
Ne l'est que la modalité selon laquelle le conseil municipal peut choisir, pour représenter la commune au sein du conseil de la communauté, ses délégués « parmi les citoyens éligibles au conseil municipal d'une des communes de la communauté de communes ».
Est en réalité contesté le fait qu'une commune pourrait se trouver représentée par un citoyen éligible dans une autre commune.
On notera cependant que le périmètre géographique retenu par le législateur épouse les limites territoriales du groupement.
Le législateur a, en effet, fait prévaloir une logique intercommunale, estimant que, pour la gestion des compétences transférées à la communauté de communes et exercées sur l'ensemble de son territoire, il n'y avait pas de raison de limiter au ressort territorial communal les conditions de capacité à être éligible au conseil de communauté.
Il étend à cet effet aux communautés de communes la disposition prévue à l'article L 163-5 du code des communes pour la représentation des communes aux conseils des syndicats, représentation qui peut être assurée par toute personne réunissant les conditions requises pour faire partie d'un conseil municipal.
On notera en outre que la loi prévoit déjà la possibilité que les délégués des communes au conseil d'un établissement public de coopération intercommunale (EPCI) soient élus par l'ensemble des électeurs de l'établissement public de coopération intercommunale (art 12 de la loi du 13 juillet 1983 portant modification de statut des agglomérations nouvelles).
L'article 78 de la loi déférée permet d'assurer une représentation effective de la commune dans tous les organismes de coopération intercommunale dont elle est membre, qui peuvent être nombreux. Elle permet à la commune d'assurer sa représentation par un conseiller municipal en exercice ou par un citoyen particulièrement compétent dans le domaine considéré.
Un tel choix ne paraît ni contestable en soi, ni heurter aucun principe constitutionnel.
2 ° S'agissant du grief tiré de ce que la disposition contestée constituerait un « cavalier » législatif, on observera :
: en premier lieu, que les communautés de communes, qui ont pour seules compétences obligatoires l'aménagement de l'espace et le développement du territoire, ont toujours été entendues comme un instrument d'aménagement du territoire. Il suffit de se reporter aux débats parlementaires de la loi du 6 février 1992 pour s'en convaincre. Les quelque 800 établissements publics de coopération intercommunale existants (dont 500 communautés de communes qui se sont créées en moins de deux ans) montrent, s'il en était besoin, que la coopération intercommunale constitue, pour les élus communaux, un instrument privilégié d'aménagement du territoire ;
: en deuxième lieu, que le chapitre II du titre V, dans lequel figure l'article 78, paragraphe II, s'est intitulé plus justement, jusqu'à l'avant-dernière lecture « Des collectivités territoriales et du développement local », avant que la commission mixte paritaire ne limite son intitulé à « Du développement local » ;
: en troisième lieu, que figurent déjà dans la loi de nombreuses dispositions relatives aux collectivités locales (art 1, 2, 3, 4, 6, 7, 9, 22, 27, 28, 40, 49, 52, 65, 66, 67, 68, 69, 70, 71, 73, 74, 75, 77, 78, 81, 82, 83, 84, 85 et 88).
Sur l'article 80 :
Les députés auteurs de la saisine articulent à l'encontre de cet article les trois griefs suivants :
: l'objet de l'article serait de pure convenance politique et son champ d'application se limiterait à la communauté urbaine de Lille ;
: il porterait atteinte au principe d'équilibre démographique ;
: il constituerait un cavalier législatif.
Ces affirmations appellent les réponses suivantes :
1 ° La disposition incriminée prévoit que toutes les communes doivent être représentées au sein du conseil de la communauté urbaine dont elles sont membres, par au moins un délégué. En conséquence, le mode de calcul et le nombre total de délégués sont modifiés, cependant qu'est supprimée la possibilité pour les communes de modifier à l'amiable (ce que l'on appelait, sous la législation antérieure, « le pacte communautaire ») le nombre de représentants de chaque commune.
Il va de soi que la disposition incriminée s'applique à toutes les communautés urbaines et a une incidence sur l'équilibre interne du conseil de chacune d'entre elles, soit en y introduisant les plus petites communes (cas de Lille), soit en supprimant la possibilité du pacte communautaire (qui a joué de façon sensible à Lyon, Bordeaux et Cherbourg).
La portée générale de cette disposition fait justice du premier grief.
2 ° L'introduction d'une représentation minimale des petites communes par un délégué ne conduit pas à une modification de l'équilibre démographique telle qu'elle puisse être censurée par le Conseil constitutionnel.
En premier lieu, une fois attribué un siège aux communes qui ne rempliraient pas la condition de quotient de population nécessaire pour participer à la répartition générale des sièges en fonction de la population, le principe qui s'applique est bien celui de la répartition des sièges en fonction de la population, calculé selon le mécanisme de la répartition proportionnelle avec application de la règle de la plus forte moyenne (art L 165-25 nouveau).
Le principe de base n'est donc en rien altéré.
En second lieu, le législateur a pris la précaution d'augmenter le nombre total de délégués (qui peut aller désormais jusqu'à 155), limitant le transfert de sièges des grandes vers les petites communes. Il n'y aura donc pas de « majorité automatique » en faveur des communes rurales et résidentielles au sein d'un Conseil de communauté.
Rappelons que le principe de représentation des petites communes par au moins un délégué prévaut déjà dans les syndicats de communes, les communautés de communes et les communautés de villes (art L 163-5, L 167-2 et L 168-3 du code des communes).
3 ° Pour les motifs déjà exposés à propos de l'article 78, l'article 80 ne saurait être regardé comme un cavalier législatif.
Sur l'article 83 :
Les requérants articulent à l'encontre de cet article les griefs suivants :
: incompatibilité avec le principe de souveraineté nationale ;
: atteinte au principe de libre administration des collectivités locales ;
: incompatibilité avec le principe selon lequel seule la loi française peut régir la libre administration des collectivités territoriales françaises ;
: incompétence négative.
On rappellera que, le 15 mai 1984, la France a ratifié la convention cadre européenne sur la coopération transfrontalière des collectivités ou autorités territoriales ouverte à la signature le 21 mai 1980 à Madrid sous l'égide du Conseil de l'Europe. Aux termes de cette convention, chaque partie contractante « s'engage à faciliter et à promouvoir la coopération transfrontalière entre les collectivités ou autorités territoriales relevant de sa juridiction et les collectivités ou autorités territoriales relevant de la compétence d'autres parties contractantes ».
La coopération décentralisée, qui autorise les collectivités territoriales à passer des conventions avec des collectivités territoriales étrangères sans distinction géographique, est instituée par le titre IV de la loi du 6 février 1992 relative à l'administration territoriale de la République. L'article 83 ici déféré insère dans la loi précitée une modalité particulière de la coopération décentralisée qui concerne exclusivement la coopération transfrontalière.
1 ° En ce qui concerne la compatibilité d'une telle disposition avec le principe de souveraineté nationale, le législateur a estimé que, dès lors que les collectivités locales respectent leurs domaines de compétence et qu'elles ne contredisent pas, par leur action, les engagements internationaux de la France, elles ont la liberté de passer des conventions avec les collectivités territoriales étrangères. Cette capacité s'exerce dans les conditions définies par la législation interne. Elle ne confère pas aux collectivités territoriales une personnalité juridique internationale qui leur permette d'exercer une souveraineté au sens du droit international.
L'article 83 précise d'ailleurs que les collectivités locales ne sont pas habilitées à passer convention avec un Etat étranger.
On soulignera enfin que cet article concerne une forme de coopération décentralisée précisément circonscrite sur le plan géographique (la coopération transfrontalière avec les collectivités territoriales des Etats européens voisins) et dans son objet (l'exploitation d'un service public ou d'un équipement local d'intérêt commun), ce qui exclut tout risque de mise en cause de la souveraineté nationale.
2 ° Sur la prétendue atteinte à la libre administration des collectivités locales.
On rappellera que la loi du 6 février 1992 a autorisé des organismes français regroupant des collectivités locales (les sociétés d'économie mixtes locales et les groupements d'intérêt public) à comporter des collectivités locales étrangères.
L'article 83 permet à des collectivités locales françaises de participer à des organismes étrangers de ce type. Bien qu'ayant circonscrit le cadre géographique et l'objet de ces participations, le législateur a estimé qu'il appartient à l'Etat de vérifier que ces participations à des organismes régis par le droit étranger ne sont pas contraires aux conditions de la législation interne.
Aussi ces participations doivent-elles être préalablement autorisées par décret en Conseil d'Etat, car elles peuvent comporter des engagements financiers durables des collectivités locales et, dans des circonstances extrêmes, mettre en cause la responsabilité internationale de la France. Il n'y a pas ici atteinte au principe de libre administration des collectivités locales, mais, au contraire, extension du cadre légal dans lequel les collectivités locales peuvent exercer leurs compétences. Au surplus, il convient de souligner que cette procédure d'autorisation par décret en Conseil d'Etat aux prises de participation des collectivités locales au capital de personnes morales de droit étranger est calquée sur celle qui s'applique déjà aux prises de participation de ces collectivités au capital de sociétés privées.
3 ° Sur la prétendue soumission des collectivités locales au droit étranger.
La participation des collectivités locales françaises à des organismes de collectivités locales étrangers est subordonnée, d'une part, à une autorisation par décret en Conseil d'Etat, d'autre part, à la passation d'une convention de coopération transfrontalière entre les collectivités françaises et étrangères membres de l'organisme de droit étranger. L'ensemble de ces actes préalables à la passation de la convention est exclusivement soumis aux conditions de la loi interne et les décisions prises en application de ces actes par les collectivités territoriales françaises sont également soumises à ces conditions, ainsi que l'a rappelé avec netteté le Conseil d'Etat dans un avis au Gouvernement le 25 octobre 1994. Sous cette réserve, il appartient aux collectivités territoriales de définir le régime juridique de leurs accords. L'article 83 n'organise donc en aucun cas une soumission de collectivités territoriales françaises à des dispositions de droit étranger. Il autorise celles-ci à s'engager dans un cadre conventionnel et, compte tenu du régime juridique choisi pour leurs accords, dans une participation à un organisme régi par le droit étranger. C'est l'organisme de coopération et non la collectivité territoriale française qui est soumis à ce droit.
4 ° Sur le grief d'incompétence négative.
La loi prévoit de façon claire et explicite les conditions de la participation des collectivités territoriales françaises à des organismes de droit étranger. Ainsi, les collectivités territoriales doivent limiter de manière exclusive ces organismes à l'exploitation de services publics locaux d'intérêt commun ou d'équipements publics locaux d'intérêt commun. A cette occasion elles doivent rester dans leur domaine de compétence et respecter les engagements internationaux de la France. L'ensemble des collectivités locales françaises ne peut intervenir pour plus de 50 p 100 du capital ou des frais de fonctionnement de l'organisme étranger (dans le cas contraire, rien ne justifierait que l'organisme ne soit pas de droit français). L'article 83 précise également les principaux éléments du dispositif conventionnel en indiquant que celui-ci doit fixer les modalités financières et institutionnelles de cette participation, la durée et les modalités de contrôle. Il impose également la production d'un rapport d'activité et d'un compte certifié qui seront annexés au budget des collectivités territoriales intéressées. Il est donc erroné d'affirmer que la loi n'est pas suffisamment précise sur les conditions dans lesquelles l'autorisation peut être délivrée par le Gouvernement.
Les arguments présentés par le recours mettent en réalité en cause les efforts déployés depuis plusieurs années, y compris sous la législature précédente, pour définir un cadre légal de la coopération décentralisée, notamment dans l'environnement européen. Les dispositions de l'article 83 ne visent rien de moins que permettre à des collectivités frontalières en Europe de développer, dans un cadre juridique harmonieux, sans déroger en rien à la législation interne, des services publics locaux de qualité, qu'il s'agisse de réseaux de transports, de protection de l'environnement et d'harmonisation des décisions d'aménagement. Cette avancée dans la définition d'un droit de la coopération transfrontalière prend tout son sens au moment où la France assume la présidence de l'Union européenne.