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Décision n° 94-342 DC du 7 juillet 1994 - Saisine par 60 sénateurs

Loi relative aux modalités de l'exercice par l'État de ses pouvoirs de contrôle en mer
Conformité

SAISINE SENATEURS
Conformément au deuxième alinéa de l'article 61 de la Constitution, les sénateurs soussignés ont l'honneur de déférer au Conseil constitutionnel l'ensemble de la loi relative aux modalités de l'exercice par l'Etat de ses pouvoirs de contrôle en mer.
La loi n'ayant pas été adoptée selon la procédure requise par la Constitution est contraire à la Constitution.
L'article 74 de la Constitution dispose que « les territoires d'outre-mer de la République ont une organisation particulière tenant compte de leurs intérêts propres dans l'ensemble des intérêts de la République. () Les autres modalités de leur organisation particulière sont définies et modifiées par la loi après consultation de l'assemblée territoriale intéressée ».
Si l'avis n'est pas obligatoirement requis avant le dépôt du texte devant le Parlement (CC décision n° 85-196 du 8 août 1985), il doit l'être avant que l'assemblée ne se prononce sur le texte comme l'a décidé le conseil dans cette même décision.
Dans le cas présent, l'Assemblée nationale a examiné le projet de loi le 3 mai 1994 alors que le territoire de Polynésie française n'a été consulté que le 27 mai 1994.
L'avis du territoire n'a donc pas été émis en temps utile, cet avis n'ayant pas été transmis à l'Assemblée nationale avant son examen.
L'assemblée territoriale donnera d'ailleurs un avis défavorable le 9 juin 1994 « compte tenu de la violation des règles constitutionnelles ».
Ainsi, la loi a été adoptée en méconnaissance de l'article 74 de la Constitution. L'assemblée territoriale de Polynésie française n'ayant pas été consultée en temps utile pour la bonne information du Parlement, comme l'exige l'article 74 de la Constitution, doit être reconnue inconstitutionnelle, tout du moins les dispositions tendant à son extension aux territoires d'outre-mer.
La procédure de consultation était pourtant obligatoire.
Si le Gouvernement invoque le caractère non obligatoire de cet avis, le contenu du texte exigeait une consultation de l'assemblée territoriale.
Le statut de la Polynésie française de 1984 reconnaît au territoire une compétence de droit commun. Le territoire est notamment compétent en matière fiscale d'une manière générale et douanière en particulier. L'Etat n'est compétent que pour des sujets précis déterminés à l'article 3 de la loi n° 84-820 du 6 septembre 1984, modifiée par la loi n° 90-612 du 12 juillet 1990, portant statut du territoire de la Polynésie française. Le projet de loi en question n'est pas relatif aux domaines déterminés comme relevant expressément de l'Etat. Le maintien de l'ordre ni la sécurité civile ne peuvent être considérés comme couvrant le domaine envisagé par le texte.
L'article 3 du statut de la Polynésie française dispose dans son dernier alinéa que " L'Etat exerce ses droits de souveraineté et de propriété sur son domaine public et privé, terrestre, maritime ou aérien. Sous réserve des engagements internationaux et des dispositions prises pour leur application, l'Etat concède au territoire, dans les conditions prévues par un cahier des charges approuvé par décret en Conseil d'Etat, pris après avis de l'assemblée territoriale, l'exercice de compétences en matière d'exploitation de ressources naturelles, biologiques ou non biologiques, du fond de mer, de son sous-sol et des eaux surjacentes. La concession est donc une exigence depuis 1984.
En outre la décision du 25 juillet 1991 relative à l'association des PTOM à la Communauté européenne permet de considérer comme originaires des PTOM (dont la Polynésie française) : les produits minéraux extraits de leur sol et de leurs fonds de mer ou d'océan.
D'autre part, le PTOM peut affréter des navires de pays tiers pour des activités de pêche dans sa zone économique exclusive. Enfin, il est précisé que les termes « PTOM » couvrent également les eaux territoriales (cf annexe II, titre V, article 2, de la décision d'association [Journal officiel des communautés européennes du 19 septembre 1991]).
Dans la mesure où est employé le style personnel (« sa zone économique exclusive »), les territoires bénéficient à tout le moins de l'usufruit et sont compétents pour ces domaines.
La loi concerne donc bien l'organisation des TOM Il devrait préciser que le territoire est bénéficiaire des amendes et des saisies effectuées, et que toute formule transactionnelle doit l'être en sa présence et avec son accord.
Dans ces conditions, la non-consultation dans les délais nécessaires de l'assemblée territoriale rend la procédure anticonstitutionnelle.
Quant à l'argument selon lequel il s'agirait d'une loi de souveraineté, il tombe de lui-même dans la mesure où l'article 9 précise que la présente loi sera applicable aux TOM En effet, il a toujours été affirmé qu'une loi de souveraineté s'appliquait en tant que telle à l'ensemble du territoire français sans qu'une telle mention soit nécessaire. Il faut également souligner à ce titre que le haut-commissaire de Polynésie française a saisi l'assemblée territoriale sur la base de l'article 74 de la Constitution.
Cette consultation était donc exigée par l'article précité. Mais, si elle a eu lieu, elle n'a pas été faite dans les conditions requises. Le projet de loi doit donc être reconnu inconstitutionnel ou tout du moins l'article étendant son application aux TOM.