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Décision n° 91-300 DC du 20 novembre 1991 - Saisine par 60 députés

Loi portant règlement définitif du budget de 1989
Conformité

SAISINE DEPUTES
Les députés soussignés,
Considérant que, conformément aux dispositions de l'article 35 de l'ordonnance du 2 janvier 1959, le projet de loi de règlement adopté définitivement par le Sénat le 9 octobre 1991 établit le compte de résultat de l'année 1989 en distinguant, en son article 7, le résultat du budget général, compte tenu du montant définitif des dépenses du titre I Dette publique arrêté à l'article 3, et, en son article 11, le solde des pertes et profits sur opérations de trésorerie ; que la constitutionnalité de la loi de règlement s'apprécie, en ce qui procède à des constatations, au regard des seules règles de valeur constitutionnelle qui définissent son contenu et qui figurent dans les articles 2 et 35 de l'ordonnance du 2 janvier 1959, comme l'a rappelé le Conseil constitutionnel dans sa décision n° 85-202 du 16 janvier 1986 ; que le respect de la distinction entre déficit du budget général et pertes résultant de la gestion de trésorerie, distinction prévue aux alinéas a et c de l'article 35 de l'ordonnance précitée, fait ainsi partie des dispositions de la loi de règlement qui font l'objet du contrôle de constitutionnalité ;
Considérant que les pertes diverses sur emprunts figurant à l'article 11 du projet de loi de règlement comprennent une charge que le rapport de la Cour des comptes, annexé à ce projet conformément à l'article 36 de l'ordonnance du 2 janvier 1959 (page 108), a évaluée à 13 776 millions de francs et dont il reconnaît le caractère budgétaire ; que cette charge correspond en effet au montant des intérêts courus dans la valeur des obligations renouvelables du Trésor admises directement en souscription d'obligations assimilables du Trésor ; que les auteurs de la saisine ne contestent pas la régularité de cette opération de conversion effectuée dans le cadre de l'autorisation particulière donnée au ministre de l'économie et des finances par le décret n° 88-935 du 30 septembre 1988 et de l'autorisation générale à lui accordée par l'article 44 de la loi de finances pour 1989 ; qu'en revanche, comme le relève la Cour des comptes, « l'opération qui consiste à admettre simultanément capital et intérêts en une seule souscription comptabilisée totalement en opération de trésorerie a pour conséquence de ne pas faire apparaître en dépense budgétaire les intérêts échus », alors que la charge de la dette figure parmi les charges permanentes de l'Etat conformément aux dispositions de l'article 6 de l'ordonnance de janvier 1959 ; qu'il appartenait donc au Gouvernement de déterminer le montant certain des intérêts courus des obligations renouvelables du Trésor, depuis la date de leur émission jusqu'à celle, postérieure de plusieurs années, de leur échange ; qu'en effet le paiement des intérêts des obligations renouvelables du Trésor ne s'effectue pas annuellement mais seulement à la date de leur remboursement ou de leur échange ;
Considérant que, selon la décision précitée du Conseil constitutionnel, les textes à valeur constitutionnelle relatifs à la loi de règlement ont pour objet de permettre au Parlement d'exercer sur l'exécution du budget le contrôle politique qui lui appartient ; que ce contrôle politique porte manifestement sur la constatation du déficit du budget général visé au a de l'article 35 de l'ordonnance du 2 janvier 1959 et sur la constatation de la différence entre les résultats et les prévisions de la loi de finances qu'il a à approuver en vertu de l'article 2 de la même ordonnance ; qu'il convenait de présenter à l'article 7 du projet de loi de règlement un déficit de 99 milliards de francs, compte tenu du montant des intérêts des obligations renouvelables du Trésor converties, et non de 85,7 milliards de francs ; que la minoration d'environ 13 milliards de francs de ce déficit dans le projet de loi de règlement du budget de 1989 présenté par le Gouvernement n'a pas permis au Parlement d'exercer sur l'exécution du budget le contrôle politique qui lui appartient ;
Considérant qu'en tant qu'elle comporte des mesures relatives à des ajustements de crédit par rapport aux prévisions de la loi de finances la loi de règlement correspond, ainsi que l'a précisé le Conseil constitutionnel dans sa décision précitée, à l'exercice du pouvoir général de décision qui appartient au Parlement en matière financière ; que l'article 3 du projet de loi de règlement du budget de 1989 non seulement constate mais aussi approuve les ajustements de crédit, de nature évaluative, de la charge de la dette ; que la non-incorporation dans celle-ci des intérêts courus pendant plusieurs années des obligations renouvelables du Trésor admises à l'échange aboutit à priver le Parlement de son pouvoir général de décision en matière financière en violation de l'article 34 de la Constitution ; que la généralisation de la pratique de la conversion avant échéance des obligations du Trésor sans inscription concomittante des intérêts courus pendant une période supérieure à l'année dans la charge de la dette conduirait à la limite à priver le Parlement de son pouvoir d'autorisation budgétaire en matière de charge de la dette, demandent au Conseil constitutionnel d'annuler les articles 1er, 3, 7, 11 et 14 du projet de loi de règlement du budget de 1989.