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Décision n° 91-296 DC du 29 juillet 1991 - Saisine par 60 sénateurs

Loi portant diverses mesures d'ordre social
Conformité

SAISINE SENATEURS
Les sénateurs soussignés, Sur les procédures définies par les articles 1er à 7 du projet de loi portant diverses mesures d'ordre social, adopté définitivement par l'Assemblée nationale le samedi 29 juin 1991 :
Considérant que le régime conventionnel actuellement applicable aux professions de santé repose sur quelques règles simples, inspirées de celles qui s'appliquent aux relations collectives du travail, aux termes desquelles une convention de portée pluriannuelle est conclue, entre une ou plusieurs organisations syndicales reconnues représentatives, au plan national, desdites professions et les organismes d'assurance maladie, dont l'objet est de définir les rapports entre les parties signataires et qui peut être complétée par des avenants et, notamment, par des avenants tarifaires de portée, le plus souvent, annuelle ;
Considérant que la convention et ses avenants n'entrent en vigueur qu'après avoir reçu l'agrément ministériel et qu'en cas d'absence d'avenant ou de convention ou de refus d'agrément de l'avenant, il appartient au pouvoir réglementaire d'arrêter les tarifs ;
Considérant qu'en conséquence le fait, pour une organisation signataire de la convention, de ne pas signer l'avenant tarifaire n'entraîne pas son retrait de la convention et le fait, pour le pouvoir réglementaire, de refuser d'approuver l'avenant conclu entre les parties signataires n'est d'aucun effet sur l'application de l'acte conventionnel ;
Considérant dès lors que, si le régime conventionnel actuel est fondé sur des actes de portée réglementaire, il n'en respecte pas moins le droit de négociation et le pluralisme des organisations syndicales représentatives des professions de santé ainsi que le rôle joué par les partenaires sociaux dans la gestion de l'assurance maladie ;
Considérant que le texte soumis à l'examen du conseil pose des règles nouvelles, aux termes desquelles un accord tarifaire national, dont l'objet est de définir annuellement le montant total des dépenses mises à la charge de l'assurance maladie, est conclu entre l'Etat, les organismes d'assurance maladie et une ou plusieurs organisations syndicales représentatives des professions concernées et que seules la ou les organisations signataires de cet accord peuvent participer pleinement à la négociation de la convention qui les lie auxdits organismes d'assurance maladie ;
Considérant en outre que ces organisations ne participent à la négociation conventionnelle qu'au sein d'un comité professionnel où elles ne semblent pouvoir agir que collectivement, notamment pour décider d'accorder une « représentation minoritaire » aux organisations non signataires de l'accord national annuel ;
Considérant qu'ainsi les organisations qui n'acceptent pas de signer l'accord tarifaire annuel, tripartite, ne peuvent participer pleinement ou sont tenues de se retirer de la négociation conventionnelle, bipartite et pluriannuelle, l'Etat conservant pourtant, en matière tarifaire, son pouvoir de substitution, qu'il s'applique à l'accord tripartite annuel ou à l'annexe à la convention qui fixe les règles de répartition du montant total des dépenses d'assurance maladie autorisé par ledit accord ;
Considérant qu'au-delà des particularités juridiques contestables qu'elles comportent ou des difficultés d'application qu'elles ne manqueront pas de soulever, de telles procédures peuvent avoir pour effet de faire disparaître toute négociation conventionnelle et tendent à revenir sur les garanties fondamentales offertes, par la législation en vigueur, à la fois aux professions de santé et aux partenaires sociaux, et notamment le respect du droit syndical, reconnu par la Constitution, en ce qu'il fonde les prérogatives des organisations syndicales ;
Considérant ainsi que ces dispositions nouvelles remettent en cause des garanties conformes aux exigences constitutionnelles sans les remplacer par des garanties équivalentes ;
Considérant par surcroît que ces dispositions, parce qu'elles remettent en cause la négociation conventionnelle, risquent à la fois de compromettre la réussite de la politique de maîtrise des dépenses de santé et les nécessaires évolutions des professions concernées et menacent ainsi, au bout du compte, l'intérêt du malade et donc, le droit à la protection de la santé, reconnu par le préambule de la Constitution ;
Sur les modalités de mise en uvre des articles 1er à 7 :
Considérant que ces dispositions ont notamment pour objet de dispenser l'assuré de l'avance de ses frais pour la part garantie par les régimes d'assurance maladie, afin de faire varier, sur cette part, la rémunération des laboratoires d'analyse médicale et des établissements de soins privés, en fonction de leur niveau d'activité, tandis que la part laissée à la charge dudit assuré est calculée sur une base tarifaire annuelle et invariable ;
Considérant que, pour un même acte, la part laissée, par la réglementation de la sécurité sociale, à la charge de l'assuré, peut varier en fonction de sa situation personnelle ;
Considérant ainsi qu'en violation flagrante du principe d'égalité et sans que cette violation soit justifiée par les impératifs financiers légitimes qui fondent le dispositif incriminé, la rémunération d'un même acte peut donc dépendre du seul niveau de protection sociale de l'assuré ;
Considérant en outre que les dispositions du dernier alinéa du texte proposé par l'article 3 pour l'article L 162-14-2 du code de la sécurité sociale violent le même principe en ce qu'elles permettent de faire varier la valeur des actes en fonction des « caractéristiques » des laboratoires sans que la nature de ces caractéristiques soit définie précisément par le législateur, à qui seul appartient cette compétence ;
Pour l'ensemble de ces motifs :
Considérant ainsi que les motifs de procédure et de fond invoqués ne permettent pas de séparer des autres, les dispositions qui leur paraissent contraires à la Constitution, demandent au Conseil constitutionnel d'annuler les articles 1er à 7 du projet de loi portant diverses mesures d'ordre social.