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Décision n° 87-239 DC du 30 décembre 1987 - Saisine par 60 députés

Loi de finances rectificative pour 1987
Non conformité partielle

SAISINE DEPUTES Monsieur le président, Messieurs les conseillers,
Conformément au deuxième alinéa de l'article 61 de la Constitution, nous avons l'honneur de déférer au Conseil constitutionnel la loi de finances rectificative pour 1987 telle qu'elle a été définitivement adoptée par le Parlement.
Sur l'article 12 A (nouveau)
Cet article, qui modifie les troisième et quatrième alinéas de l'article 1600 du code général des impôts, donne à l'assemblée générale de chaque chambre de commerce et d'industrie le pouvoir de fixer annuellement le montant de la taxe additionnelle à la taxe professionnelle pour frais de chambre de commerce et d'industrie.
Jusqu'à présent, et, semble-t-il, depuis la loi du 9 avril 1898, le montant de cette taxe était fixé par décret. Le fait de transférer ce pouvoir aux chambres concernées introduit une innovation constitutionnelle très critiquable.
Le principe du consentement à l'impôt, proclamé dès l'article 14 de la Déclaration des droits de l'homme de 1789, a pour conséquence logique de réserver au Parlement la faculté de fixer les règles relatives à l'assiette, au taux et aux modalités de recouvrement des impositions de toutes natures.
Cette règle ne connait à ce jour que deux aménagements. Le premier concerne les attributions reconnues au gouvernement, notamment en matière de taxes parafiscales. Mais outre que ces dernières sont expressément mentionnées par l'ordonnance du 2 janvier 1959 relative aux lois de finances, chacune des décisions de caractère réglementaire qui sont prises dans le domaine fiscal est soit encadrée par la loi, soit contrôlée par elle à l'occasion de l'autorisation de perception.
Le second aménagement est celui qui profite aux collectivités territoriales. Mais d'une part, les organes compétents de celles-ci sont issues du suffrage universel, d'autre part et surtout la reconnaissance de ce pouvoir fiscal est le corollaire nécessaire du principe constitutionnel de libre administration de ces collectivités.
A l'évidence, les chambres de commerce et d'industrie ne présentent aucune de ces caractéristiques. Leur assemblée générale n'est pas issue du suffrage universel, le taux qu'elles pourraient fixer ne serait pas encadré par la loi ni contrôlé par elle et, enfin, aucun principe constitutionnel ne justifie qu'elles soient dotées de ce pouvoir fiscal assez particulier pour avoir été une des causes et, à travers l'article 14 précité, une des manifestations de la Révolution française.
Certes, on sera tenté d'objecter que les chambres de commerce sont réputées représenter l'ensemble de ceux qui sont assujettis à la taxe dont elles fixeraient le montant. Mais cette circonstance serait tout au plus atténuante et non absolutoire. Outre que l'article 34 de la Constitution mentionne les impositions de toutes natures, ce serait créer un précédent extrêmement grave que d'admettre que le pouvoir de fixer le montant d'une taxe puisse être délégué dès lors qu'il est confié aux représentants supposés des assujettis. On pourrait rapidement arriver à ce résultat dans lequel toute ressource affectée pourrait être déterminée par les affectataires, ce qui amputerait sans limite le pouvoir que le législateur tient de l'article 34 de la Constitution qui pourrait de la sorte être progressivement vidé d'une partie importante de sa substance.
En tout état de cause, donc la disposition déférée est contraire à la Constitution et devra être déclarée telle.
C'est pour l'ensemble de ces raisons que les députés soussignés ont l'honneur de vous demander, en application du deuxième alinéa de l'article 61 de la Constitution, de déclarer non conforme à celle-ci la loi qui vous est déférée.
Nous vous prions d'agréer, Monsieur le président, Messieurs les conseillers, l'expression de notre haute considération.