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Décision n° 84-184 DC du 29 décembre 1984 - Saisine par 60 sénateurs

Loi de finances pour 1985
Non conformité partielle

III : TROISIEME SAISINE SENATEURS
Conformément à l'article 61, alinéa 2, de la Constitution, les sénateurs soussignés défèrent à l'examen du Conseil constitutionnel l'article 88 de la loi de finances pour 1985 intitulé « Dispositions relatives à l'enseignement » pour les raisons ci-après : L'article 47 de la Constitution dispose : « Le Parlement vote les projets de loi de finances dans les conditions prévues par une loi organique ».
L'ordonnance n° 59-2 du 2 janvier 1959 portant loi organique relative aux lois de finances, modifiée par la loi organique n° 71-474 du 22 juin 1971, dispose en son article 31 : « Le projet de loi de finances de l'année comprend deux parties distinctes :
 »Dans la seconde partie, le projet de loi de finances de l'année fixe pour le budget général le montant global des crédits applicables aux services votés et arrête les dépenses applicables aux autorisations nouvelles par titre et par ministère ; il autorise, en distinguant les services votés des opérations nouvelles, les opérations des budgets annexes et les opérations des comptes spéciaux du Trésor par catégorie de comptes spéciaux et éventuellement par titre ; il regroupe l'ensemble des autorisations de programme assorties de leur échéancier ; il énonce enfin les dispositions diverses prévues à l'article 1er de la présente ordonnance en distinguant celles de ces dispositions qui ont un caractère annuel de celles qui ont un caractère permanent".
Quant à l'article 1er de ladite loi organique, il dispose : "Les lois de finances déterminent la nature, le montant et l'affectation des ressources et des charges de l'Etat, compte tenu d'un équilibre économique et financier qu'elles définissent.
Les dispositions législatives destinées à organiser l'information et le contrôle du Parlement sur la gestion des finances publiques ou à imposer aux agents des services publics des responsabilités pécuniaires sont contenues dans les lois de finances.
Les lois de finances peuvent également contenir toutes dispositions relatives à l'assiette, au taux et aux modalités de recouvrement des impositions de toute nature.
Lorsque des dispositions d'ordre législatif ou réglementaire doivent entraîner des charges nouvelles, aucun projet de loi ne peut être définitivement voté, aucun décret ne peut être signé, tant que ces charges n'ont pas été prévues, évaluées et autorisées dans les conditions fixées par la présente ordonnance.
Les créations et transformations d'emplois ne peuvent résulter que de dispositions prévues par une loi de finances.
Toutefois, des transformations d'emplois peuvent être opérées par décrets pris en conseil des ministres après avis du Conseil d'Etat.
Ces transformations d'emplois ainsi que les recrutements, les avancements et les modifications de rémunération ne peuvent être décidés s'ils sont de nature à provoquer un dépassement des crédits annuels préalablement ouverts.
Les plans approuvés par le Parlement, définissant des objectifs à long terme, ne peuvent donner lieu à des engagements de l'Etat que dans les limites déterminées par des autorisations de programmes votées dans les conditions fixées par la présente ordonnance. Les autorisations de programme peuvent être groupées dans les lois dites « lois de programme ».
II : L'article 88 de la loi de finances pour 1985 est contraire aux dispositions susmentionnées de l'article 47 de la Constitution et des articles 31 et 1er de l'ordonnance du 2 janvier 1959 portant loi organique relative aux lois de finances.
III : En effet, le paragraphe I de l'article 88 indique que « le montant des crédits affectés à la rémunération des personnels enseignants des classes faisant l'objet d'un des contrats prévus aux articles 4 et 5 de la loi n° 59-1557 du 31 décembre 1959 modifiée, au titre de leurs tâches d'enseignement, est déterminé chaque année par la loi de finances » et précise qu'« aucun nouveau contrat ne peut être conclu que dans la limite des crédits » ainsi déterminés.
Le paragraphe II de l'article 88 définit les critères selon lesquels les crédits en cause seront « déterminés annuellement dans la loi de finances ».
Quant au paragraphe III de l'article 88, il autorise l'Etat, par dérogation à la loi n° 83-663 du 22 juillet 1983, à « créer exceptionnellement des établissements d'enseignement public dont il transfère la propriété à la collectivité territoriale compétente en vertu de la loi du 22 juillet 1983 » et ajoute que « le montant des crédits affectés à ces créations est déterminé chaque année par la loi de finances ».
IV : L'article 88, on le voit, ne contient donc que des dispositions qui fixent ce que devront contenir à l'avenir les lois de finances annuelles au regard des crédits destinés à la rémunération des personnels enseignants de l'enseignement privé.
De telles dispositions ne peuvent donc pas figurer dans une loi de finances annuelle, en l'occurrence la loi de finances pour 1985, sans contrevenir aux dispositions constitutionnelles et législatives rappelées au I ci-dessus, notamment aux dispositions de la loi organique relative à la loi de finances, laquelle indique très précisément dans ses articles 31 et 1er quel doit être le contenu des lois de finances annuelles.
Si le Gouvernement entendait faire adopter par le Parlement les dispositions figurant à l'article 88 de la loi de finances pour 1985, il lui fallait déposer sur le bureau de l'une ou l'autre des deux assemblées du Parlement un projet de loi organique modifiant l'ordonnance n° 59-2 du 2 janvier 1959 portant loi organique relative aux lois de finances. Il y a d'ailleurs lieu de noter que cette ordonnance a d'ores et déjà été modifiée par la loi organique n° 71-474 du 22 juin 1971.
C'est donc en considérant que la procédure utilisée par le Gouvernement pour faire adopter par le Parlement les dispositions objet de l'article 88 n'est pas conforme aux dispositions de l'article 47 de la Constitution et des articles 31 et 1er de la loi organique sur le vote des lois de finances et sans s'attacher à savoir si les dispositions de l'article 88 sont ou non conformes à la Constitution que les sénateurs soussignés vous demandent, monsieur le président, messieurs les membres du Conseil constitutionnel, de déclarer que l'article 88 du projet de loi de finances pour 1985 n'est pas conforme à la Constitution.