Contenu associé

Décision n° 82-141 DC du 27 juillet 1982 - Saisine par 60 sénateurs

Loi sur la communication audiovisuelle
Non conformité partielle

Les sénateurs soussignés, conformément au 2ème alinéa de l'article 61 de la Constitution déférent au Conseil Constitutionnel la loi sur la communication audiovisuelle définitivement adoptée par l'Assemblée Nationale le 8 juillet 1982.
Ils estiment en effet que les dispositions de l'article 95 de cette loi, compte tenu notamment de la procédure ayant précédé son élaboration, ne sont pas conformes à l'article 74 de la Constitution.
Cet article 95 de la loi étend aux Territoires d'Outre-Mer et à la Collectivité Territoriale de Mayotte, l'ensemble des dispositions de la loi sur la Communication audiovisuelle.
Or, la présente loi, dans un certain nombre de ses dispositions, concerne directement l'organisation administrative et financière des Territoires d'Outre-Mer.
Pour s'en assurer, il suffit de lire les dispositions prévues à l'article 50 du projet de loi, qui prévoit la possibilité de créer par décrets, dans les TOM, des sociétés de radiodiffusion et de télévision chargées de conception et de la programmation des émissions du service public de la radiodiffusion et de la télévision.
D'autres dispositions de ce texte, comme les articles 27 et 29, répondent aux mêmes critères.
Le Gouvernement n'a d'ailleurs pas contesté cette affirmation, puisqu'il ressort de l'exposé des motifs de la présente loi, ainsi que des déclarations du Ministre de la Communication et d'une lettre du secrétaire d'Etat chargé des Départements et Territoires d'Outre-Mer, que le Gouvernement admet que les Assemblées Territoriales des Territoires d'Outre-Mer doivent être consultées sur le présent projet.
Les sénateurs soussignés demandent au Conseil Constitutionnel de dire que la Consultation des Assemblées territoriales n'a pas été effectuée.
En effet, l'Assemblée Territoriale de Polynésie Française a été saisie d'un projet, illisible et différent du texte déposé sur le bureau de l'Assemblée Nationale, par le Haut Commissaire de la République par intérim le jour même du dépôt à l'Assemblée Nationale, du texte qui vous est déféré.
Il est patent qu'avec le décalage horaire (12 heures d'avance de Paris sur Tahiti), le projet de loi a entamé le processus législatif avant même que l'Assemblée Territoriale de Polynésie ait pu en délibérer.
Par ailleurs, il est établi que l'Assemblée Territoriale de Nouvelle Calédonie a rendu son avis sur le projet de loi le 19 mai et qu'en conséquence le Gouvernement n'a eu connaissance de celui-ci qu'une fois la procédure parlementaire engagée.
Ni le gouvernement, ni le Parlement n'ont pu donc disposer des avis des Assemblées Territoriales avant de débattre de ce projet de loi.
Les sénateurs soussignés estiment que l'article 74 de la Constitution a pour objectif et pose l'obligation de faire en sorte que le Gouvernement et le Parlement soient dûment informés des avis rendus par les Assemblées Territoriales.
Il a donc été violé en l'espèce.
Il ressort clairement d'ailleurs de la Décision du 23 mai 1979 rendue par votre Haute Assemblée que la Consultation de l'Assemblée Territoriale : : doit porter sur le texte initial du projet de loi : doit être effectuée avant son dépôt sur le bureau de l'assemblée parlementaire saisie en premier lieu par le gouvernement.
Cette exigence d'antériorité a été rappelée dans vos décisions du 22 juillet 1980 (Code de procédure pénale) et des 30 et 31 octobre 1981 (radios libres) ainsi que par votre décision du 23 mai 1979 (territoire de Nouvelle Calédonie) qui donne acte au Gouvernement d'avoir consulté l'Assemblée Territoriale avant le dépôt du projet de loi sur le Bureau du Sénat.
On relèvera en outre que l'Assemblée territoriale de Nouvelle-Calédonie a donné son avis le 19 mai dernier et que cet avis aurait été transmis le 25 mai au gouvernement par télégramme.
Cet avis a ainsi été incontestablement rendu après la discussion du texte qui s'est déroulée du 26 avril au 15 mai en séance publique à l'Assemblée Nationale. Le Gouvernement ne pouvait donc en avoir eu connaissance au préalable et ne l'a d'ailleurs pas transmis pour information au Parlement. La même carence peut être relevée pour l'avis donné par l'Assemblée territoriale des îles Wallis et Futuna.
Ces observations démontrent à l'évidence que la consultation des Assemblées territoriales des TOM ne s'est pas faite dans les conditions permettant le respect de l'article 74 de la Constitution.
Pour toutes ces raisons, et toutes celles que le Conseil Constitutionnel voudra bien évoquer, les Sénateurs soussignés demandent au Conseil de bien vouloir déclarer non conforme à la Constitution la loi sur la Communication Audiovisuelle.