Décision n° 81-130 DC du 30 octobre 1981 - Saisine par 60 sénateurs
Les soussignés, agissant sur la base de l'article 61, alinéa 2, de la Constitution, défèrent au Conseil Constitutionnel la loi, adoptée définitivement par le Parlement, portant abrogation de la loi n° 80-564 du 21 juillet 1980, modifiant les articles 13, 14 et 15 de la loi d'orientation de l'Enseignement Supérieur du 12 novembre 1968 et portant modification des articles 14 et 15 de ladite loi.
I : L'article 6 de la loi dispose que les Présidents d'Universités et les Directeurs D'UER élus avant le 1er juillet 1980 restent en fonction jusqu'à l'expiration de leur mandat.
En revanche, il ressort de son alinéa 2 que les Présidents d'Universités et les Directeurs d'UER élus selon les règles instituées par la loi du 21 juillet 1980, voient leur mandat cesser par l'effet de la loi.
Le texte est ainsi rédigé : « Il est mis fin, à compter de la date de l'élection de leurs successeurs par les nouveaux conseils, au mandat des autres présidents et directeurs ; à titre exceptionnel, les présidents visés dans cet alinéa sont immédiatement rééligibles à la condition que le mandat en cours, auquel il est mis fin, n'ait pas fait suite immédiatement à un précédent mandat ».
Cette disposition est susceptible de s'appliquer à 28 présidents d'Universités et à un nombre important de directeurs d'UER élus régulièrement après le 15 décembre 1980.
Or, elle porte atteinte directement au principe d'égalité devant la loi inscrit à l'article VI de la Déclaration des Droits de 1789 mentionnée dans le préambule de la Constitution, principe en outre réaffirmé au premier alinéa de l'article 2 de la Constitution elle-même.
En effet, les présidents et directeurs élus avant le 1er juillet 1980 voient leur mandat confirmé jusqu'à son terme légal (5 ans ou 3 ans) tandis que les présidents et directeurs élus depuis l'entrée en vigueur de la loi du 21 juillet 1980 voient leur mandat cesser après une durée approximative d'un an ou moins.
Dans sa décision du 12 juillet 1979 (affaire des ponts à péage, JO p 1824), le Conseil Constitutionnel s'est exprimé ainsi : « Considérant que si le principe d'égalité devant la loi implique qu'à situations semblables il soit fait application de situations semblables, il n'en résulte pas que des situations différentes ne puissent faire l'objet de solutions différentes ».
Il a adopté la même attitude à propos de la représentation des catégories au sein des conseils d'université, justement à propos de la loi du 21 juillet 1980 (Conseil Constitutionnel 17 juillet 1980, JO p 1836).
Or, en l'espèce, tous les présidents d'universités et tous les directeurs d'UER se trouvent dans des situations semblables et ne peuvent faire l'objet d'un traitement discriminatoire selon la loi applicable au moment de leur élection : ils ont tous été élus régulièrement selon les règles législatives applicables au moment de l'élection ;
: ils ont tous été élus pour une durée identique, respectivement 5 ans pour les présidents et 3 ans pour les directeurs d'UER ;
: ils exercent tous des fonctions identiques.
Par conséquent, ils ne se trouvent pas placés dans des situations différentes et les discriminations instituées entre eux quant à la durée de leur mandat constituent des violations caractérisées du principe constitutionnel d'égalité devant la loi.
II : L'article 14, avant-dernier alinéa, de la loi du 12 novembre 1968 prévoyait, dans sa rédaction initiale, que si les étudiants étrangers régulièrement inscrits étaient électeurs pour les élections universitaires, n'étaient éligibles que « les étudiants étrangers ressortissant de pays avec lesquels existent des accords de réciprocité ».
La loi votée fait disparaître cette condition de réciprocité de sorte que des étudiants étrangers pourront être élus membres des conseils alors que des étudiants français ne seraient pas éligibles dans les universités des pays auxquels les étudiants étrangers ressortissent.
Si le texte initial de la loi de 1968 avait prévu la clause de réciprocité pour l'exercice par des étrangers d'une fonction publique, c'est parce qu'il avait respecté la règle constitutionnelle de réciprocité en matière d'application des traités telle qu'elle est affirmée par l'article 55 de la Constitution. On remarquera qu'il ne s'agit pas ici de demander au Conseil Constitutionnel de se prononcer sur la conformité de la loi à un traité, mais de statuer sur la conformité d'une loi à règle constitutionnelle relative aux relations internationales en déclarant non conforme la disposition précitée.
Par ces motifs et tous autres à soulever d'office par le Conseil Constitutionnel, Les soussignés demandent au Conseil de déclarer la loi susvisée contraire à la Constitution.